Largement plébiscités lors des élections législatives anticipées, Ousmane Sonko et son parti, Pastef, ont désormais un boulevard devant eux pour appliquer le programme pour lequel les Sénégalais les ont portés au pouvoir.
Dakar, la correspondance particulière d’Elvis Diallo
Au Sénégal, les élections législatives anticipées se sont terminées, le dimanche 17 novembre, par l’écrasante victoire du parti du Premier ministre Ousmane Sonko, président des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef). La formation du Premier ministre a revendiqué, mardi 19 novembre, avoir remporté 80 % des sièges, soit 132 députés sur les 165 que compte l’Assemblée nationale.
Ce raz-de-marée ouvre désormais la voie à la réalisation des grandes réformes prévues par le programme de « rupture » qui a porté Bassirou Diomaye Faye à la présidence, il y a maintenant huit mois. Mais d’ores et déjà, le gouvernement doit voter le budget de 2025. A cet effet, l’État doit mobiliser 5 677,7 milliards de FCFA, soit avec des ressources en hausse de 15,5 % par rapport à 2024.
Les autres urgences du quotidien visent à faciliter l’accès aux soins de santé, étendre l’électrification à l’ensemble du territoire ou encore renforcer la formation des jeunes, le chômage étant littéralement au zénith, à 23 %. Mais le gouvernement doit aussi s’imposer une cure d’amaigrissement et rationaliser les dépenses publiques afin de diminuer la dette du pays.
Nouveau bras de fer Diomaye-Macky Sall
Ce sujet est au cœur d’un nouveau bras de fer entre le président Diomaye Faye et son prédécesseur Macky Sall, depuis qu’Ousmane Sonko a dévoilé les conclusions de l’audit des comptes du pays. Un « carnage organisé par le régime de Macky Sall », avait alors dénoncé le Premier ministre qui accuse les anciens dirigeants d’avoir menti sur l’ampleur du déficit public, en réalité deux fois supérieur aux vrais chiffres (10,5 % contre 5,5 % en moyenne).
Mais ces révélations n’avaient pas seulement terni l’image des anciens gouvernants. Ils avaient, par effet de contagion, dégradé la note du pays qui est passée de « Ba3 » à « B1″, pour Moody’s, et à « perspective négative » pour l’agence Standard and Poor’s, ce qui avait ensuite provoqué une hausse du coût de la dette du pays.
Mais Macky Sall a réfuté ces accusations. Assurant avoir laissé des indicateurs économiques plutôt flatteurs, l’ancien président sénégalais avait plutôt dénoncé des affirmations à l’emporte-pièce et « sans fondement » qui ont fini par dégrader la note souveraine du Sénégal.
Pour poursuivre les anciens pontes du régime accusés d’être à la base des malheurs du Sénégal, le parti au pouvoir doit réaliser ses promesses en matière de transparence et d’assainissement des finances publiques. Mais le gouvernement avait aussi promis de mettre fin à l’impunité en poursuivant les anciens dirigeants du pays.
L’ancien président sous pression
Macky Sall est en tête des personnalités qui sont dans le viseur du pouvoir. Installé au Maroc depuis la passation de pouvoir, il a essayé de revenir au pays pour y diriger la liste Takku Wallu, la coalition qui réunissait l’Alliance pour la République (APR), l’ancien parti présidentiel et le Parti démocratique sénégalais (PDS) de Karim Wade. Mais seuls 16 députés sur un total de 165 sont tombés dans l’escarcelle de l’ancien président. Peu suffisant pour s’assurer une protection politique face au boulimique Ousmane Sonko qui a d’ailleurs donné le ton lors d’une conférence de presse, en septembre, en accusant M. Sall d’avoir « falsifié » le déficit budgétaire et caché la dette publique, qui s’élèverait à 76,3 % du PIB au lieu des 65,9 % préalablement annoncés.
Mais pour attraire tout ce monde devant la justice, le parti au pouvoir doit installer la Haute Cour de justice qui est la seule instance capable de poursuivre un ancien président et des membres du gouvernement. Mais Ousmane Sonko n’a pas de doute. « Quand elle sera installée, les gens sauront que l’on a des preuves de ce que l’on a dit, avec notamment des relevés de compte », avait-il dit à ce sujet à la télévision, à la veille du scrutin.
Enfin, le Premier ministre a promis, durant la campagne électorale, d’abroger la loi d’amnistie, décrétée par Macky Sall à la fin de son mandat. Cette loi visait tous les délits ou crimes, jugés ou non, commis lors des périodes de troubles qui ont agité le Sénégal entre février 2021 et février 2024. Des dizaines de Sénégalais avaient perdu la vie lors de manifestations de protestation contre les déboires judiciaires d’Ousmane Sonko durement réprimées par la police.
Mais Bassirrou Diomaye Faye n’a pas hésité à donner le ton. Mercredi en conseil des ministres, il s’est félicité de la victoire de son camp et salué l’ouverture de la « phase de rectification […] et de reddition des comptes » qui vont permettre de traquer tous ceux qui se sont enrichis illicitement sous les deux mandats de Macky Sall. Car au Sénégal, le parti au pouvoir est suffisamment en position de force pour appliquer son programme de « rupture »