Cap nord pour la rentrée politique ivoirienne. Avec, en ligne de mire, l’élection présidentielle de 2025, le PPA-CI de l’ex-président Laurent Gbagbo est en meeting, ce 3 mars à Korhogo, fief du chef de l’Etat, Alassane Ouattara. Lequel n’a pas tardé à réagir à cette offensive politique : c’est dans même « capitale » du septentrion ivoirien que son parti, le RHDP, donne rendez-vous à ses militants, dimanche prochain, 10 mars.
Norbert Navarro
Arrivée en fanfare, vendredi 1er mars, aux portes de Korhogo, l’équipe dirigeante du PPA-CI s’est à l’inverse vue accueillir sans tambours ni trompettes par les autorités locales. A la préfecture, le préfet était « empêché ». C’est un de ses secrétaires généraux qui a été chargé des civilités. Au conseil régional, le président, également directeur de cabinet du chef de l’Etat, a lui aussi brillé par son absence. C’est le 1er vice-président qui a été chargé du traditionnel « Fotamana ». A la mairie, décidément, c’est le troisième adjoint qui, en l’absence du maire, a été chargé de la besogne.
Mais si les principales autorités locales, ce jour-là, avaient « piscine », il n’en est pas moins vrai que le parti de Laurent Gbagbo a tout de même été reçu dans les formes par des officiels. Comme tout parti politique légalement reconnu, le PPA-CI entend bien s’implanter partout en Côte d’Ivoire, et donc aussi, même si c’est pour lui aujourd’hui une gageure, dans le Nord.
Réchauffement climatique
Car au-delà de la fraicheur de l’accueil réservé aux dirigeants du PPA-CI à Korhogo, l’ambiance a évolué ces derniers temps dans ce qui demeure la chasse gardée d’Alassane Ouattara. Comme le souligne le président de l’Inspection Générale du PPA-CI, Issa Malick Coulibaly, « l’esprit et de la pratique démocratique se sont nettement améliorés » dans la région, où les élections municipales et régionales de l’an dernier se sont déroulées « sans incident majeur », dans un climat « apaisé », souligne la figure de proue de l’illustre dynastie nordiste Gon Coulibaly. Lui qui fut directeur de campagne de Laurent Gbagbo, lors de l’élection présidentielle de 2010, remarque en orfèvre que « les discours, les comportements » ont changé, les différentes équipes ayant su faire preuve de « fair-play » et les forces de police et de gendarmerie ayant joué leur rôle « républicain ».
Paroles d’apaisement qui visent à permettre au PPA-CI d’asseoir des bases solides dans cette zone qui fut le théâtre de fraudes massives lors de l’élection présidentielle de 2010, laquelle fut émaillée de violents incidents dans le nord, ayant conduit le Conseil constitutionnel à y annuler les résultats du scrutin, préludant ainsi à une crise postélectorale qui, quatre mois durant, allait plonger la Côte d’Ivoire dans un sanglant chaos. En 2023, rien de tel n’a été signalé dans le septentrion ivoirien, les élections se sont déroulées « sans morts ni blessés, sans destruction de bien public ou privé et sans contraindre des enfants du Nord de ce pays à être obligés de partir en exil », complète Issa Malick Coulibaly.
Gbagbo dans le nord, le retour ?
Mais si le PPA-CI a choisi le nord pour effectuer sa rentrée politique (dont le RHDP entend, la semaine prochaine, effacer le souvenir en y organisant la sienne), c’est aussi parce que l’actuel découpage électoral y réserve de facto et sans combattre une cinquantaine de postes éligibles au RHDP, dans une assemblée de 255 députés. Défi de taille pour Laurent Gbagbo qui se souvient sans doute qu’au lendemain du multipartisme, en 1990, cette zone était la plus puissante du FPI, le Front populaire ivoirien, qu’il avait créé dans la clandestinité du temps du parti unique. C’est précisément à Korhogo que s’était alors tenu le plus grand meeting du FPI, sous la houlette de l’avocat d’alors du parti, Laciné Gon Coulibaly, parent d’Issa Malick Coulibaly et de l’ex-Premier ministre Amadou Gon Coulibaly.
Mais ça, c’était avant. A Korhogo, la délégation menée par le président exécutif du PPA-CI, Sébastien Dano Djédjé, aura fort à faire pour renouer avec ce passé glorieux. Entendant relever le gant, un militant enthousiaste de la première heure du PPA-CI assure à Mondafrique que « les nordistes ont hâte de voir Gbagbo » et cette rentrée est « un prélude à sa future venue ». Qu’en pensent les militants du RHDP ? Réponse dans une semaine, pour un duel au soleil du nord.