Le bilan de la politique d’Emmanuel Macron en Afrique, plus que mitigé, ne répond à aucune grille de lecture claire
Le tempérament transgressif du jeune chef de l’État français qui a d’abord suscité beaucoup d’espoirs, connait des lendemains qui déchantent aussi bien en France qu’à l’étranger. La politique étrangère française a connu, en presque deux années de mandat du président Macron, de profonds changements. La perte d’influence de la France perceptible sous Sakozy puis Hollande a-t-elle été enrayée ? On peut en douter.
La rupture avec les grands axes de la politique étrangère, telle qu’elle avait été définie par le Général de Gaulle et remodelée par le président Mitterrand, est de plus en plus visible. Que ce soient la priorité donnée au multilatéralisme, l’européisme militant, l’extension du domaine réservé de l’Elysée, les nominations intuitu personae dans les ambassades et les nouvelles relations interétatiques, ces changements inquiètent plus qu’ils ne rassurent.
« Nouveau monde »ou déni des réalités
Les actions tendant à essayer de consolider un multilatéralisme affaibli et mis à mal par les présidents Trump et Poutine interpellent. A quoi peut ressembler le multilatéralisme sans les Etats-Unis d’Amérique, la Russie, la Chine ? La nomination d’un proche du président Trump, David Malpass, à la tête de la Banque mondiale, le rejet par Trump de nombreux accords internationaux et les restrictions américaines aux aides apportées au système onusien annoncent des lendemains difficiles pour le multilatéralisme.
Les déclarations de foi envers une Union européenne de plus en plus contestée, à l’heure du Brexit et des émancipations nationales, telles que celles constatées en Italie, Pologne, Hongrie et Autriche questionnent. Les affaires du veto européen à la fusion Alstom/ Siemens et du rejet européen d’une taxe sur les Gafa montrent à l’évidence le chemin à parcourir pour concilier le libéralisme européen et la défense des intérêts nationaux. Les échecs en matière de politique d’immigration, la cacophonie en matière de politique de défense, la question récurrente des paradis fiscaux européens ( Chypre, Malte, Irlande, Luxembourg) et l’impossible harmonisation fiscale sont des réalités incontournables sauf à se complaire dans l’utopie.
En dépit de l’Accord Franco-Allemand d’Aix-la-Chapelle, les relations entre les deux pays connaissent des turbulences jusqu’ici inconnues. La question du siège permanent de la France au Conseil de sécurité de l’ONU est désormais en débat entre les deux pays, surtout après le Brexit. Les lignes de fracture entre la France et l’Allemagne sont de plus en plus apparentes notamment en matière d’immigration, de relations avec l’Europe de l’est et les pays méditerranéens, de commerce extérieur et de réforme des institutions européennes.
Ces nominations qui court-circuitent le Quai d’Orsay
Sans s’attarder sur l’embrouillamini des passeports diplomatiques utilisés par Alexandre Benalla, après son licenciement, et sa visite invraisemblable à Idriss Deby Itno, quelques jours avant la visite officielle du président Macron au Tchad et sans que ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, en soit informé par son ambassadeur, il convient de constater que la verticalité du pouvoir est également de mise pour la politique étrangère.
La décision personnelle d’Emmanuel Macron de soutenir la candidature de la ministre des affaires étrangères du Rwanda auparavant peu francophile, Louise Mushikiwabo, à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie, a été considérée comme le fait du prince par de nombreux défenseurs de la francophonie, notamment en Afrique.
Le puissant syndicat CFDT du Quai d’Orsay a demandé avec succès au Conseil d’Etat la censure du décret du 4 août 2018 qui aurait permis la nomination discrétionnaire par le gouvernement et le chef de l’Etat de 22 consuls généraux sur 89 postes existants. Parmi ceux-ci, Philippe Besson avait été proposé pour le consulat de Los Angeles. Cet ami personnel du couple présidentiel n’ira donc pas à Los Angeles.
Incompréhensions en Afrique
Vis-à-vis de l’Afrique, les incompréhensions se multiplient. Il y eut d’abord la création d’un Conseil présidentiel pour l’Afrique avec neuf membres, originaires pour la plupart d’Afrique, nommés par le président Macron. Leur représentativité de la societe civile africaine a été vite sujette à caution. Leurs propositions sont-elles plus pertinentes que celles des ambassadeurs en poste et des députés et sénateurs des Français à l’étranger de la zone Afrique ? Ne s’agit-il pas plutot de communication ?
Les représentants personnels d’Emmanuel Macron remplacent le plus souvent des représentants officiels de l’État. Ainsi la franco-marocaine Leïla Slimani, prix Goncourt 2016, a été nommée représentante personnelle pour la Francophonie. Dernièrement, Ségolène Royal, ambassadrice chargée de la négociation pour les Pôles Arctique et Antarctique, mais native de Dakar, a été la représentante personnelle d’Emmanuel Macron à l’investiture du président sénégalais Macky Sall. Le député de Saint-Brieuc, Hervé Berville, mais natif de Kigali et rescapé du génocide du Rwanda, a représenté le chef de l’État auprès de Paul Kagame pour le 25 ème anniversaire du génocide. Enfin, le promotionaire d’Emmanuel Macron à l’ENA, Jules-Armand Aniambossou a été nommé coordinateur du Conseil présidentiel pour l’Afrique. Ce haut fonctionnaire franco-beninois, avait précédemment été l’ambassadeur du Bénin à Paris (2013-2026). Il vient d’être proposé pour être, cette fois-ci, ambassadeur de la France en Ouganda. Pour la première fois, un ambassadeur de la France avait été, trois ans auparavant, ambassadeur à Paris pour le compte d’un État étranger.
Le tempérament transgressif du chef de l’Etat exaspère de nombreux diplomates et militaires qui s’inquiètent de plus en plus ouvertement de la perte d’influence de la France, notamment en Afrique, et regrettent des déclarations urbi et orbi aussi inutiles qu’inopportunes et qui sont même parfois blessantes.