Henri De Monfreid - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/henri-de-monfreid/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Sat, 13 Dec 2025 09:41:53 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.3 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg Henri De Monfreid - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/henri-de-monfreid/ 32 32 Henri de Monfreid, l’aventurier aux cent visages https://mondafrique.com/loisirs-culture/henri-de-monfreid-laventurier-aux-cent-visages/ https://mondafrique.com/loisirs-culture/henri-de-monfreid-laventurier-aux-cent-visages/#respond Sat, 13 Dec 2025 17:00:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=144149 Figure légendaire de la mer Rouge, Henri de Monfreid incarne l’aventure et la métamorphose : explorateur, écrivain, trafiquant, espion, il fascine par ses mille vies et son itinéraire hors du commun. Une chronique de Christian Labrande Quiconque s’intéresse à l’histoire de la découverte de l’Afrique connaît le nom d’Henri de Monfreid. Son récit intitulé Les Secrets […]

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Figure légendaire de la mer Rouge, Henri de Monfreid incarne l’aventure et la métamorphose : explorateur, écrivain, trafiquant, espion, il fascine par ses mille vies et son itinéraire hors du commun.

Une chronique de Christian Labrande


Quiconque s’intéresse à l’histoire de la découverte de l’Afrique connaît le nom d’Henri de Monfreid. Son récit intitulé Les Secrets de la mer Rouge fut, à sa parution en 1931, un énorme succès. Succès largement reconduit quand il fut, dans les années cinquante, le premier récit paru en livre de poche.
On savait qu’il s’agissait d’un aventurier intrépide, un des premiers à pénétrer dans des régions reculées des pays de la Corne de l’Afrique, mais au-delà ? Avec Henri de Monfreid, nous avons affaire à une personnalité à tant de facettes que seul un (excellent) documentaire comme celui de Valérie Manns arrive à lui rendre pleinement justice, car on y découvre que Monfreid fut aussi, notamment, trafiquant, ingénieur, écrivain, journaliste et espion.

Né en 1879, le jeune homme qui était destiné à devenir ingénieur sent rapidement l’appel du large et s’embarque pour l’Abyssinie, l’ancien nom d’un territoire qui comprenait l’Éthiopie, une partie du Soudan et de l’Érythrée. Très vite, il manifeste une totale aversion pour les mœurs des colons en place et monte une expédition qui le mène dans les territoires reculés du plateau du Harar, là même où avait échoué Arthur Rimbaud quelques décennies plus tôt. Le jeune aventurier réalise rapidement que, pour mener à bien ses vagues projets commerciaux, il lui faut apprendre la langue du pays, cheminer pieds nus comme ses porteurs, prendre une femme. Soit, pour le meilleur et le pire, épouser les mœurs locales.
Animé d’une curiosité insatiable et conscient d’être le tout premier à documenter ces territoires, Monfreid, passionné de photos et peintre à ses heures, réalise au gré de son périple un grand nombre de clichés dont il rehausse les tirages en peignant à l’aquarelle sur plaques de verre. C’est un des atouts de ce documentaire, qui devient un fascinant et poétique cheminement vers l’inconnu en compagnie de portraits de membres de tribus afars ou somalis.

Mais les premiers résultats de ces premières expériences commerciales – portant sur le cuivre et le bois – s’avèrent décevants. Revenu sur les côtes de la Corne de l’Afrique, Monfreid décide de se tourner vers un commerce qu’il espère plus lucratif, celui du haschich et des armes. Ce dernier étant interdit aux chrétiens, il décide de se convertir à l’islam et de se circoncire !
Réalisant que sa nouvelle activité, pour être vraiment rentable, doit être menée par voie maritime, il affrète une goélette, réunit un équipage avec pour destination Aden. Mais la navigation sur la mer Rouge est réputée dangereuse. L’aventurier, auquel son père a donné dans sa jeunesse de solides notions, se révèle un navigateur hors pair, effectuant même, au gré de ses voyages, un relevé topographique précis des côtes de la Corne de l’Afrique. Il arrive à établir une relation de complicité avec ses marins, qu’il photographiera abondamment. Des documents magnifiques, largement utilisés dans le documentaire et qui inspireront des auteurs de bandes dessinées aussi divers que Hergé et Hugo Pratt.

Faisant escale à Djibouti, Monfreid est approché par les autorités françaises et se voit chargé de rendre compte des mouvements des forces turques dans la région (on est en pleine Première Guerre mondiale et la France est opposée à l’Empire ottoman). Le voici donc ajoutant le rôle d’espion à sa panoplie déjà bien chargée de métiers divers.
Bientôt, sa cargaison de haschich complétée, il remonte la mer Rouge vers le golfe de Suez pour gagner l’Égypte, où il retrouve son épouse, la fidèle Armgard. Le couple s’installe dans le port d’Obock, en face de Djibouti. Il a trouvé le lieu idéal pour continuer ses activités illicites. Au cours de ces années naîtront trois enfants, élevés en sauvageons. Mais il en faudrait plus pour convertir Monfreid au sédentarisme. Il entreprend à Obock le grand chantier de l’Altaïr (le bateau volant), un navire qu’il a spécialement conçu pour la navigation en mer Rouge, se révélant un architecte naval d’exception.

Ayant fait fortune dans le commerce du haschich, Monfreid investit son argent dans une exploitation agricole, une usine électrique et une minoterie. Nouvelle métamorphose : le voici devenu industriel et vivant en harmonie apparente entre sa famille et ses serviteurs éthiopiens. Profitant de ses nouvelles heures de loisir, notre héros se met à écrire, réunissant sous forme de carnets le récit de quelques-unes de ses multiples aventures.

La rencontre avec Joseph Kessel

En 1930, une rencontre va bouleverser son existence, celle de Joseph Kessel, journaliste et écrivain déjà célèbre, qui prépare un reportage sur le trafic d’esclaves en Éthiopie et au Yémen. Monfreid accepte de lui servir de guide dans un périple qui s’annonce dangereux. Pour rendre compte de cette expédition, Kessel écrit vingt articles, dénonçant notamment la traite des esclaves. Ces articles ont un vif retentissement, paraissant en une du quotidien Le Matin. Un d’entre eux rend un vibrant hommage à Henri de Monfreid.

Le portrait que lui consacre Kessel s’ouvre par ces mots : « Il a inspiré une légende sur les côtes tragiques de la mer Rouge. Ses yeux d’un bleu intense sous des sourcils noirs font à la fois penser à la brousse et à la mer. Il est ailleurs que les autres hommes (…) dès le premier coup d’œil, on reconnaît que ses vrais vêtements, c’est le feu du soleil et le vent du large ». Le mythe Monfreid est lancé.

Il donne à lire à Kessel ses journaux de bord. Enthousiasmé, ce dernier l’engage à les publier. Ce sera la parution en 1931 du livre fondateur de Monfreid Les Secrets de la mer Rouge, qui est donc un énorme succès de librairie à l’échelle mondiale. Fort de ce succès, l’aventurier se fait aussi écrivain, et écrivain prolixe. Il sera l’auteur de quelque 74 romans d’aventure dont il est le héros et où les parts de fiction et de vérité sont d’ailleurs indiscernables.

Mais une suite d’événements pénibles va le ramener à la réalité. Son épouse, la fidèle Armgard, lasse d’être cantonnée dans son rôle de mère au foyer et de correctrice des œuvres de son volage époux, quitte, un jour de 1931, le domicile conjugal. Dépressive et opiomane, elle décide de rentrer en France avec ses trois enfants. Monfreid découvre alors à quel point cette femme fragile était en réalité son pivot. Il sombre alors dans la dépression, sentant pour la première fois le poids de l’exil. Avec la faillite des entreprises qu’il a fondées, minoterie et usine électrique, sa vie semble basculer dans l’échec.

Toutefois, encore un rebond ! En 1933, il se fait journaliste, écrivant dans Le Matin une série d’articles où il dénonce la politique répressive de Haïlé Sélassié, empereur d’Éthiopie. Furieux, celui qu’on dénomme le Négus fait saisir tous les biens de Monfreid et le bannit d’Éthiopie. Rentré en France, il continue à dénoncer dans la presse la politique de son ennemi d’Empereur. Et il donne à travers l’Europe une série de conférences illustrées de ses magnifiques clichés pour sensibiliser le public européen au sort des populations qu’il a longtemps côtoyées et appris à aimer.

Mais s’ouvre alors la période la plus sombre du personnage, quand Monfreid soutient Mussolini lorsque celui-ci attaque l’Éthiopie pour satisfaire ses aspirations coloniales. Monfreid voit là l’occasion de récupérer ses biens et prône pour l’Éthiopie l’avènement d’un nouvel ordre fasciste. Il retourne alors, toute honte bue, sur la terre de ses exploits en tant que journaliste et conseiller du général Graziani, exécuteur des basses œuvres du Duce en Éthiopie. Revirement soudain ? On est, en effet, bien loin du jeune explorateur qui voulait vivre en osmose avec ses guides éthiopiens. En fait, Monfreid vivait depuis des dizaines d’années une vie, certes aventureuse, mais néanmoins une vie de colon, ce qui n’est pas sans laisser des traces comme le montre cruellement son soutien à cette barbarie fasciste.

On le sait, l’intervention italienne fut un carnage que cautionne donc l’ancien ami du peuple éthiopien. Haïlé Sélassié, son armée écrasée sous les bombes, fuit en Angleterre, Monfreid peut retourner en Éthiopie, en compagnie de sa nouvelle compagne, Madeleine, la jeune script-girl qu’il a rencontrée sur le tournage du long-métrage Les Secrets de la mer Rouge réalisé par Richard Pottier en 1937.

Cependant, nouveau renversement de situation avec la victoire des troupes anglaises qui chassent les Italiens d’Abyssinie et permettent le retour d’exil du Négus. Le couple est alors logiquement inquiété et doit se résoudre à revenir en France. Et Monfreid à renoncer à revenir à ses chères terres africaines.

Il lui reste à continuer à faire vivre sa légende. Livres, conférences, articles, mais aussi désormais émissions de radio et de télévision continuent d’entretenir le mythe de ce personnage inclassable. Il mourra à 95 ans, apparemment dans une verdeur insolente comme en témoigne le reportage télévisé qui conclut le documentaire de Valérie Manns. Une archive que l’on pourra compléter par l’écoute sur la toile de la Radioscopie de Jacques Chancel interviewant un Henri de Monfreid encore flamboyant dans sa quatre-vingt-dixième année.

Pour visionner le documentaire cliquez ici

Sur les traces d’Henri de Monfreid, écrivain et pirate de la mer Rouge. Documentaire de Valérie Manns. France 2024. 62 minutes. Disponible sur le site de France Télévisions jusqu’au 11/05/2026.

 

 

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