En recevant à l’Élysée ce 31 mai 2024 Brice Oligui Nguema, qui a pris le pouvoir le 30 août 2023 au Gabon à l’issue d’un coup d’État, Emmanuel Macron, le Président de la République française, fait le pari de renforcer de cette façon les relations entre la France et le Gabon. Un pari qui n’est pas sans risques.
C’était le 30 août 2023 à 4 heures du matin, lorsque des militaires gabonais ont annoncé depuis la cour d’honneur du Palais Rénovation – dix fois plus grand que le palais de l’Élysée – « la fin du régime en place », mettant ainsi fin au règne d’Ali Bongo, qui avait succédé à son père Omar Bongo en 2009. Ce coup d’État, puisque c’en est un, a mis fin au règne sans partage d’Ali Bongo mais aussi de sa famille, puisque son père Omar Bongo avait pris le pouvoir en 1967. Cependant, cela ne signe pas la fin de ce qu’il convient d’appeler le « système Bongo ».
En effet, le coup d’État a été mené et organisé par la garde prétorienne – la Garde Républicaine – qui a longtemps protégé, très souvent dans le sang, le pouvoir d’Ali Bongo et de son père avant lui. Avant même que cela soit annoncé publiquement, le commandant en chef de cette garde prétorienne, le général Brice Oligui Nguema, a été porté en triomphe par ses troupes qui scandaient « Oligui Président! », ce qu’il est devenu officiellement peu après sous le vocable de « Président de la transition ».
Les inquiétudes de Paris
À Paris, si le coup d’État a été une surprise, on se demande ce qu’il cache et surtout on s’inquiète de voir ce général gabonais de 48 ans suivre la voie de ses prédécesseurs putschistes du Burkina Faso, du Mali et plus récemment du Niger. Pourtant, c’est mal connaître la spécificité du Gabon qui entretient un lien particulier avec la France et surtout sa langue, qui unit une population de plus de 20 langues. À cela s’ajoute une élite majoritairement formée en France, une diaspora principalement installée en Hexagone et une classe politique dont beaucoup de membres disposent de la nationalité française.
« Relation privilégiée »
Les nouvelles autorités gabonaises ne cherchent pas à se brouiller avec Paris, bien au contraire ! Ils font des pieds et des mains pour renouer les « relations privilégiées » que le Gabon entretient avec la France, relations qui s’étaient crispées sous Ali Bongo, qui avait fait entrer le Gabon dans le Commonwealth britannique et bénéficiait de l’amitié de l’actuel roi d’Angleterre, Charles III. La coopération est maintenue entre la France et le Gabon et, pour tout dire, se porte même mieux sur tous les plans (politique, économique et militaire). Lorsque Brice Oligui Nguema a rencontré Emmanuel Macron le 1er septembre dernier à Dubaï à la COP 28, le succès diplomatique a été évident pour le tombeur d’Ali Bongo, sous le coup de sanctions notamment de l’Union africaine.
Le séjour parisien de Brice Oligui Nguema, dont l’épisode majeur est la rencontre avec Emmanuel Macron au palais de l’Élysée ce 31 mai 2024, marque indéniablement un succès diplomatique et surtout politique du nouveau maître du Gabon, qui se fait appeler désormais « Président de la République » et dont les intentions de se maintenir au pouvoir au-delà de la fin de la transition gabonaise prévue pour 2025 sont un secret de Polichinelle.
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Chèque en blanc
Côté français, même si l’heure est à la célébration, ces égards accordés à un dirigeant autoritaire dont le régime est déjà entaché d’accusations très sérieuses de violations des droits de l’homme pourraient à terme se retourner contre l’Élysée, notamment si l’autoritarisme dont fait montre le général Brice Oligui Nguema se développe et si les déficits constatés par les experts du FMI deviennent plus importants.
Le nouveau maître du Gabon, décrit comme « particulièrement rusé », pourrait bien, si cela est dans son intérêt, tourner le dos à Paris et lui imputer tous les maux. Il introduit déjà dans son pays un nationalisme exacerbé qui ferait pâlir d’envie l’extrême droite française avec son concept de « Gabonais de souche », plus corsé encore que ce que fut « l’ivoirité » sous d’autres cieux.
Emmanuel Macron mise sur Brice Oligui Nguema, qui dispose dans son cabinet de relais avoués de Moscou au Gabon. Moscou qui lorgne de plus en plus sur le pays avec son accord militaire signé avec l’archipel voisin de Sao Tomé.
Un pari pour le moins risqué.
Le français Pierre Duro, le conseiller très spécial du général gabonais Brice Oligui