L’emprisonnement de l’ex président « Lula » devrait faire réfléchir bon nombre de présidents africains accrochés au pouvoir qui ont fait main base sur les richesses de leurs pays.
L’ex-président brésilien Lula a commencé, dans la nuit de samedi à dimanche, à purger une lourde peine de prison pour corruption, au terme des plusieurs jours mouvementés qui marquent la chute de cette figure de la gauche mondiale. Le favori de la présidentielle d’octobre est arrivé à bord d’un hélicoptère sur le toit du siège de la police fédérale de Curitiba, la capitale de la lutte anticorruption. Bien qu’il soit une véritable idole d’une grande partie de l’opinion brésilienne, le président « Lula » n’a pas échappé à la justice de son pays.
On nous dira que le juge brésilien a pu être politiquement instrumentalisé. Possible, mais il reste que des magistrats au Brésil peuvent condamner une star de la vie politique à de la prison
« Voleurs, rendez vous l’argent »
Ce n’est pas la première fois que des magistrats en Amérique du Sud montrent l’exemple en matière de lutte contre la corruption et met en cause des chefs d’état ou d’anciens présidents. La démission forcée, le 2 septembre 2015, du président du Guatemala, Otto Perez, dénoncé par la rue aux cris de « voleurs, rendez nous l’argent », est un précédent qui fit date. Ce fut son rôle dans les trafics douaniers de son pays qui avait été à l’époque le principal grief qui lui était reproché par une opinion en colère. Des pays africains où de tels détournements sont opérés sont légion.
Pour n’en citer qu’un, la Mauritanie qui importe une partie de sa consommation interne via les deux grands ports de Nouakchott et de Nouadhibou constitue un formidable laboratoire en matière de pillage des revenus douaniers au profit de quelques clans prédateurs protégés par le régime du président Aziz, au pouvoir depuis 2008. Ce constat, certains chefs de l’opposition en Mauritanie le dressent publiquement. Le président de l’Union des Forces de Progrés (UFP), Mohamed Ould Maouloud, avait dénoncé courageusement voici trois ans le détournement des droits portuaires par les proches du régime. » Un petit cercles d’amis du régime utilise les appels d’offre en apparence ouverts pour s’approprier les marchés publics. Ces privilégiés se débrouillent pour fausser les rêgles du jeu. Les bateaux de leurs concurrents ne sont pas chargés à temps et les tarifs douaniers qui leur sont appliqués sont plus élevés ».
Le cocktail à l’oeuvre au Guatemala où l’on a vu une union sacrée entre la société civile, une poignée de juges et une ONG courageuse soutenue par l’ONU pourrait être explosif pour de nombreux régimes. Or pourtant en Afrique, rien ne se passe. La corruption au sommet des Etats, qui au Brésil et au Guatemala peut être remise en cause, reste monnaie courante en Afrique, sans que les pouvoirs en place soient menacés. Les procédures engagées dans les dossiers dits des biens mal acquis au Gabon, au Congo et en Guinée, n’ont pas encore fait vaciller les coupables régimes. Les grandes institutions internationales (FMI, Banque Mondiale ou ONU) restent aveugles face aux détournements connus de tous.
Pourquoi tant d’inertie de la part des sociétés civiles africaines? Et tant de passivité de la part des partenaires occidentaux? Il est temps de réveiller les opinion publiques sur ces détournements de richesse qui handicapent le développement et gangrènent les timides efforts vers plus de démocratie et de pluralisme.
Du Guatemala à la Mauritanie, « voleurs, rendez nous l’argent »