Gabon, le patron de la junte défend et assume la torture

Brice Oligui Nguema lors du défilé militaire du 17 aout 2022, fête nationale du Gabon.

 

La mort confirmée d’un jeune militaire gabonais, Johan Bounda, second maître à la Marine nationale gabonaise, est confirmée dans des conditions terribles. Cet officier est décédé des suites de tortures infligées par des membres de la Direction générale des contre-ingérences et de la sécurité militaire (B2), des pratiques assumée par le patron de la junte militaire et ancien chef de la garde présidentielle, Brice Oligui Nguéma.

Accusé de vol de bijoux au domicile du général Jean Martin Ossima Ndong, Johan Bounda a été soumis à des violences physiques inhumaines, ayant entraîné sa mort. Cet événement dramatique, survenu à la veille des fêtes de fin d’année, plonge sa famille dans un deuil insoutenable et soulève des questions majeures sur l’état de droit et les pratiques au sein des forces armées.

Alors que sa famille tente d’obtenir justice, le chef de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguéma, s’est rendu auprès d’elle. Toutefois, ses propos filmés dans une vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux, ont suscité incompréhension et indignation. 

Détaillant froidement des méthodes de torture telles que la « mise au pont » ou la « tête sous l’eau », il a reconnu implicitement la pratique systématique de ces actes, affirmant même qu’un tortionnaire « sait ne pas dépasser la limite » pour tuer la victime. Ces déclarations témoignent non seulement d’une connaissance des pratiques de torture à un haut niveau de l’État, mais également d’une banalisation révoltante de ces violences, particulièrement indécente face à une famille endeuillée.

Voici quelques extraits 

« […] ON NE PEUT PAS TORTURER QUELQU’UN SANS LIMITE. QUAND ON TORTURE, ON SAIT QU’ON NE DOIT PAS DÉPASSER LA LIMITE. […] QUAND ON TE MET AU PONT, SI TU FAIS 30 MINUTES AU PONT, TU MEURS. […] C’EST UN SPÉCIALISTE. »

Plutôt que de condamner fermement la torture et d’annoncer l’ouverture d’une enquête indépendante, le chef de l’État donne l’impression de minimiser le décès de Johan Bounda ; pire, il admet à mots couverts que ces pratiques relèvent d’une routine au sein des forces de sécurité, qui sauraient jusqu’où aller pour ne pas « dépasser la limite ». Or, dans ce cas précis, la limite a manifestement été franchie, puisqu’un homme est mort !

 

L’ESCALADE DES EXACTIONS : D’AUTRES VICTIMES À CRAINDRE

Aujourd’hui, nous attirons votre attention sur le cas particulièrement alarmant d’Ariel Jess Moussadji, agent de la Garde Républicaine (GR), détenu et supposément torturé depuis plus d’un mois au seul motif qu’il était affecté au domicile de l’ancien dignitaire Hervé Patrick Opiangah (HPO) avant la fuite de ce dernier.

Selon plusieurs témoignages, il serait maintenu dans les sous-sols du palais présidentiel, sans possibilité de communiquer avec sa famille ni d’accéder à un avocat, faisant craindre qu’il subisse le même sort tragique que feu Johan Bounda.

Plus inquiétant encore, il apparaît que d’autres proches ou collaborateurs de M. Opiangah subissent également des sévices similaires, prouvant que la répression n’épargne désormais plus aucun secteur : non seulement les civils, mais aussi les militaires eux-mêmes, sont exposés à ces actes barbares dès lors que pèse sur eux le moindre soupçon de lien (même professionnel) avec une personnalité en disgrâce.

Cette politique de représailles généralisée, qui va à l’encontre des principes fondamentaux en matière de droits humains et d’État de droit, menace aujourd’hui la sécurité de tous au Gabon et exige une réaction rapide et ferme de la communauté internationale.

Les protestations du collectif Gabon 2025

Au Gouvernement gabonais et au chef de la Transition

  • De faire toute la lumière sur les circonstances de la mort du jeune citoyen décédé récemment, de mettre fin à la pratique des têtes rasées et de libérer immédiatement ou traduire devant la justice, en toute transparence, les personnes détenues de manière arbitraire.
  • De garantir l’accès à un avocat et à un examen médical indépendant pour toute personne incarcérée.
  • De cesser immédiatement toute forme de torture, de mauvais traitements et d’intimidation à l’encontre de la population, civile ou militaire.

Aux ambassades gabonaises à l’étranger

  • De faire remonter de toute urgence ces informations au gouvernement de Transition et de jouer pleinement leur rôle de relais diplomatique pour demander l’arrêt de la répression.
  • De faciliter la prise en charge de toute plainte ou témoignage de la diaspora gabonaise, qui pourrait craindre pour la sécurité de ses proches restés au Gabon.

Aux ambassades étrangères au Gabon et aux organisations internationales

  • De condamner fermement et publiquement toute violation des droits humains, notamment ces actes de torture et ces décès suspects, et d’exiger du gouvernement de Transition la mise en place d’une enquête impartiale et crédible.
  • De dépêcher sans délai des missions de vérification sur place (indépendantes et transparentes) afin de rencontrer les familles des victimes et de recueillir leur témoignage, dans le respect de leur sécurité.

À l’ONU et aux instances régionales (UA, CEEAC, etc.)

  • De maintenir et d’intensifier leur vigilance vis-à-vis de la situation au Gabon.
  • D’user de tous les mécanismes de pression diplomatique pour exiger le respect des conventions internationales et la protection des populations civiles et militaires exposées à des actes de violence arbitraire.

Face aux témoignages poignants de civils et de militaires – à l’exemple du cas d’Ariel Jess Moussadji – et à la tragédie vécue par la famille de Johan Bounda, nous enjoignons la communauté internationale à réagir rapidement et fermement. 

Le Gabon, signataire de multiples conventions et traités internationaux, ne peut continuer d’ignorer ses obligations et de laisser régner l’impunité au plus haut niveau de l’État.

Les droits humains doivent redevenir une priorité : la vie, la liberté et la dignité ne sont pas négociables.Fait à Libreville, le 30 décembre 2024
info@gabon2025.com

Article précédentMalek El Khoury: la Syrie sans boussole, ni gouvernail
Article suivantLa négociation secrète entre le Président Erdogan et le PKK
Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)