Les autorités militaires en place au Gabon ont annoncé que l’organisation des élections dans le pays serait à nouveau confiée au ministère de l’Intérieur.
Cette annonce a été faite par le Colonel Ulrich Manfoumbi, porte-parole de la junte militaire gabonaise appelée Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) et également ministre Chargé de mission à la présidence, le 12 mai dernier. Selon lui, « en application des conclusions du dialogue national inclusif, l’organisation des élections sera désormais assurée par le ministère de l’Intérieur, comme c’est le cas dans les grandes démocraties du monde. » Le Colonel Manfoumbi se veut rassurant en affirmant que « l’organisation des élections par le ministère de l’Intérieur sera entourée de toutes les garanties de transparence, de liberté et de participation. »
Sinistre mémoire
Cette décision marque un retour à la pratique en vigueur au Gabon jusqu’en 1994. En effet, c’est en 1994 que le ministère de l’Intérieur avait été dépouillé de ses responsabilités dans l’organisation des élections, notamment présidentielles, et dans la proclamation des résultats, suite aux accords de Paris visant à résoudre la crise électorale de 1993, orchestrée par ledit ministère.
Cette année-là, le ministre de l’Intérieur avait déclaré Omar Bongo vainqueur, alors que les votes de la capitale gabonaise n’avaient pas été pris en compte. Ces résultats contestés avaient provoqué une grave crise politique entre Omar Bongo et son opposant de l’époque, Paul Mba Abessole. Cependant, grâce à l’appui de l’armée, notamment la Garde Présidentielle (aujourd’hui Garde Républicaine), et à une cour constitutionnelle présidée par sa maîtresse, Omar Bongo était parvenu à se maintenir au pouvoir.
Façade démocratique
En réaction à cet échec, la Commission Nationale Electorale (CNE) avait été mise en place, mais elle n’avait pas empêché les coups d’État électoraux en 1998 et en 2005. De même, la Commission nationale électorale autonome et permanente (CENAP), issue des « accords d’Arambo » et comprenant des représentants de partis politiques, n’avait pas résolu le problème des coups d’État électoraux en 2009 et surtout en 2016. Le Centre Gabonais des Elections (CGE), également issu d’accords politiques mais sous l’influence du régime en place, avait déclaré Ali Bongo élu pour un troisième mandat, malgré sa défaite face à Albert Ondo Ossa, aujourd’hui incontestée.
Dans les faits, qu’importe l’organisme en charge des élections au Gabon, la constante depuis plus de 30 ans est que la personne proclamant les résultats doit être affiliée au pouvoir en place. Ce schéma est soutenu par une armée qui n’a jamais hésité à réprimer la population gabonaise, qu’elle est pourtant censée protéger.
Le fait que l’armée n’ait pas validé le dernier coup d’État électoral en date, le 30 août 2023, s’explique par le fait qu’elle était trop occupée à s’emparer du pouvoir elle-même. Les élections présidentielles sont prévues pour le mois d’août 2025 au Gabon, et il est peu probable que le comportement du ministre de l’Intérieur diffère de celui de son prédécesseur en 1993. Ce d’autant plus que l’armée gabonaise aura très certainement son candidat en la personne de Brice Oligui Nguema ancien commandant en chef de la Garde Républicaine Gabonaise qu’on ne présente plus…
Au Gabon, le pouvoir, sans être communiste, a toujours appliqué cette citation de Joseph Staline : «Ce qui compte ce n’est pas le vote, c’est comment on compte les votes».
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