En Mauritanie, des personnalités ont signé, le 17 avril dernier, un Pacte en faveur d’une « Alternance pacifique », alors que des élections législatives et présidentielles ont lieu respectivement cette année et l’année prochaine.
Notre pays a subi pendant plus de dix ans les conséquences d’une politique caractérisée par l’improvisation et les objectifs de court terme ; politique qui a causé d’énormes préjudices pour l’administration, l’économie et la société. Ainsi, le principe de continuité de l’administration n’est plus respecté et les critères de recrutement et de nomination sont complètement ignorés.
Toujours en raison de cette gestion désastreuse, le pays n’a que peu profité de la manne financière exceptionnelle provenant de la hausse vertigineuse des prix mondiaux des minéraux, notamment ceux du fer (2008 – 2014), dont les revenus ont été investis dans des projets de propagande, non prioritaires et à faible rentabilité pour l’économie et la société, et dans l’édification d’un vaste empire personnel au profit du Président, avec l’exclusion systématique et ouverte des hommes d’affaires et des investisseurs étrangers, ce qui a eu un impact négatif sur l’environnement de la concurrence et le climat des affaires.
Pis encore, la dette extérieure a atteint, lors de cette période d’abondance, près de 5 milliards de dollars, soit 104% du Produit Intérieur Brut, alors que notre pays avait bénéficié il y a peu de l’annulation de sa dette. Ce surendettement pèsera longtemps sur les finances publiques au détriment des dépenses sociales qui doivent contribuer à alléger les conditions de vie de plus en plus difficiles des citoyens.
Bien que riche en ressources naturelles, et ayant une population relativement faible, et doté d’un vaste territoire, notre pays, en raison de la gestion incompétente du régime, se trouve en queue des classements des indicateurs mondiaux en matière de pauvreté, de chômage, d’éducation, de santé, de sécurité,de corruption, de qualité des climat des affaires et d’état d’équipement de l’armée.
Ces atouts et les ressources considérables qui en sont tirées n’ont malheureusement pas servi à améliorer les conditions de vie des citoyens, et la cohésion et la paix sociale s’en trouvent menacées, en l’absence de programmes visant à atténuer la pauvreté et à corriger les inégalités les plus criantes qui alimentent les postures et discours particularistes.
L’unité nationale et la cohésion sociale sont par ailleurs gravement menacées par la persistance du fléau de l’esclavage que le régime persiste à nier, et du problème du passif humanitaire qui n’a toujours pu être définitivement réglé.
L’on a d’ailleurs observé que l’Etat a subrepticement abandonné ses fonctions premières de lutte contre la pauvreté, de régulateur des prix, de soutien du pouvoir d’achat, au moment où les prix des produits de première nécessité connaissent une flambée, et de créateur d’emplois. Au contraire, l’on est en droit de se demander si les objectifs délibérément poursuivis par le régime sont d’appauvrir et d’écraser le citoyen par la hausse incontrôlée des prix, par les profits abusifs que le budget tire du maintien des prix excessifs des hydrocarbures, et par le poids des impôts, et notamment les taxes sur les produits de grande consommation quotidienne comme le riz, le lait, les pâtes alimentaires et les matériaux de construction…
Au plan des valeurs et des libertés, le régime a dépassé toutes les lignes rouges, en violant délibérément et à plusieurs reprises la Constitution, en empiétant les droits fondamentaux d’expression par sa répression violente des manifestations pacifiques, en instrumentalisant la Justice pour le règlement des comptes avec ses opposants : c’est ainsi que le sénateur Mohamed OuldGhadda, des militants de l’IRA, et le jeune ex-militaire Mohamed Ould Mbarek sont arbitrairement détenus, et que des sénateurs, des syndicalistes et des journalistes sont sous contrôle judiciaire. Pire, les agissements répréhensibles du régime n’ont même pas épargné le domaine du sacré, dans la mesure où la religion a été exploitée à des fins politiciennes et mercantiles.
C’est ce contexte de déception, de mécontentement général et de frustration, qui désespère de voir le bout de l’obscur tunnel dans lequel se trouve le pays depuis quelque temps.
Ce climat délétère se trouve particulièrement aggravé cette année par une sécheresse dévastatrice qui menace d’emporter une partie du cheptel, source de vie et de survie d’une grande partie de la population. Là aussi, le régime a fait montre de négligence et de défaillance, en tardant à mettre en œuvre un programme d’urgence pour le sauvetage de notre richesse animale et pour secourir nos éleveurs.
Malgré la situation catastrophique du pays, résultat de sa gestion désastreuse, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui est pourtant à la fin de son ultime mandat, n’a jusqu’ici rien entrepris pour adoucir la fin de son règne, et pour restaurer la confiance en l’avenir, et créer un climat consensuel pour garantir l’alternance pacifique au pouvoir dans un environnement apaisé qui préserve le pays contre les risques de dérive qui le menacent.
Mais Mohamed Ould Abdel Aziz, aveuglé par son arrogance et son dédain pour ce peuple, reste sourd à tous les appels à la raison, et, continue à s’enfermer dans une logique de confrontation et d’exclusion avec son opposition, et de marginalisation des élites et des compétences au profit d’inconnus recrutés de la rue.
Cette attitude de dédain et de mépris s’est récemment illustrée par l’exclusion de l’opposition de la préparation des élections, notamment la formation de la Commission nationale indépendante des Elections.
L’implication flagrante de l’Administration et de l’appareil d’Etat en général, y compris l’institution militaire, dans l’opération récente d’implantation du parti du Président est une autre confirmation que M. Ould Abdel Aziz ne veut rien changer dans son style dictatorial et personnel d’exercice du pouvoir.
Cet entêtement et cette attitude irresponsable commencent à instiller le doute et l’inquiétude dans l’esprit des courtisans les plus zélés, qui ne peuvent plus ignorer les conséquences destructrices des agissements du régime. Les esprits sont en train de s’éveiller et les citoyens de tout bord commencent à ouvrir les yeux sur l’étendue des dégâts et les dangers qui guettent le pays, et à prendre conscience de leurs responsabilités.
Devant le risque réel que notre pays devienne un Etat défaillant (‘Failed State’), nous invitons tous les mauritaniens soucieux de l’avenir de leur pays, à se joindre à l’Appel du Pacte pour l’Alternance pacifique, lancé par un groupe de fils du pays mus par la sauvegarde des intérêts supérieurs de la Nation et par le souci de le préserver des affres et des souffrances de l’instabilité.
Nous sommes confiants que cet appel sera entendu par de grandes franges de notre société, intellectuels, professeurs, étudiants, professions libérales, hommes d’affaires, agriculteurs, éleveurs, simples citoyens, qui ne peuvent plus supporter de subir autant d’humiliations, et qui doivent avoir compris que le silence dans ce genre de situation est une forme de complicité, et qu’ils ne peuvent plus se dérober à leur responsabilité historique. C’est l’occasion, alors que nous sommes à la veille d’échéances électorales déterminantes pour l’avenir de notre pays, d’œuvrer à la création d’un nouveau rapport de forces qui contribue au rétablissement du Droit.
Nous lançons un appel solennel à toutes les bonnes volontés et aux citoyens libres quelles que soient leurs orientations et leurs positions, dans l’opposition, la majorité gouvernementale ou apolitiques, de transcender toutes les différences et d’unifier la vision et les capacités afin de sauver et de mettre le pays sur la bonne voie, celle qui permet d’assurer sa stabilité et sa cohésion.
Nous saisissons également l’occasion pour mettre en garde tous ceux qui s’érigent en obstacles devant les aspirations du peuple à une alternance pacifique et apaisée.
Nous appelons à créer un climat d’entente générale au travers d’un pacte national engageant tous les mauritaniens, restaurant un climat de confiance entre tous les protagonistes, garantissant l’égalité des chances des concurrents politiques, et permettant de créer les conditions d’une alternance dans la paix. A cet effet, il est nécessaire de :
– libérer les prisonniers politiques et abandonner les poursuites contre les autres personnalités soumises au contrôle judiciaire et annuler les mandats d’arrêt internationaux émis envers les hommes d’affaires ;
– recomposer la Commission électorale nationale indépendante et le Conseil constitutionnel sur des bases consensuelles ;
– adresser dès à présent des requêtes aux organismes internationaux comme l’ONU et l’Union européenne pour la mise à disposition d’observateurs des élections ;
– auditer et mettre à jour la liste électorale par un comité paritaire ;
– dynamiser et actualiser la loi de gestion des campagnes électorales ;
– mettre en place un système agréé par tous les protagonistes pour garantir la neutralité des appareils de l’Etat comme l’institution militaire, l’administration, les établissements publics, et interdisant l’utilisation des ressources publiques et de l’influence de l’Administration dans le processus politique.
Suite à cet appel, nous poursuivrons nos efforts en vue rassembler le plus grand nombre de bonnes volontés autour des objectifs détaillés plus haut, en vue de l’élaboration d’une feuille de route programmant les différentes activités du Pacte à court et moyen termes.
Qu’Allah guide nos pas
Nouakchott, le 17 avril 2018
Pour le Pacte, les signataires :
Ahmed Ould Saleck, ancien ministre
Mohamed Ould El Abed, ancien ministre
Sidi Mohamed Ould Sidina, ancien ministre
Mohamed Lemine Ould Deidah, ancien ministre
Senniya Mint Sidi Haiba, ancienne ministre
Youssou Sylla, sénateur
Al Maalouma Mint Al Meydah, sénatrice
Abdallahi Mamadou Ba, ancien porte- parole du Président de la République
Mine Ould Abdoullah, avocat
Oumar Ould Beybacar, colonel à la retraite
Dr. Cheikh Ould Sidi Abdallah, professeur d’université
Dr. Didi Ould Saleck, professeur d’université
Moussa Ould Hamed, journaliste
Saleck Ould Inalla, activiste des droits de l’homme
Mohamed Lemine Ould El Vadhel, écrivain journaliste Tel. 46821727
Saad Ould Hamadi, expert en marketing électronique
Mohamed Mahmoud Ould Bacar, écrivain journaliste Tel. 48880000