La rumeur médiatique fait état de négociations entre Israël, le Hamas et le Jihad Islamique pour l’arrêt des combats, mais sans résultat concret encore. Une certitude, Israël qui s’apprête à lancer une grande offensive au sud de Gaza, rétorque : « Nous sommes sur la voie de la victoire totale et nous ne nous arrêterons pas ». Il n’est que temps pourtant de mettre fin à cette guerre mondiale qui dure de façon intermittente depuis 75 ans
Une chronique de Xavier Houzel
Que demande Israël, pour cesser de bombarder l’enclave de Gaza ? Semble-t-il, une libération d’otages et de prisonniers et le rapatriement de leurs dépouilles, mais en échange d’une simple pause.
Que demandaient les Palestiniens du Hamas ? Un cessez-le-feu total et définitif, la libération de tous les prisonniers de geôles israéliennes (plus de 5.000) avec la garantie formelle qu’après, l’État Hébreu ne reprendrait pas son offensive. Cette exigence de la part des Gazaouis restera sans importance tant qu’Israël continuera d’ignorer leur existence – celle de leurs chefs pour interlocuteurs – sous le double prétexte qu’ils sont des « terroristes[i] » et qu’ils n’ont aucun droit.
Le droit d’Israel à une terre
Seule importe la question préjudicielle de la terre autour de la « Jérusalem céleste » et son partage – sa dévolution – entre juifs, chrétiens et musulmans. Et la reconnaissance de l’autre.
Et cela durera jusqu’à ce que toutes les communautés de la Palestine occupée, à Jérusalem, en Cisjordanie et à Gaza et toutes les mouvances politiques des habitants arabes de cette terre, y compris le Fatah, le FPLP, le Hamas et le Jihad Islamique, jusqu’alors divisées, décident de s’unir dans l’action pour sauver leur Patrie. Cette condition sera réunie lorsque le Fatah et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) rejoindront les trois autres; mais pas l’inverse[ii]. Et cette disposition ne sera complète que lorsque les autres Communautés du monde musulman se seront insurgées, ce qui est en voie d’accomplissement.
Pour tenter d’éviter que l’actuel conflit n’entraîne la région dans une « catastrophe » (NAKBA) d’une ampleur mondiale, les Palestiniens du Hamas sont, pour leur part, prêts à une dernière tentative de dialogue. Ce geste suppose la reconnaissance future (quoique pour l’instant conditionnelle) du droit d’Israël à la terre. C’est pourquoi ce moment est exceptionnel et que c’est à Israël de le saisir !
Le recours à la Théologie
Il existe effectivement une solution permettant d’éviter le piège de l’Apartheid: c’est la théologie – par l’étude des questions religieuses fondée sur les textes sacrés, les dogmes et la tradition.
Le 23 novembre 2015, au Collège de Bernardins, à Paris, 50 ans après la déclaration Nostra Ætate du Concile Vatican, les signataires juifs et chrétiens de la « Déclaration pour le jubilé de fraternité à venir » ont ainsi pris acte de la capacité de l’Église Catholique à se remettre en cause[iii] en abordant le double sujet de sa responsabilité dans la Shoah et de la question du droit d’Israël à la terre. Cette « Déclaration » avait appelé, officialisé et entériné les points essentiels du changement de regard de l’Église sur Israël. Mais cela n’avait, à l’époque, pas suffi à convaincre les musulmans, eux-mêmes divisés entre sunnites et chiites ; il est vrai aussi qu’ils n’avaient pas été conviés à rejoindre cette réflexion commune.
Il se trouve que 62 % des musulmans du monde se répartissent entre six pays, qui sont par ordre décroissant l’Indonésie, l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh, mais aussi l’Iran et la Turquie, tous des pays non-arabes. Le moment est sans doute venu pour que des signataires musulmans apposent leur signature à la « Déclaration pour le jubilé de fraternité à venir » donnant ainsi acte de la capacité de l’Islam à revisiter les mêmes textes, ses dogmes et sa tradition et de soulever alors la même question du droit de l’Islam à la terre.
En 2024, les juifs et les musulmans pourraient se remettre en cause en se déclarant à leur tour en faveur d’un même « jubilé de fraternité à venir ». L’humanité toute entière est en jeu dans ce qui se passe au Moyen-Orient.
On m’a donné de la boue, j’en ai fait de l’or
Ici la boue est faite de nos pleurs!
Charles Baudelaire
Dans ce chemin vers une confiance renouvelée entre les trois communautés religieuses, l’idée même d’une Conférence Internationale[iv] se précise. Le Haut Représentant de l’Union Européenne Josep Borell en propose la tenue. Cela ne semble convenir ni à l’actuel gouvernement israélien, ni à l’Autorité Palestinienne qui siège à Ramallah, ville dont il devient de plus en plus difficile d’éviter une comparaison avec Vichy. Oh ! Que n’ai-je pas dit là.
Il s’agit de trouver des solutions durables. Ces solutions ne peuvent être fondées sur l’éternel ressassement du passé. Et quel passé d’abord ? Celui de l’empire ottoman ? Celui des croisés ou de Saladin ? Celui de Cyrus ou celui du premier temple ? Lequel de ces choix ne serait pas dément ?
Un enjeu mondial
Cette guerre qui dure de façon intermittente depuis 75 ans est mondiale. Le monde musulman, le monde chrétien et le monde juif comptent, le premier 1,6 milliards de personnes, le deuxième 2,2 milliards de personnes et le troisième 15,7 millions de personnes, dont moins de la moitié en Israël. Et Jérusalem est leur ville sainte commune !
Il faudrait qu’Israël accepte la réalité, comprenne qu’un État ne peut être « hors sol » et abandonne l’idée d’agrandir son pré carré de quelques champs gaziers. Il faut que l’État Hébreu fasse confiance aux partenaires arabes qui l’ont adoubé avec la signature des premiers Accords d’Abraham – ce qui fut une chance singulière à ne pas gâcher.
Mais il faudrait, Machiavel ne pouvant être entièrement absent, que les Etats-Unis mettent fin à leur hypocrisie[v] sur l’affaire de Gaza et qu’ils acceptent de donner à l’Iran les contreparties sans lesquelles il poursuivra interminablement sa politique de boutefeu. Il faudrait aussi en terminer avec l’ostracisme dont souffre la Syrie. C’est à la France, son ancienne mandataire et sa descendante à la fois (je pense au temps où les marchands syriens déambulaient dans Lutèce) de le faire.
Il y a un an, jour pour jour, un séisme de magnitude 7,8 frappait la Turquie et le Nord-ouest de la Syrie. Avec un bilan de 60.000 morts, de 110.000 blessés, de 23 millions de victimes indirectes et de 180.000 bâtiments détruits, il s’agit d’une catastrophe comparable à celle de Gaza. Les Européens et la France ne sauraient éluder les malheurs du Levant. C’est de leur faute, c’est de leur très grande faute.
Il n’est pas de plaisir plus doux que de surprendre un homme en lui donnant plus qu’il n’espère
Charles Baudelaire
En tentant d’anéantir le peuple palestinien, Israel risque de s’autodétruire[vi]. Vous voulez faire revivre la Mer Morte ? N’en faites pas un lieu de mort ! Vous voulez une terre, ne la dévastez pas.
Partagez la[vii].
[i] https://www.cairn.info/revue-les-champs-de-mars-ldm-2011-2-page-31.htm
[ii]https://mail.infomaniak.com/0;fid=eJwLTs0rAQADzwGb;tid=eJwryShKTUyxNrQwNzJzSPUq9wkpNihyDHR0qSp3T3IITs0rAQDDuwti
[iii] https://www.collegedesbernardins.fr/mag-digital/le-college-des-bernardins-au-coeur-du-dialogue-entre-juifs-et-chretiens
[iv] https://legrandcontinent.eu/fr/2024/01/22/une-paix-entre-israel-et-la-palestine-les-10-points-de-borrell/
[v] https://www.foreignaffairs.com/how-end-americas-hypocrisy-gaza?utm_medium=newsletters&utm_source=fatoday&utm_campaign=How%20to%20End%20America’s%20Hypocrisy%20on%20Gaza&utm_content=20240208&utm_term=FA%20Today%20-%20112017
[vi] https://www.foreignaffairs.com/israel/israels-netanyahu-self-destruction?utm_medium=newsletters&utm_source=fatoday&utm_campaign=Israel’s%20Self-Destruction&utm_content=20240207&utm_term=FA%20Today%20-%20112017
[vii] https://www.lapaixmaintenant.org/une-confederation-israelo-palestinienne-est-la-meilleure-voie-vers-la-paix/
