L’arrestation le 14 octobre de cinq généraux, dont trois chefs de région intouchables, éclaire le coup de force tenté par l’ancien chef de la police, le général Hamel, de s’emparer des leviers de commande du pays.
Au tribunal militaire de Blida au sud d’Alger, des gendarmes d’élite escortent, ce 14 octobre à deux heures du matin, cinq hommes menottés qui sortent du cabinet d’un juge d’instruction qui a rang de général. Il s‘agit de cinq généraux majors, le plus haut grade de l’armée algérienne, dont deux commandaient sans contestation possible et avec tous les pouvoirs, les deux principales régions militaires du pays à Alger et Oran « Enrichissement illégal, abus de poste» : les accusations sont graves, la procédure inédite au sein de l’institution militaire qui règle traditionnellement ses différents en famille ou par une rafale de mitraillette.
Pourtant la corruption dont ces gradés sont accusés, fait figure de leurre. Le plus probable est leur implication, nous indiquent des sources fiables à Alger et Paris , dans une tentative de coup d’Etat, stoppée par l’actuel patron du ministère de la Défense, le général Gaïd Salah, allié pour le meilleur et pour le pire avec le Président Bouteflika.
Abdelghani Hamel, la tète d’affiche
En Algérie, les couteaux sont sortis et la crise du régime algérien est visible à l’oeil nu. Les portes de l’APN (Assemblée Populaire Nationale) viennent d’être cadenassées pour en interdire l’accès à son président et troisième personnage de l’Etat, Said Bouhadja. Du jamais vu dans un pays où de discrets conclaves règlent habituellement les conflits les plus durs entre « décideurs ». C’est le vide du pouvoir créé en Algérie par la grave maladie qui affecte le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui a créé de graves turbulences au plus haut niveau de l’Etat.
Le feuilleton ahurissant auquel on a assisté depuis cet été, a débuté avec la révocation, sans préavis, du patron de la police algérienne, Abdelghani Hamel. Du brutal! Originaire de l’Ouest du pays comme le sont la plupart des figures du clan présidentiel et connu pour sa proximité familiale avec Bouteflika, ce général-major était présenté, ces derniers mois, comme un possible successeur du chef de l’Etat, dans l’hypothèse où « Boutef » ne se représenterait pas en avril 2019. La possible éviction d’un des hommes forts du régime était juste impensable pour tous les bons connaisseurs de l’Algérie.
La réalité de cette éviction spectaculaire, la voici: le général Hamel s’était rendu, ces dernier mois, à l’évidence et avait tourné casaque. Il a réalisé que la maladie de son mentor, le président Bouteflika, était irréversible et que un cinquième mandat, réthorique reprise par une partie de la classe politique et des chancelleries (dont la France ces derniers jours encore), était juste irréaliste compte tenu de la santé du chef de l’état..
Dans l’hypothèse d’une transition accélérée, l’ambitieux militaire réalise qu’il n’est pas le seul héritier possible au sein de l’écurie présidentielle, en raison du projet longtemps caressé par Saïd Bouteflika, de prendre la succession de son frère. D’où l’idée du général Hamel de développer ses propres réseaux et de préparer son accession au pouvoir, sans la bénédiction de la Présidence. Le fidèle militaire a choisi de trahir son propre camp, une figure classique dans la lutte pour le pouvoir.
Il s’agit avant tout pour le général Hamel d’isoler le chef de l’état major et vice-ministre de la défense, Gaïd Salah. Nommé par Bouteflika peu de temps après son accès au pouvoir, ce dernier s’est toujours montré légitimiste, même s’il s’est opposé à une succession familiale à la cubaine, qui verrait Said Bouteflika prendre le pouvoir. Sans être inféodé au clan présidentiel originaire de l’Ouest, cet homme originaire de l’est du pays a conclu une alliance avec le chef de l’Etat qui résiste au temps.
Pour le marginaliser, le général Hamel a tenté d’agréger les adversaires du vice-ministre de la Défense. Er ils sont nombreux au sein de l’armée et ailleurs. Il a échoué et payé cher ce qui fut une trahison mal orchestrée.
Yazid Zerhouni, l’allié
Ainsi les orphelins de l’ancien patron du DRS (services algériens), le général major Toufik, débarqué en 2015, sont encore très actifs dans les allées pouvoir. Il va s’agir pour le général Hamel de les séduire. Sa première cible devait être l’ancien patron de la Sécurité Militaire (SM) à la mort de Boumedienne, puis ministre de l’Intérieur de Bouteflika, l’ancien colonel Yazid Zerhouni.
Depuis sa brouille avec Boutef en 2012, ce nationaliste convaincu, qui a servi l’Etat algérien avec passion, réside à Paris où il reçoit beaucoup. Cet homme devenu discret croit fermement à la nécessité de trouver un candidat de consensus qui puisse fermer la parenthèse d’un Bouteflika amoindri et impuissant. Il aurait eu comme mission, nous indiquent nos sources, de vendre l’option Hamel à l’establishment américain qu’il connait bien. Il devait aussi, nous dit-on, convaincre ses « amis » français de « lâcher » un Président à bout de forces. L’ancien patron des services français, Bernard Bajolet, ambassadeur à Alger en 2006, qui déclare au « Figaro » que Bouteflika « en état de survie artificielle », est-elle la conséquence de ce lobbying? La question mérite d’être posée.
Dans un deuxième temps, le général Hamel devait se rapprocher du chef de la DCSA (renseignement militaire), Mohamed Tireche, dit « Lakhdar », une proie facile dans la mesure où des rumeurs non démontrées l’accusent d’être impliqué dans l’affaire dite du port de la ville de Cherchell ou encore dans le dossier explosif des prêts bancaires agricoles dont a bénéficié son frère. Le voici qui devient l’œil des adversaires de Gaïd Salah au sein même du ministère de la défense. Du moins jusqu’à ce qu’il soit finalement neutralisé, voici un an, puis écarté de ses fonctions il y a quelques mois.
L’ancien patron de la garde républicaine et fin connaisseur de la gendarmerie qu’est Hamel a approché également le général Menad Nouba, puissant chef des hommes en verts. Lequel sera lui aussi écarté, cet été, par décision conjointe de la Présidence et de l’Etat-Major, dont l’alliance est sortie renforcée de la tentative de déstabilisation qu’ils ont vécu.
Les chefs de région, l’enjeu décisif
Pour s’assurer un maillage total de l’appareil sécuritaire, les conjurés ont cherché, semble-t-il, à attirer également dans leur camp les puissants chefs des régions militaires. Sauf qu’averti de ce retournement de ses propres collaborateurs, Gaïd Salah a actionné, sans faiblir, la justice militaire qui, comme on l’a vu, vient d’incarcérer cinq hauts gradés, dont trois chefs de région militaire.
Un d’entre eux, le puissant général Saïd Bey, longtemps patron de la deuxième région militaire d’Oran, avait discrètement quitté l’Algérie après avoir été révoqué pour un séjour en France, puis en Belgique avec la volonté de prendre quelques contacts utiles. Il fut immédiatement sommé par le ministère de la Défense de revenir au pays sous peine de graves sanctions. Ce qu’il fit, hélas pour lui, car il n’échappa pas, le 14 octobre, à une mise en détention. Le commissaire qui avait facilité l’exfiltration du général Bey vers l’Europe vient d’être remercié, nous indiquent nos contacts à Alger. Ambiance !!!
Un autre homme clé du complot du général Hamel- on ose dire du « putch des généraux », une expression connotée- aura été le commissaire Djilali Boudalia qui, à la tète des renseignements généraux, prit soin d’épier les faits et gestes des frères Bouteflika. Sur fond de fuites alarmantes sur l’état de santé du Président. Parallèlement une campagne de discrédit de l’institution militaire s’est développée, via l’instrumentalisation de certains blogueurs qui comme Emir.dz qui ont dénoncé les appétits financiers des proches du vice ministre de la défense. Par ailleurs, le mouvement citoyen « Mouatana », très hétéroclite dans sa composition et sincère dans ses convictions, fut discrètement encouragé par quelques habiles émissaires à manifester un refus catégorique du « cinquième mandat » du Président Bouteflika. Enfin le Premier ministre Ouyahia a pris ses distances avec la Présidence qu’il avait jusqu’à présent habilement ménagée. Autant de signaux négatifs dirigés vers le locataire du Palais de Zeralda, Abdelaziz Bouteflika, dans l’espoir de le décourager.
Le coup de force de cette camarilla de généraux a finalement échoué. Dans une guerre éclair magistralement menée, Gaïd Salah est parvenu, avec l’appui des Américains, à utiliser le scandale de la cocaïne, gérée par ses hommes, pour éclabousser, voire abattre, ses adversaires.
A bout de forces enfin, le président Bouteflika a su utiliser son chef d’Etat Major comme l’ultime rempart d’un pouvoir vacillant. Bien joué !
Un correctif, le plus haut grade de l’armée algérienne n’est pas général-major, mais « général de corps d’armée » (grade de Gaïd Salah chef d’état-major de l’ANP et vice-ministre de la défense).
Quand l´armée, comme en algerie, a tant de pouvoir (ou dans n´importe quel autre pays), il faut s´attendre á la catastrophe, au sous-développement, á la corruption … et á la ruine.
concernant l’arrestation des généraux , on oublie ou on donne peu d’importance aux fortunes ammassées par ces memes généraux , et surtout l’affaire des 700 kg de cocaine , sans oublier les liens étroits tissés avec kamal le « boucher »