Seul Pékin peut mettre fin aux tensions entre Niger et Bénin

Le bras de fer se durcit entre le Niger et le Bénin. Mais la surprise, la voici: au coeur du pré carré français, seule la Chine es à même de rétablir la paix entre cs deux pays traditionnellement d’influence française
 
Loin de la désescalade espérée, le bras de fer entre le Bénin et le Niger a franchi un nouveau cap avec la décision prise mercredi 22 mai par le Bénin d’interdire la navigation sur le fleuve Niger entre les deux rives séparant les deux pays. Jusqu’ici, les autorités béninoises fermaient les yeux sur la circulation fluviale des personnes et des biens, en dépit de la fermeture de la frontière terrestre.

Tolérance zéro

Un système « D » permettait aux Nigériens de faire traverser sur le fleuve Niger des passagers et des marchandises venant du Bénin, moyennant le paiement d’une taxe aux autorités frontalières des deux côtés de la frontière commune. Un business lucratif s’est mis en place entre le Bénin et le Niger après la décision de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) d’imposer en juillet 2023 au Niger un embargo incluant la fermeture des frontières terrestres et aériennes.

L’arbitrage chinois incontournable

Pour le Bénin, la fermeture de la frontière avec le Niger prive le port de Cotonou des recettes générées par les importations et les exportations en direction du Niger. Cette fermeture affecte également toute l’économie informelle qui vit le long des 900 km de route séparant le port de Cotonou de la frontière nigérienne. Les conséquences du bras de fer d’aujourd’hui n’en sont pas moins désastreuses pour le Niger, pays enclavé qui a enregistré une augmentation des prix de certains produits de première consommation de 25 à 100%.
 
Or c’est de Pékin que pourrait venir le dégel de la tension entre le Niamey et Cotonou. La Chine avait déjà réussi à convaincre les deux pays de s’associer dans la gestion d’un pipe-line de près de 2000 km reliant les puits de pétrole d’Agadem, à l’est du Niger, à la plateforme portuaire de Semé, au Bénin.  Pékin a également arraché au Bénin une dérogation à l’interdiction de charger du brut nigérien au port de Semé, après le refus des autorités nigériennes de rouvrir la frontière terrestre commune.
 
Un premier tanker vient de charger pour le compte de la Chine près d’un million de barils de pétrole brut nigérien. Pékin qui a investi près de 4 milliards de dollars pour la construction du pipe-line Bénin-Niger va faire pression sur Patrice Talon et le général Abdourahamane Tiani. 
 
Un des deux prendra-il le risque de résister au géant chinois ? Sans soute pas !
 
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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)