Niger - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/niger/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Tue, 26 Nov 2024 08:09:04 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg Niger - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/niger/ 32 32 Passe d’arme diplomatique entre le Niger et l’ambassadeur européen https://mondafrique.com/confidentiels/afrique/passe-darme-diplomatique-entre-le-niger-et-lambassadeur-europeen/ Sun, 24 Nov 2024 09:15:16 +0000 https://mondafrique.com/?p=122185 Bruxelles et Niamey échangent des noms d’oiseau depuis deux jours autour de tensions suscitées par l’utilisation, par le délégué de l’Union européenne au Niger Salvador Pinto da França, d’un fonds d’aide de 1,3 million d’euros d’aide humanitaire destinée aux victimes des inondations récentes dans le pays.   Rejoignez la nouvelle chaine Whatsapp de Mondafrique Le ministère […]

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Bruxelles et Niamey échangent des noms d’oiseau depuis deux jours autour de tensions suscitées par l’utilisation, par le délégué de l’Union européenne au Niger Salvador Pinto da França, d’un fonds d’aide de 1,3 million d’euros d’aide humanitaire destinée aux victimes des inondations récentes dans le pays.  

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Le ministère nigérien des Affaires étrangères, de la Coopération et des Nigériens à l’Extérieur a annoncé vendredi que l’Union européenne avait mis à la disposition du Niger cet appui financier de sa propre initiative et « sans qu’il en ait fait la demande ».

Or, indique le ministère nigérien, le représentant de l’Union européenne au Niger a décidé seul de la répartition des fonds et même de leur distribution géographique, sans consulter les autorités du pays : « L’ambassadeur de l’UE au Niger a, de manière unilatérale, procédé à l’affectation de cette subvention aux ONG, notamment le Comité international de la Croix Rouge, le Danish Refugee Council et Cooperazione Internationale, au mépris des principes de transparence et de bonne collaboration avec les autorités nigériennes compétentes, qui doivent guider la gestion de l’assistance humanitaire. Pire, l’ambassadeur a procédé arbitrairement à la répartition par région de la dite subvention. » 

Déplorant « cette attitude qui jure avec les principes régissant les relations diplomatiques », l’Etat du Niger a décidé de « commanditer un audit sur la gestion des fonds sus-mentionnés » pour savoir « l’usage et la destination réels des sommes allouées aux ONG concernées ». 

Instrumentalisation politique des questions humanitaires? 

Bruxelles a répliqué samedi en rappelant son ambassadeur de Niamey pour consultations. Dans un communiqué, l’UE « fait part de son profond désaccord avec les allégations et justifications avancées par les autorités de transition » et regrette « l’instrumentalisation de l’aide humanitaire à des fins politiques. » Bruxelles dit toujours « vouloir continuer à soutenir la population » et apporter l’aide humanitaire essentielle « de manière neutre, impartiale et indépendante » à travers « des agences des Nations unies et des organisations et ONG internationales. »

Cet épisode illustre, une nouvelle fois, la difficulté, voire l’incapacité, de Salvador Pinto da França et de son institution, de tirer les conséquences de la crise politique aiguë qui a opposé le Niger à la communauté internationale après le coup d’Etat du 27 juillet 2023. M. Pinto da França, diplomate franco-portugais, a été nommé au Niger le 1er septembre 2022 et il s’est, au plus fort de la crise, rangé aux côtés de la France dans le camp des faucons qui souhaitaient une intervention armée contre le Niger. Ses relations avec les militaires au pouvoir sont notoirement difficiles. Or, les nouvelles autorités sont particulièrement jalouses de leur souveraineté sur le territoire nigérien et elles attendent de leurs partenaires étrangers transparence et respect. 

L’Union européenne, divisée sur l’attitude à tenir désormais au Sahel où transite la migration sub-saharienne qui l’obsède, n’a pas réussi, jusqu’ici, à normaliser ses relations avec le pays. Alors qu’elle était le premier partenaire multilatéral du Niger avant le renversement du Président Mohamed Bazoum, elle a interrompu toute sa coopération, sauf en matière humanitaire. 

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Le Bénin assouplit sa frontière avec le Niger https://mondafrique.com/confidentiels/afrique/le-benin-assouplit-sa-frontiere-avec-le-niger/ Fri, 22 Nov 2024 09:41:28 +0000 https://mondafrique.com/?p=122115 Dans une note de service, la direction générale de la douane béninoise a assoupli jeudi l’entrée, le transit et la sortie des personnes et des biens en provenance et à destination du Niger, ce qui présage d’une prochaine réouverture de la frontière entre les deux pays, fermée depuis quinze mois.  Cotonou va pouvoir retrouver progressivement […]

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Dans une note de service, la direction générale de la douane béninoise a assoupli jeudi l’entrée, le transit et la sortie des personnes et des biens en provenance et à destination du Niger, ce qui présage d’une prochaine réouverture de la frontière entre les deux pays, fermée depuis quinze mois. 

Cotonou va pouvoir retrouver progressivement sa place de premier port d’approvisionnement de son grand voisin enclavé du nord, ce qui devrait faire baisser significativement le coût des marchandises importées, qui n’arrivent au Niger, actuellement, qu’après un long périple à travers le Burkina Faso en guerre à partir de Lomé. 

La note de service ordonne la libre sortie des produits importés à destination du Niger, « notamment le riz, les conserves et l’huile » et autorise la libre circulation des personnes dans les deux sens, ainsi que l’entrée des produits en provenance du Niger. A l’exception de « tous les produits vivriers cultivés au Bénin tels que le maïs, le mil et le sorgho », dont la sortie vers le Niger reste « strictement » interdite, tous les autres produits du Bénin sont autorisés à sortir. 

Reflétant les inquiétudes sécuritaires des deux pays sur la zone frontière de part et d’autre du fleuve Niger, où sont désormais déployés en force les combattants affiliés à Al Qaida, l’auteur de la note de service ordonne de « renforcer les contrôles sur les embarcations et les véhicules afin de détecter et intercepter éventuellement tout transport d’armes, de munitions ou de matériels pouvant être utilisés par les groupes armés terroristes. » 

Témoignant de l’importance de l’économie informelle et de la corruption qui prospèrent sur la frontière, la note demande « d’éviter tout rançonnement au risque de compromettre la réussite de la mission ». 

Suite au coup d’Etat du 26 juillet 2023, la relation entre les deux voisins s’est considérablement dégradée, le Bénin ayant décidé d’emboiter le pas au blocus du Niger ordonné par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, puis aux menaces d’intervention militaire. La présence de soldats français sur le sol béninois, notamment dans le nord du pays proche de la frontière, a également nourri, à Niamey, des craintes d’infiltrations ou d’entreprises de déstabilisation hostiles. De ce fait, toutes les marchandises à destination du Niger et des Etats du nord du Nigéria, qui empruntaient jadis le corridor béninois, ont été déroutées à Lomé et doivent circuler en convois militarisés, souvent attaqués par les groupes armés terroristes, à travers le Burkina Faso. La tension, qui a été jusqu’à bloquer le chargement du pétrole brut nigérien à partir de Cotonou, est progressivement redescendue ces dernières semaines après des négociations intenses entre les deux pays. 

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Carnets de caravane au Sahara https://mondafrique.com/loisirs-culture/carnets-de-caravane-au-sahara/ Tue, 19 Nov 2024 07:30:33 +0000 https://mondafrique.com/?p=122008 Militante de la cause touareg, la franco-japonaise Alissa Descotes-Toyosaki raconte avec pudeur et poésie, dans «La Caravanière» (Payot), sa rencontre avec le Sahara et ses habitants, il y a vingt-sept ans. La caravane de sel, qu’elle a suivie à deux reprises à dos de dromadaire, incarne son admiration pour un mode de vie millénaire qu’elle […]

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Militante de la cause touareg, la franco-japonaise Alissa Descotes-Toyosaki raconte avec pudeur et poésie, dans «La Caravanière» (Payot), sa rencontre avec le Sahara et ses habitants, il y a vingt-sept ans. La caravane de sel, qu’elle a suivie à deux reprises à dos de dromadaire, incarne son admiration pour un mode de vie millénaire qu’elle a épousé pendant treize ans. Obsédée comme son défunt père par les civilisations menacées de disparition, Alissa Descotes-Toyosaki a capturé, telle un explorateur des temps passés, la trace de son apprentissage de la langue et des coutumes touareg dans ses carnets, ses dessins et ses images, au fil de ce qu’elle qualifie de  «vagabondages» au Niger, au Mali et en Algérie. Dans une interview avec Mondafrique, elle raconte comment le Sahara a changé sa vie à jamais, d’un éblouissement spirituel fortuit à une infatigable œuvre de témoignage.

Mondafrique : on peut dire que vous avez de qui tenir. Votre père vous a emmenés, vous et votre frère, en voyage d’aventure dans les lieux les plus incroyables !

En voyage chez les Pygmées, en 1979

Alissa Descotes-Toyosaki : J’ai fait le tour de la planète avec mon père. On est allé au fin fond de la forêt en Guinée, sur les îles Yap. On explorait des endroits où il n’avait aucun touriste. Mon père était antiquaire sans boutique. Il entreposait tout chez lui et la marchandise était vendue au fur et à mesure. Mais ce n’était pas l’objet de nos voyages. Il n’était pas attiré par les objets africains mais il adorait l’Afrique. Il disait : ’il faut se dépêcher de voyager parce que tout fout le camp.’ Il vivait avec un sentiment d’urgence, désespéré d’assister à la disparition de ce monde ancien. Mes souvenirs les plus marquants, ce sont des traversées sur des camions à bestiaux, à l’âge de huit ans, dans des conditions effroyables. Mon père laissait à ma mère une adresse à l’Holiday Inn et on partait à l’aventure. On faisait tout clandestinement. Des années plus tard, quand il a dû vivre dans les règles, il a arrêté. Et comme il s’emmerdait, il est mort.

Mondafrique : vous découvrez le Sahara, comme une initiation, à un moment de votre vie où vous allez mal.

A.D-T: Tout ce dont je me rappelle, c’est le choc entre l’avant et l’après. Je vivais les pires années de ma vie à Tokyo. J’avais 26 ans, j’avais fini mes études et je tournais en rond. A part un job d’hôtesse que m’avait dégoté mon père, je ne me fixais dans aucun travail ; j’y arrivais pas : pseudo mannequinat, télévision, musique. Tous les trois mois, je changeais de boulot. L’air de rien, je subissais la pression sociale. J’étais toute seule et je me sentais marginalisée. Je jouais du saxo, je traînais dans les milieux technos et je ressentais un mal profond qui commençait à s’installer. Et je me dis : ‘il faut que je me casse’. Mais pour aller où ? Un beau jour, mon père me voit, me dit que j’ai mauvaise mine et m’emmène en voyage. ‘Il y a mon pote machin qui organise des expéditions dans le désert marocain. Bon, c’est un voyage de groupe ; j’aime pas trop ça mais ce sera pas cher. ‘ Et on s’est retrouvés à Marrakech à boire des coups comme à Tokyo : ça s’annonçait très mal.

On est arrivés dans le désert à la nuit, crevés, et tout le monde a engueulé le guide parce qu’il s’était perdu. Il y avait quatre Français qui se plaignaient que le couscous était froid. On a été accueillis par des musiciens. La musique a toujours été un vecteur dans ma vie. Je fréquentais des trans parties à Tokyo et là, j’arrivais dans une vraie transe, naturelle, et la musique commençait à me transcender littéralement. Mon père ne dit rien et je suis happée par la musique, par le guide bédouin Mohamed. Je vois qu’il a mis son turban et qu’il se dégage de lui une espèce de dignité qui ne m’était pas apparue avant. Donc au lieu d’aller me coucher je dis au guide que je voudrais aller rejoindre les musiciens qui sont dehors en train de jouer. Je m’assois dans le cercle, dans la pénombre et je me laisse bercer par leurs chants soufis. A un moment donné, quelque chose me donne le tournis et je me lève, je sors du cercle et je vais marcher. Je monte une petite dune et je tombe sur un paysage merveilleux. J’en avais vu, avec mon père, mais cette fois, je suis passée de Tokyo aux 1001 nuits. Des milliers d’étoiles dans le ciel, le désert de dunes et au premier plan, l’oasis avec ses palmiers dattiers en ombre chinoise. J’ai levé la tête au ciel et j’ai failli tomber dans les pommes. Ce fut comme un éblouissement. Je passais de la cohue, de la société de consommation à outrance, on venait de vivre une attaque au gaz sarin – c’était des années horribles – et là, je me retrouvais dans ce vide magnifique, ce silence somptueux. Mon âme s’est envolée. Ca a duré un instant.

Puis je suis revenue dans le cercle, complètement bouleversée et très heureuse. Comme si j’avais découvert Dieu mais je ne le formulais pas comme ça. Je n’étais plus seule. J’ai ramené à Tokyo cet éblouissement qui m’irradiait de l’intérieur. Tout le monde le voyait.

Comme, pour moi, c’était une expérience mystique, je me disais que si c’était mon destin de repartir au Sahara, j’allais attendre qu’il se manifeste pour m’y ramener. J’aurais pu y retourner mais je ne voulais pas. Il fallait que ce soit le destin. Et s’il se passait rien, ça voulait dire que j’avais halluciné cet instant. J’ai donc attendu, pendant trois mois, à Tokyo, le signe du destin. La lumière en moi commençait à s’éteindre. Et à ce moment-là, j’ai reçu un coup de fil incroyable d’un musicien guinéen perdu de vue depuis longtemps qui me dit : ‘il y un Japonais qui cherche une interprète en Mauritanie’. Et je me dis : ’ça y est ! c’est ça!’  Du coup, je quitte Tokyo. J’y crois, j’ai la foi. Je fonce.

Mondafrique : ensuite, vous avez enchaîné plusieurs contrats de traductrice au Sahara pour la coopération japonaise. Comment en êtes-vous arrivée à décider de suivre la caravane de sel ?

A.D-T : Je restais dans mon idée des signes, des opportunités qui se présentent d’elles-mêmes. C’est ainsi que j’ai atterri au Niger grâce à une petite annonce de la JICA dans le journal. J’étais complètement obsédée par le Sahara. Et la caravane de sel, c’était un moyen de traverser le désert avec les nomades. Comme j’avais été bien éduquée par mon père et que je ne voulais pas être traînée à chameau comme une touriste, j’ai compris que le seul moyen, c’était cette caravane de sel. Les méharées organisées, pour moi, c’était insupportable. Le voyage et l’aventure se confondent pour moi. Il fallait que ce soit une aventure. Et puis c’était la première fois que j’allais voyager toute seule, sans mon père. C’était une nouvelle étape.

Oasis

Qui dit caravane dit chameau (comme on appelle les dromadaires dans le Sahara).Et après, j’ai pris le parti des caravaniers, du voyage à chameau. C’est devenu politique. J’aimais aussi l’animal, son rythme, ses capacités incroyables, mais aussi son mauvais caractère. Je savais que physiquement, j’allais y arriver. Seize heures par jour, je savais que je pouvais les faire. Je savais que je pouvais boire l’eau du puits sans tomber gravement malade. Je n’avais pas de doute sur tout ça. Mais ce que je ne savais pas, c’est que la réalité de la caravane et des caravaniers, ce n’était pas du tout l’image romantique que je m’en étais faite : cette vision des mille et une nuits. C’était plutôt seize heures de marche harassante par jour, de la bouillie à tous les repas et le boucan monstre des montures qu’on charge à l’aube et qui hurlent.

Les caravaniers qui exercent ce métier hyper physique ne sont pas en tenue d’apparat et voilés d’indigo. Ils portent plutôt leurs vieux boubous déchirés pour la traversée du désert. Forcément,  je me suis pris une claque dans la gueule. Je ressentais une souffrance à les observer trimer dur, plus misérables qu’avant mais j’étais heureuse qu’ils continuent d’exister. J’ai fait la caravane en 1998 et à nouveau en2003, pour aller jusqu’au bout, à Kano, au Nigéria, furieuse de m’être arrêtée sans le savoir avant le terminus deux ans plus tôt. Et puis la deuxième fois, je voulais tout filmer, me forcer à voir ce que je n’avais pas pu voir lors du premier voyage, dans mes délires romantiques. Le premier voyage, c’était une découverte. Je n’avais pas eu le temps d’observer vraiment. En 2003, j’emmène une caméra et je me dis : ‘tu documentes une civilisation, un commerce millénaire, la confection du sel, la bravoure de ces hommes, l’échange des cultures entre nomades et sédentaires.’ Je voulais garder une trace de ce monde qui était en train de disparaître. Je m’étais aperçue que personne n’avait documenté en images toute la traversée jusqu’à Kano. Sinon, je ne l’aurais peut-être pas fait.

A l’étape de la caravane, 2003

J’ai mis douze ans à terminer le film Caravan to the Future. C’est toujours la même chose : les boites de production qui n’accrochent pas, qui te font réécrire. Mais il y a toujours un moment où quand tu dois y aller, tu dois y aller. On ne pouvait pas savoir combien de temps ça durerait. C’est pour ça que je n’avais pas trouvé d’équipe, à l’exception de mon assistant touareg d’Agadez. Ca dépendait de la récolte du mil, des prix, des marchés… Mon film est brut. Tout a été filmé de manière spontanée ; rien n’a été mis en scène. J’aurais pu leur acheter leurs sacs de dattes pour que ça aille plus vite. Mais je ne l’ai pas fait. Le dernier mois, j’en pouvais plus. J’étais comme une loque. Je dormais sur une natte dans les mosquées, les gens me prenaient pour un homme. Le temps passait tellement lentement sur les marchés ! Je me retrouvais juste à attendre l’étape suivante, par exemple l’achat du mil, qui pouvait prendre quatre mois. Je parlais en petit tamacheq, que j’avais appris au fil de mes voyages. Mais surtout, j’étais accompagnée de mon assistant, mon bras droit, mon confident. Sans lui, ce voyage aurait été impossible. C’était sa première traversée aussi mais il avait reçu une éducation nomade. Il ne s’est pas plaint une seule fois. La deuxième traversée a été plus difficile que la première. On a dû supporter des températures de fou, ce que je n’avais pas du tout anticipé. J’avais fait la première caravane en décembre et la seconde a commencé plus tôt, fin septembre. Il fait encore très chaud en cette saison. Si j’avais su, j’aurais pris un chameau avec ma propre réserve d’eau. Je crois que j’ai eu tous les symptômes de la déshydratation et de l’insolation. J’étais dans un état très très critique. La pluie a sauvé ma vie… et le film. On a reçu une pluie alors que ce n’était pas la saison : j’y ai vu un signe. Il fallait que je continue.

Mondafrique : étiez-vous motivée par l’exploit physique ?

A.D-T. : Je ne crois pas. Je n’avais pas la volonté d’aller au bout de mes forces. J’étais obnubilée par le fait que je devais finir ce film. J’étais prise par tous ces soucis et cette responsabilité et après, j’étais tellement épuisée que je suis revenue presque à 4 pattes. Je suis rentrée à Tokyo avec 50 rushes dont je ne savais pas encore quoi faire parce que je n’avais jamais fait de film. Et j’étais au désespoir devant le désintérêt des producteurs.  

Mondafrique : vous dites que le Sahara vous a guérie de votre quête identitaire.

A.D-T : Avant l’arrivée au Japon, nous avions déjà été ballottés mais notre première installation à Tokyo a été vraiment horrible, aggravée par la déchirure avec mes grands-parents paternels que j’adorais. Quand j’ai rencontré les Touareg, j’ai arrêté de me prendre la tête sur la question de mon identité. Ce fut une espèce de libération. J’aurais pu flasher sur des Tibétains ou des Mongols. Ca a été les Touareg. La première rencontre, c’est le Sahara et la rencontre humaine, ce sont les Touaregs : les nomades du désert tels que je les idéalise.

Pop le dromadaire

Mondafrique : vous n’arrivez pas tout de suite à réaliser votre film. Mais vous retournez dans le Sahara. Dans quelles circonstances ?

 A.D-T. : J’étais fière de mes images, de ces interviews autour du feu que je commençais à traduire, j’étais encouragée par des gens autour de moi mais je n’avais pas de budget ; je n’avais rien. J’avais juste envie de mettre ça dans un tiroir et de penser à autre chose. Et alors que j’étais rentrée depuis trois mois, je fais la rencontre improbable, lors d’une soirée, d’un Touareg de Djanet qui me propose de l’aider à ramener de la clientèle japonaise dans ses circuits. Ma première réaction a été de refuser, à cause de ce fardeau que je portais sur mes épaules, mais je n’avais qu’une envie : me casser dans le Tassili N Ajjers et me voilà repartie  pour d’autres aventures.

Mondafrique : à Djanet, dans le sud de l’Algérie, vous découvrez un autre monde touareg.

A.D-T. : Ce sont des Touareg, mais pas les mêmes. J’ai rigolé mais j’étais choquée aussi. Par la suite, j’ai découvert l’identité touareg oasienne, qui n’est pas elle des campements du Niger. Je pensais que ce que je voyais était l’effet de l’arabisation mais on m’a expliqué que c’était aussi l’influence de la Libye. Toutes les familles de Djanet ont des parents à Ghat où vivent, depuis toujours, des Touareg de Libye. Les femmes de Djanet ne se mélangent pas avec les hommes même si elles ne sont pas détachées de leurs valeurs matriarcales. J’avais du mal à m’y faire, d’autant plus que les sœurs du chamelier qui était alors mon compagnon m’entouraient constamment de leurs soins. En Algérie, même à Djanet, quand tu circules seule au marché, il faut prendre tes précautions. Il y a des règles.

A Djanet

Je construis une relation amoureuse, donc je me fixe. Je me base à Djanet. Et je circule de part et d’autre des frontières, en empruntant parfois la route des fraudeurs, pour raccourcir le trajet. Ca agace un peu mon entourage. Mon chamelier, évidemment, il s’en fait un peu pour moi. Il n’aime pas trop me voir avec les fraudeurs. Mais il me laisse très libre. Je garde un souvenir extraordinaire de ces années 2004 à 2009 : j’ai tout laissé en plan et vécu ça à 100%. Ce furent des années d’insouciance totale. Je faisais des petites missions d’interprétariat et j’écrivais des textes pour la revue de bord de la compagnie Aigle Azur, qui me donnait des billets d’avion. Je vivais d’amour et d’eau fraîche, à faire la transhumance avec un troupeau de chameau, dans un décor splendide, vide certes, mais moi, je n’étais pas seule et ça me suffisait.  

Mondafrique : vous avez écrit ce livre à partir de vos carnets de route, soigneusement conservés. 

A.D-T. :  J’ai des malles bourrées de carnets, de dessins, de photos, de vidéos. Dès que je le pouvais, j’écrivais au coin du feu avec ma lampe torche. Je savais qu’il y avait des choses qu’il ne fallait pas que je perde. Quand j’ai eu ma première caméra, je l’ai emportée partout. J’ai filmé les mariages à Djanet, les concerts de Tinariwen à Kidal, les passages de frontière en fraude, mes chameaux. Il me fallait tout ça. Et effectivement, les photos ont joué un rôle crucial dans ma mémoire. Pour écrire la version japonaise de ce livre, j’ai relu mes notes de route et je me suis dit que si je commençais à les reprendre telles quelles, ce serait trop long. Je voulais reprendre certaines phrases mais pas tout. Le reste, les souvenirs les plus marquants, ils étaient restés dans ma mémoire. Donc j’ai compilé un peu les deux. Tout ce matériel, bien qu’intime, était destiné à un public.

Mondafrique : en 2006, vous créez une petite structure touristique, Sahara-Eliki. Dans quel objectif ?

A.D-T.: C’était un peu une revanche. Je m’étais emmerdée en Mauritanie avec un chamelier qui me tirait au bout d’une corde. Je me suis dit qu’il y avait peut-être d’autres gens comme moi qui voulaient vraiment voyager en caravane dans le Sahara. J’ai cherché un format pour débutants. Et au bout de trois ans à Djanet, je me suis dit qu’une telle activité nous permettrait de gagner notre vie tout en donnant du travail aux chameliers et en perpétuant ainsi le mode de vie traditionnel, qui aurait été perdu depuis longtemps en Algérie sans les touristes. A Djanet, la vie coûte cher ; ce n’est pas comme au Niger. Et il y a beaucoup de chameliers qui abandonnent leur métier faute d’activité. Or, ils sont les seuls à pouvoir conserver la connaissance ancestrale des pistes et des dromadaires. J’avais du temps : je me suis lancée. J’avais appris à monter à dromadaire en une semaine donc j’ai imaginé une caravane d’une semaine pour les Japonais. J’ai créé une association à but non lucratif, Sahara-Eliki, dédiée au sponsoring de chameaux. J’ai appelé ça «Un chameau pour bosser», intraduisible en japonais, et qui n’a absolument pas fonctionné en France.  

Un chameau, à l’époque, coûtait 400 euros. Je suis allée en acheter six à Arlit, au Niger, parce que c’était moins cher et que ça me fournissait le prétexte d’une nouvelle caravane. J’ai fait le voyage de retour à Djanet avec un chamelier nigérien marchand de bétail. Son défi, c’était de traverser la frontière algérienne sans se faire prendre. On a fait une étape de cinquante heures presque sans s’arrêter et sans faire du feu pour ne pas rencontrer une patrouille. J’étais estomaquée. Qu’est-ce-que l’Algérie avait à foutre de ces chameliers ? Je ne comprenais rien. J’avais déjà vécu ça lors d’un voyage antérieur en voiture avec des migrants et une famille qui accompagnait un vieux monsieur se soigner à Djanet.  L’Algérie, c’était la terreur. Et pourtant, c’était les mêmes familles de part et d’autre de la frontière.

Sur la route des fraudeurs

Mondafrique : dans ces mêmes années, avant l’arrivée des groupes djihadistes algériens qui ont transformé la région en piège mortel pour les étrangers, vous avez également circulé au Mali ?  

A.D-T : Je suis partie de Kidal et j’ai remonté jusqu’à Tamanrasset et Djanet. Environ 3000 km : un long parcours, mais il n’y a pas le choix. De Kidal à Tamanrasset, je me suis dit que la route passait par Tinzawaten (qui sert de poste frontière entre le Mali et l’Algérie) et que je ferais tamponner mon passeport d’entrée à cet endroit. Mais mon honnêteté m’a valu beaucoup de tracasseries policières, comme le prévoyait le chauffeur du 4X4 qui n’arrêtait pas de m’engueuler et une passagère touareg autoritaire, qui me reprochait de n’avoir pas pris suffisamment de provisions et de ne pas savoir cuisiner. J’étais frigorifiée. Je n’avais pas anticipé le froid de l’Adrar des Ifoghas. J’étais mal habillée, je me remettais de fractures aux poignets et je n’étais pas bien préparée du tout. On aurait dû arriver en deux ou trois jours et on a mis six jours. Le convoi était merdique; les voitures aussi. Je n’avais pas les moyens de me payer les meilleures conditions de voyage. Je venais de voir le groupe Tinariwen en concert à Kidal mais je ne voulais pas attendre leur départ pour Tamanrasset dans leurs bons 4X4. J’ai pris le premier taxi brousse à l’autogare. Je suis très rapide pour le départ. C’est un compliment que les Touareg m’ont toujours fait. Je suis prête en 3 minutes.

A Kidal, j’ai vu que quelques personnes me jugeaient en tant que femme seule, me prenaient pour une vagabonde. C’est une société conservatrice même si, au même moment, il y a Tinariwen qui fait le tour du monde et mélange tous les genres dans sa musique. Tu arrives à Kidal et tu te dis : « C’est ça, la capitale du desert blues?». Pas d’infrastructure. Aucun charme. Mais tu vois qu’il y a quelque chose dans ces danses incroyables de fierté, sur la guitare et le tendé (tambour joué par les femmes) C’est splendide et je suis contente d’avoir tout filmé. Derrière, il y a toute la résistance, la révolte, l’histoire de l’Azawad (le nom que les Touareg donnent à cette vaste région du nord du Mali dont ils revendiquent l’indépendance.) C’est très puissant.

Concert de Tinariwen à Kidal

Mondafrique : Sahara-Eliki a fonctionné quelques temps mais la sécheresse a fini par emporter vos chameaux, comme c’est le cas, de façon cyclique, depuis toujours.

A.D-T. : On a eu jusqu’à quinze dromadaires, dont les propriétaires étaient des Japonais qui venaient les monter à Djanet. Je filmais des petites vidéos des chameaux que j’envoyais aux propriétaires. Ça marchait très bien. J’ai reçu les premiers Japonais ; ils n’avaient aucun problème d’adaptation et n’avaient plus besoin de moi. Quand la sécheresse est arrivée, on n’a pas vendu nos animaux tout de suite, à cause de leurs propriétaires japonais. Mon chamelier me dit : ‘on va acheter une vieille Toyota en Libye et on rapportera de l’orge à notre troupeau.’ On a fait ça pendant deux ans. On s’était attaché aux animaux et de les voir dépérir, c’était dur. Ils sont tous morts, les uns après les autres, de maladie. Leurs corps étaient faibles. Ils n’avaient même plus de bosse. La vraie sécheresse a commencé vers 2009 et, en 2011, ils étaient tous morts. 2011, ce fut l’année de la mort : Fukushima, en mars, mon père, en septembre, Kadhafi en octobre puis les chameaux, dont j’ai appris la mort en novembre.

Mondafrique : votre dernier voyage avant la longue rupture provoquée par la catastrophe de Fukushima a été un peu différent. 

A.D-T. : Ce dernier voyage répondait au premier, celui de l’éblouissement. C’était un voyage sur les traces de l’Islam soufi avec un Touareg de Tamanrasset, Sakaï, qui m’avait emmené à ermitage de l’Assekrem, sur les plateaux du Hoggar, où son grand-père avait été l’interprète de Charles de Foucauld, l’auteur du premier dictionnaire franco-tamacheq. J’avais rencontré Sakaï lors d’une fête soufie à une centaine de kilomètres de Tamanrasset et la musique était celle que j’avais entendue dans cette oasis marocaine, à mon premier voyage. Les musiciens étaient vêtus de blanc et ils jouaient une sorte de transe, comme des litanies, des prières. J’ai dit à Sakaï : ‘je crois que c’est la musique que j’ai entendu cette nuit-là’. Sakaï a proposé de me conduire à Aïn Salah, dans la région des oasis rouges, où se trouvent les marabouts, les saints et les soufis. Je quittais la zone touareg mais j’étais toujours avec un guide touareg. Nous étions en décembre 2010. Trois mois plus tôt, à Arlit, au Niger, quatre Français d’Areva avaient été enlevés et Michel Germaneau, kidnappé au Niger lui-aussi, avait été assassiné en juillet. Toute la région était quadrillée.

Nous sommes partis, tous seuls. J’étais une femme. Je n’étais pas convertie. Mais ça ne nous a pas arrêtés. Je n’ai pas trouvé la réponse à mes questions mais je me suis rapprochée de cet islam des marabouts. Sakaï, qui était très attaché à un saint soufi, Sidi Wafi, qu’on surnomme «le saint rebelle», me parlait de cet islam traditionnel des oasis, très engagé dans l’autosuffisance. Nous sommes arrivés sans encombre à Timimoune. Et là, on s’est fait prendre par la gendarmerie et raccompagner sous escorte jusqu’à Djanet. Atroce. Sakaï était dégoûté. On s’est quitté comme ça. J’ai pris un vol pour Djanet où j’ai accueilli un groupe de touristes japonais. Je suis rentrée à Paris une semaine plus tard et j’ai appris qu’une touriste italienne venait de se faire enlever au nord de Djanet. Ça a sonné le glas de notre vie. Toute la carte de la région est devenue rouge. Tout le Sahara. C’était la fin d’une décennie de liberté. Quand j’ai écrit ce livre, je me suis : ’Mon Dieu, que j’ai eu de la chance ! Et si la situation est devenue très difficile depuis lors, ce qui fera l’objet d’un deuxième tome, au fond, j’ai confiance dans les Touareg et leur résistance.  

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Mahamadou Issoufou funambule entre Niger et ONU https://mondafrique.com/a-la-une/mahamadou-issoufou-funambule-entre-niger-et-onu/ Fri, 15 Nov 2024 11:29:58 +0000 https://mondafrique.com/?p=121920 L’ancien Président du Niger Mahamadou Issoufou vient d’accorder une interview publiée le 11 novembre par Notre Afrik, où il tente de faire entendre sa voix et de revenir dans le jeu politique nigérien, rebattu radicalement par le coup d’Etat du 26 juillet. Sa parole est devenue extrêmement rare et elle reçoit généralement un accueil indigné des […]

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L’ancien Président du Niger Mahamadou Issoufou vient d’accorder une interview publiée le 11 novembre par Notre Afrik, où il tente de faire entendre sa voix et de revenir dans le jeu politique nigérien, rebattu radicalement par le coup d’Etat du 26 juillet.

Sa parole est devenue extrêmement rare et elle reçoit généralement un accueil indigné des internautes nigériens, qui lui reprochent, pour les partisans de Bazoum, sa trahison, et pour les autres, le système politique de prédation qu’il a installé au Niger à son arrivée au pouvoir en 2011, communément baptisé «guri» en haussa, et dont le rejet explique en partie le ralliement des Nigériens au renversement du régime civil.

Privé de l’essentiel de son crédit à l’international – en raison des soupçons qui portent sur son implication dans le coup contre son dauphin et ami – Mahamadou Issoufou laboure le continent au titre des deux missions à lui confiées par l’Union africaine et les Nations Unies, respectivement en tant que champion de la zone de libre-échange ZLECAF et comme président du Panel de haut niveau sur la sécurité et le développement au Sahel, au nom duquel il a présenté son rapport au Secrétaire Général des Nations Unies Antonio Guterres le 21 octobre. Qu’il semble loin le temps où le Président du Panel recevait ses membres en grande pompe à l’hôtel Radisson Blu, en juin 2023 ! Cette fois, les Nations unies n’ont pas communiqué sur la réunion et les rares photos de Mahamadou Issoufou entouré de ses pairs proviennent de ses propres services de communication. 

Issoufou expert contre Issoufou Président

Dans l’interview à Notre Afrik, Issoufou l’expert de haut niveau tourne le dos, sans vergogne, à Issoufou Président et parrain du parti socialiste au pouvoir, dans un exercice schizophrénique où il excelle depuis toujours.

Contraint par sa mission à reprendre les formules et les recettes de la communauté internationale, dont l’échec au Sahel est patent, il les retourne désormais contre la France, les organisations régionales et les Nations Unies, sans doute pour séduire les gouvernements militaires de la région et leurs partisans.

Il est amusant de le voir tenter de faire oublier sa place de chouchou des Occidentaux, auxquels il a pourtant ouvert les portes de son pays et de ses camps militaires comme personne avant lui, pour tenter d’apparaître comme un partisan de la souveraineté nationale, aux antipodes des recettes qu’il prônait jadis dans les cénacles (mais peut-être déjà sans conviction personnelle) : démocratie -de façade- et soutien militaire extérieur dans la guerre contre le terrorisme.   

Convoquant à nouveau le nexus sécurité-développement qui a fait les beaux jours des experts du Sahel, l’ex Président Issoufou le développe en réquisitoire des pays riches. «Le Panel estime que les causes profondes de la situation sont l’échange inégal (les pays pauvres ont perdu 2 200 milliards en 2017 du fait de l’échange inégal) et une architecture financière internationale inéquitable (la dette devenant une source de pauvreté et non un instrument de développement à cause des taux d’intérêt élevés pour les pays pauvres).» 

Présentation du rapport d’étape sur la ZLECAF à Addis-Abeba

Pour lui, faute d’action contraire, le statu quo «permettra aux groupes terroristes de s’étendre, menaçant la sécurité régionale, continentale et internationale, avec la possibilité pour les terroristes de capturer des ressources stratégiques, ce qui entraînera des risques de rétraction des États dans les centres urbains, le déplacement massif des populations des zones rurales insécurisées vers les villes, une aggravation de la pauvreté et des inégalités, et même la disparition des États sous leur forme actuelle.»

« Des Etats sahéliens qui n’ont pas su répondre aux besoins de leurs populations »

Pour Mahamadou Issoufou, qui oublie, au moment du bilan, qu’il est l’un des principaux responsables de l’échec partagé, la situation actuelle résulte de la responsabilité conjuguée de tous les acteurs : «les États sahéliens, affaiblis par des programmes d’ajustement qui ont négligé la sécurité et peinent à répondre aux besoins de leurs populations ; les organisations régionales et l’Union africaine, (qui) n’ont pas su coordonner efficacement leurs efforts ; l’ONU (qui) a aggravé la situation avec son intervention en Libye, et les partenaires internationaux (qui) ont mené des stratégies morcelées, sans cohérence avec les besoins locaux.»

Le Panel propose une vision pour 2063 (! ) et invite tous les partenaires à s’aligner sur la stratégie imaginée : la Communauté sahélienne de sécurité collective (CSSC), nouvel acronyme s’ajoutant à la quinzaine de stratégies Sahel empilées et ensablées depuis 2012 mais qui, promet Issoufou, ne tombera pas dans les écueils des précédentes «fruits d’une mauvaise lecture de la région». 

Le concepteur du «concassage des partis politiques» et d’une prédation sans précédent des ressources de l’Etat vante désormais la gouvernance : «Partant du principe que les valeurs démocratiques sont universelles et les institutions locales, le Panel recommande que celles-ci soient adaptées à l’histoire et à la culture des peuples des pays de la région, l’objectif étant la construction d’États stables et efficaces.»

Au bon vieux temps des honneurs, Issoufou recevant le Panel à l’hôtel Radisson Blu, juin 2023, un mois avant le coup d’Etat

Dessine-t-il sa propre stratégie de survie et de retour aux affaires, maintenant que son principal rival Hama Amadou est mort ?

«L’État doit gagner la loyauté directe des citoyens, la dévolution du pouvoir doit être assurée par des élections transparentes, ce qui rend superflu le débat sur la limitation des mandats. La formation des coalitions gouvernementales, voire de gouvernements d’union nationale, doit être encouragée.»

Faites ce que je n’ai pas fait  

Assurer la transition démographique, investir significativement dans l’éducation, surtout des jeunes filles, et dans les soins de santé : ces priorités sociales, ignorées pendant douze ans par Mahamadou Issoufou Président et chef du guri système, sont vantées par Mahamadou Issoufou expert de haut niveau, sans ciller.  

«Les États sahéliens doivent se libérer de leur dépendance aux financements extérieurs en mobilisant davantage de ressources internes, notamment fiscales», poursuit celui dont le règne s’est traduit par une explosion de l’aide étrangère. Le civisme fiscal n’était pas non plus la plus grande vertu du fondateur du parti rose, qui a accumulé un patrimoine immobilier considérable dans des conditions opaques, au Niger et à l’étranger.

Mahamadou Issoufou n’aborde la situation du Niger qu’en fin d’interview, pour s’apitoyer sur son sort. Il faut dire qu’avec son fils Abba et une partie de ses lieutenants en prison, les autres en exil et l’ancien tout puissant parti rose déchiré en deux camps ennemis, m’ancien Président est dans une situation délicate. «Le bouc émissaire, par définition, c’est la personne sur laquelle on fait retomber les fautes des autres ; je n’accepte pas qu’on me fasse jouer ce rôle. Nous avons tous intérêt à avoir une bonne lecture de la situation ; nous avons tous intérêt à nous poser les bonnes questions et à trouver les bonnes réponses.»

Décembre 2019, photo Elysée

Les ponts semblent bien coupés avec la France, dont il fut pourtant l’un des protégés pendant tout son règne.  Il exprime ainsi son amertume mais caresse aussi le nouveau régime dans le bon sens. «Combien y a-t-il eu de coups d’État en Afrique ces deux dernières années ? Pourquoi ces coups d’État sont-ils intervenus, dans leur totalité, dans des pays francophones? Cela tient-il du hasard ? Pourquoi ne constate-t-on pas le même phénomène dans les pays anglophones ?», s’interroge-t-il.

Poussé dans ses retranchements mais sourd à ses propres contradictions, il dit condamner «par principe» tous les coups d’État, «y compris celui du 26 juillet» mais regrette que «les Ponce Pilate, de l’intérieur comme de l’extérieur, qui n’assument jamais leur responsabilité, ne (l’) entendent pas.»

Il conclut, citant Robespierre, sur son opposition à l’intervention militaire projetée un temps contre son pays par la France et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest. Qu’il soit sincère ou pas, cette position le fait basculer du bon côté de l’histoire nigérienne. « La plus extravagante idée qui peut naître dans la tête d’un politique est de croire qu’il suffise à un peuple d’entrer à mains armées chez un peuple étranger, pour lui faire adopter ses lois et sa constitution. Personne n’aime les missionnaires armés. » Et, de rappeler, en gage de sa bonne foi, son opposition en 2011 contre l’intervention en Libye. «Je ne pouvais pas, dans le cas du Niger, faire moins que ce que j’ai fait dans le cas libyen.»

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Niger, la disparition de Hama Amadou après 50 ans de combat politique https://mondafrique.com/decryptage/hama-amadou-vaincu-par-la-mort-apres-50-ans-de-combat-politique/ Thu, 07 Nov 2024 07:38:44 +0000 https://mondafrique.com/?p=121612 C’est le paludisme qui a emporté à 74 ans, le 24 octobre, un combattant qu’on croyait immortel. Malgré une hygiène de vie et une résilience exceptionnelles, Hama Amadou n’a pas pu reconquérir le pouvoir perdu en 2007 bien qu’il ait été au centre de la vie politique de son pays pendant cinquante ans. Portrait.   Ceinture […]

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C’est le paludisme qui a emporté à 74 ans, le 24 octobre, un combattant qu’on croyait immortel. Malgré une hygiène de vie et une résilience exceptionnelles, Hama Amadou n’a pas pu reconquérir le pouvoir perdu en 2007 bien qu’il ait été au centre de la vie politique de son pays pendant cinquante ans. Portrait.  

Ceinture noire de judo, Hama Amadou pratiquait la politique comme un art martial, en appliquant les enseignements à la lettre : souplesse, discipline et utilisation de la force adverse. Très aimé, admiré et craint, parfois incompris, l’homme politique incarnait l’espoir du changement pour des millions de Nigériens.

Malgré les obstacles, les revers et le harcèlement qui ont transformé sa dernière décennie de vie en chemin de croix, Hama Amadou n’a jamais renoncé. Il tombait, se relevait, obstiné, plein de foi en lui même. Cette confiance était certainement l’un des secrets de sa popularité. Car au Niger, seul l’espoir permet, souvent, d’affronter l’adversité du présent.

Mais cette assurance l’a également desservi. Après une ascension politique fulgurante, Hama a durement payé le prix de ses ambitions. «Personne ne pourra dire qu’il n’a pas tout donné. Personne ne pourra dire qu’il n’a pas tout subi», a bien résumé Ibrahim Assane Mayaki, ancien Premier ministre du Niger et haut fonctionnaire international. La politique au Niger ne fait pas de cadeau et plus qu’aucun de ses rivaux, Hama Amadou a enduré la prison et l’exil. Peut-être parce qu’il ne retenait pas ses coups non plus. Peut-être parce que les pouvoirs le percevaient comme une très grande menace, en raison de son immense popularité. Peut-être à cause de sa franchise cinglante.

Je l’ai connu à Paris, au crépuscule de son infortune. Et durant ces années d’exil forcé, je ne l’ai jamais vu s’apitoyer sur lui-même. L’humour et l’auto-dérision conjuraient le mauvais sort et les trahisons répétées.   

Une enfance de fils du fleuve

Il est né en 1950 d’un père haleur sur le grand fleuve Niger, originaire de Youri, dans le département de Kollo, où il a été inhumé il y a quelques jours. Appartenant à la communauté peule kourté, dont il arborait crânement les scarifications en forme de croix sur les joues, Hama Amadou a fait ses premiers pas dans le quartier Gaweye, un village de pêche où les colons français installèrent finalement la capitale.

En quittant le Niger quelques années plus tard, le père confie son fils âgé de neuf ans à l’un de ses meilleurs amis, Salifou Dia, en poste au Bénin. Hama passera quatre ans dans ce pays – il se classe premier du centre d’examen de Parakou – avant de revenir dans son pays natal avec son père adoptif. Eloigné de sa famille biologique et du Niger, il s’affranchit des fortes contraintes sociales de son pays. Il incarnera, pour cette raison peut-être, une modernité singulière dans le paysage politique, qui ne sera pas toujours acceptée. «Il n’a pas toujours été bien compris ou l’a été très peu, sans doute parce qu’il était en avance sur son temps», écrit de lui un autre Peul, Abouba Albadé, qui fut son camarade politique puis son rival.  

Évoluant désormais avec ses camarades plutôt qu’en famille, Hama Amadou fait ses propres choix. Il achève son cycle secondaire au collège d’enseignement technique de Maradi puis suit le cursus de l’Ecole nationale d’administration, niveau moyen puis niveau supérieur, et choisit la douane. Il y sert peu de temps, de 1971 à 1974, avant d’être nommé secrétaire de préfecture et sous-préfet à Agadez, Zinder et Tahoua. C’est à Tahoua qu’il rencontre son futur mentor politique : Mamadou Tandja, préfet du département, un ancien officier de l’armée.

Directeur de cabinet du Président Seyni Kountché, voeux (DR)

Repéré par le régime d’exception …

Mais c’est Seyni Kountché, le Président du Conseil militaire suprême arrivé au pouvoir en 1974 par un coup d’Etat, qui fait, le premier, basculer sa vie. Séduit par l’intelligence et le tranchant du jeune homme, qui vient de défendre les couleurs de son pays aux Jeux Africains d’Alger, le rugueux Président nomme Hama Amadou à la direction générale de l’Office de la radio-télévision publique, où il nourrit de grands projets. «Les douaniers disaient qu’il partait au cimetière des fonctionnaires», raconte son ami Baba Mahamane Touré. Satisfait de la remise en ordre impulsée par le jeune administrateur, Seyni Kountché le fait ensuite venir auprès de lui comme directeur de cabinet.

De ces années au sein du pouvoir d’exception, Hama adopte la rigueur administrative, le souci de l’efficacité, un sens aigu de la nation et une vision politique articulée autour du développement et de la ruralité.  

De gauche à droite, Seyni Kountché, Sani Bako et Hama Amadou (DR)

L’ancien chef rebelle touareg Rhissa Ag Boula a estimé dans un message de condoléances belliqueux, que l’ancien Premier ministre avait été «l’enfant politique de Kountché et du CMS». Or, écrit-il, «quand tu as bu le lait du CMS, tu ne peux jamais être un démocrate.»

Mais profondément démocrate

Pourtant,  Hama fut l’un des premiers à souhaiter la mutation du régime d’exception en parti politique. «A l’orée du processus de démocratisation, tu t’étais converti et démené pour convaincre les partisans du parti unique d’accepter la démocratie comme nouveau mode de gouvernement. Et tu fus durablement un véritable démocrate, qui avait non seulement bataillé pour faire de ton parti un des plus grands, mais aussi assurer sa survie», salue le sociologue Souley Adji, qu’on ne peut soupçonner de connivence avec le défunt.

Nommé secrétaire général de la formation héritée du régime d’exception, le Mouvement nigérien pour la société du Développement (MNSD) alors présidé par Mamadou Tandja, il défend, avec courage et éloquence, l’ancien parti Etat à la barre de la Conférence nationale. Et le sauve in extremis de la dissolution. Cette prestation suscite l’admiration des militants, des cadres et des grands bailleurs de fonds du parti.

Le mot d’ordre de ces années-là, c’est le changement. Hama Amadou ne croit pas dans un creuset national où fusionneraient toutes les idéologies. Le changement, pour lui, viendra de son parti, qu’il estime le mieux armé et le plus compétent. Il se jette de toutes ses forces dans la bataille. En 1993, il devient député de la capitale, dans la circonscription située sur rive droite du fleuve, son futur bastion. Dès lors, trois partis vont se disputer le pouvoir : le MNSD, la Convention démocratique et sociale (CDS) de Mahamane Ousmane et le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS) de Mahamadou Issoufou. Les alliances se font et se défont au gré des ruades de la toute jeune démocratie nigérienne. Cette séquence s’achève avec la cohabitation bloquée entre Mahamane Ousmane et Hama Amadou, qui provoque le coup d’Etat du général Ibrahim Baré Mainassara, le 27 janvier 1996.

Années 1990, Mohamed Bazoum à gauche, Hama Amadou au premier plan (DR)

Malgré son ascension dans le giron du régime militaire, l’ancien Premier ministre ne nourrit aucune fascination particulière pour les hommes en tenue. Même quand ils font partie de ses bons amis, comme le tombeur de Mahamane Ousmane. Selon les confidences qu’il me fit à Paris, il avait, malgré sa proximité avec lui, décliné l’invitation pressante de Baré à le rejoindre, estimant que le parti ne devait pas se confondre avec l’armée.

«Ayant pris fait et cause pour la démocratie, tu te jetas à corps perdu dans la bataille pour la restauration des libertés et des droits humains. Tous les grands partis se coalisèrent pour faire front contre la junte opportuniste de Barè Mainassara», salue encore Souley Adji, qui fut, dans ces années-là, laissé pour mort dans un fossé par le régime militaire.

Au pouvoir, un administrateur hors pair et ombrageux

En novembre 1999, sept mois après l’assassinat du Président Baré par sa garde, le pouvoir se stabilise dans les mains du MNSD. Tandja Mamadou est élu Président et il nomme, le 3 janvier suivant, le prodige du parti à la Primature. L’alliance avec la CDS de Mahamane Ousmane consolide l’unité du pouvoir et du pays contre le troisième acteur : le parti rose de Mahamadou Issoufou.

De retour de voyage, Premier ministre (2007) (DR)

Dans ces années-là, Hama Amadou est tout puissant.

Lorsque j’arrive au Niger en 2002, il est admiré, redouté et décrié. On lui reproche une forme d’arrogance et une certaine brutalité dans l’exercice du pouvoir. D’une main de fer, infatigable, entouré d’une équipe de cadres choisis parmi les meilleurs, il relève le pays au bord de la faillite. Il apure une montagne d’arriérés de salaires des fonctionnaires en leur distribuant des terrains à bâtir, diminue la dette, remet les comptes publics au vert. Audacieux, il sert de bouclier à son papa Tandja dans les tempêtes, lève les fonds et affronte l’exigeante communauté internationale. Libéral en économie, il est alors très proche de la droite française.

Sur le plan social, si la relation avec les scolaires reste éruptive, les sept ans de pouvoir de Hama Amadou apportent des progrès importants. Le professeur Badié Hima, qui présidait alors l’Association nigérienne de défense des droits de l’Homme, en a témoigné il y a quelques jours, estimant que les arbitrages rendus par le chef de l’exécutif furent ceux d’un «véritable homme d’Etat». Le professeur, qui batailla durement avec certains de ministres, fait le récit détaillé de «rapports tendus, très tendus, mais dans le respect. Chacun défendait le pays, rien que le pays.» C’est sous le mandat de Hama Amadou qu’est votée en 2003 la loi criminalisant l’esclavage et que sont mis au point des outils nouveaux au service du dialogue politique.  

Le divorce avec Mamadou Tandja

En 2007, le Phénix – l’un des surnoms de Hama – est abattu en plein vol. Comme souvent en pareilles circonstances, le coup vient de son plus proche : Mamadou Tandja. Au milieu du deuxième mandat du Président, les chemins des deux hommes divergent et les rivalités s’aiguisent. Tandis que Hama Amadou convoite la place et commence à s’organiser pour affronter ses ennemis à l’intérieur du parti, Mamadou Tandja caresse l’idée d’une rallonge interdite par la Constitution. Alors que sa succession n’est pas encore ouverte, le Président s’offusque du désir d’émancipation de son héritier politique. Encouragé par un entourage hostile à Hama, il décide de l’éliminer. 

Du temps de l’amitié,, avec le Président Mahamadou Tandja (DR)

Tombant des nues, le Premier ministre est renversé par une motion de censure votée par l’opposition, ses fidèles alliés de la CDS et 9 députés de son propre parti. Son ami de toujours, Seyni Omar, lui succède à la Primature. Il ne lui pardonnera jamais vraiment. Il est ensuite incarcéré à la prison de haute sécurité de Koutoukalé pour une médiocre affaire de détournement du fonds d’aide à la presse, qui se terminera pas un non-lieu des années plus tard.

C’est la fin d’une décennie de stabilité et c’est la fin du grand baobab, le surnom du MNSD. Les proches de Hama Amadou s’en vont les premiers. D’autres scissions suivront. Finalement, Mamadou Tandja est renversé le 18 février 2010 par un coup d’Etat, après avoir dissout la Constitution et l’Assemblée. Une nouvelle transition militaire commence alors.  

Malgré ses assauts répétés, Hama Amadou ne parviendra pas à reprendre le pouvoir. L’éclatement du parti MNSD, l’effacement de la vibrillonnante CDS de Mahamane Ousmane et un contexte objectivement favorable au parti socialiste lui en entrouvriront les portes quelques mois avant de le claquemurer dans l’opposition.

Une décennie de persécution

La dernière décennie du leader, devenu la bête noire de Mahamadou Issoufou et de ses partisans, sera marquée par une persécution continue qui fera de lui la victime expiatoire du régime et une légende dans son pays.

Elections de 2011 (photo Tagaza Djibo)

A l’issue de la transition de 2011, le tout jeune Mouvement démocratique nigérien pour une fédération africaine (MODEN-FA) Lumana n’est pas encore de taille à remporter la présidentielle. Faiseur de roi, il joue la carte du parti rose contre ses frères ennemis du MNSD et apporte ainsi à Mahamadou Issoufou la majorité au deuxième tour. Il ne sait pas encore  que cette alliance scellera sa perte. La cohabitation se révèle vite impossible. Les portefeuilles confiés à ses militants sont progressivement asphyxiés par le Trésor public, qui ne décaisse que pour les ministres roses. Hama oeuvre secrètement à un projet de renversement de majorité pour mettre Issoufou en cohabitation forcée. Mais le complot est éventé. Dès lors, c’est à qui dégainera le premier. En août 2013, Hama est poussé au départ et il est remplacé par le perdant de l’élection de 2011 : le MNSD de Seyni Omar.

Campagne présidentielle de 2011, 2e tour (photo Tagaza Djibo)

Dès lors, le Président de l’Assemblée, constitutionnellement inamovible, son parti Lumana et tous ses proches réels ou supposés sont impitoyablement écrasés ; au Niger, on parle plutôt de «concassage». Dans l’administration, dans l’armée, dans la police, une grande purge est opérée. Niamey et l’Ouest du pays, supposés nourrir trop de sympathie pour le leader déchu, sont sous haute surveillance. C’est ainsi qu’il faut comprendre le vote massif de Lumana, aux scrutins de 2016 et 2021, dans ces régions.   

La prison ou l’exil

Une scabreuse affaire de supposition d’enfants, fruit d’une construction juridique hasardeuse, est lancée après l’apparition dans le foyer de Hama Amadou de deux jumeaux nés au Nigeria de sa deuxième épouse, Hadiza. Dix-sept personnes de la bonne société, dont douze femmes, sont poursuivies dans le même dossier et jetées en prison. Leurs enfants seront, des années plus tard, placés à l’orphelinat. La procédure de l’Assemblée est bafouée et un mandat d’arrêt est lancé contre Hama, contraint à l’exil. Le coup est rude : il n’est pas dans les usages politiques du Niger, même débridés, de frapper sous la ceinture et dans le cercle familial. Le guri système, qui est en train de dévorer toute l’administration nigérienne à coups de corruption et de chicote, croit alors, à tort, que Hama Amadou ne se relèvera jamais du scandale.

Au parti Lumana, les leaders changent constamment de numéro de téléphone et sont harcelés. Je me souviens de Soumana Sanda, à cette époque, me disant résigné qu’il passait plus de temps en prison que chez lui. Certains seront même poursuivis pour terrorisme. Mais dans l’adversité, le parti ne se disloque pas. Il devient au contraire une forteresse imprenable.

Avec Christine Lagarde, à l’Assemblée nationale (Photo Tagaza Djibo)

«Lumana, c’est comme une famille. Partout où tu vas, tant qu’il y a des militants de Lumana, tu es chez toi», raconte Mariama, une militante des premières heures. Un cadre du MNSD, de la même génération que le défunt, précise : «Lumana a été créé par les femmes et les jeunes. C’est un parti où il n’y a presque pas de vieux. Hama Amadou l’a créé alors qu’il n’avait pas d’argent et il fallait que le parti se finance tout seul. Contrairement au MNSD qui était la propriété de ses gros bailleurs de fonds, le fonctionnement de Lumana est assuré par ses militants et c’est d’ailleurs pourquoi ils sont aussi engagés. Les femmes sont organisées en groupements ; elles ont inventé des systèmes de cotisation. Hama leur a aussi donné la capacité de résister à l’appel du gain. Le Lumana était impossible à percer.»

Alors que s’annonce l’élection pour un deuxième mandat de Mahamadou Issoufou, qui promet un «coup KO» au premier tour, l’exilé revient au Niger en novembre 2015. Il est arrêté à sa descente d’avion, dans une capitale assiégée par les forces de sécurité. La procédure contre lui suivant son cours, il est incarcéré à la prison de Filingue, dans le nord-ouest du pays, au bout d’une mauvaise piste et en pleine zone d’insécurité. Il se présente cependant contre le Président sortant de sa cellule, où, progressivement, on lui interdit toutes les visites, y compris de son médecin personnel, tandis que sa santé se détériore faute de soins. Ses lieutenants les plus proches sont tous emprisonnés. Pour avoir chanté ses louanges, Hamsou Garba, une célèbre cantatrice politique, est elle aussi arrêtée. La paranoïa du régime est à son comble.

 

En boubou bleu ciel à gauche, à l’Inauguration de la raffinerie de la Soraz avec Mahamadou Issoufou (Photo Tagaza Djibo)

La bataille acharnée de la présidentielle de 2016

J’étais à Niamey le 21 février 2016, lors du premier tour du scrutin. J’ai vu les files d’électeurs disciplinés, venus dès l’ouverture des bureaux de vote. J’ai assisté au dépouillement des résultats, dans la salle du Palais des Congrès, dans un silence de mort. On m’a rapporté les démarches d’apaisement – mal accueillies – des émissaires de la communauté internationale auprès d’une opposition tendue à l’extrême et menaçant du pire en cas de victoire d’Issoufou au premier tour. Avec 18% des voix, Hama arrive loin derrière son concurrent, à 48%, mais il confirme sa place de premier adversaire du Président. Entre les deux tours, il n’appelle pas à voter pour son ancien camarade Seyni Omar, malgré la normalisation de leurs relations sociales. Convaincu que l’élection est truquée et que la communauté internationale soutiendra inconditionnellement le pouvoir rose, il appelle au boycott.

Le 20 mars 2016, date du 2e tour, les cours d’école de la capitale restent vides, malgré quelques bureaux «témoins» préparés pour les observateurs et se remplissant de cars de jeunes hommes venus d’on ne sait où. Sans surprise, Issoufou est réélu avec 92% des voix et un chiffre de participation incohérent avec le 1er tour. Quelques jours plus tôt, Hama Amadou est évacué in extremis vers la France pour y recevoir des soins, tandis qu’à Niamey, le gouvernement, tétanisé, ne sait plus que faire de son encombrant prisonnier.

Le deuxième mandat d’Issoufou ne sera pas plus favorable à Lumana. Mais la chicotte se fait plus souple, les manoeuvres de concassage plus appuyées en faveur de l’éclatement du parti. La procédure contre le leader poursuit son cheminement juridique implacable. La coalition de l’opposition se disloque très vite et les amis d’hier rejoignent le gouvernement. En 2018, Hama Amadou est déchu de son poste de député et déclaré inéligible.

En exil à Paris, il s’ennuie, désoeuvré. Il rêve de revenir dans son pays. «La prison de Filingué, me dit-il, c’est toujours le Niger ! Ca vaut mieux que cette vie d’exil.»  Hama se morfond dans la solitude et il estime qu’il doit rentrer au pays pour les militants, quel qu’en soit le prix. Il leur est très reconnaissant de leur engagement inconditionnel à ses côtés.

Une vision du monde qui évolue vers le souverainisme

Hama Amadou n’est pas un révolutionnaire. Féru d’intrigues, capable de complots et de retournements subtils, il n’aime cependant pas le désordre ni le chaos. Avec le temps, ce libéral proche de Nicolas Sarkozy a évolué dans sa vision du monde, au contact du courant souverainiste qui souffle sur le continent. Il  écrit, me dit-il, sur les effets pervers de l’aide internationale, nourri de son expérience du pouvoir sous Tandja. Elle est néfaste, pense-t-il, car elle prive les dirigeants de leur autorité sur l’administration en imposant ses priorités propres sans se soucier des Etats. Pour lui, c’est un marché de dupes.

Lors de son retour au Niger en 2019

Le 14 novembre 2019, il revient au Niger et se présente devant le tribunal pour purger la fin de sa peine d’un an. Cette fois, les choses se passent plus civilement. Il a le temps de s’incliner sur la tombe de sa mère et de recevoir ses amis et ses militants avant de rejoindre sa cellule de Filingué, d’où il sortira juste à temps pour la campagne.

Il n’a toujours pas renoncé à la victoire démocratique. Bien qu’inéligible, il ferraille, cette fois, contre Mohamed Bazoum, le dauphin du Président sortant. Dans des stades bondés, avec son complice du moment, l’ancien chef d’Etat-major de Mamadou Tandja, le général retraité Moumouni Boureima et son look à la Jerry Rowlings, il harangue les foules. Il leur dit de braver la peur et de se révolter contre le parti rose qui se rêve au pouvoir pour mille ans. L’assaut est frontal.

En novembre 2020, son dossier est rejeté par la Cour Constitutionnelle à cause de sa condamnation. Hama est inéligible ? Il va contester Mohamed Bazoum sur le même terrain. Une campagne fleurit sur sa nationalité d’origine (requise par la Constitution) et l’authenticité des documents que le candidat produit en guise de preuves. Les arrestations pleuvent. La Commission Electorale Indépendante, la Cour constitutionnelle, la justice nigérienne sont totalement inféodées au régime. Et ça se voit. Mohamed Bazoum parcourt le pays avec de gros moyens mais la pression adverse se fait sentir avec force.  

Campagne 2021 (DR)

Le baroud d’honneur de 2021

Le 22 décembre, Hama renverse encore la table : faute de pouvoir se présenter, il se rallie à la candidature du leader social-démocrate zindérois Mahamane Ousmane, sur qui se porteront les voix de son parti. C’est un coup de génie. Il désamorce ainsi les accusations de régionalisme, se trouve un point d’appui à l’est et recrée l’arc qui a fait la stabilité du Président Tandja. Son staff se met au service d’Ousmane, ce dernier étant dépourvu de troupes et de moyens. Partout, les cadres de Lumana – beaucoup de jeunes coachés par Hama lui-même – s’impliquent dans les bureaux de vote, traquent la fraude, mobilisent les électeurs. L’engouement est fort. Difficile de le mesurer car les résultats officiels sont toujours aussi incohérents, notamment entre le 1er et le 2e tour, qui se tient le 21 février 2021. Bien sûr, Mohamed Bazoum est élu, avec 55,6 % des voix, contre son challenger issu du même fief électoral. Sur les 2,5 millions de voix que recueille officiellement le vainqueur, près d’un million sont comptabilisées dans la seule région de Tahoua, le fief de Mahamadou Issoufou, où l’opposition dénonce des bourrages d’urnes à grande échelle.

Le 25 février 2021, jour de la proclamation des résultats, la capitale s’embrase à l’annonce de ce que beaucoup perçoivent comme un hold-up électoral. Plusieurs partis politiques sont pris pour cibles ainsi que le correspondant de Radio France Internationale et des commerçants proches du régime. Les observateurs étrangers ne pipent mot. Chacun retient son souffle en espérant que l’insurrection va faire long feu. A Zinder, chez Mahamane Ousmane, le calme règne. Ses militants ne s’associent pas à la colère de Niamey.

A ce moment-là, Hama Amadou est hospitalisé dans une clinique, sous perfusion. Il souffre d’une maladie chronique depuis de longues années et la campagne l’a épuisé. 500 personnes sont arrêtées, soupçonnées d’appartenir à son parti, et une unité d’élite de la gendarmerie se présente chez lui avec des blindés offerts par l’Union européenne au nom de la guerre contre les djihadistes. Prévenu, Hama se rend de lui-même à la police judiciaire. Après trois jours de garde-à-vue, il retrouve sa cellule de Filingué. Cette fois, il est accusé de « propagande régionaliste », de «complicité de dégradation de biens » et « d’incitation à la violence et à la haine ethnique». De quoi l’envoyer à l’ombre pour toujours.

Deux mois plus tard, bénéficiant d’une libération sanitaire, il est à nouveau envoyé en France pour se soigner tandis que ses militants encombrent les prisons. En réalité, le régime le préfère hors du pays.

Hama a longtemps espéré que Mohamed Bazoum serait l’homme de la décrispation politique. Il a espéré la libération de ses camarades, l’annulation du jugement de placement de ses enfants à l’orphelinat, la fin du harcèlement judiciaire. Il croyait qu’une démocratie «normale» pouvait voir le jour au Niger, chacun dans son rôle. Cela n’a pas été possible. Il n’a pu obtenir qu’une sorte de trêve sans contrepartie, permettant aux élus locaux de son parti d’administrer sans entrave les collectivités gagnées au dernier scrutin.

 

En 2023, juste avant le retour au Niger. (DR)

La dernière fois que je l’ai vu, il était très joyeux et s’apprêtait à rentrer au Niger. C’était en août 2023, quelques semaines après le coup d’Etat contre Mohamed Bazoum. Hama se réjouissait de la chute du guri système, s’emportait contre le projet d’intervention française et voulait, naturellement, repartir au combat politique. Il comptait bien se présenter aux élections à venir, pensant que le sort avait enfin tourné en sa faveur.

Je n’ai pas eu la chance de reprendre nos causeries. Sa maison, en France, est restée fermée et Hama n’a pas renouvelé son visa. Il n’a plus parlé publiquement, les partis politiques étant suspendus par le gouvernement militaire. On m’a dit que les autorités lui avaient donné un véhicule officiel, en sa qualité d’ancien Premier ministre, statut qui lui fut toujours refusé par le régime socialiste. Sa plainte devant la Cour de justice de la communauté ouest-africaine, pour son éviction du dernier scrutin et l’opposition formée contre la condamnation en son absence dans le dossier des bébés importés, restent pendantes.

ll a fallu l’hommage national organisé à ses obsèques pour qu’il ressurgisse, une dernière fois, dans le paysage politique.

Quel sera son héritage ? Que va devenir son parti ? Quel sort sera réservé aux idéaux démocratiques qu’il a défendus ? Quel chemin empruntera le Niger dans les années qui viennent ? Il ne sera plus là pour en débattre avec nous.

 

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Un collectif de journalistes dévoile la fortune cachée de Mahamadou Issoufou https://mondafrique.com/a-la-une/un-collectif-de-journalistes-devoile-la-fortune-cachee-de-mahamadou-issoufou/ Tue, 05 Nov 2024 18:37:05 +0000 https://mondafrique.com/?p=121563 Ce texte a été publié lundi sur les réseaux sociaux du Niger par Boussada Ben Ali, journaliste, partisan du Président renversé Mohamed Bazoum, qui dit avoir coordonné les investigations d’un collectif d’enquêteurs indépendants. L’auteur vient d’être inscrit, il y a quelques jours, au fichier des personnes, groupe de personnes ou entités impliqués dans des actes […]

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Ce texte a été publié lundi sur les réseaux sociaux du Niger par Boussada Ben Ali, journaliste, partisan du Président renversé Mohamed Bazoum, qui dit avoir coordonné les investigations d’un collectif d’enquêteurs indépendants. L’auteur vient d’être inscrit, il y a quelques jours, au fichier des personnes, groupe de personnes ou entités impliqués dans des actes terroristes (FPGE) pour le soupçon de « production et de diffusion de données de nature à troubler l’ordre public ». Neuf autres personnes – deux anciens ministres, des activistes sur les réseaux sociaux et des rebelles – ont été inscrits en même temps que lui, ce qui pourrait être le prélude à une procédure de déchéance de nationalité. Installé en Libye depuis des années, Boussada Ben Ali s’en prend régulièrement, à l’ancien Président Mahamadou Issoufou qu’il accuse d’être l’artisan du coup d’Etat de juillet 2023. 

Boussada Ben Ali, le coordonnateur de l’enquête

« Alors que le Niger traverse une crise politique sans précédent, avec l’irruption des généraux au pouvoir suite à un coup d’État orchestré par Issoufou Mahamadou et exécuté par son fidèle Tiani, nous avons décidé de vous livrer les résultats partiels d’une longue enquête sur la fortune cachée de Issoufou Mahamadou pour vous permettre de mesurer l’ampleur des dégâts commis sous son règne.

Ce coup d’État réalisé dans un contexte de stabilité remarquable sous Bazoum Mohamed et de réelles perspectives d’amélioration de la situation économique du pays était fait sur la base d’un contrat très précis : une transition militaire n’excédant pas six (6) mois et la réélection à terme de Issoufou Mahamadou à la Présidence de la République .

Nous publions aujourd’hui les résultats partiels de cette enquête portant sur la richesse de cet homme avide de pouvoir et d’argent, de façon à permettre à l’opinion nationale et internationale de mieux découvrir le personnage.
Il s’agit pour nous, ici, de lever un coin du voile sur l’immense richesse cachée de l’ancien Président Issoufou Mahamadou. Ces révélations sont le fruit d’une enquête longue, rigoureuse et éthique, menée sur plusieurs mois par un collectif de Nigériens résidant pour certains au pays et d’autres à l’extérieur, fondée sur des informations fiables, vérifiées et vérifiables.

Une fortune officielle en croissance exponentielle

Pendant les dix (10) années qu’il a passées à la tête de l’Etat, Issoufou Mahamadou s’est employé à amasser les richesses au point où le poids de sa fortune actuelle lui a fait perdre la raison. Pour lui, tout s’achète ici sur terre, y compris l’honneur et la dignité des Nigériens.

En examinant les déclarations annuelles du patrimoine de Issoufou Mahamadou publiées par la Cour des Comptes, on est toujours effaré par le rythme de croissance de celui-ci. Au point où, vers la fin de son régime, lui-même gêné aux entournures, a cru devoir inventer une justification en disant que ses acquisitions sont dues à de l’argent qu’il reçoit de certains…chefs d’État africains !!!

En acceptant cette justification, la Cour des Comptes s’est rendue coupable de forfaiture. Le principe de la déclaration périodique du patrimoine de certaines personnes assumant des charges publiques vise à leur assigner un comportement intègre en adéquation avec les exigences éthiques de leur mission. Quand un chef d’État d’un pays souverain annonce officiellement recevoir de l’argent d’autres chefs d’État, il avoue ses propres manquements vis-à-vis du code d’honneur qui régit l’exercice de ses charges éminentes. Le principe de la souveraineté de l’État interdit à celui qui en est le chef d’accepter de l’argent pour lui, quelle qu’en soit la provenance. Faire cela, c’est se rendre coupable d’infamie. Comment au juste aurait réagi la Cour des Comptes si Issoufou Mahamadou avait dit qu’il recevait son argent des chefs d’État de France, des États-Unis, de Chine ou de Turquie ? Aurait-elle accepté qu’un ministre justifie son enrichissement par des cadeaux en provenance de ses homologues du Nigeria ou de l’Algérie ?
Comme on le voit, rien qu’à s’en tenir à ses propres déclarations de biens, Issoufou Mahamadou s’est rendu coupable d’un enrichissement illicite scandaleux qui le déshonore à jamais et le disqualifie pour toujours à assumer des nouvelles charges politiques.
Mais les choses sont pires avec lui, car en vérité ses déclarations de patrimoine sont totalement insincères, mensongères sur toute la ligne. Elles sont mensongères parce qu’elles minorent considérablement la valeur vénale des éléments du patrimoine d’une part et surtout parce qu’elles omettent l’essentiel de sa richesse, d’autre part.

Une centaine de maisons et d’immeubles au Niger

Ainsi, s’agissant de ses biens immobiliers à Niamey, du peu que nous en savons, Mahamadou Issoufou n’a jamais déclaré ce qui suit :
– Sa maison située derrière l’ambassade des États-Unis, achetée à Hama Zada ;
– Ses deux (2) maisons sises à Koira Kano, face au Lycée Lumière ;
– Son grand domaine du quartier Koubia Nord. C’était là qu’il prévoyait de s’installer avant d’opter pour Losso Goungou où il a construit ses deux châteaux de conte de fées, que sa deuxième épouse Malika appelle affectueusement « Villas Butterfly » en raison de la forme qui rappelle celle d’un papillon aux ailes déployées ;
– Le siège de la Fondation Issoufou Mahamadou enregistré sous un prête-nom ;
– Les trois (3) grands immeubles face à l’hôtel Bravia, eux aussi enregistrés sous des prête-noms ;
Dans la région de Zinder, il n’a jamais déclaré la maison construite en 2019 à Maja, dans le village de ses oncles maternels, sur la route Zinder-Tanout. Il n’a jamais mis pied dans cette luxueuse maison d’une valeur supérieure à 100 millions de francs CFA, vouée décidément aux araignées et aux termites.

En vérité, la famille Issoufou Mahamadou possède pas moins de 100 maisons presque toutes de grand standing dont des immeubles, notamment le plus grand et le plus luxueux immeuble privé de Niamey situé dans la zone du Château 1, au Plateau, appartenant à son épouse Malika. Par ailleurs, notre enquête nous a permis de découvrir que dame Malika a utilisé le nom d’un certain Ezzedine, un homme d’affaires libanais résidant en Côte d’Ivoire et mari de sa grande sœur Khaïra, pour bénéficier du régime du code des investissements pour construire un grand Centre commercial (Mall) d’une valeur de plusieurs milliards de francs CFA dans l’enceinte du stade Général Seyni Kountché.

Deux appartements dans les beaux quartiers de Paris

Dans ses différentes déclarations de patrimoine, Issoufou Mahamadou n’a jamais fait, non plus, cas de ses biens hors du Niger.
Pourtant notre enquête nous a permis de découvrir qu’il en possède plus à l’extérieur du Niger notamment :
– Un appartement situé au 7-19 rue du Docteur Germain Sée, dans l’arrondissement le plus cher de Paris, à savoir le 16ème. Cette acquisition date de 1999. Il a acquis cet appartement au retour d’un voyage à Taïwan où, accompagné d’un officiel du Burkina Faso, il a été présenté aux autorités de ce pays comme candidat à l’élection présidentielle du Niger prévue pour la fin de la même année. Il avait promis aux autorités taïwanaises de l’époque de rétablir les relations diplomatiques avec leur pays au cas où il serait élu. C’est l’argent reçu à Taïwan suite à cet engagement qui lui a permis d’acquérir cet appartement à Paris. C’est d’ailleurs là où a résidé sa 2ème épouse Malika, depuis son mariage en 2004 jusqu’en 2011, date de leur accession au pouvoir.
Cet appartement n’a jamais été déclaré, même pas en 2011, de peur que les Nigériens ne découvrent qu’il possède un appartement qu’il ne saurait posséder légitimement au regard de sa carrière bien connue de tous.
– Un appartement de très grand standing d’une valeur de plusieurs millions d’euros, enregistré au nom de Ezzedine encore, au 55 boulevard Lannes, toujours dans le 16ème arrondissement de Paris, en face de l’ambassade de Russie et non loin de celle du Niger. C’est dans cet appartement que loge Mahamadou Issoufou quand il séjourne à Paris depuis qu’il n’est plus Président. C’est là qu’habitent en ce moment les 3 enfants de Malika qui poursuivent leurs études à Paris depuis la fermeture du lycée La Fontaine de Niamey, alors que les enfants d’autres Nigériens ont vu leur scolarité perturbée.
– Un appartement cossu dans le plus chic quartier de New York à Manhattan, enregistré au nom de sa fille aînée qui vit dans ce pays.
– Un appartement à Montréal, au Canada, dans l’un des plus beaux quartiers de la ville. C’était là que la fille aînée de Malika avait passé sa classe de seconde en 2023 avant de rejoindre ses petits frères à Paris à la rentrée scolaire 2023-2024. Cet appartement est enregistré au nom de Abdallah Wafi, le mari de Kebira, une autre grande sœur de Malika. Le défunt Abdallah Wafi (paix à son âme) était un modeste commissaire de police du Niger qui, vers la fin de sa carrière a pu, à l’instar de ses autres collègues, décrocher un poste dans une mission de l’ONU au Congo puis d’ambassadeur aux USA. Les fonctions qu’il a occupées pourraient certainement lui permettre de construire une maison convenable à Niamey, mais nullement un appartement à Montréal.

En outre, il faut aussi savoir que Mahamadou Issoufou est le vrai propriétaire de la ferme avicole  » Œufs d’or » située sur la route de Namaro, la plus grande et la plus moderne ferme avicole du Niger. L’investissement dans cette ferme a coûté un peu plus de sept (7) milliards de francs. C’était son fils Abba qui s’en occupait.

Enfin Mahamadou Issoufou possède une compagnie maritime immatriculée en Asie. Combien de bateaux possède-t-il ? Nos informations ne sont pas encore consolidées. Ce qui est sûr, c’est que ses activités d’armateur sont florissantes. Et le plus gros de sa fortune dissimulée se trouverait en Turquie.

Notre enquête n’est pas achevée mais la publication des résultats partiels vise à montrer au peuple nigérien que celui qui a plongé le pays dans le chaos pour préserver ses propres intérêts et régner en maître sur le Niger a certes réussi à faire taire certaines voix qui avaient jadis la réputation de le dénoncer mais il existe toujours de vrais patriotes, qui continueront la lutte pour faire payer à Issoufou Mahamadou ses crimes politiques, économiques et sociaux. Les enquêteurs professionnels nationaux et internationaux devraient s’en saisir pour débusquer l’usage de multiples prête-noms de la part d’un homme qui a choisi de détruire un pays qui lui a tout donné. »

La dernière déclaration des biens du Président Issoufou devant la Cour des Comptes, le 4 mai 2021, fait apparaître 5 maisons à Niamey (dont les deux dernières, en construction et toujours inhabitées, avoisinent un milliard de francs CFA sur un terrain de 10 hectares), 3 maisons à Tahoua, dont une, également en construction, d’une valeur finale estimée à un demi milliard de francs CFA, 3 maisons à Illela dont une, également en construction, d’une valeur d’un peu plus d’un demi-milliard de francs CFA, à Dan Dadji, son village natal, 2 maisons dont une en construction, d’une valeur de 348 millions de francs CFA, et à Zinder, une dernière maison. « Le déclarant indique que les nouvelles réalisations ont été financées grâce à l’appui financier de certains amis, principalement chefs d’Etat », selon le document. A ces biens, s’ajoutent 2 parcelles non bâties à Niamey, 4 à Tahoua, 2 terrains à Birni N’Konni, 1 à Doutchi, 2 à Dan Dadji, 2 jardins de près de vingt hectares à Guidan Karo, 6 véhicules Toyota, Range Rover et Lexus, et 2 comptes bancaires – modestes – au Niger et en France. 

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Mali, le discours de vainqueur du chef djihadiste Hamadoun Koufa https://mondafrique.com/a-la-une/mali-le-dechryptage-du-chef-de-la-premiere-force-djihadiste-hamadoun-koufa/ Thu, 31 Oct 2024 17:00:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=121333 Interviewé le 23 octobre en arabe par le journaliste Wassim Nasr, le chef de la Katiba Macina, la première force djihadiste malienne, dresse les contours de la guerre qu’il mène depuis près de dix ans dans le delta central du Niger : alliés, ennemis, cibles, moyens. Pour décrypter le langage parfois allusif de l’émir issu […]

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Interviewé le 23 octobre en arabe par le journaliste Wassim Nasr, le chef de la Katiba Macina, la première force djihadiste malienne, dresse les contours de la guerre qu’il mène depuis près de dix ans dans le delta central du Niger : alliés, ennemis, cibles, moyens. Pour décrypter le langage parfois allusif de l’émir issu de la communauté peule, Mondafrique a fait appel au chercheur Boubacar Ba, du Centre d’analyse sur la gouvernance et la sécurité au Sahel, excellent connaisseur des dynamiques sécuritaires régionales. Ce dernier a écouté l’interview dans sa version audio en fulfulde, la langue peule, traduite de l’arabe par le porte-parole de Hamadoun Koufa, Mahmoud Barry.

Mondafrique : Qu’est-ce-qui vous a frappé, d’emblée, dans cette interview ?

Boubacar Ba : Hamadou Koufa parle à un moment où il pense avoir étendu son pouvoir, sa vision et son ordre politique dans une grande partie du pays, bien au-delà du delta central du Nger. C’est un discours de puissance. Cette interview est une réponse à l’Alliance des Etats du Sahel (AES) : à la vision sécuritaire des trois pays du Sahel central, il répond par un projet djihadiste régional cohérent, même s’il ne développe pas les situations du Burkina Faso et du Niger qui ne relèvent pas de sa responsabilité.

Ce projet est assis, selon lui, sur un ordre idéologique tiré de l’Islam, une gouvernance et un ordre politico-juridique. Cette dynamique de réponse aux Etats n’est pas nouvelle. On l’a déjà vue à l’oeuvre lorsque Barkhane puis le G5 Sahel ont vu le jour en 2014 et 2015 : Hamadoun Koufa et ses amis ont alors créé le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) avec une stratégie sahélienne et des branches autonomes. Maintenant qu’ils font la guerre aux armées nationales et aux Russes, les «moudjahidine» (terme utilisé par Koufa et ses combattants) ont créé une formule de recentrage du GSIM dans les trois pays, à travers une action coordonnée de la Katiba Macina, la Katiba Serma et la cadette burkinabè de la Katiba Macina, Ansaroul Islam. Ils se déploient surtout dans le centre et le sud du Sahel oriental ainsi que le nord et l’est du Burkina Faso. Au Niger, selon plusieurs sources, ils ont créé un  «mandiga»  ou Almantaqa (une entité régionale) qui couvre la région ouest de Tillabéri, jusqu’à la frontière du Bénin, dans la réserve transnationale du parc W. Koufa sous-entend qu’un émirat autonome est en train de  se construire dans ce pays après l’émirat du Mali et celui du Burkina Faso. Enfin, en réponse à une question de son intervieweur, il menace clairement les pays côtiers qui «oppriment et maltraitent leurs peuples.» Des attaques et des infiltrations des groupes apparentés à la Katiba Macina sont rapportées depuis des mois au Bénin, au Togo, au Ghana et au Burkina Faso.

Boubacar Ba

Mondafrique : Cette interview, c’est une sorte de leçon de guerre de l’ancien prêcheur du delta. Qui sont ses alliés ?

B.B.: En l’écoutant, on comprend qu’il s’appuie sur deux alliés essentiels : l’organisation faîtière, le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), commandé par Iyad Ag Ghali, qui est sa couverture dans le djihad global, et l’organisation soeur du Burkina Faso, Ansaroul Islam, à laquelle il rend un hommage appuyé.  

On dit parfois que «la force du cheval, c’est son sabot». Koufa est le sabot du GSIM, sa force de frappe principale. Et le GSIM assure l’articulation avec la vision globale d’Al Qaida. Les responsabilités de chacun sont décrites avec précision.

Mondafrique : Quelle est, selon Koufa, la source de sa légitimité et ses buts de guerre ?

B.B. : il pense qu’il est un envoyé de Dieu ; il est légitimé par l’Islam. Il n’est pas, dit-il, entré dans le djihad à cause du projet de code de la famille de 2009 au Mali, qu’il avait contesté à l’époque.  « Les problèmes et la tragédie des musulmans au Mali et dans d’autres pays musulmans sont plus importants et plus dignes de sacrifice» que les enjeux de personnes et de familles», dit-il. «Nous combattons pour restaurer la règle islamique dans notre pays (…) mise à mal par ces apostats qui usurpent la règle de Dieu par la force, l’injustice et la tyrannie.»

Mais à cette défense de l’Islam, il ajoute celle des communautés peules. En réponse à une question de Wassim Nasr sur le risque que les actions de Koufa feraient courir à ces groupes, Koufa ne répond pas, sinon pour dire que l’appel islamique a pour but d’unir et non de diviser. Cette communauté pastorale à laquelle il appartient, il estime qu’elle est aujourd’hui discriminée par les gouvernants dans sa pratique de l’Islam et dans son mode de vie. Mais il ne cantonne pas le djihad à ce groupe : «Les Peuls, comme d’autres races musulmanes, vivent en marge de la religion et du monde. Ils ont été privés de leur religion et de moyens de subsistance décents pendant un certain temps. (…) Au fil du temps et de l’adversité, les Peuls ont compris qu’il n’y avait aucun autre moyen de regagner leur droit de vivre honorablement sous la domination de l’Islam que par le djihad.»

Koufa pense ici, sans les préciser, aux droit pastoraux, à la transhumance, aux systèmes de production, aux conditions de vie. Dans le Macina, il a imposé son ordre sur tous ces sujets. Il a fixé un prix plafond aux gestionnaires des pâturages pour l’accès aux éleveurs venus des zones exondées.  Mais pour lui, le djihad va au-delà. Tous ceux dont les droits sont violés doivent y adhérer. Il glisse subtilement vers les autres groupes communautaires. L’homme qui a revendiqué l’attaque de l’école de la gendarmerie de Bamako, le 17 septembre, s’appelait Abou Houzeifa Al Bambari : le Bambara.  

Le delta intérieur du Niger vu par satellite en novembre 2007. Fin de saison des pluies. La végétation est luxuriante. On aperçoit le fleuve Niger au sud-ouest.

Mondafrique : Qui sont les ennemis de Koufa ?

B.B. : Les ennemis sont multiples. Il y a des Etats : ceux du Sahel mais aussi la France, l’Occident, la Russie. Il se montre plus critique envers la Russie qu’envers la France pour son action au Mali. Même si la France est fortement prise à partie, en fin d’interview, pour son action dans le djihad global. «Les crimes odieux commis par les mercenaires de Wagner et l’armée malienne ont accru la colère et le mécontentement du peuple car ils ont dépassé les crimes et les violations des Français (…)  contre des civils désarmés. Ces derniers n’ont pas fait ce que les Russes ont fait», dit Koufa dans son interview.

De façon très politique et un peu paradoxale, il récupère le dégagisme anti-français actuellement très fort au Sahel en attribuant à ses frères d’armes le mérite du départ de l’armée française de la région, même si ce puissant sentiment de rejet a conduit à l’arrivée au pouvoir des gouvernements militaires que le chef djihadiste combat par ailleurs.  «Il s’agit d’une victoire triomphale que Dieu nous a accordée. (…) C’est une revanche divine sur les dirigeants français qui se sont moqué de l’Islam (…) et ont soutenu ceux qui insultaient le Prophète de l’Islam Mohamed (…) Dieu a répandu dans le coeur des partisans et esclaves (de la France) le courage de se révolter contre elle, l’un après l’autre. (…) Ce qui a contraint la France à partir, brisée et humiliée.» S’éloignant du théâtre sahélien, Koufa s’offre le luxe d’y voir une «leçon pour la France» qui devrait «arrêter les injustices et les provocations à l’égard des musulmans en général et des musulmans africains en particulier (…) et leur montrer du respect.»

Mondafrique : l’autre grand ennemi, c’est l’Etat islamique. Les deux groupes divergent sur les cibles, les modes opératoires et la gouvernance.

B.B. : Pour Koufa, la guerre entre les deux groupes n’est pas de son fait. «Nous n’avons décidé de combattre cette secte égarée (…) qu’après avoir tout fait pour convaincre ses adeptes de suivre la vérité. (…) Malheureusement, nos appels sont restés vains car ils ont persisté dans leur égarement et se sont enorgueillis de leur puissance. Ils ont commencé à tuer des innocents sans discernement et à semer le désordre sur la terre», dit Koufa.

Il privilégie la litote, disant avoir été contraint «de les prendre par la main, de mettre fin à leur agression et d’endiguer leur méchanceté.» Après des années de durs combats, l’Etat islamique au Sahel a dû reculer devant les troupes du front constitué par la Katiba Macina, la Katiba Serma et Ansaroul Islam. La route du sud est désormais coupée. Le groupe se trouve confiné dans les régions de Menaka et Gao, au Mali, et de Tillabéri et Tahoua au Niger. Koufa s’en félicite, remerciant Dieu «de les avoir fait reculer dans des zones limitées.» Cependant, il affirme que «la porte des négociations pour résoudre les différends et régler les conflits est ouverte à tous ceux qui le veulent» et il reconnaît des «trêves locales et ponctuelles quand la situation l’exige.» Il refuse de répondre aux questions de Wassim Nasr sur les aspects communautaires du conflit entre les deux franchises djihadistes, qui recrutent toutes les deux largement dans les groupes peuls.

 

Capture d’écran vidéo 2021

Mondafrique: Koufa clarifie les cibles et les moyens employés par son organisation. Mais sa vision de la licéité des actions varie largement, au gré des situations. Qu’en dites-vous?    

B.B. : Koufa réaffirme dans cette interview que son groupe ne s’en prend ni aux ONG, surtout humanitaires, ni aux légitimités locales, ni, plus généralement, aux civils. «Les institutions humanitaires et les ONG ne font pas partie de notre stratégie», dit Koufa, sauf lorsqu’elles se mettent au service de ses ennemis. Plus généralement il affirme qu’il «ne fait pas partie de notre approche de la guerre de cibler des personnes innocentes ; nous combattons ceux qui nous combattent.» En effet, la majorité des actions menées ces derniers mois au Mali ont visé des cibles militaires. Mais il existe des exceptions. Que Koufa justifie. Quand des villages sont harcelés par les djihadistes, c’est pour de bonnes raisons, dit-il, et cela n’arrive qu’après «avoir épuisé tous nos efforts pour leur exposer nos arguments, leur répéter nos avertissements et avoir consulté les savants.»

Une même action peut être licite ou illicite en fonction de qui la commet et dans quel but. En somme, la fin justifie les moyens. Le même acte de guerre «peut, selon son auteur, être juste, à saluer ou à récompenser, ou erroné, à blâmer et désavouer.» C’est ainsi que Koufa justifie le blocus contre des villes par l’histoire du Prophète et de ses compagnons qui «assiégeaient parfois les ennemis dans des forteresses pendant de longues périodes et les chassaient de leurs pays vers des lieux où ils ne pourraient plus les menacer.» «En cela, ils avaient raison», insiste-t-il.

De même, il refuse de dénigrer les nombreuses exactions contre les civils commises par le groupe frère Ansaroul Islam, qu’il félicite au contraire pour sa guerre. «Nos frères du Burkina (…) ont atteint un haut niveau de Ribat (Garde) et de Djihad dans le Sahel. Et ils ont bien travaillé.» Pour Koufa, les actions du groupe sont licites puisqu’il réagit aux exactions commises par les volontaires de la patrie et punit les civils complices des forces de sécurité locales.  

Hamadoun Koufa, 2021

Mondafrique : que sait-on de la gouvernance de Koufa ?  

B.B. : Koufa se rapproche de la guerre par le droit islamique développée par les Talibans en Afghanistan. Il s’appuie sur le Coran, les hadith et la jurisprudence développée au fil du temps par ses juges islamiques dans les zones qu’il contrôle. Il est vrai que cette justice, perçue comme plus rapide et moins corrompue que la justice de l’Etat, est bien accueillie sur le terrain. C’est cette justice, d’ailleurs, qui a accéléré l’expansion territoriale de la Katiba Macina. La Katiba Macina a aussi prôné davantage de justice sociale et familiale et d’équité entre les communautés peules autochtones et allochtones. Depuis 2016, 2017, les ressources pastorales et les fruits de la location des pâturages dans le delta central du Niger  sont ramenés dans la cellule familiale, afin que personne ne soit laissé de côté.

Les éleveurs de la zone exondée, qui payaient un loyer pour faire paître leurs grands troupeaux dans la zone inondée, ont été entendus des chefs djihadistes du delta, souvent originaires de même communauté. Ils ont obtenu la baisse des loyers et un prix fixe pour l’accès aux bourgoutières, les pâturages situés sur les berges du fleuve. Ceci a créé des  frustrés parmi les gestionnaires des pâturages qui redistribuaient une partie de leurs gains aux services étatiques. Les dioros (ou jowro), (les propriétaires coutumiers des pâturages) se sont appauvris ces dernières années avec la baisse forcée des loyers. Ils sont mécontents de leur perte d’influence, y compris dans la famille. Mais ils ne peuvent rien faire. Certains disent même que désormais, l’hivernage fait trois pauvres : l’herbe (le pâturage), la carpe (le poisson) et le dioro. Koufa a cependant souhaité garder un certain équilibre. Il ne conteste pas que les pâturages appartiennent aux autochtones. Mais il prône une utilisation plus juste des ressources, au nom de l’Islam.

Mondafrique : l’intervieweur d’Amadou Koufa insiste beaucoup sur le dialogue. Amadou Koufa y est favorable mais pas sans conditions.

B.B. : C’est la question la plus intéressante aujourd’hui : faut-il, peut-on négocier avec eux? Koufa répond par l’affirmative. Je pense qu’au-delà de son discours un peu guerrier, il accepte qu’il y a une opportunité et une possibilité de dialogue mais il n’en clarifie pas les formes. Alors que le Mali s’engage dans l’élaboration d’une charte de paix, cette interview apparaît comme un appel au dialogue, certes, mais à condition qu’il soit conforme aux intérêts de l’Islam et des musulmans. Koufa est favorable au dialogue mais imprécis sur sa forme.

Il distingue aussi le dialogue politique de la trêve locale. Le dialogue politique relève d’Iyad et la trêve locale des acteurs locaux. Elle n’est pas forcément durable. Elle est conclue quand «la situation l’exige.»   

 

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Quand le Niger dit adieu à Hama Amadou https://mondafrique.com/politique/quand-le-niger-dit-adieu-a-hama-amadou/ Sat, 26 Oct 2024 14:10:58 +0000 https://mondafrique.com/?p=120935 La popularité de Hama Amadou, qui lui a valu tant d’épreuves de son vivant, a envahi son fief de Niamey jeudi, au lendemain de son décès du paludisme, sur la route de l’hôpital de référence. Après le choc de l’annonce de la disparition de celui qui portait les espoirs de beaucoup de Nigériens, la foule […]

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La popularité de Hama Amadou, qui lui a valu tant d’épreuves de son vivant, a envahi son fief de Niamey jeudi, au lendemain de son décès du paludisme, sur la route de l’hôpital de référence. Après le choc de l’annonce de la disparition de celui qui portait les espoirs de beaucoup de Nigériens, la foule s’est rassemblée dans sa maison du quartier Yantala, sur les trottoirs du cortège funèbre puis à Youri, son village natal du département de Saye, où il a été porté en terre.

Pour une fois, mercredi, après plus de dix ans d’ostracisation, la télévision publique a prononcé son nom, banni des ondes gouvernementales depuis sa rupture avec le Président Mahamadou Issoufou en 2013. La musique mortuaire habituelle a retenti sur des images fixes, tandis que se préparaient, à la Présidence de la République, des obsèques officielles pour le lendemain matin.

Hommage officiel

Les autorités militaires du Niger ont décidé de rendre hommage à l’éminente figure de la vie politique nigérienne qui fut, de surcroît, l’un des plus proches collaborateurs du général Seyni Kountché, père symbolique de tous les soldats. Quels qu’en soit les motifs, cette décision a, en tous cas, contribué à apaiser la peine des partisans de l’ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée et leader controversé du grand parti Etat créé par Kountché : le Mouvement national pour la société de développement (MNSD).

Le général Abourahamane Tiani, président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), s’est incliné sur le corps de Hama roulé dans le drapeau du Niger en guise de linceul.  Au premier rang de l’assistance, on pouvait voir les deux épouses du disparu, Hari et Hadiza, très affligées, couvertes d’un voile noir et son fils Ismaël, arrivé en hâte de Côte d’Ivoire avec son propre fils. A côté des généraux Tiani et Salifou Modi, deux anciens Président du Niger, Mamame Ousmane et Salou Djibo, les officiers du CNSP au complet et de nombreux chefs politiques, traditionnels et religieux. Les cadres de son parti, le Mouvement démocratique pour une Fédération africaine, le MODEN-FA Lumana, sont venus en boubou blanc et lunettes noires. 

Arrivée de la dépouille mortelle à la Présidence

«Tu es parti au moment où notre pays se retrouve à la croisée des chemins. Au moment où ton pays, en lutte acharnée pour sa souveraineté, a besoin de toi, de tes immenses connaissances et de ta vaste et riche expérience d’homme d’Etat. Hélas, l’appel de notre Créateur ne se fait pas attendre», a dit son ami de cinquante ans, Tahirou Seydou Mayaki, dans son oraison funèbre. Il a rappelé brièvement quelques moments clé de la vie politique de Hama Amadou et surtout, les convictions qu’il portait :  «être toujours du côté du peuple, ne jamais faire une promesse que tu n’es pas sûr de tenir, avoir, en toutes circonstances, un langage franc et sincère avec tes concitoyens, au risque de déplaire.» Il a également estimé que malgré «l’adversité inouïe» qui avait accompagné Hama dans l’exercice de ses responsabilités de Premier ministre puis de Président de l’Assemblée nationale, ce dernier avait été «couronné de succès», notamment par le redressement des finances du pays, au bord de la faillite, dans les années 2000.

Le cortège funèbre s’est alors ébranlé vers Youri, le village natal de Hama, qui borde le fleuve Niger, salué sur les trottoirs par les habitants de Niamey. La ville, où Hama a commencé sa carrière d’élu après la démocratisation, est le fief du défunt. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il était devenu la bête noire du régime socialiste au pouvoir, ce dernier se méfiant de mouvements d’humeur perçus comme particulièrement dangereux dans la capitale.

De gauche à droite : Salou Djibo, les généraux Salifou Modi et Abdourahmane Tiani, Mahamane Ousmane

Amis, proches, admirateurs, militants de base ont emprunté voitures, motos et autobus pour accompagner le corps à sa dernière demeure, soulevant la poussière sur des kilomètres. C’est chez lui, sous un grand arbre à l’impressionnante frondaison surplombant le grand fleuve, que le corps a été mis en terre.  

Depuis mercredi, sur les réseaux sociaux et dans la presse, c’est toute l’histoire politique de ces cinquante dernières années qui défile, alors que l’avenir du Niger reste à écrire sur la page de la transition militaire.

La parole se libère dans le rappel de la carrière de l’homme d’Etat. Vieux compagnons, jeunes admirateurs, anciens lieutenants, anciens amis devenus rivaux puis redevenus alliés évoquent les souvenirs glorieux, les coups politiques et les coups bas, dessinant le portrait d’une bête politique. Les détracteurs, nombreux aussi, se font discrets : le temps du deuil n’est pas celui de l’affrontement.

Reste un grand point d’interrogation : l’héritage politique de Hama, le parti, ses militants, cette foule de partisans. Nul ne sait ce qu’ils vont devenir. 

La crise au Niger: une chance pour l’opposant Hama Amadou 

Niger, le jeu dangereux du pouvoir contre Hama Amadou

 

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Les amis de Mohamed Bazoum revendiquent une attaque d’Al Qaida https://mondafrique.com/confidentiels/afrique/niger-rhissa-ag-boula-sattribue-une-attaque-dal-qaida/ Wed, 23 Oct 2024 07:34:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=120547 Reflet du désarroi dans lequel semble plongé l’ancien rebelle touareg Rhissa Ag Boula, l’ancien ministre de Mohamed Bazoum récemment déchu de sa nationalité nigérienne, son nouveau groupe armé, le Front des Armées Libres (FAL), s’est attribué à tort une attaque commise le 19 octobre contre un poste de l’armée nigérienne près d’Assamaka, non loin de […]

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Reflet du désarroi dans lequel semble plongé l’ancien rebelle touareg Rhissa Ag Boula, l’ancien ministre de Mohamed Bazoum récemment déchu de sa nationalité nigérienne, son nouveau groupe armé, le Front des Armées Libres (FAL), s’est attribué à tort une attaque commise le 19 octobre contre un poste de l’armée nigérienne près d’Assamaka, non loin de la frontière algérienne.

Les anciens amis du bouillant ex-ministre chargé de la sécurité du Président Mohamed Bazoum, désormais réfugié politique en France, ont dénoncé «une maladroite manoeuvre d’opportunisme» susceptible «de générer des conséquences fâcheuses à des populations qui n’aspirent qu’à la paix et au bien-être.»

«D’ailleurs, la revendication d’un retour à l’ordre démocratique et la libération du Président Bazoum Mohamed ne peuvent en aucun cas justifier l’assassinat de Nigériens dans leur noble mission de défense de l’intégrité territoriale», écrit Ousmane Abdoul Moumouni, le coordinateur du Conseil de Résistance pour le Renouveau démocratique en Afrique.

Ce dernier faisait partie du cercle proche de Mohamed Bazoum et il a quitté le Niger après le coup d’Etat du 26 juillet 2023 pour fonder, avec Rhissa Ag Boula, le Conseil de la Résistance pour la République pour rétablir le Président dans son fauteuil.

Lâché par son ancien partenaire

Il y a un mois, Moumouni a exclu Ag Boula à cause de son «entêtement belliciste.» Si Ag Boula est en bonne place sur la liste des Nigériens tout récemment déchus de leur nationalité pour leurs menées subversives contre le régime, il n’en va pas de même pour Moumouni qui a clairement pris ses distances avec l’action armée.

Ce n’est donc pas le groupe de Rhissa Ag Boula qui est à l’origine de l’attaque d’Assamaka, où sept soldats sont morts et plusieurs autres ont été blessés, à 15 km seulement de la frontière algérienne.

Photo de l’armement volé lors de l’attaque publiée par Ansaroul Islam.

En effet, dimanche, la filiale burkinabè d’Al Qaida a revendiqué cette action, dans des communiqués écrits et vocaux en arabe, en bambara et en fulfulde (la langue peule). Ansaroul Islam, la grande katiba du Burkina Faso, a également produit des photos de l’armement saisi sur les militaires. D’après les informations parvenues à Mondafrique, l’objectif d’Ansaroul est de libérer le passage permettant l’acheminement des armes achetées en Libye. Ansaroul est une organisation soeur de la katiba malienne du Macina qui progresse notablement à l’intérieur du Niger ces derniers mois.

La fausse revendication jette le discrédit sur Rhissa Ag Boula, dont les communiqués vengeurs n’ont pas été suivis d’effets tangibles jusqu’à présent. Son influence dans le nord du Niger semble étroitement contenue par d’autres leaders politiques locaux, tandis que la vie parisienne lui coûte cher.

Le communiqué de revendication publié par le nouveau groupe armé de Rhissa Ag Boula, le jour même de l’attaque, était signé d’un chef d’état-major inconnu, un certain général Egourou. Mot qui signifie «crapaud» en tamachek.  

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Kemi Seba poursuivi pour des infractions au code militaire https://mondafrique.com/confidentiels/kemi-seba-poursuivi-pour-des-infractions-au-code-militaire/ Thu, 17 Oct 2024 17:11:48 +0000 https://mondafrique.com/?p=120273 Arrêté lundi à la sortie d’un restaurant parisien, le panafricaniste Kémi Seba est en garde-à-vue à la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, à Levallois-Perret, pour des infractions au code militaire qui lui font encourir une peine de trente ans d’emprisonnement. Son avocat, le médiatique Juan Branco, accuse Paris de « vengeance mesquine. »  Ce ne sont […]

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Arrêté lundi à la sortie d’un restaurant parisien, le panafricaniste Kémi Seba est en garde-à-vue à la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, à Levallois-Perret, pour des infractions au code militaire qui lui font encourir une peine de trente ans d’emprisonnement. Son avocat, le médiatique Juan Branco, accuse Paris de « vengeance mesquine. » 

Ce ne sont pas les conditions d’entrée sur le territoire français qui sont reprochées à l’activiste. Déchu de sa nationalité française le 9 juillet, pour sa « posture constante résolument anti-française, susceptible de porter gravement atteinte aux intérêts français », selon le courrier que lui avait envoyé le ministère de l’Intérieur en début d’année, Kemi Seba est arrivé légalement en France, quatre jours avant son arrestation, en possession d’un visa Schengen valide délivré par l’Espagne et d’un passeport diplomatique nigérien dument accompagné d’une note verbale et d’un ordre de mission. 

Ce qui lui est reproché désormais, à travers les infractions d’intelligence avec une puissance étrangère et d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, c’est finalement la déclinaison pénale des accusations portées par l’administration française dans la procédure de déchéance. Autrement dit, un délit et un crime relevant du code militaire et appliqué d’ordinaire aux traitres et aux espions.

Son avocat y voit, lui, une atteinte grave aux libertés publiques puisqu’il s’agit, dit-il, d’un contournement des lois sur la presse qui excluent les contraintes de corps.

Venger l’humiliation 

Lors d’une conférence de presse mercredi à Levallois-Perret, Me Juan Branco a précisé que les infractions reprochées à son client « ne peuvent s’appliquer que quand vous nourrissez un conflit militaire avec la France ». Or, ce n’est pas le cas de Kemi Seba, activiste adepte de la non violence. « Il n’a jamais commis ni incité à un quelconque acte de violence. Ca ne lui est même pas reproché. Il n’a fait qu’utiliser des mots », a insisté l’avocat. De même, pas de manoeuvre dissimulée chez Kemi Seba qui, au contraire, a toujours agi publiquement. « Il n’a jamais masqué ses actions et partenariats avec de très nombreuses forces qui font contrepoids à la puissance états-unienne et à l’Occident, que ce soit le Vénézuela, Cuba, la Russie et autre. » Il a aussi publiquement déclaré, lors d’un voyage en Russie, qu’il ne fallait pas compter sur lui pour « asservir l’Afrique à de nouvelles puissances. »

Pour Me Branco, il s’agit plutôt de la construction d’un « prétexte pour détruire cet homme et, probablement, pour venger l’humiliation que ressentent une partie des dirigeants français suite à l’effondrement de ces dispositifs françafricains qui ont longtemps alimenté, y compris financièrement, les élites de ce pays. »

La garde-à-vue du suprémaciste noir peut être prolongée jusqu’à 96 heures. On ignore quelles suites lui seront données :libération pure et simple ou présentation au parquet et placement en détention. Il s’agit d’un « dossier strictement politique », puisqu’initié par le parquet avec, compte-tenu des implications géopolitiques et géostratégiques, une information très suivie des plus hautes autorités de l’Etat, a dit Me Branco. Kemi Seba pourrait aussi être expulsé au Bénin, où le Président Patrice Talon ne l’accueillera pas avec des fleurs, compte-tenu des relations de l’activiste avec l’opposition. Dans ce pays officiellement démocratique dont le Président règne sans partage, plusieurs opposants purgent actuellement de lourdes peines d’emprisonnement.

Kémi Séba, figure de l’anti colonialisme au Sahel, aurait été arrêté en France

 

 

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