La crise de l’emploi fragilise le pouvoir sénégalais

Au Sénégal, le nouveau régime incarné par le président de la République Bassirou Diomaye Faye et son premier ministre Ousmane Sonko peine à tenir une promesse électorale liée à la création d’emplois massifs pour les jeunes. Les autorités considèrent le secteur agricole comme la voie du salut, à travers des programmes de coopératives agricoles. 

Ibrahima Dieng (Correspondant à Dakar)

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D’une matinée du lundi au climat chaud et sec, l’ambiance de fête prévaut à Dakar. Les rues de la médina, à dix minutes du Centre ville sont animées. Des jeunes profitent des instants d’échanges chaleureux au tour du thé. Au bout d’une ruelle ouvrant vers le Boulevard Mamadou Dia, une horde de motos cyclistes attire les attentions. On en compte une trentaine. La particularité est que les jeunes conducteurs âgés entre 25 et 35 ans, sont debout ou assis derrière ces moyens de déplacement, guettant les potentiels clients. Le transport par moto est leur gagne-pain avec de modestes revenus qui varient entre 3,5 à 4 euros par jour.

Le visage barbu, corps suant à grosses gouttes, muscles saillants, Abdoulaye Fall pleure sur son sort. Titulaire d’un master en management depuis 2022, il peine à se faire une place sur le marché de l’emploi. Du coup, après les études, il s’est résigné à intégrer le transport informel par moto avec tous les risques encourus. « C’est le grand désespoir. Après deux années de chômage et de précarité, j’ai opté pour ce créneau car il n’y a pas de travail. Le marché est saturé », regrette-t-il, la mine renfrognée.

La même désolation anime son camarade Moustapha Sylla. Il est également conducteur de moto. Et c’est depuis bientôt trois ans. Il a quitté Mbour et son activité de pêche pour s’installer dans la capitale. « La mer a perdu ses ressources. Les poissons se font de plus en plus rare. Et j’ai basculé dans ce secteur. Les gains sont minimes, les lendemains incertains », décrie-t-il. Au Sénégal, plus de 300 000 demandeurs d’emplois sont enregistrés chaque année selon l’Agence nationale des statistiques et de la Démographie (Ansd). Cela dépasse largement le nombre de fonctionnaires qui est de 127 130 agents. 

Des licenciements massifs

Selon l’Agence nationale des statistiques et de la démographie (Ansd), pour le troisième trimestre de l’année 2024, le taux de chômage au Sénégal, a atteint 20,3 %, enregistrant une légère hausse par rapport au taux de 19,5 % observé à la même période en 2023, soit une augmentation de 0,8 point de pourcentage.

Au Sénégal, la tendance est à une perte d’emplois dans plusieurs entreprises publiques du pays. La situation est causée par un contexte économique et financier difficile mais également par des audits des différents personnels. L’aéroport international Blaise Diagne (AIBD) par exemple a fini de mettre un plan social qui va sanctionner le départ d’une centaine de travailleurs. Cela fait suite à un audit organisationnel et des effectifs qui révélé des recrutements massifs entre 2022 et 2024 et des décisions peu heureuses qui ont précipité AIBD SA dans une situation préoccupante.

De 275 agents après la fusion avec l’Agence des Aéroports du Sénégal (ADS), en 2021, AIBD SA est passée à 938 agents entre 2022 et 2024, créant un déséquilibre financier alarmant ». « En 2024, AIBD SA a généré 7 milliards FCFA de ressources pour 23 milliards FCFA de charges. La Redevance de Développement des Infrastructures Aéroportuaires (RDIA) a été mise en gage pour payer des dettes, et l’État doit combler le déficit. Ce n’est plus possible. AIBD SA ne doit pas être un fardeau pour l’État. L’insoutenable masse salariale, le déficit structurel et les dysfonctionnements entravent les projets de développement », a souligné Cheikh Bamba Dièye.

Le Grand Théâtre National de Dakar s’étend sur six étages et comprend 206 salles, incluant des espaces de répétition, des zones techniques et des salles d’exposition.

Cette situation concerne également d’autres entités publiques. Le Grand Théâtre de Dakar a procédé récemment à une soixantaine de licenciements. Au Port autonome de Dakar, près de 700 employés dont les contrats sont arrivés à terme n’ont pas été reconduits. Récemment, le ministère de la Santé et de l’Action sociale a procédé au licenciement de 156 agents contractuels du ministère. Selon le ministre, cette décision fait suite à une évaluation des 4500 agents recrutés sous contrat annuel par le ministère de la Santé. Cette question a été abordée le lundi 14 avril 2025 par le premier ministre Ousmane Sonko lors de son passage à l’Assemblée nationale. Il a parlé de licenciements techniques, avant de demander à ceux qui se sentent lésés DD saisir la Justice, qui se chargera de prononcer un jugement. 

L’agriculture, l’espoir!

 Pour renverser la tendance, le Gouvernement mise sur l’exploitation agricole. Dans ce cadre, le premier ministre Ousmane Sonko a lancé le 21 mars dernier, 1000 Coopératives productives solidaires (Cps). Elles sont au cœur d’un nouveau modèle économique axé sur l’économie sociale et solidaire. Elles ont pour mission de créer des emplois pérennes, renforcer le tissu communautaire et favoriser une économie ouverte à tous.

Plus de 10.000 acteurs devraient être regroupés en coopératives, favorisant ainsi la mutualisation des ressources et des compétences. Il est attendu la création de 21 000 emplois décents à l’horizon 2027.

« J’irai en guère contre la vie chère et le chômage ».  Le président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye.

Des ambitions démesurées? Le Chef du Gouvernement sénégalais veut y croire.  » Nous portons beaucoup d’espoir quant à la capacité de ce programme à impacter, et ce de façon durable, les conditions de vie de nos concitoyens. Les  dynamiques modernes vers le développement endogène, l’économie sociale et solidaire (L’ESS) s’est positionnée comme un puissant instrument de politique de transformation socio-économique ». Et le même d’ajouter: « Notre programme vise également a formalisation, l’encadrement, la structuration et l’appui technique et financier des acteurs de l’économie sociale et solidaire aux fins de valoriser le potentiel économique des terroirs et de créer durablement à des emplois décents ».

Dans ce contexte économique et social tendu, les nouvelles autorités sénégalaises se cherchent afin de tenir une promesse électorale par la création d’emplois massifs. Maintenant reste à savoir si le forum sur l’employabilité et l’emploi et l’emploi que va présider le président de la République Bassirou Diomaye Faye accouchera de solutions concrètes.