Pour l’ONG Human Rights Watch, il faut mettre fin à la répression de la liberté de réunion pacifique en République démocratique du Congo (RDC)
(Kinshasa, le 26 septembre 2017) – Les autorités de la République démocratique du Congo devraient libérer immédiatement et sans condition neuf activistes pro-démocratie ou défenseurs des droits humains congolais détenus injustement pour avoir participé à des activités pacifiques, a déclaré aujourd’hui une coalition de 45 organisations congolaises et internationales de défense de droits humains. Quatre activistes ont été arrêtés les 14 et 15 juillet 2017 à Mbuji-Mayi et 5 activistes ont été arrêtés le 31 juillet à Lubumbashi.
« Les autorités congolaises ont jeté des activistes en prison parce qu’ils s’étaient joints à des manifestations pacifiques appelant à la tenue des élections et au respect de la Constitution congolaise », a déclaré Ida Sawyer, directrice pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait les libérer immédiatement et veiller à ce que tous les Congolais jouissent du droit de manifester pacifiquement et d’exprimer leurs opinions politiques. »
Les neuf activistes figurent parmi des centaines de personnes arrêtées depuis 2015 dans le cadre de la vaste répression menée par le gouvernement congolais à l’encontre des personnes qui se sont opposées aux efforts du président Joseph Kabila pour rester au pouvoir au-delà de son deuxième et dernier mandat autorisé par la Constitution, qui a expiré en décembre 2016. En plus des activistes pro-démocratie ou défenseurs des droits humains, le gouvernement a pris pour cible des leaders et partisans de l’opposition, des journalistes, ainsi que des personnes soupçonnées d’avoir des liens avec l’opposition politique. Beaucoup ont été détenus pendant des semaines ou des mois dans des lieux tenus secrets, sans que des chefs d’accusation n’aient été formulés à leur encontre et sans accès à leurs familles ou à des avocats. Certains affirment avoir été maltraités ou torturés et quelques-uns souffrent de graves problèmes de santé. Beaucoup ont été poursuivis en justice sur la base de chefs d’accusation fabriqués de toutes pièces.
Les quatre activistes détenus à Lubumbashi avaient participé à une manifestation pacifique le 31 juillet contre le fait que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) n’ait pas publié un calendrier électoral, ce que de nombreuses personnes considéraient comme une étape cruciale pour garantir que les élections se tiendront d’ici la fin de 2017, comme le demande l’accord de partage du pouvoir conclu sous l’égide de l’Église catholique fin 2016. Les autorités ont arrêté au moins 128 personnes dans neuf villes lors de manifestations à travers le pays ce jour-là, dont 11 journalistes.
Les autorités ont relâché plusieurs des personnes arrêtées à Lubumbashi après quelques heures, mais cinq personnes ont été transférées devant le parquet et accusées de « provocation » et d’ « incitation au manquement envers l’autorité publique » : maître Timothée Mbuya, président de Justicia, l’une des principales organisations de défense des droits humains à Lubumbashi ; Jean Mulenda, activiste du mouvement citoyen Lutte pour le changement (LUCHA) ; Jean-Pierre Tshibitshabu, activiste et journaliste à la Radio Télé Kabekas (RTKA); Patrick Mbuya, défenseur des droits humains et membre de l’Amicale des Jeunes Congolais Bomoko (AJC BOMOKO); et Erick Omari, qui a déclaré qu’il était un passant.
Ils ont été transférés le même jour à Kasapa, la prison centrale de Lubumbashi. Tous sauf maître Timothée Mbuya ont été jugés le 29 août et condamnés à huit mois de prison ferme. En tant qu’avocat, maître Timothée Mbuya a d’abord été entendu par deux tribunaux d’une juridiction plus élevée ; il est maintenant poursuivi devant la même juridiction qui a condamné les quatre autres. Son procès est toujours en cours.
« Manifester pacifiquement pour appeler à la publication d’un calendrier électoral fait partie de l’exercice des droits et libertés garantis par la Constitution congolaise », a déclaré Patrick Ilunga, directeur chargé des relations publiques au sein de Justicia. « Le système judiciaire congolais ne devrait pas servir d’instrument de répression à des fins politiques, mais au contraire respecter la Constitution et rejeter toute poursuite motivée par des raisons politiques. »
Les activistes de la LUCHA arrêtés à Mbuji-Mayi, dans le sud de la RD Congo, les 14 et 15 juillet sont : Nicolas Mbiya Kabeya, Josué Cibuabua Kalonda, Kabongo Kadima, et Mamie Ndaya. Ils ont d’abord été détenus par l’Agence nationale de renseignements (ANR), sans accès à leurs familles ou à des avocats, puis transférés le 20 juillet au parquet de Mbuji-Mayi, et plus tard à la prison centrale de Mbuji-Mayi, où ils sont toujours détenus.
Ces activistes pro-démocratie avaient enquêté sur la transparence dans le processus d’enrôlement des électeurs dans la province du Kasai oriental. Ils sont accusés d’avoir divulgué des renseignements individuels communiqués à la CENI pendant l’enrôlement, des charges qui semblent être motivées politiquement, ont déclaré les organisations signataires du présent communiqué. Le 15 septembre, le parquet a requis des peines de cinq mois de prison contre les quatre. Le tribunal de grande instance de Mbuji-Mayi prononcera son jugement le 26 septembre.
« Les autorités congolaises devraient immédiatement mettre un terme à leur répression des rassemblements pacifiques et de la liberté d’expression », a déclaré Evie Francq, chercheuse sur la RD Congo à Amnesty International. « Elles devraient libérer immédiatement et sans condition tous les défenseurs des droits humains et les activistes détenus injustement à Mbuji-Mayi et à Lubumbashi. »