Tunisie - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/tunisie/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Sun, 23 Feb 2025 08:08:04 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg Tunisie - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/tunisie/ 32 32 Tunisie, souvenons nous de Khémaïs Toumi, amoureux de la liberté https://mondafrique.com/libre-opinion/tunisie-khemais-toumi-lamoureux-de-la-liberte/ https://mondafrique.com/libre-opinion/tunisie-khemais-toumi-lamoureux-de-la-liberte/#respond Sun, 23 Feb 2025 03:35:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=20801 Alors que la Tunisie s’enfonce à nouveau dans une nuit sans fin avec la dictature aveugle de Kaïs Saied, souvenons nous de cette figure incontournable de l’opposition au régime du général Ben Ali que fut Khémaïs Toumi qui s’est s’éteint à Tunis dans la nuit du 20 au 21 juin 2018. L’hommage de Frédéric Brun […]

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Alors que la Tunisie s’enfonce à nouveau dans une nuit sans fin avec la dictature aveugle de Kaïs Saied, souvenons nous de cette figure incontournable de l’opposition au régime du général Ben Ali que fut Khémaïs Toumi qui s’est s’éteint à Tunis dans la nuit du 20 au 21 juin 2018.
L’hommage de Frédéric Brun et Nicolas Beau.
Notre ami Khémaïs nous a quittés en cette nuit sans lune. Le monde s’est soudainement assombri. Khémaïs était en effet un  forcené de la liberté, un amoureux de l’amitié, un pourfendeur de l’injustice. Jusqu’à la déraison…

Excès de vie !

Comment oublier ces journées de l’après Ben Ali où tout semblait possible! La joie de ce grand opposant qui regagnait la Tunisie en janvier 2011 au mépris des mandats d’arrêt qui n’avaient pas encore été effacés des ordinateurs de la police de la dictature! La table ouverte, les emportements salvateurs, les discussions fiévreuses qu’il animait, entre deux coupes de champagne, dans la suite louée à l’hôtel Sheraton, devenu durant l’hiver 2011 la joyeuse agora d’une Tunisie trop longtemps cadenassée et enfin réconciliée avec elle même.
Les tirs de barrages de quelques juges corrompus et insensibles au nouvel élan révolutionnaire l’empêchèrent de retrouver ses biens. Jamais Khémaïs ne fut saisi par le découragement ou le ressentiment. A l’attaque! Le monde de demain sera meilleur, il le croyait, et il avait la belle habitude de rêver sa vie.
Les accidents vasculaires qui l’avaient frappé n’entamèrent guère son optimisme. La maladie qu’il traitait par le mépris eut finalement raison de lui. C’est que malgré l’immense énergie qu’il a toujours manifestée, son état de fragilité lui était devenu insupportable. Mourir pour mourir, Khémaïs a choisi de mourir libre, avant que la dépendance ne le guette.

Le devoir d’amitié

Sa souveraineté d’homme l’a toujours rendu inclassable. Ce qui en fit un des opposants les plus irréductibles au général Ben Ali. Nombreux sont les adversaires de la dictature, même si certains l’ont oublié, qui lui doivent une fière chandelle financière. Les ouvrages comme « Notre ami Ben Ali » paru en 1999 ou « La Régente de Carthage » publié en 2009 n’auraient jamais existé sans sa force de persuasion et son sens politique. C’est Khémaïs qui eut la fantastique intuition que la dénonciation de la corruption du régime serait plus efficace que les pétitions en faveur des droits de l’homme qui, hélas, n’émouvaient plus personne.
Les amis de Ben Ali ne s’y trompèrent pas qui virent en Khémaïs Toumi l’homme à abattre. Via les réseaux de Charles Pasqua, le défunt ministre français de l’Intérieur qui n’avait rien à refuser à la dictature, le palais de Carthage fit tout pour obtenir son extradition en décembre 2002. Heureusement, des magistrats français courageux ne marcheront pas dans cette mascarade judiciaire et éviteront à Khémaïs, mais de peu, d’aller croupir dans les geôles tunisiennes.

Une générosité romanesque

Le citoyen du monde qu’il resta toute sa vie avait la passion de la fraternité. Seules ses deux filles, Nour et Yasmina, qu’il chérissait par dessus tout, pouvaient le détourner de son devoir d’amitié. Notre jeunesse en Tunisie ou en France, nos combats politiques qui ont suivi auront été indissociables de cette force d’entrainement qu’il manifesta dans des cercles d’amitiés toujours renouvelés. Sa générosité était inépuisable, surtout dans les pires moments de la vie. Le nombre et la qualité des personnalités qu’il a soutenues est impressionnante. Au détriment de sa propre survie financière, lui qui n’avait besoin de rien, sauf du superflu.
Libertaire aux accents bonapartistes, Khémaïs ne comptait ni son temps, ni son argent pour séduire des milieux les plus divers, dont certains sentaient le souffre et d’autres le jasmin. Ce grand militant percevait les enjeux politiques avec une intuition particulière et l’acuité des anciens trotskistes. Notre ami se mettait en danger constamment, et pas seulement au volant de sa voiture, mais dans des aventures quotidiennes politiques, personnelles ou professionnelles. Ce qui nous fascinait par dessus tout, nous qui avons adopté des existences plus conformes.
« Il y a une faille en toute chose, a chanté Leonard Cohen, c’est par là qu’entre la lumière ». Khémaïs était cette tache de lumière qui nous réconfortait dans un monde trop gris.
Qu’il repose en paix auprès de ses parents dans le cimetière de Grombalia au sud-est de Tunis.

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La lourde condamnation de Rached Ghannouchi, le leader islamiste tunisien https://mondafrique.com/politique/larrestation-de-ghannouchi-le-faux-pas-de-trop/ https://mondafrique.com/politique/larrestation-de-ghannouchi-le-faux-pas-de-trop/#comments Thu, 06 Feb 2025 07:54:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=89332 Des journalistes et plusieurs personnalités politiques tunisiennes, dont le plus célèbre des opposants au président Kaïs Saïed, Rached Ghannouchi, ont été condamnées mercredi 5 février à de lourdes peines de prison pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Le verdict a aussitôt été critiqué par des proches d’accusés et par le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), […]

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Des journalistes et plusieurs personnalités politiques tunisiennes, dont le plus célèbre des opposants au président Kaïs Saïed, Rached Ghannouchi, ont été condamnées mercredi 5 février à de lourdes peines de prison pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Le verdict a aussitôt été critiqué par des proches d’accusés et par le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), qui l’ont qualifié de « politique » et d’« injuste ».

M. Ghannouchi, 83 ans et chef du parti islamo-conservateur Ennahda qui fut l’homme clé de ce qu’on a appelé le printemps arabe où il aura montré de vraies qualités de modération et de capacité de compromis;  a été condamné à vingt-deux ans de prison, ont annoncé à l’Agence France-Presse (AFP) deux avocats. Condamné dans plusieurs autres affaires, il se trouve déjà derrière les barreaux.

Nicolas Beau, le directeur de Mondafrique, en entrtien avec Rached Ghannouchi avant que le président Kaïs Saïed réprime violemment tous les partis politiques d’opposition

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La lourde condamnation contre le leader islamiste tunisien qui fut l’homme fort du pays après le départ du défunt président Ben Ali du pouvoir enterre définitivement le printemps arabe né en 2011, marqué par la participation au pouvoir du mouvement Ennahdha de Ghannouchi et l’espoir d’un alliage des valeurs démocratiques et des valeurs islamistes.

Miné apparemment par la maladie et enfermé dans la solitude du Palais de Carthage avec un soutien sans conviction de l’armée tunisienne, une crise économique gravissime, un appareil sécuritaire tout puissant qui est l’ultime survivance d’un État, le Président tunisien abandonné à lui même et à ses dérives, avec le soutien des Algériens, des Iraniens et des Syriens du moins jusqu’à la chute du tyran de Damas.

Kaïs Saîed se prive avec cette déclaration de guerre à la mouvance islamiste, de tout compromis avec une force qui tout comme le puissant syndicat de l’UGTT, est capable de canaliser la révolte populaire qui, un jour, pourrait l’emporter comme elle a balayé le général Ben Ali et les siens.

L’arrestation du leader islamiste provoque un séisme sans précédent au sein d’une société tunisienne désemparée et fracturée.  Sans passé politique ni projet pour des lendemains sombres, le président tunisien, en situation d’apesanteur, tente quelques dernières cartouches démagogiques comme la condamnation de tout opposant et la chasse aux migrants sub sahariens, comme l’explique un ancien ministre: « Des hordes d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne déferlent sur la Tunisie. Ils sont à l’origine de violences, de crimes et d’actes inacceptables. […] dans le but de métamorphoser la composition démographique de la Tunisie et de la transformer seulement en un Etat africain qui n’appartienne plus au monde arabo-islamique ».

Le Président tunisien, qui n’est clairement pas à niveau, est désormais sur un siège éjectable ! 

 

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Sept influenceurs tunisiens maintenus en détention https://mondafrique.com/confidentiels/sept-influenceurs-tunisiens-maintenus-en-detention/ Fri, 24 Jan 2025 09:26:29 +0000 https://mondafrique.com/?p=125670 La justice tunisienne poursuit ses actions contre les créateurs de contenus jugés inappropriés sur les réseaux sociaux. Parmi les huit influenceurs qui comparaissaient devant la cour d’appel, sept restent finalement en prison en attendant un verdict définitif prévu pour le 5 février.  Afifa Ben Abdallah, influenceuse populaire sur TikTok, est la seule à avoir été […]

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La justice tunisienne poursuit ses actions contre les créateurs de contenus jugés inappropriés sur les réseaux sociaux. Parmi les huit influenceurs qui comparaissaient devant la cour d’appel, sept restent finalement en prison en attendant un verdict définitif prévu pour le 5 février. 

Afifa Ben Abdallah, influenceuse populaire sur TikTok, est la seule à avoir été libérée après avoir purgé deux mois de détention. Initialement condamnée à un an et demi de prison, sa libération a été confirmée ce mercredi par son avocat, Mounir Ben Salha.

La Cour d’appel de Tunis a en revanche décidé de maintenir la détention provisoire de sept autres créateurs de contenus. Ces derniers, condamnés en première instance à des peines allant jusqu’à cinq ans, contestent les accusations d’atteinte aux bonnes mœurs et d’incitation à des comportements immoraux. La décision finale de la cour est attendue pour le 5 février.

Ces mesures s’inscrivent dans le cadre d’une campagne initiée le 27 octobre dernier, trois semaines après la réélection de Kaïs Saïed. Un communiqué du ministère de la Justice avait annoncé que des poursuites pénales seraient engagées contre « toute personne qui se livre intentionnellement à la production, à la diffusion ou à la publication d’informations, images ou vidéos de nature à porter atteinte aux valeurs morales ». Une action qui divise l’opinion publique tunisienne, entre protecteurs des préceptes islamiques et défenseurs de la liberté d’expression.

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Tunisie : 75 % des jeunes veulent partir https://mondafrique.com/confidentiels/maghreb/tunisie-75-des-jeunes-veulent-partir/ Wed, 22 Jan 2025 14:24:02 +0000 https://mondafrique.com/?p=125548 Organisé à Sousse, le Forum régional d’information sur la migration de travail a mis en lumière une réalité préoccupante : une majorité écrasante de jeunes Tunisiens aspire à quitter leur pays. Un désir d’ailleurs massif qui apparaît comme un signal d’alarme pour les autorités…   L’enquête révélant que 75 % des jeunes en Tunisie souhaitent […]

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Organisé à Sousse, le Forum régional d’information sur la migration de travail a mis en lumière une réalité préoccupante : une majorité écrasante de jeunes Tunisiens aspire à quitter leur pays. Un désir d’ailleurs massif qui apparaît comme un signal d’alarme pour les autorités…

 

L’enquête révélant que 75 % des jeunes en Tunisie souhaitent migrer est certainement l’information majeure donnée lors de cet événement, qui s’inscrit dans le cadre du partenariat entre l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle.

Ce sondage, obtenu auprès de 750 participants, reflète un malaise profond et des aspirations à chercher de meilleures opportunités à l’étranger.  Il révèle également l’incapacité des autorités tunisiennes à mettre en œuvre des solutions adaptées pour retenir les talents et offrir des perspectives prometteuses à cette jeunesse.

Cette statistique a été révélée par Ghada Hadhbaoui, responsable de la communication pour THAMM-OFII, un projet régional mis en œuvre pour développer une approche globale de la gestion de la migration de main-d’œuvre en Afrique du Nord.

 

Les migrants de retour : des profils variés

Les données de l’enquête sur la migration internationale dressent également un portrait intéressant des migrants tunisiens de retour, estimés à 211 000 individus âgés de 15 ans et plus. Parmi eux, les diplômés de la formation professionnelle ne représentent que 4,7 %, preuve de leur meilleure intégration sur les marchés étrangers.

À l’inverse, ceux ayant un niveau d’éducation primaire dominent (36,8 %), suivis par les niveaux secondaire (25,4 %), inférieur au primaire (17,1 %), et enfin supérieur (16 %). Ces chiffres, rapportés par Mosaïque FM, montrent une diversité de parcours mais posent également la question de l’accès aux opportunités pour les diplômés.

 

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Agriculture en Tunisie : le soutien de l’Europe https://mondafrique.com/confidentiels/maghreb/agriculture-en-tunisie-le-soutien-de-leurope/ Tue, 21 Jan 2025 10:15:26 +0000 https://mondafrique.com/?p=125461 Si certains résultats sont encourageants, d’autres signaux, tels que la baisse des investissements et les défis climatiques, montrent que des efforts soutenus restent nécessaires pour pérenniser ces acquis. Pour y parvenir, la Tunisie pourrait s’inspirer du Green Deal européen, un projet qui prône une transition vers une agriculture durable.   En 2024, la Tunisie a […]

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Si certains résultats sont encourageants, d’autres signaux, tels que la baisse des investissements et les défis climatiques, montrent que des efforts soutenus restent nécessaires pour pérenniser ces acquis. Pour y parvenir, la Tunisie pourrait s’inspirer du Green Deal européen, un projet qui prône une transition vers une agriculture durable.

 

En 2024, la Tunisie a enregistré un excédent de sa balance commerciale alimentaire de 1 404,2 millions de dinars (MD), contre un déficit de 211,4 MD en 2023. Des résultats prometteurs portés par une forte progression des exportations agricoles, notamment l’huile d’olive (+27,4%) et les dattes (+20,3%). Ces performances reflètent une stratégie efficace de diversification des marchés, avec une demande accrue en Europe et sur d’autres continents, confirmant le potentiel des produits agricoles tunisiens à l’international.

Mais bien qu’il affiche des succès à l’exportation, le secteur agricole tunisien souffre d’une baisse significative des investissements. Entre janvier et octobre 2024, les projets approuvés par l’APIA (Agence de Promotion des Investissements Agricoles en Tunisie) ont diminué de 20,4 % en valeur par rapport à 2023. Aussi, les conditions climatiques restent un défi majeur pour le pays, avec une sécheresse persistante qui affecte les rendements agricoles, malgré des efforts pour accroître les surfaces cultivées. Ces obstacles freinent la modernisation et la résilience d’un secteur qui représente 10 % du PIB national et qui emploie 15 % de la population active.

 

Vers un Green deal tunisien ?

Un atelier organisé par l’Observatoire tunisien de l’agriculture (Onagri) et la Commission européenne a eu lieu les 15 et 16 janvier à Gammarth, en Tunisie, pour discuter des implications du Green Deal européen sur l’agriculture tunisienne. Ce projet, qui vise à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, pourrait inspirer le pays en vue de transformer son secteur agricole pour le rendre plus durable face aux défis climatiques et à la raréfaction des ressources. Les participants, incluant experts européens et tunisiens, ont échangé sur des thèmes tels que la réduction de l’empreinte carbone, la gestion durable de l’eau, et le développement de l’agriculture biologique.

Cet événement, organisé dans le cadre du programme Taiex, un instrument d’assistance technique et d’échange d’information de Bruxelles, a précédé la rencontre entre Giuseppe Perrone, ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie, et le Secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères Mohamed Ben Ayed. Une entrevue qui coïncide avec le 30e anniversaire de l’accord Tunisie-UE et qui intervient près de 18 mois après la signature d’un partenariat centrée sur la lutte contre l’immigration irrégulière, malgré la politique controversée menée en la matière par le président Kaïs Saïed.

 

 

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Une Tunisie paralysée quatorze ans ans après la fin de l’ère Ben Ali https://mondafrique.com/confidentiels/maghreb/une-tunisie-paralysee-quatorze-ans-ans-apres-la-fin-de-lere-ben-ali/ Wed, 15 Jan 2025 05:22:42 +0000 https://mondafrique.com/?p=124972 Quatorze ans après le soulèvement qui a chassé Ben Ali, la Tunisie célèbre une date hautement symbolique, marquée cette année par des manifestations contre la répression du président Kaïs Saïed. Le 14 janvier 2025, date emblématique marquant l’anniversaire de la révolution tunisienne de 2011, Sihem Ben Sedrine, présidente de l’Instance Vérité et Dignité (IVD), a […]

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Quatorze ans après le soulèvement qui a chassé Ben Ali, la Tunisie célèbre une date hautement symbolique, marquée cette année par des manifestations contre la répression du président Kaïs Saïed.

Le 14 janvier 2025, date emblématique marquant l’anniversaire de la révolution tunisienne de 2011, Sihem Ben Sedrine, présidente de l’Instance Vérité et Dignité (IVD), a entamé une grève de la faim illimitée depuis sa cellule à la prison de Manouba, près de Tunis. Par cet acte, elle proteste contre son incarcération injuste et arbitraire, reposant sur des accusations infondées et des procédures entachées d’irrégularités.

Voici le président tunisien, Kaïs Saïed, qui, sur fond d’une faillite économique retentissante et d’un populisme crapuleux contre les migrants, détecte chaque jour ou presque des complots et des tentatives d’assassinat pour expliquer les pénuries grandissantes ou les résistances à ses dérives autocratiques.

Où s’arrêtera la folle spirale répressive du chef de l’État tunisien qui a accaparé l’essentiel du pouvoir depuis son coup de force du 25 juillet 2021? Certes, ses récentes attaques indignes contre les migrants sub-sahariens, sources de tous les maux, lui valent un regain momentané de popularité auprès de certaines franges de la population tunisienne. Kaïs Saîed a même rallié  ainsi le soutien du gouvernement italien d’extrême droite trop heureux de le voir contenir les flux migratoires. Pour le reste, le président tunisien, discrédité chez les occidentaux, est de plus en plus isolé sur le plan international. À l’exception du soutien discret  des régime séoudien qui boucle les fins de mois de l’État failli et iranien et de l’engagement à ses cotés des services secrets algériens devenus omniprésents à Tunis.

Sihem Ben Sedrine, cette icone

Le14 janvier 2011, le dictateur Zine el-Abidine Ben Ali renonçait au pouvoir sous la pression populaire et s’envolait précipitamment pour l’Arabie saoudite. Une fuite qui fut le point d’orgue d’une révolution qui trouve ses prémices dans le sort tragique de Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur de fruits et légumes qui s’immola par le feu un mois auparavant pour protester contre l’ultime humiliation infligée par une administration corrompue.

La révolution tunisienne, inédite de par sa rapidité et sa forme, inaugurant l’interaction entre les réseaux sociaux et la rue, avait été le point de départ d’une vague de contestation qualifiée de « printemps arabe » en Occident, et qui a touché plusieurs pays, du Maroc au Moyen-Orient en passant par l’Égypte.

Sihem Ben Sedrine, âgée de 75 ans, est une figure de la lutte pour les droits humains en Tunisie. Opposante farouche au régime de Ben Ali, elle a contribué à concrétiser les objectifs de la révolution tunisienne, notamment en présidant l’IVD de 2014 à 2018. Cet organisme a joué un rôle important dans la mise en œuvre de la justice transitionnelle en Tunisie, documentant les graves violations des droits humains commises entre 1955 et 2013 et transmettant 205 dossiers aux juridictions spécialisées dans lesquels sont poursuivis plus de 1000 responsables sécuritaires. Malgré ses contributions majeures, elle fait face à un acharnement judiciaire manifeste visant à discréditer la justice transitionnelle et à perpétuer l’impunité pour les crimes passés.

Manifestation contre la répression

Des dizaines de manifestants se sont rassemblés à Tunis ce mardi pour célébrer le 14ᵉ anniversaire de la révolution de 2011 et dénoncer la répression politique sous le président Kaïs Saïed. Cette mobilisation intervient alors que le président tunisien a supprimé la commémoration officielle du 14 janvier pour la remplacer par le 17 décembre, date de l’immolation de Mohamed Bouazizi et point de départ des soulèvements populaires à travers tout le pays.

À l’appel du Front de salut national (FSN), coalition d’opposition dont fait partie le parti islamiste Ennahdha, les protestataires ont exigé la libération des détenus politiques. Des slogans comme « Libertés ! » et « Fidèles au sang des martyrs » ont résonné sur l’avenue Bourguiba, encadrée par une forte présence policière.

Les manifestants brandissaient des portraits de figures incarcérées, telles que l’ancien Premier ministre Ali Larayedh et le juriste Jawher Ben Mbarek, accusés respectivement dans un dossier qui concerne l’envoi de djihadistes en Syrie et de complot contre la sûreté de l’État.

Sihem Ben Sedrine, autre détenue politique, a choisi pour sa part cette date emblématique pour entamer une grève de la faim depuis sa cellule à la prison de Manouba, près de Tunis. La présidente de l’Instance Vérité et Dignité (IVD) souhaite par cette action protester contre son incarcération jugée injuste et arbitraire par le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT).

L’inquiétant président Saïed

Selon l’expression consacrée par le livre d’Hatem Nafti, « notre ami Kaïs Saïed, essai sur la démocrature tunisienne » (éditions Riveneuve, 2024), l’homme incarne depuis son accession au pouvoir en 2019 une « démocrature » marquée par un populisme exclusif, une justice muselée et une rhétorique complotiste. Sous couvert d’assainissement, le président tunisien a érodé les contre-pouvoirs, transformant la justice en un outil pour réprimer ses opposants. Cette stratégie s’accompagne d’une vision populiste où le « peuple » se limite à ses partisans, même minoritaires, comme l’illustre l’adoption d’une nouvelle constitution avec seulement 28,5 % des voix rapportées au corps électoral.

Kaïs Saïed a également exacerbé les tensions raciales avec des politiques migratoires fondées sur la théorie du « Grand Remplacement », dénoncées comme racistes et discriminatoires. Cette approche, bien que critiquée, trouve un soutien implicite chez certains partenaires européens, qui privilégient la coopération migratoire au détriment des droits humains.

Le régime de Saïed s’appuie enfin sur un discours conspirationniste, accusant des complots externes pour justifier les échecs internes. Cette méthode lui permet de consolider son autorité, tout en détournant l’attention de la grave crise socio-économique que traverse le pays, héritage d’une révolution pourtant portée par des aspirations démocratiques et sociales.

 

 

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Les migrants en Méditerranée: plus de 300% cette année https://mondafrique.com/limage-du-jour/lexode-des-jeunes-tunisiens-vers-litalie/ Wed, 06 Nov 2024 06:02:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=20307 Jamais les migrants sub sahariens n’ont été aussi nombreux à tenter de traverser la Méditerranée, a déclaré sur RFI le patron de Frontex, l’organisation européenne de régulation de l’immigration: plus 300% par rapport à l’année dernière. Près de 40000 auraient tenté la traversée de la Méditerranée La Tunisie est un des points de passage privilégiés […]

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Jamais les migrants sub sahariens n’ont été aussi nombreux à tenter de traverser la Méditerranée, a déclaré sur RFI le patron de Frontex, l’organisation européenne de régulation de l’immigration: plus 300% par rapport à l’année dernière. Près de 40000 auraient tenté la traversée de la Méditerranée

La Tunisie est un des points de passage privilégiés par cet exode. Des embarcations fragiles d’un nouveau type, d’après Frontex, sont construites sur le sol tunisien, le cout du passage qui s’élève à 400 euros par migrant est à la baisse. Les Corps affluent dans la morgue de Sfax, près de deux cent pour les six premiers mois de 2023. Dans la vidéo tournée par Mondafrique, nous découvrons comment le port luxuriant de Zarzis, à quarante kilomètres de la frontière libyenne, est un des points de départ d’une émigration massive de Tunisiens vers l’Italie ou la France.

Les jeunes Tunisiens sont aussi concernés que les migrants sub sahariens ne sont pas les seuls concernés. La plupart s’embarquent  depuis l’île de Kerkena, à quelques kilomètres de la grande ville de Sfax, ou du port de Zarzis, où nous nous sommes rendus.

Mondafrique retrouvé des images d’archives sur le départ du premier chalutier bourré de clandestins qui quitte la Tunisie peu après le départ en 2011 du dictateur tunisien vers l’Arabie Saoudite.

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Notre ballade réjouissante au coeur de la littérature du Maghreb https://mondafrique.com/loisirs-culture/week-end-notre-promenade-au-coeur-de-la-litterature-du-maghreb/ Thu, 17 Oct 2024 14:00:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=59276 En dénonçant l’hégémonie française et en soulignant les injustices de la colonisation, les écrivains maghrébins[1] opposent leur propre littérature et leur regard propre aux romans lénifiants des écrivains français d’Algérie. Une chronique de Philippe Pichon  La génération des années 50 -comme les Algériens Mouloud Feraoun[2], Mouloud Mammeri[3], Mohammed Dib[4], le Marocain Driss Chraïbi[5], le Tunisien […]

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En dénonçant l’hégémonie française et en soulignant les injustices de la colonisation, les écrivains maghrébins[1] opposent leur propre littérature et leur regard propre aux romans lénifiants des écrivains français d’Algérie.

Une chronique de Philippe Pichon 

Kateb Yacine, auteur de Nedjma (1956) et poète algérien aux trois langues

La génération des années 50 -comme les Algériens Mouloud Feraoun[2], Mouloud Mammeri[3], Mohammed Dib[4], le Marocain Driss Chraïbi[5], le Tunisien Albert Memmi[6], ou le très médiatique Kateb Yacine[7]– mettait en cause, dans des romans réalistes et populaires, l’impérialisme colonial, non sans critiquer aussi le passéisme et le traditionalisme islamiques, et invitait implicitement à la conquête d’une identité collective trop longtemps sacrifiée.

La génération des années 60 -comme les Algériens Malek Haddad[8] et Rachid Boudjera[9]– traitait des séquelles de la guerre d’indépendance, mais évoquait déjà les problèmes d’adaptation au monde moderne et au progrès.

À partir des années 70, des écrivains comme le Marocain Tahar Ben Jelloun[10] ou l’Algérien Nabile Farès[11], évoquent le problème de l’émancipation et de l’exil, donc de l’intégration. De jeunes femmes comme les Algériennes Yamina Mechakra[12] ou Aïcha Lemsine, dénoncent la condition de la femme dans la civilisation musulmane, et transgressent les tabous[13].

Si le théâtre était resté en retrait jusqu’en 1962 -date à laquelle Kateb Yacine peut faire jouer ses pièces en Algérie-, il se développe à partir des années 80, touchant un public fervent de plus en plus populaire. À l’inverse, la poésie, engagée au temps de la guerre d’indépendance (Anna Grebi), évolue vers des recherches esthétiques qui la réservent à un public de lettrés et partant la marginalisent. Des poètes[14] comme Hedi Bouraoui, Malek Alloula et surtout Abdellatif Laâbi cherchent à subvertir les formes classiques du vers par des rythmes syncopés et des images télescopées.

De nos jours, les préoccupations des écrivains prennent une ampleur nouvelle : dépassant le domaine politique, ils s’interrogent désormais, à partir d’une réflexion sociologique et philosophique, sur le devenir de leur civilisation.

Des écrivains comme le Marocain Tahar Ben Jelloun[10] ou l’Algérien Nabile Farès[11], évoquent le problème de l’émancipation

Indépendance politique : vers quelle autonomie linguistique et quelle identité littéraire ?

Parler de littératures francophones plutôt qu’illustrer encore une fois l’universalité de la langue française en déroulant la saga des écrivains qui, de par le vaste monde, ont choisi la langue de Racine et de Voltaire, c’est déjà manifester que la littérature dite jusque-là « d’expression française » n’est plus un phénomène qui aille de soi. Les littératures francophones, singulièrement au Maghreb, n’existent qu’à deux conditions, l’une négative -ne pas être une simple variante provinciale ou exotique de la littérature parisienne-, l’autre positive, être le lieu d’une recherche et d’une interrogation communes à tout un peuple.

Le problème linguistique n’est souvent qu’un des éléments d’une problématique plus complexe. Les rapports de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie avec la France présentent toujours une profonde ambiguïté. Après avoir rejeté politiquement la greffe d’une conquête somme toute récente, le Maghreb va-t-il se dégager définitivement de la voie du bilinguisme et assumer les traditions fondamentalistes de la culture arabe ?

Les cinquante dernières années ont vu le Maroc, la Tunisie, l’Algérie enfin, conquérir leur indépendance nationale. La colonisation française y avait pris des formes différentes : en Algérie, elle avait abouti à la création de « départements » français, et recherchait, au moins théoriquement, « l’intégration » des colonisés. En fait, malgré un siècle de cohabitation, le fossé restait profond, trop profond, entre la minorité européenne et la masse des musulmans, fort loin d’être des « Français à part entière » faute d’être des « Français de souche ». Au Maroc et en Tunisie, la France, plus tard venue, plus respectueuse des traditions nationales, exerçait un « protectorat » qui recouvrait cependant un régime colonial.

Le Maroc, la Tunisie, l’Algérie qui ont conservé après l’indépendance des rapports étroits de coopération tumultueuse avec la France n’ont rejeté brutalement ni sa langue, ni sa culture.

Dans ces trois pays, dès 1945, la vigueur des revendications, la violence des troubles annoncent le début d’une décolonisation, rendue plus difficile que partout ailleurs par la présence de deux millions de Français installés dans le Maghreb et attachés à cette terre de soleil. Le Maroc et la Tunisie, après des conflits dramatiques, obtiennent l’indépendance en 1956.

L’Algérie n’y accède qu’en 1962, avec les accords d’Évian qui mettent fin à huit ans « d’événements », de guerre et de souffrances. Par de Gaulle, l’empire français (re)devient hexagonal. L’âpreté du conflit qui a opposé le Maghreb à la France durant ces années tragiques n’a pourtant jamais rompu les liens qui les unissent.

Certes, le Maghreb trouve son unité dans la langue arabe, dans la religion musulmane et dans la civilisation islamique. Il se tourne donc naturellement / culturellement vers l’ensemble du monde arabe dont il s’est toujours senti solidaire ; mais il renoue de la sorte les traditions d’amitié qui unissent ce monde arabe à la France, comme on le voit au Liban et en Égypte. Après les déceptions de l’époque coloniale, les révoltes de la décolonisation, l’Afrique du Nord a établi avec la France, aux printemps comme aux automnes, sur un pied d’égalité, des rapports durables et fructueux, malgré les crises inévitables qui les traversent, sur fond de terrorisme.

La littérature maghrébine « d’expression française » n’est pas séparable de cette histoire douloureuse : elle en a reflété toutes les phases, exprimant aussi bien l’attachement profond à la culture française que le refus d’une domination étrangère.

La première génération d’écrivains arabes ou berbères a voulu s’intégrer à la littérature française, comme le citoyen algérien était invité à s’intégrer à la nation française.

La première génération a mis tous ses espoirs dans cet effort d’assimilation et en a vécu l’échec – inévitable. Jusqu’en 1945, les écoles françaises et les missions chrétiennes n’ont touché qu’une fraction très marginale de la population musulmane : elles ont dégagé ce qu’on appelait alors des « élites », mais elles les ont aussi profondément séparées de leurs compatriotes. La vie de Jean Amrouche manifeste bien ce drame : ce Kabyle de religion chrétienne, après de brillantes études, s’est d’abord considéré comme un « écrivain français ». Nul ne s’est mieux que lui inséré dans la vie littéraire française : poète, directeur de revue, essayiste, il dialogue avec Claudel et Gide dans de remarquables entretiens radiodiffusés, jouant auprès d’eux le rôle tenu par Eckermann auprès de Goethe.
Rien ne le distingue, dans ses débuts, de ces écrivains d’origine européenne, nés en Algérie, qu’on a parfois hâtivement regroupés dans une « École d’Alger » : passionnément attachés à l’Afrique du Nord, respectueux du monde musulman, ils cherchaient à définir un univers « méditerranéen » qui concilierait les valeurs de l’Europe et celles de l’Afrique du Nord. À travers le lyrisme du soleil et de la mer, les premières œuvres de Camus et de Jules Roy, celles de Gabriel Audisio et d’Emmanuel Roblès allaient dans ce même sens. Mais Amrouche ne pouvait se satisfaire longtemps d’un accord aussi vague. Quand il cherche à définir le « héros méditerranéen », il choisit une figure de la révolte et de la résistance, Jugurtha, l’ennemi des Romains. Le ton est donné. Peu à peu, il se découvre, à la manière d’un irréductible Algérien comme d’autres furent Gaulois, magrébin. Alors qu’il est nommé directeur des informations à la radiodiffusion française, il prend parti avec éclat pour l’insurrection algérienne en 1958, et dénonce dans ses derniers poèmes – des « chants de guerre » – le mirage d’une « intégration » impossible, qui l’a exilé de sa seule patrie : l’Algérie.
Albert Memmi, le sioniste contrarié

La deuxième génération qui apparaît en force aux alentours de 1952 revendiquent leur nationalité ou tout au moins leur singularité magrébine.

Solidaires du combat de leur peuple pour l’indépendance, ils engagent avec la France, adversaire et partenaire à la fois, l’indispensable dialogue. Ils décrivent, avec la précision de l’étude sociologique, les injustices du système colonial, mais aussi les problèmes complexes d’une société musulmane traditionaliste.

Composant un tableau du Maghreb, ils présentent à la France, sans ménagement, l’addition d’années de dédoublement, « le double portrait du colonisé et du colonisateur », pour reprendre le titre de l’essai d’Albert Memmi paru en 1956. Cet écrivain tunisien décrit dans La Statue de sel (1952) la condition particulière de l’israélite. Le marocain Driss Chraïbi, dans Les Boucs (1955) dont il se fait l’émissaire, présente la situation des travailleurs nord-africains en France. L’Algérie, elle, apparaît à travers les romans de Mohammed Dib, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun enfin (singulièrement La Terre et le Sang, 1953), qui devait trouver la mort dans les massacres commis par l’O.A.S. en 1962. Toutes ces œuvres, d’une facture classique, solide, visent surtout à mettre en lumière des problèmes sociaux et politiques. Chez Kateb Yacine, en revanche, on découvre l’ambition d’exprimer sous la forme du mythe la tragédie de l’Algérie. Emprisonné dès l’âge de seize ans pour avoir participé en 1945 à des manifestations nationales, le romancier de Nedjma (1956) et le dramaturge du Cercle des représailles, a donné les œuvres les plus vertigineuses et rigoureuses qu’ait inspirées l’insurrection algérienne.

Avec la conquête de l’indépendance, cette littérature militante qui s’adressait aussi bien au public français qu’au public arabe perdait sa raison d’être. Dès lors l’écrivain du Maghreb semble ne pas pouvoir éluder un choix difficile : s’il s’exprime en langue française, il tend à se détacher de son pays, et à devenir un Français d’adoption ; s’il veut s’adresser à ses compatriotes, il doit cesser d’écrire dans une langue qui leur est étrangère.

Avant même la fin de la guerre d’Algérie, des écrivains exprimaient leurs doutes sur l’avenir d’une littérature nationale d’expression française. Le poète Malek Haddad estimait que, « même s’exprimant en français, les écrivains d’origine arabo-berbère traduisent une pensée spécifiquement algérienne, une pensée qui aurait trouvé la plénitude de son expression si elle avait été véhiculée par un langage et une écriture arabes ». Albert Memmi, dès 1956, après avoir analysé son « drame linguistique », affirmait : « la littérature colonisée de langue européenne semble condamnée à mourir jeune », et il annonçait la venue de nouvelles générations d’écrivains abandonnant le français pour l’arabe.

Mehdi Charef: « L’artiste préférée de tous les algériens, c’est sa mère »

Ainsi, la littérature maghrébine d’expression française tend de plus en plus à distinguer ses trois domaines, algérien, marocain et tunisien.

Une importante pléiade de poètes et de romanciers ont ainsi illustré les lettres algériennes depuis l’indépendance, on l’a dit, autour de Mohammed Dib, Kateb Yacine. Le roman se montre particulièrement novateur au niveau de la forme. Violent, iconoclaste, le texte adopte volontiers une esthétique torturée, provocatrice – avec Rachid Boudjedra et Nabile Farès. Après le succès rencontré en 1967 par la romancière Assia Djebar avec les Alouettes naïves, s’amorce un nouveau mouvement parmi les jeunes écrivains, qui ne craignent plus d’analyser, à Alger même, les contradictions nationales.[15] L’histoire des années 80 sert de cadre aux Bandits de l’Atlas (1983) d’Azzedine Bounemeur. Enfin naît en France, dans le milieu des « beurs », une jeune littérature de l’émigration à l’instar de Nacer Kattane, Leïla Sebaar et Medhi Charef.

Le travail idéologique autant que littéraire d’Abdellatif Laâbi, au Maroc, lui vaut la prison[16], mais aussi une autorité considérable sur sa génération. Des talents volcaniques en font partie, comme le poète Mostafa Nissaboury[17], le « romancier » Mohammed Khaïr-Eddine, [18]le sociologue Adbelkébir Khatibi[19]. Enfin, Tahar Ben Jelloun est devenu un « classique » de la francophonie internationale, touchant aux angoisses humaines les plus stables à travers une mythologie subtile[20], récoltant le Prix Goncourt 1987 avec La nuit sacrée. Le roman marocain est sorti d’une longue période de révolte textuelle pour chercher de la profondeur dans le récit de vie et le constat social[21].

Le roman tunisien -dominé on l’a vu jusque-là par Albert Memmi- a trouvé sa voie dans les années 70 : Mustapha Tlili traite de l’aliénation[22] ; Abdelwahab Meddeb veut bousculer tous les interdits[23]. Cette inspiration emportée laisse toutefois place, comme en Algérie et en Tunisie, à des évocations plus intimes, plus apaisées, chez Souad Guellouz[24] ou Hélé Béji[25].

Les États du Maghreb se sont en effet engagés dans une politique d’arabisation : modérée en Tunisie, elle se concilie avec le bilinguisme et l’attachement à la « francophonie » ; beaucoup plus nette en Algérie et au Maroc, elle fait du français une langue étrangère privilégiée. Il est évident que l’écrivain maghrébin n’a pas cessé brusquement d’écrire en français. Jacques Nantet, l’intellectuel et journaliste, dans une enquête sur le roman algérien, constatait que sur dix romans d’auteurs algériens, huit sont écrits directement en français.

Cinquante ans après » la Répudiation », Rachid Boudjedra reste une voix libre, résolument réfractaire aux conservatismes, à l’ordre existant.

Un roman comme La Répudiation de Rachid Boudjedra montre avec force que l’écrivain algérien peut donner, en français, une image critique du monde musulman, mais il semble bien que cette littérature francophone, écrite le plus souvent par des auteurs maghrébins qui ont choisi de résider en France et de fréquenter la rue Sébastien-Bottin ou d’être publiés par le consortium Gallimard-Grasset-Le Seuil[26], n’ait plus la même portée ; elle témoigne moins de la volonté d’exprimer les problèmes et les espoirs d’une nation que de l’ascendant qu’exercent la langue et la culture françaises au-delà de ses frontières sur les écrivains étrangers. Elle se rapproche ainsi de la littérature française, très vivante au Liban[27], ou en Egypte[28] : la langue française traduit plus alors les révoltes et les conflits communs à l’écrivain et à son peuple, elle est l’objet d’un choix et d’une prédilection.

[1] Marie-Louise Taos Amrouche (Algérie), Jacinthe noire (1947).

[2] Mouloud Feraoun, Le Fils du pauvre (1950), L’Anniversaire (1959).

[3] Mouloud Mammeri, La Colline oubliée (1952), La Traversée (1982).

[4] Mohammed Dib, La Grande Maison (1952), L’Incendie (1954).

[5] Driss Chraïbi, Le Passé simple (1954), Succession ouverte (1962), La Civilisation, ma mère !… (1972).

[6] Albert Memmi, La Statue de sel (1953).

[7] Kateb Yacine, Nedjma (1956), Le Polygone étoile (1966).

[8] Malek Haddad, Je t’offrirai une gazelle (1959).

[9] Rachid Boudjera, La Répudiation (1969), Les Mille et unes années de la nostalgie (1977).

[10] Tahar Ben Jelloun, Cicatrices du soleil, poèmes (1972), A l’insu du souvenir (1980) et le fameux La Nuit sacrée (1987).

[11] Nabile Farès, Yahia, pas de chance (1970).

[12] Yamina Méchakra, La Grotte éclatée (1979).

[13] Voir également Femmes d’Alger dans leur appartement de Assia Djebar.

[14] L’auteur de cette chronique recommande particulièrement le recueil de poèmes de l’Algérien Henri Kréa, Tombeau de Jugurtha (1968).

[15] Tahar Djaout, Les Chercheurs d’or, 1984 ; Rachid Mimouni, Le Printemps n’en sera que plus beau, 1978.

[16] Sous le bâillon, le poème, 1981.

[17] La Mille et deuxième nuit, 1975.

[18] Le Déterreur, 1973.

[19] La Mémoire tatouée, 1971

[20] L’Enfant de sable, 1985.

[21] Driss Chraïbi, Une Enquête au pays, 1981.

[22] La Rage aux tripes, 1975.

[23] Talismano, 1979.

[24] La Vie simple, 1975.

[25] L’Œil du jour, 1985.

[26] Six grands jurys littéraires, dont le fonctionnement et les décisions sont mis en question tous les ans sans que le système en souffre le moins du monde, jouent un rôle décisif pour la sélection des « valeurs » romanesques, la régulation du public, et, partant, la santé financière des éditeurs. Des esprits chagrins voire acerbes observent que trois grandes maisons d’édition (Gallimard, Grasset, Le Seuil) se partagent la (grande) majorité des (grands) prix [Grand prix du roman de l’Académie française ; Prix Goncourt ; Prix Renaudot ; Prix Femina ; Prix Interallié ; Prix Médicis], et par conséquent des grands tirages, et ceci en raison de la solidarité littéraire, mais aussi économique, qui unirait ces éditeurs et les jurés.

[27] Pays martyrisé qui se dévore lui-même, le Liban célèbre d’une voix douloureuse et forte ses morts et ses plaies. Poète et romancière, Vénus Khoury-Ghâta chante Les Ombres et leurs cris (1980) ; Salah Stetié (Fragments : Poèmes, 1981) et Andrée Chédid (L’Epreuve du vivant, 1982) disent le désenchantement de leur âme à l’image de leur peuple. Ces écrivains intègrent la culture orientale dans une forme résolument contemporaine à l’image de leur prestigieux prédécesseur, poète et dramaturge Georges Schéhadé l’un des maîtres du nouveau théâtre… en France. Une voie à suivre par les voix maghrébines ?

[28] Avec Albert Cossery et Joyce Mansour.

Portrait d’Albert Memmi, le sioniste contrarié

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Tunisie, rendez nous l’ex président Zine Ben Ali ! https://mondafrique.com/libre-opinion/tunisie-rendez-nous-ben-ali/ https://mondafrique.com/libre-opinion/tunisie-rendez-nous-ben-ali/#comments Wed, 02 Oct 2024 04:13:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=86345 Des dizaines de personnalités – pêle mêle des opposants démocrates, des journalistes indépendants, des hommes d’affaires, des islamistes conservateurs et pour des raisons mystérieuses, le français Bernard Henri Lévy-  sont poursuivies dans le cadre d’un hypothétique  complot contre l’État mis en avant par le président tunisien, Kaïs Saïed, saisi par une espèce de paranoia messianique […]

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Des dizaines de personnalités – pêle mêle des opposants démocrates, des journalistes indépendants, des hommes d’affaires, des islamistes conservateurs et pour des raisons mystérieuses, le français Bernard Henri Lévy-  sont poursuivies dans le cadre d’un hypothétique  complot contre l’État mis en avant par le président tunisien, Kaïs Saïed, saisi par une espèce de paranoia messianique qui laisse loin derrière, en termes d’atteintes aux libertés,  le régime despotique qu’avait instauré l’ex Président Ben Ali entre 1987 et 2011 (1). « La culpabilité des mis en cause a été établie par l’histoire, a-t-il déclaré devant les cadres du ministère de l’Intérieur, avant de l’être par les tribunaux ».

Voici le président tunisien, Kaïs Saïed, qui, sur fond d’une faillite économique retentissante et d’un populisme crapuleux contre les migrants, détecte chaque jour ou presque des complots et des tentatives d’assassinat pour expliquer les pénuries grandissantes ou les résistances à ses dérives autocratiques.

Où s’arrêtera la folle spirale répressive du chef de l’État tunisien qui a accaparé l’essentiel du pouvoir depuis son coup de force du 25 juillet 2021? Certes, ses récentes attaques indignes contre les migrants sub-sahariens, sources de tous les maux, lui valent un regain momentané de popularité auprès de certaines franges de la population tunisienne. Kaïs Saîed a même rallié  ainsi le soutien du gouvernement italien d’extrême droite trop heureux de le voir contenir les flux migratoires. Pour le reste, le président tunisien, déja lâché par les  Américains, est de plus en plus isolé sur le plan international. À l’exception du soutien discret  des régimes syrien et iranien et de l’engagement à ses cotés des services secrets algériens devenus omniprésents à Tunis.

Zine Ben Ali , président entre 1987 et 2011, n’a pas eu l’intelligence politique d’ouvrir son régime à la démocratie, mais il a eu au moins le mérite de moderniser son pays

Emmanauel Macron, en retard d’un train

Dans un tel contexte délétère, on assiste au grand silence de Paris alors que certains ressortissants français-BHL et d’autres-, sont poursuivis par une justice aux ordres. Au nom d’une hypothétique stabilité régionale et par peur d’un retour  sur le devant de la scène des islamistes du mouvement Ennahdah, qui furent aux commandes en 2012 et 2013. Ces notables pieux exercèrent alors le pouvoir pour pour le meilleur, grace à une capacité d’intégration politique, emais ausi pout le pire, qui prit la forme d’un bilan économique calamiteux. 

Plus grave, Emmanuel Macron a apporté en novembre 2023 son soutien à « son ami Kaïs Saïed » et a souhaité que « le changement politique en cours (???) puisse aller jusqu’à son terme ». Une façon, alors que le Président tunisien élimine méthodiquement le moindre contre pouvoir démocratique, d’effacer l’immense espoir démocratique du printemps tunisien en 2011, date de la fuite de l’ex Président Ben Al vers l’Arabie Saoudite, une confortable maison de retraite pour autocrates fatiqués.  

La diplomatie française sous la houlette d’Emmanuel Macron reproduit les errements de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy face à feu Ben Ali, mais en pire. Le tournant messianique pris désormais par le régime de Kaïs Saied est autrement plus dévastateur que la gouvernance autoritaire du général Ben Ali. C’est avec une telle  posture que la France de Macron  prépare le revirement anti français d’une opinion publique tunisienne certes francophile, mais attachée aux acquis démocratiques de cette dernière décennie.

Le niveau baisse

De Ben Ali à Kaïs Saied, le niveau a considérablement baissé. Le premier était un vrai dictateur, le second en est une pâle copie, sans colonne vertébrale, ni réels soutiens au sein de l’État. Certes, Zine Ben Ali, en bon militaire, ne possdait pas un logiciel démocratique. Mais il a eu au moins le mérite de moderniser son pays, au point d’être le premier chef d’état en Afrique à signer un accord de libre échange économique avec l’Europe. À l’époque, les taux de croissance oscillaient autour de 6%, sauf à la toute fin de son règne et on trouvait du pain et des médicaments dans les souks tunisiens. .

En revanche, Kaïs Saied, confronté à une crise économique sans précédent, semble dépassé, incapable même de boucler un accord avec le FMI. Le président tunisien ne sait que dénoncer l’affairisme, la corruption, les migrants ou encore le parlementarisme, mais sans formuler le moindre projet, ni pondre la moindre réforme. 

Un fascisme d’opérette

Les deux dictateurs diffèrent par leur capacité de négociation respective. Le premier était capable d’incarcérer et de torturer des milliers d’islamistes, mais il a su négocier avec d’autres forces sociale, qu’il s’agisse de ses partenaires occidentaux, de certains opposants ralliés au régime ou encore de la puissante UGTT, le grand syndicat tunisien qui aura constitué un contre pouvoir incontournable depuis l’Indépendance de La Tunisie.

Premier flic du pays, le général Ben Ali savait contrôler l’appareil sécuritaire, voire sanctionner certains dérapages en excluant 2000 policiers du ministère de l’Intérieur en dix sept ans. Seul contre tous face au peuple tunisien dont il flatte la part sombre, Kais Saied navigue à vue. On le découvre incapable du moindre compromis, toute critique s’apparentant désormais à un complot..

Malgré la corruption du clan présidentiel et les dérives de l’appareil policier, qui avaient gangrené la Tunisie de 1987 à 2011, le Président Ben Ali tenait son pays, certes d’une main de fer, mais en s’appuant sur une technocratie efficace. Ce n’est plus le cas de Kaïs Saïed qui glisse par dérives successives vers un fascisme d’opérette, que notre ancien professeur de droit constitutionnel semble incapable d’organiser, et encore moins de revendiquer clairement, tans le pouvoir tunisien est désormais hors sol..

(1) Le signataire de cette libre oponion, co-auteur avec Jean Pierre Tuquoi et Catherine Graciet, de deux livres sur la dictature tunisienne -« Notre ami Ben Ali » et « la Régente de Carthage »- ne peut pas être suspecté de la moindre indulgence pour le bilan global du régime défunt de l’e dictateur.

(2) Lire dans « le Monde » (daté 02/03) l’excellente contribution de Hatem Nafti, « le régime de Kais Saied ,n’a pas changé de nature, mais de degré de répression ».

https://mondafrique.com/la-terreur-se-repand-en-tunisie/

  

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Présidentielle Tunisie ( 5), la chute du « parrain », Kamel Eltaief https://mondafrique.com/politique/la-chute-du-parrain-de-la-politique-tunisienne-kamel-eltaief/ https://mondafrique.com/politique/la-chute-du-parrain-de-la-politique-tunisienne-kamel-eltaief/#comments Tue, 01 Oct 2024 03:05:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=85346 Dans sa recherche compulsive dde traitres à la patrie et … à sa cause,  Kais Saied s’en prend à des oligarques, souvent originaires de la puissante région du Sahel, qui ont dominé la politique tunisienne depuis l’indépendance. C’est ainsi que dans un climat populiste anti élites et anti étranger, le président tunisien fait incarcérer Kamel […]

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Dans sa recherche compulsive dde traitres à la patrie et … à sa cause,  Kais Saied s’en prend à des oligarques, souvent originaires de la puissante région du Sahel, qui ont dominé la politique tunisienne depuis l’indépendance. C’est ainsi que dans un climat populiste anti élites et anti étranger, le président tunisien fait incarcérer Kamel Eltaief, le « vice Roi » du régime  pendant la dictature du général Ben Ali (1987-2011) , était incarcéré en février 2023. Cette fin d’une long règne au coeur du pouvoir, a certainement comblé beaucoup de ses détracteurs qui, par peur de ses réseaux au sein du ministère de l’Intérieur, n’osaient guère s’en prendre à ce Talleyrand tunisien.

Malgré son statut de « vice roi » durant la dictature de l’ex président Ben Ali, son ami d’enfance, du moins jusqu’au mariage en 1992 de ce dernier avec Leila Trabelsi, qui scella sa disgrâce, Kamel Eltaïef était parvenu à se refaire une place au soleil avec le printemps tunisien.

Dès la nomination de Beji Caïd Essebsi comme chef de gouvernement en mars 2011, cet homme d’affaires roué et sans états d’âme, devient un des hommes de l’ombre les plus influents du sérail tunisien. L’ami Eltaïef, d’une totale vulgarité, sans dessein pour la Tunisie ni la moindre subtilité politique, reste d’une efficacité redoutable (1). On le craignait ou en avait besoin, c’était selon !

Un natif du Sahel

Les seules constantes dans le brillant parcours de ce natif du Sahel, la terre natale de Bourguiba, le père fondateur, et la plus riche région de Tunisie qui fournit au pays l’essentiel de ses élites politiques et économiques, auront été un formidable cynisme, un opportunisme jamais démenti, une détestation constante des islamistes comme seule ligne politique et des liens anciens et confiants avec de nombreux hauts gradés de la police.

Durant les années de la transition démocratique tunisienne, Beji et Eltaief ont noué une solide alliance. L’ami Kamel, qui recevait beaucoup dans ses locaux de la Soukra, une banlieue de Tunis, faisait et défaisait les carrières. Il ne négligeait aucune journaliste influent et s’assurait, via des amis fidèles et quelques gâteries, la bienveillance de nombreux médias, dont la chaine tunisienne « Nessma TV », les sites « Tunisie Numérique » ou « Kapitalis », tous deux très regardés, ou encore à Paris le journal « Jeune Afrique », qui reprenait fidèlement ses éclairages.

L’ami Kamel a su longtemps placer ses fidèles au palais de Carthage, comme le conseiller spécial du président Beji l’ancien homme de gauche Noureddine Ben Ticha, qui lui devait à peu près tout. Cet homme de réseaux sut toujours favoriser de bons relais  au sein du ministère de l’Intérieur, sa vraie maison de rattachement, en soutenant par exemple l’ancien patron de la Garde Nationale devenu brièvement ministre, l’ambitieux Lotfi Brahem, avec qui Mondafrique a eu un sérieux contentieux.

Des menaces jamais abouties

Seulement voila, l’activisme de Kamel Eltaief lui a valu souvent des menaces judiciaires toujours brandies, jamais abouties. Moncef Marzouki alors président de la transition tunisienne, a cherché, avec l’aval du mouvement islamiste Ennahdha qui régnait en maître absolu sur le moindre recoin du pays, à le mettre sous les verrous. En vain.

Plus tard, le « parrain » tunisien avait suscité l’ire de celui qui était alors le Premier ministre du président Beji, le frondeur Youssef Chahed. Quand l’ami Eltaïef apprit qu’il était dans le collimateur du chef de gouvernement, il va réagir, et vite, en mobilisant les puissants réseaux. Kamel Eltaief bat discrètement le rappel de ses troupes au sein du parti au pouvoir, Nida Tounes,au profit d’un Chahed qu’il cherche à rallier. Ce qu’il réussit brillamment à faire, sans se fâcher pour autant avec le Président Beji. 

Son habileté diabolique, ses liens constants avec les Américains et une capacité de séduction auront jusqu’à présent préservé Kamel Eltaief des foudres de la justice. L’arrivée au pouvoir d’un Kaïs Saied, très éloigné par son parcors et sa formation des hommes du Sahel, signe le déclin de l’ex bras droit de Ben Ali, puis désormais sa chute.

Pour ce parrain tunisien emprisonné, qui pourrait être désigné par le régime tunisien comme le symbole des errements passés, une page est apparemment tournée.

(1) L’auteur de ces lignes verra  les exemplaires du livre co signé avec Jean Pierre Tuquoi et publié en 1999, « Notre ami Ben Ali », caviardé en Tunisie lorsque l’ouvrage est autorisé en Tunisie en 2011. Le livre a été en effet censuré  sur l’intervention discrète de Kamel Eltaîef, des passages qui décrivaient le rôle que ce dernier avait tenu lors del’avènement de l’ancien dictateur, le général Zine Ben Ali, aujourd’hui décédé

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