Bénin - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/benin/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Fri, 22 Nov 2024 09:42:15 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.1 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg Bénin - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/benin/ 32 32 Le Bénin assouplit sa frontière avec le Niger https://mondafrique.com/confidentiels/afrique/le-benin-assouplit-sa-frontiere-avec-le-niger/ Fri, 22 Nov 2024 09:41:28 +0000 https://mondafrique.com/?p=122115 Dans une note de service, la direction générale de la douane béninoise a assoupli jeudi l’entrée, le transit et la sortie des personnes et des biens en provenance et à destination du Niger, ce qui présage d’une prochaine réouverture de la frontière entre les deux pays, fermée depuis quinze mois.  Cotonou va pouvoir retrouver progressivement […]

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Dans une note de service, la direction générale de la douane béninoise a assoupli jeudi l’entrée, le transit et la sortie des personnes et des biens en provenance et à destination du Niger, ce qui présage d’une prochaine réouverture de la frontière entre les deux pays, fermée depuis quinze mois. 

Cotonou va pouvoir retrouver progressivement sa place de premier port d’approvisionnement de son grand voisin enclavé du nord, ce qui devrait faire baisser significativement le coût des marchandises importées, qui n’arrivent au Niger, actuellement, qu’après un long périple à travers le Burkina Faso en guerre à partir de Lomé. 

La note de service ordonne la libre sortie des produits importés à destination du Niger, « notamment le riz, les conserves et l’huile » et autorise la libre circulation des personnes dans les deux sens, ainsi que l’entrée des produits en provenance du Niger. A l’exception de « tous les produits vivriers cultivés au Bénin tels que le maïs, le mil et le sorgho », dont la sortie vers le Niger reste « strictement » interdite, tous les autres produits du Bénin sont autorisés à sortir. 

Reflétant les inquiétudes sécuritaires des deux pays sur la zone frontière de part et d’autre du fleuve Niger, où sont désormais déployés en force les combattants affiliés à Al Qaida, l’auteur de la note de service ordonne de « renforcer les contrôles sur les embarcations et les véhicules afin de détecter et intercepter éventuellement tout transport d’armes, de munitions ou de matériels pouvant être utilisés par les groupes armés terroristes. » 

Témoignant de l’importance de l’économie informelle et de la corruption qui prospèrent sur la frontière, la note demande « d’éviter tout rançonnement au risque de compromettre la réussite de la mission ». 

Suite au coup d’Etat du 26 juillet 2023, la relation entre les deux voisins s’est considérablement dégradée, le Bénin ayant décidé d’emboiter le pas au blocus du Niger ordonné par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, puis aux menaces d’intervention militaire. La présence de soldats français sur le sol béninois, notamment dans le nord du pays proche de la frontière, a également nourri, à Niamey, des craintes d’infiltrations ou d’entreprises de déstabilisation hostiles. De ce fait, toutes les marchandises à destination du Niger et des Etats du nord du Nigéria, qui empruntaient jadis le corridor béninois, ont été déroutées à Lomé et doivent circuler en convois militarisés, souvent attaqués par les groupes armés terroristes, à travers le Burkina Faso. La tension, qui a été jusqu’à bloquer le chargement du pétrole brut nigérien à partir de Cotonou, est progressivement redescendue ces dernières semaines après des négociations intenses entre les deux pays. 

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Kemi Seba poursuivi pour des infractions au code militaire https://mondafrique.com/confidentiels/kemi-seba-poursuivi-pour-des-infractions-au-code-militaire/ Thu, 17 Oct 2024 17:11:48 +0000 https://mondafrique.com/?p=120273 Arrêté lundi à la sortie d’un restaurant parisien, le panafricaniste Kémi Seba est en garde-à-vue à la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, à Levallois-Perret, pour des infractions au code militaire qui lui font encourir une peine de trente ans d’emprisonnement. Son avocat, le médiatique Juan Branco, accuse Paris de « vengeance mesquine. »  Ce ne sont […]

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Arrêté lundi à la sortie d’un restaurant parisien, le panafricaniste Kémi Seba est en garde-à-vue à la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, à Levallois-Perret, pour des infractions au code militaire qui lui font encourir une peine de trente ans d’emprisonnement. Son avocat, le médiatique Juan Branco, accuse Paris de « vengeance mesquine. » 

Ce ne sont pas les conditions d’entrée sur le territoire français qui sont reprochées à l’activiste. Déchu de sa nationalité française le 9 juillet, pour sa « posture constante résolument anti-française, susceptible de porter gravement atteinte aux intérêts français », selon le courrier que lui avait envoyé le ministère de l’Intérieur en début d’année, Kemi Seba est arrivé légalement en France, quatre jours avant son arrestation, en possession d’un visa Schengen valide délivré par l’Espagne et d’un passeport diplomatique nigérien dument accompagné d’une note verbale et d’un ordre de mission. 

Ce qui lui est reproché désormais, à travers les infractions d’intelligence avec une puissance étrangère et d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, c’est finalement la déclinaison pénale des accusations portées par l’administration française dans la procédure de déchéance. Autrement dit, un délit et un crime relevant du code militaire et appliqué d’ordinaire aux traitres et aux espions.

Son avocat y voit, lui, une atteinte grave aux libertés publiques puisqu’il s’agit, dit-il, d’un contournement des lois sur la presse qui excluent les contraintes de corps.

Venger l’humiliation 

Lors d’une conférence de presse mercredi à Levallois-Perret, Me Juan Branco a précisé que les infractions reprochées à son client « ne peuvent s’appliquer que quand vous nourrissez un conflit militaire avec la France ». Or, ce n’est pas le cas de Kemi Seba, activiste adepte de la non violence. « Il n’a jamais commis ni incité à un quelconque acte de violence. Ca ne lui est même pas reproché. Il n’a fait qu’utiliser des mots », a insisté l’avocat. De même, pas de manoeuvre dissimulée chez Kemi Seba qui, au contraire, a toujours agi publiquement. « Il n’a jamais masqué ses actions et partenariats avec de très nombreuses forces qui font contrepoids à la puissance états-unienne et à l’Occident, que ce soit le Vénézuela, Cuba, la Russie et autre. » Il a aussi publiquement déclaré, lors d’un voyage en Russie, qu’il ne fallait pas compter sur lui pour « asservir l’Afrique à de nouvelles puissances. »

Pour Me Branco, il s’agit plutôt de la construction d’un « prétexte pour détruire cet homme et, probablement, pour venger l’humiliation que ressentent une partie des dirigeants français suite à l’effondrement de ces dispositifs françafricains qui ont longtemps alimenté, y compris financièrement, les élites de ce pays. »

La garde-à-vue du suprémaciste noir peut être prolongée jusqu’à 96 heures. On ignore quelles suites lui seront données :libération pure et simple ou présentation au parquet et placement en détention. Il s’agit d’un « dossier strictement politique », puisqu’initié par le parquet avec, compte-tenu des implications géopolitiques et géostratégiques, une information très suivie des plus hautes autorités de l’Etat, a dit Me Branco. Kemi Seba pourrait aussi être expulsé au Bénin, où le Président Patrice Talon ne l’accueillera pas avec des fleurs, compte-tenu des relations de l’activiste avec l’opposition. Dans ce pays officiellement démocratique dont le Président règne sans partage, plusieurs opposants purgent actuellement de lourdes peines d’emprisonnement.

Kémi Séba, figure de l’anti colonialisme au Sahel, aurait été arrêté en France

 

 

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Kémi Séba, figure de l’anti colonialisme au Sahel, aurait été arrêté en France https://mondafrique.com/politique/kemi-seba-un-funambule-au-sahel/ Tue, 15 Oct 2024 06:59:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=112448 Si l’arrestation de Kemi Séba, le célèbre panafricaniste, n’est pas encore rendue publique ni par les autorités ni par les médias français, elle tourne en boucle depuis quelques heures sur tous les réseaux africains. L’activiste et président de l’organisation Urgences panafricanistes Kémi Séba aurait été arrêté le 14 octobre alors qu’il déjeunait dans un restaurant du […]

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Si l’arrestation de Kemi Séba, le célèbre panafricaniste, n’est pas encore rendue publique ni par les autorités ni par les médias français, elle tourne en boucle depuis quelques heures sur tous les réseaux africains. L’activiste et président de l’organisation Urgences panafricanistes Kémi Séba aurait été arrêté le 14 octobre alors qu’il déjeunait dans un restaurant du 15ème arrondissement. Les raisons de ces interpellations sont inconnues. En juillet 2024, Kemi Séba s’est vu retirer sa nationalité française, quelques semaines plus tard, les autorités nigériennes lui ont délivré un passeport diplomatique qui toutefois ne lui permettrait pas de séjourner en France sans visa.

L’activiste béninois Kémi Séba affiche résolument ses positions panafricanistes et anti françaises aux côtés des dirigeants militaires des trois pays de l’Alliance des Etats du Sahel et un terreau favorable à ses idées dans toute la région. Depuis les luttes anticoloniales et indépendantistes du XXeme siècle, le mouvement panafricaniste porté par des intellectuels, artistes et militants, promeut l’émancipation du « monde noir » centré sur le continent africain.

Un portrait signé par Olivier Vallée.

 

Le monde yoruba organise ses divinités, que l’on retrouve dans le vaudou béninois, autour d’une figure mythique entre héros et bouffon, reliant le sacré au trivial, pas loin d’un désordre nécessaire à la vérité. Les anthropologues adoptent le terme de trickster pour définir ce Janus ce qui, en français, peut paraître péjoratif. Par de nombreux aspects, Kémi Séba, de culture fon et yoruba, joue de ces répertoires.

La consolidation de la trilatérale de l’Alliance des États du Sahel a donné au leader de l’afrocentricité une position d’allié institutionnel, formant quasiment la quatrième figure du panthéon des dirigeants militaires du Sahel, dans une sorte de carré d’as où il symbolise la force toujours oubliée des nations africaines, la jeunesse. Ces jeunes citadins ont été la base de la mobilisation contre les menaces militaires françaises au Niger et une masse de manœuvre au Mali que les colonels se sont employés à détacher du populaire imam Mahmoud Dicko.

Au Burkina Faso, le ralliement des élites civiles au régime d’Ibrahim Traoré reste équivoque. Pour certains, la société burkinabé reste encore engluée dans les formes coloniales et bourgeoises de son passé récent. L’activiste Hassane Bationo, connu sous le nom de Bationo de Kyon sur les réseaux sociaux, se réclame du soutien à la transition. Il s’est institué chef du Bataillon d’Intervention Rapide (BIR) de la communication. Le BIR de l’agit-prop est, pour lui, le complément idéologique des Forces de Défenses et de Sécurité et des Volontaires de la Patrie, vivier de la popularité du capitaine Traoré.

Au Faso, l’apparition dans les médias de Kémi Séba viendra donner un brevet internationaliste et moderne à la dynamique engagée de bouleversement des messages et des acteurs de la communication. Après la prise à partie de l’ancien colon, place au revivalisme des croyances ancestrales et des traditions culturelles africaines, en rupture avec l’héritage colonial du christianisme en Afrique, particulièrement notable au Faso.

Le socle kémitique

En 2002, Kémi Séba trouve son pseudonyme : « Étoile Noire » en medu netjer (égyptien ancien). Le propagandiste fait directement référence au kémitisme, grand prêtre de l’infusion lente de cette spiritualité dans la diaspora noire française. Les accusations d’antisémitisme ont eu raison de la Tribu Ka, le groupe qu’il avait fondé pour défendre la singularité du kémitisme. Au nom de l’antisémitisme, Gérald Darmanin, le ministre français de l’Intérieur, a demandé le retrait de la nationalité française de l’activiste né à Strasbourg.

Pour Kémi Séba, l’Egypte est « la matrice civilisationnelle de (notre) peuple, comme l’enseignait le professeur Cheikh Anta Diop ». (Voyage en Egypte, 2023)

Qu’est que le kémitisme ? « C’est un mouvement spiritualiste qui promeut le retour aux ‘sources’, c’est-à-dire aux valeurs et croyances ancestrales comme seules conditions pour la renaissance de l’Afrique », explique le professeur Bony Guiblehon, enseignant-chercheur au département d’anthropologie et de sociologie de l’université de Bouaké et spécialiste des religions. Mais cette version académique du kémitisme semble molle et restreinte face à sa réinterprétation actuelle. Kémi Séba va en effet plus loin, puisant aux origines qui rejettent les religions révélées et ancrent l’Afrique dans une généalogie sacrée et pharaonique. Cela lui permet « de tirer paradoxalement (ses) références autant dans la Bible que dans le Coran mais également aux divinités de l’Égypte antique ou encore aux rastafaris », poursuit le professeur Guiblehon.

Le sociologue sénégalais Abdou Khadr Sanogo complète en soulignant que le kémitisme était, à la base, un mouvement culturel qui cherchait à prouver l’interdépendance entre les peuples noirs d’un point de vue idéologique, linguistique et culturel. On pouvait alors l’assimiler au panafricanisme et même à la négritude.

Kémi Séba introduit ainsi la Kabbale dans son bricolage idéologique.

Cet assemblage reste flou sur son contenu en matière de panafricanisme. Pourtant, l’ensemble thématique qui se dégage parait beaucoup plus riche que la caricature qui en est faite par les influenceurs stipendiés et les oukases sécuritaires. Il offre aujourd’hui une vaste palette identitaire à Kémi Séba. En Afrique, il se met à disposition de nationalismes officiels qui le récupèrent avec l’étiquette souverainiste. Par étapes, on assiste au changement de registre et de niveau pour l’activiste français, longtemps la cible des organes réactionnaires de son pays et de ceux qui en faisaient le parangon de l’antisémitisme noir.

Des Black Panthers à la lagune du Dahomey

En 2006, Jeune Afrique le présente comme le « Farrakhan français ». C’est donner beaucoup d’importance à Farrakhan, patron de « Nation of Islam », car Kémi Séba a parcouru un chemin plus complexe que l’inventeur d’un Islam africain-américain qui connaît peu d’adeptes. Au contact des Africains-Américains qu’il rencontre, bien que se situant dans un autre imaginaire, Kémi Séba assimile que le puissant mouvement hip hop d’outre-Atlantique est sensible au discours de l’afrocentricité triomphante. On cite Tupac Shakur, Sista Souljah, X-Clan, Public Ennemy, Scar-Face, Shaquille O’Neil, Erykah Badu, Lauren Hill, Dead Prez, Capone N’Noriega, Black Lyrical Terrorist : des personnalités et des groupes écoutés, admirés, adulés, du secteur A de Niamey à Dakar Fann. Avec le rap, l’Égypte ancienne se métisse de violence, d’argent et de masculinité comme modes d’affirmation.

En meeting avec son mouvement « Urgences panafricanistes ».

Kémi Séba a 21 ans seulement lorsqu’il fonde le Parti kémite, rassemblement de Noirs afrodescendants, pour la revalorisation de la dignité noire, sans victimisation. Il dénonce le jeu des puissances occidentales qui, depuis la nuit des temps, pillent l’Afrique. Suit la Tribu Ka, déjà évoquée, dissoute le 28 juillet 2006 par Nicolas Sarkozy, première organisation noire interdite sous la Ve République. A sa sortie de prison, il écrit le « Politik Street Show », qu’il joue à plusieurs reprises au Théâtre de la Main d’Or. En 2009, il est recruté par Malik Zulu Shabazz, ex-bras droit de feu Khalid Abdul Muhamad, comme porte-parole de la cellule française du New Black Panther Party. La police française le suit de près et lui interdit de quitter le territoire. Cependant, il rejoint l’Afrique et, à partir de Dakar, s’active dans l’édition, la radio et les media sociaux, sillonnant les universités à l’invitation de ses sympathisants. Il appartient à la famille béninoise Capochichi, un nom prestigieux que l’on pourrait traduire par «chef puissant»  et trouve un cadre d’expression à Cotonou, le groupe de presse de la Gazette du Golfe. Kémi Séba y tient une chronique et ajoute à son portefeuille de combat le franc CFA. La part fon et yoruba de son système de pensée prend de l’importance, et d’Afrique, il s’adresse à la diaspora noire, surtout francophone.

La rupture nigérienne

Les coups d’État, et en particulier le renversement de Mohamed Bazoum au Niger, incitent les autorités béninoises à le rappeler à l’ordre après sa participation à la grande marche de soutien au régime du général Abdourahamane Tiani à Niamey en septembre 2023. Cette démonstration de solidarité survient quelques jours après le coup d’État du 26 juillet. Les autorités béninoises le visent en mettant en garde la presse et les usagers des réseaux sociaux contre toute «apologie des coups d’État». Le groupe de presse la Gazette du Golfe, qui comprend une télévision, une radio, un hebdomadaire et des plates-formes sur internet, est suspendu le 8 août 2023 dans ce contexte. Le bras de fer avec Patrice Talon commence. Il rebondit quand Kémi Séba se range du côté nigérien dans le conflit récent de la frontière entre les deux pays, s’inscrivant délibérément comme un acteur paraétatique dans une lutte autorisant la dénonciation de l’impérialisme français et des oligarchies africaines.

La propagande française veut, dans ce cadre, en faire un agent russe, ce qui est assez drôle quand on sait le nombre de Français blancs dont les revenus proviennent de Poutine. En réalité, il semble plutôt s’agir d’un opportunisme politique encouragé par l’effondrement de la Françafrique.

Photo de famille du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) en novembre 2023. Kémi Séba est en blanc, au centre.

Le piège de la consécration ?

Dans la sphère culturelle et intellectuelle, Kémi Séba est associé aux influenceurs, au rap, à la jeunesse et il ne suscite pas de sympathie de la part des autorités religieuses musulmanes. Le kémitisme autochtone existe ainsi au Mali et s’affirme outrageusement hostile à toutes les religions, dont l’Islam, sans s’attirer les foudres du nouveau pouvoir militaire. Malgré la tentative pour amalgamer Kémi Séba à la décolonialité, maladroitement esquissée par le gouvernement français et ses relais, il s’en distingue. La plupart des militants décoloniaux actuellement en vue, de Norman Ajari à Maboula Soumahouro et Rokhaya Diallo, se réfèrent davantage aux courants de pensées anciens et récents venus des Etats-Unis qu’à l’Afrique profonde. Ces intellectuels se penchent davantage sur W.E.Dubois et le mythe du retour à Afrique que sur l’utopie d’une Égypte nègre.

Leurs conceptions contemporaines – intersectionnalité, blanchité, queer, privilège blanc – ne font pas partie de la grille d’interprétation des activistes africains comme Kémi Séba. Pour l’économiste et écrivain sénégalais Felwine Sarr, le discours simpliste du trublion pointe de vraies questions, auxquelles il faut apporter des réponses de fond.  « Le doigt de Kémi, aussi grossier puisse-t-il nous paraître, pointe une lune qui existe bel et bien et un problème qui est réel : les rapports de domination économiques, politiques et militaires, qui font que, malgré des indépendances obtenues dans les années 1960 pour la plupart des nations africaines, la décolonisation est un processus qui est loin d’être achevé », disait Felwine Sarr au journal Le Monde le 28 août 2017. Si Kémi Séba ne se préoccupe pas de reconnaissance outre-Atlantique, Harvard et d’autres universités le comptent comme une des facettes des changements de l’opinion continentale, caraïbe et africaine-américaine. Il a critiqué le troisième mandat d’Alassane Ouattara et également Alpha Condé, qui le bannit alors de Guinée pour trois ans. Plus épineux, en mai 2021, il proteste contre les actions des forces militaires du Rwanda en République démocratique du Congo, y compris les viols et le pillage des ressources naturelles. 

Le panafricaniste de 42 ans qui doit rejoindre le Faso dans quelques heures est fondamentalement un tenant de l’afrocentricité. Celle-ci se dilue pourtant, peu à peu, dans l’énonciation de questions diverses comme le franc CFA ou la souveraineté, domaines où les intellectuels professionnels et les bureaucrates reprennent aisément la main. La proximité récente avec les responsables suprêmes des pays du Sahel ressemble à une consécration pour celui qui s’est découvert une nouvelle identité à l’âge de 18 ans. Cependant, avec les années et les honneurs, il lui sera de plus en plus difficile de marcher sur la ligne de crête entre la jeunesse africaine et le pouvoir des armes.

Kemi Seba menacé de perdre la nationalité française

 

 

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Musiques d’Afrique (2/5), l’immortel Poly-Rythmo de Cotonou https://mondafrique.com/loisirs-culture/limmortel-poly-rythmo-de-cotonou-forcement-immortel/ Fri, 30 Aug 2024 03:25:00 +0000 http://plamotte.fr/Mondafrique/?p=746 Héritier de l’enthousiasme de l’indépendance acquise par le Bénin au début des années 1960, le Poly-Rythmo a grandi avec les yéyés et Salut Les Copains en assumant un penchant pour James Brown et Johnny Hallyday à qui il rend hommage à travers des reprises de tubes…en version vaudoue ! C’est une véritable institution qui a accompagné les […]

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Héritier de l’enthousiasme de l’indépendance acquise par le Bénin au début des années 1960, le Poly-Rythmo a grandi avec les yéyés et Salut Les Copains en assumant un penchant pour James Brown et Johnny Hallyday à qui il rend hommage à travers des reprises de tubes…en version vaudoue !

C’est une véritable institution qui a accompagné les soubresauts historiques, culturels et politiques de l’Afrique de l’Ouest à l’heure des indépendances et de l’éveil d’une certaine identité panafricaine.  L’enthousiasme des jeunes années d’indépendance, la Révolution, le multipartisme et le libéralisme avant de succomber à la hype occidentale grâce à la (re)découverte de leurs vinyles, souvent enregistrés autour d’un seul micro, désormais collectors. L’orchestre magique a encaissé les années sans succomber aux changements politiques.

Lorsque, en 1968, Eskill Lohento (décédé en 2006) et quelques amis montent cet orchestre, personne n’y croit vraiment. À l’époque, ce ne sont pas les formations qui manquent. Pourtant, dix ans plus tard, le Poly-Rythmo est l’orchestre qui accompagne les plus grandes stars de la musique africaine, parmi lesquelles la Togolaise Bella Bellow, les Congolaises Tshala Muana et Mbilia Bel, la Sud-Africaine Miriam Makeba… Mais si l’orchestre est reconnu par les professionnels, ce sont ses propres créations qui lui donneront le succès populaire. Angélina et Gbeti Madjro, deux chansons composées par Mélomé, rendront célèbre le groupe.

C’est la naissance de mélodies qui se définiront plus tard comme l’afro beat. C’est l’époque de Bailly Spinto en Côte d’Ivoire, de GG Vickey entre Paris et Cotonou, sans oublier les Golden Sounds du Cameroon, auteurs de l’intemporel Zangalewa récemment repris par la chanteuse colombienne Shakira pour la Coupe du Monde 2010.

Les hits s’enchaînent alors au fil des bals poussières de l’époque. Le succès est au rendez-vous, car L’Orchestre Polyrythmo de Cotonou, c’est avant tout un panel de rythmes s’étalant du cubain à la pop rock et réglés au clapet des pas africains. Le célèbre magazine portugais Publico le qualifia dans un article de « musique dure à définir, ni africaine, ni occidentale, ni du passé, ni du présent, mais tout simplement immortelle ». Pour le New York Times, il s’agit tout simplement « d’un des meilleurs groupes de Funk au monde ».

Cependant, même si l’orchestre a pu jouer avec  les plus grands et occuper les ondes de la radio nationale, il n’était jamais sorti d’Afrique avant 2007. Malgré l’engouement suscité à l’échelle nationale et régionale, rares sont les musiques africaines qui se retrouvent dans les classements internationaux, faute de moyens de communication et de soutien marketing efficace.

Et puis, à la fin du 20ème siècle,  le régime se durvit et le « live » se fit rare à Cotonou. Peu de bars survécurent aux couvre-feux et au pouvoir marxiste-léniniste qui imposait la diffusion de discours politiques dans les cafés et barrait ainsi la route à la musique « impérialiste » dont les influences occidentales étaient revendiquées : « Notre tube, Gbeti Madjro, a été diffusé sur la radio Voice of America à la fin des années soixante, précise Mélomé Clément, chef de l’orchestre depuis les débuts, en 1968. On m’a surnommé l’Américain, car ce pays m’a toujours fasciné. On a été tellement influencé par la musique américaine : James Brown, Wilson Pickett, Jimmy Hendrix…

Dans les années 1990/2000, le Poly Rythmo a bien failli périr dans l’oubli.

La conquête du nouveau monde depuis 2009 …

Le groupe est découvert par le reste du monde suite à une interview sur Radio France en 2007, pendant laquelle l’Orchestre confie à la journaliste Elodie Maillot son rêve de se produire au delà des frontières africaines. S’ensuivent des tournées en Europe et aux États-Unis, et leurs morceaux, qui n’ont pas pris une ride, sont réédités par des labels prestigieux comme Luakabop, Soundway et Analog Africa.

Des visas sont enfin établis, en août 2009 tous les membres originels du groupe encore vivants prennent enfin le chemin de l’Europe! Au programme : le Barbican de Londres, le Paradiso à Amsterdam, et la France n’est pas en reste : Printemps de Bourges, Escales de St Nazaire, Festival du Bout du Monde, Primavera Sound Festival (Barcelone), Festival International de Jazz de Montréal, l’ouverture du festival Jazz à la Villette, la Défense, de France, Les Nuits de Fourvière, Rio Loco etc.etc…

Le défi est relevé au-delà des espérances et les tournées s’enchaînent en 2010 : USA, Canada, Brésil, Angleterre, Afrique… Etendard d’un pays où le « vôdun » (vaudou) a son jour férié, le Poly-Rythmo a rebondi et assuré plusieurs tournées aux 4 coins du monde.

La cote de leurs vinyles s’est même envolée sur internet, et quelques rééditions sur des labels branchés (Luakabop, Soundway, Analog Africa) ont dévoilé leurs trésors passés.

Nouveaux enregistrements…

La première émission qui fit connaître l’Orchestre Poly Rythmo sur les ondes françaises s’appelait ‘Cotonou Club’ et évoquait les nuits perdues de Cotonou, la mort des orchestres et des bars dancing. La suite de cette histoire radiophonique et musicale est un album baptisé « Cotonou Club », mixé par Bruno de Jarnac.

Ne restait plus qu’à convaincre les éventuels incrédules que le Poly pouvait aussi entrer en studio après 25 ans d’absence. Le groupe s’est donc mis au vert dans le Loiret pendant deux semaines pour se pencher sur son immense répertoire, à coup de jam sessions, d’impros et autre fièvres afrobeat.

Nouvelles compositions et vieux souvenirs : le revival du Tout-Puissant conduit à un petit retour en arrière vers la mémoire de ceux qui ne sont plus (plusieurs décès parmi les musiciens du groupe originel). Le  nouvel album conjugue nouveaux morceaux et reprises de hits (comme « Gbeti Madjro » avec Angelique Kidjo qui commença la musique dans leur arrière-cour, ou encore C’est Lui Ou C’est Moi en duo avec Fatoumata Diawara- dernière signature du label World Circuit qui les a suivi pendant une tournée de 3 semaines en Angleterre.

Ne restait plus qu’à trouver un studio parisien entièrement analogique et des vieux micros vintage pour rappeler le temps des enregistrements aux côtés de Fela, à Lagos : une cave parisienne (dans le Marais) a fait l’affaire.

En 2010, le groupe se produit de Cotonou à New York en passant par l’Écosse et le pays de la samba. L’expérience a été si positive que de juin à aout 2012, une douzaine de dates sont de nouveau arrêtées dans une trentaine de capitales occidentales après la sortie de leur dernier album « Cotonou Club ». Malgré la ferveur des musiques ivoiriennes et européennes accentuée par la substitution des disc jockeys au live, la nostalgie de la belle époque demeure toujours intacte.

À l’heure des MP3 et d’Internet, Polytrythmo se fait une nouvelle jeunesse, au regard de l’engouement suscité et du nombre de clips postés et « likés » sur les réseaux sociaux. Un nouveau site internet d’une ergonomie très simple permet de mesurer l’ampleur du phénomène et l’héritage qui aurait pu être qualifié de vestige.

Malgré les disparitions de certains membres (batteur, chanteur, guitariste), le Poly-Rythmo version 21 ème siècle peut-il encore composer des tubes interplanétaires ?

A voir et à écouter

– Le site «  Le tout puissant poly-rythmo »

– « Cotonou Club », le premier album studio du groupe en 25 ans, est enregistré à Paris et sort en 2011 (Sound’Ailleurs / Universal Music Jazz). On y retrouve des collaborations prestigieuses avec le groupe Franz Ferdinand, qui admire la longue carrière, le son distordu et le groove imparable des Béninois, ou aussi Fatoumata Diawara et Angélique Kidjo.

– Un film-documentaire (en préparation) retracera leur parcours depuis les faubourgs de Cotonou jusqu’aux plus prestigieux festivals.

– L’édition limitée « Cotonou Club » est livrée avec le CD BONUS, « Radio Poly-Rythmo », qui revient sur la genèse du groupe et du projet, contient des lives inédits et autres surprises sonores, plus 3 vidéos documentaires exclusives.

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Niger (4), une mission de haut niveau au Bénin https://mondafrique.com/confidentiels/afrique/niger-4-une-mission-de-haut-niveau-au-benin/ Thu, 25 Jul 2024 08:05:44 +0000 https://mondafrique.com/?p=115092 Une délégation de haut niveau du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) a été mandatée mercredi par le général Abdourahmane Tiani pour se rendre à Cotonou, afin de tenter de régler le différend qui bloque le commerce entre les deux pays et l’exportation stratégique du pétrole brut nigérien.  Dans un communiqué, la […]

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Une délégation de haut niveau du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) a été mandatée mercredi par le général Abdourahmane Tiani pour se rendre à Cotonou, afin de tenter de régler le différend qui bloque le commerce entre les deux pays et l’exportation stratégique du pétrole brut nigérien. 

Dans un communiqué, la Présidence du CNSP précise que cette délégation, conduite par le général Mohamed Toumba, ministre de l’Intérieur, répond à une invitation des deux anciens Présidents du Bénin Yayi Boni et Nicéphore Soglo, « avec l’autorisation du Président de la République du Bénin » Patrice Talon. 

Le général Toumba est flanqué du ministre directeur de cabinet du général Tiani, Soumana Boubacar, et de quatre représentants du Haut Commandant de la Gendarmerie, du Haut Commandant de la Garde Nationale, de la police nationale et de la Direction générale de la Documentation et de la Sécurité Extérieure. 

Les deux anciens Présidents du Bénin avaient été reçus il y a un mois à Niamey par le général Tiani, dans le cadre d’une mission de bons offices. De retour à Cotonou, où ils ont fait le compte-rendu de leurs entretiens à Patrice Talon, ils avaient proposé deux mesures destinées à permettre la normalisation des relations diplomatiques entre les deux voisins : la mise en place d’une commission tripartite, composée d’eux-mêmes et de représentants du Niger et du Bénin ainsi que l’envoi d’une délégation nigérienne de haut-niveau à Cotonou pour rencontrer le Président Talon. 

 

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La justice béninoise libère les agents pétroliers du Niger https://mondafrique.com/confidentiels/la-justice-beninoise-libere-les-agents-petroliers-du-niger/ Tue, 18 Jun 2024 05:38:42 +0000 https://mondafrique.com/?p=113038 La justice béninoise a libéré lundi les trois Nigériens arrêtés le 5 juin sur la plateforme de chargement du pétrole brut à Sèmè, les condamnant toutefois à dix-huit mois de prison avec sursis. Cette décision devrait permettre la reprise du flux bloqué jeudi par les autorités nigériennes, en représailles à l’arrestation de sa délégation, dans […]

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La justice béninoise a libéré lundi les trois Nigériens arrêtés le 5 juin sur la plateforme de chargement du pétrole brut à Sèmè, les condamnant toutefois à dix-huit mois de prison avec sursis. Cette décision devrait permettre la reprise du flux bloqué jeudi par les autorités nigériennes, en représailles à l’arrestation de sa délégation, dans un contexte de tension inédite avec le Président Patrice Talon. 

La Cour de Répression des infractions économiques et du terrorisme de Cotonou a jugé les trois cadres pétroliers coupables d’usurpation de titre et usage de données informatiques falsifiées. 

Aminatou Hadiza Ibra, la directrice générale adjointe de la WAPCO-Niger, la société nigéro-chinoise qui supervise le transport du brut par le pipeline, et ses deux collègues inspecteurs ont pu regagner leur hôtel. Ils étaient accusés de s’être introduits frauduleusement sur les lieux lors du chargement du deuxième tanker de brut nigérien, par une porte dérobée et avec des badges inauthentiques.

Le Niger, de son côté, a répondu que la délégation était entrée officiellement dans le pays et que cette présence était prévue par les accords tripartites signés en 2019 par le Niger, le Bénin et la Chine. Mais le Bénin multiplie les obstacles au motif que le Niger refuse de rouvrir la frontière commune, Niamey arguant de la menace que représentent pour sa sécurité les soldats français déployés dans le nord du pays.

La holding partenaire des deux pays, la West African Oil Pipeline Company (WAPCO), est une filiale de la China National Petroleum Corporation (CNPC), la société nationale du pétrole de Chine, qui exploite et transporte le brut nigérien, le Méleck, à travers une filiale nigérienne et une filiale béninoise. 

 

 

Le Niger ferme la vanne du pétrole destiné au Bénin

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Notre portrait de Patrice Talon, président du Bénin et homme d’affaires prospère https://mondafrique.com/a-la-une/notre-portrait-de-patrice-talon-president-du-benin-et-homme-daffaires-prospere/ Sun, 16 Jun 2024 06:21:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=113211 Le contentieux entre le président béninois, Patrice Talon et les autorités de Niamey au Niger autour du pétrole nigérien qui s’exporte par le terminal de Semé au Bénin doit beaucoup aux nombreux détournements que provoque la manne pétrolière. Forbes Afrique plaçait le chef d’état béninois, au coeur de ces possibles ristournes, en 15e position des […]

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Le contentieux entre le président béninois, Patrice Talon et les autorités de Niamey au Niger autour du pétrole nigérien qui s’exporte par le terminal de Semé au Bénin doit beaucoup aux nombreux détournements que provoque la manne pétrolière. Forbes Afrique plaçait le chef d’état béninois, au coeur de ces possibles ristournes, en 15e position des fortunes du continent en 2015 et en 2019. On estime que Patrice Talon est à la tête d’un patrimoine de près de 400 millions de dollars.

Notre portrait signé Olivier Vallée

La première place dans la production de coton en Afrique revient au Bénin avec 587 000 tonnes, suivi du Burkina Faso puis du Mali

La junte militaire aux commandes à Niamey au Niger est consciente que la souveraineté du pays impose la maîtrise des frontières. Cela choque les apôtres du grand marché et de la circulation, notamment ceux qui avec la bénédiction de Patrice Talon, le président béninois, ont pu s’enrichi en détournant une partie de l’or noir qui transite entre le Bénin et le Niger.  

Le coton, l’or blanc du Bénin

La réussite de Patrice Talon qui doit beaucoup au coton, seule culture nationale d’exportation, commence en 1985, avec la création de la Société de distribution internationale (SDI), qui décroche un premier marché auprès de la Société nationale pour la promotion agricole (Sonapra), la première pierre de son empire. En 1991, Nicéphore Soglo, venu de la Banque mondiale, accède à la présidence, enfant des conférences nationales et du libéralisme. Cela tombe bien! Patrice Talon n’aime pas le marxisme, le dirigisme et l’étatisme qui entravent les bonnes affaires.

En 1994, Adamou Mamadou Ndiaye, ministre de l’Agriculture du président Nicéphore Soglo et Désiré Vieira, alors ministre d’État, donnent à l’acuel lePrésident du Bénin un agrément exclusif lui permettant l’implantation de trois usines d’égrenage de coton d’une capacité de 25 000 tonnes chacune. Des engrais à l’égrenage du coton, les affaires de Patrice Talon fleurissent. L’horizon ne s’obscurcit qu’au retour de Matthieu Kérékou à la présidence en 1996. L’emprise de Patrice Talon sur la filière est alors desserrée par l’autorisation de cinq opérateurs concurrents.

Patrice Talon converti à la biodiversité

Mais Patrice Talon est déjà riche et connecté avec la nouvelle étoile montante de la politique béninoise, Yahi Boni, le patron de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD). Il finance la campagne électorale que Boni Yahi, son mentor, remporte en 2006. Ce succès est suivi d’un second mandat en 2011. C’est l’âge d’or pour notre homme d’affaires qui devient le premier investisseur privé béninois et le premier employeur privé. Il se voit confier la vérification des importations au port de Cotonou. Les tentacules de ses sociétés se posent dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, en Côte d’Ivoire, au Burkina et au Mali.

En avril 2012, Talon est visé par sept plaintes pour crimes économiques. Réfugié à Paris, il sabote les législatives de Boni Yahi en 2015 puis est élu Président l’année suivante, avec la bénédiction de la France. Il applique la réforme des finances publiques qui satisfait les institutions de Bretton Woods et la communauté internationale. Il devient, par exemple, l’un des expérimentateurs de la combinaison de la protection de la faune et de la biodiversité avec la lutte contre les groupes armés du Sahel.

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Les sirènes de l’afrodescendance

Mais le Président du Bénin ne se plait guère avec ses voisins de la région. Il rêve du grand large, choie un « Vodun » revenu d’Amérique et invite les Afrodescendants à le rejoindre.  

« Désormais, M. le Président, vous serez Béninois ! » Le 23 mai 2024, au palais présidentiel de Brasilía, Patrice Talon s’amuse avec le président brésilien Lula, faisant allusion à la mesure symbolique qu’il vient d’annoncer en conférence de presse: tous les Afrodescendants brésiliens qui le souhaitent pourront désormais obtenir la nationalité béninoise.

Patrice Talon au Brésil, mai 2024

En 2023, Patrice Talon s’était rendu en Martinique pour inaugurer l’exposition des objets artistiques et culturels restitués par la France voisinant avec les productions contemporaines de talentueux plasticiens béninois. A l’actuelle biennale de Venise, le pavillon béninois, avec celui de l’Éthiopie, représente dignement l’Afrique dans cette rencontre internationale de l’art contemporain le plus novateur.

L’ancien commerçant enrichi grâce au coton et au port de Cotonou peut, à présent, éclipser le banquier Lionel Zinsou, fils d’un des premiers Présidents du Bénin, et sa fondation pour l’art.  

A cette hégémonie nationale, Patrice Talon ajoute une stature afro-américaine qui se dessine autour des relations avec le Brésil, d’où viennent les Agoudas du Bénin, descendants des trafiquants d’esclaves portugais et les Retornados, d’anciens esclaves du Brésil chassés après l’abolition. Ces communautés qui partagent rites, langue et religion, sont liées surtout par des intérêts commerciaux.

Talon, affranchi aux cultes Vaudou

Au fil de son ascension, Patrice Talon s’affranchit de ceux qui l’ont aidé à prendre le pouvoir comme Gaston de Souza, ancien député du parti politique Renaissance du Bénin (RB), originaire de la commune de Ouidah, l’un des ports qui abrite un musée que le président veut laisser à l’ensemble des Afrodescendants.  

Patrice Talon pendant la fête vaudou de Ouidah, janvier 2024

C’est justement à Ouidah qu’en janvier 2024, Patrice Talon est l’invité d’honneur des cérémonies Vodun » (« Vaudoues ») (1). La ville a accueilli alors, chose nouvelle, un carnaval brésilien avec des femmes dénudées. Les prêtres Vodun qui ont prédit à Patrice Talon le succès  lui ont conseillé … de s’occuper davantage de sa femme.

En cultivant le cercle de Ouidah, où se mêlent noblesse locale, culte Vodun et Agoudas, le président Talon s’est éloigné des Yorubas de Porto Novo, de leur puissance économique et de leurs media influents. Ce rapprochement auprès des sorciers ont conforté dans la population quelques rumeurs infondées sur la tentative d’empoisonnement, en 2012, de l’ancien Président Boni Yahi. 

La visite de l’ancien président nigérien Mohamed Bazoum le 13 mars 2023 à Cotonou consacre l’accord des deux pays dans le domaine pétrolier notamment, un accord remis en cause ces derniers mois

Qui se ressemble, s’assemble…

L’âme damnée du Président du Bénin, Olivier Boko, partage beaucoup de points communs avec Patrice Talon. C’est un homme d’affaires très intrusif, auquel on doit sans doute le changement de direction de l’oléoduc nigérien, qui devait initialement rejoindre le port de Kribi en se greffant sur le pipe-line reliant le Tchad au terminal camerounais.

Deux ans après l’élection de Mohamed Bazoum, en mars 2023, les Présidents béninois et nigérien se congratulaient au Palais de la Marina de Cotonou. Lors de la conférence de presse conjointe qu’il animait à cette occasion avec son homologue du Bénin, Mohamed Bazoum avait déclaré qu’ «on ne change pas l’équipe qui gagne». Quelques jours plus tard, les ministres les plus proches du président Talon étaient remerciés alors qu’ils se préparaient à choisir Olivier Boko comme son successeur. Patrice Talon réglait aussi ses comptes sur l’accord que Bazoum avait conclu avec Olivier Boko et les ministres béninois de l’Energie et des Transports sur les retombées de la ma,,e pétrolière

Tout semble opposer Patrice Talon, l’homme de l’Atlantique noir à la recherche d’une identité diasporique, au Niger, pays en grande partie ancré dans le Soudan central. Le président Talon préfère la communauté élitiste noire transnationale au panafricanisme anti-occidental que l’on retrouve aujourd’hui à Niamey et à Ouagadougou. La condescendance du Président béninois à l’égard de ses voisins sahéliens, partagée par les autres pays côtiers à l’égard de leurs voisins enclavés, n’exclut pas de convoiter une partie de leurs ressources naturelles, de l’or au pétrole.

Derrière les mauvais coups portés au Niger depuis la déchéance de Bazoum, se cachent dans aucun doute quelques clauses secrètes de rétribution du passage du pétrole nigérien au Bénin

(1) Le vaudou ou vodou, ou vodoun, ou encore voodoo, plus rarement appelé vaudouisme, est une religion originaire des peuples Adja-Ewe-Fon (Afrique de l’Ouest).

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Le Niger ferme la vanne du pétrole destiné au Bénin https://mondafrique.com/decryptage/le-niger-ferme-la-vanne-du-petrole-destinee-au-benin/ Tue, 11 Jun 2024 22:02:16 +0000 https://mondafrique.com/?p=112523 Le Niger a fermé jeudi la vanne de la station de Koulélé, près de N’Gourti, qui alimente l’oléoduc acheminant son pétrole brut jusqu’à la plateforme béninoise de Sèmè-Kpodji, a appris Mondafrique de source gouvernementale.  Le ministre du Pétrole, Barké Bako Mahaman Moustapha avait annoncé cette décision lors d’un point de presse le même jour, faisant […]

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Le Niger a fermé jeudi la vanne de la station de Koulélé, près de N’Gourti, qui alimente l’oléoduc acheminant son pétrole brut jusqu’à la plateforme béninoise de Sèmè-Kpodji, a appris Mondafrique de source gouvernementale. 

Le ministre du Pétrole, Barké Bako Mahaman Moustapha avait annoncé cette décision lors d’un point de presse le même jour, faisant suite à l’arrestation la veille, sur la plate-forme, d’une délégation nigérienne venue contrôler les opérations de chargement. « Le chef de l’Etat nous a donné des instructions fermes. Si à 17h00 aujourd’hui, nos équipes ne sont pas libres de leurs mouvements (…) nous allons arrêter la station initiale de Koulélé. (…) Nous n’allons plus envoyer notre pétrole dans le pipeline jusqu’à ce que les Béninois décident de respecter leur engagement et jusqu’à ce que le partenaire chinois les amène à respecter leur engagement, parce que, apparemment, c’est la seule partie qu’ils écoutent », avait déclaré le ministre.

Le nouvel imbroglio nigéro-béninois s’est produit lors du chargement du deuxième tanker de brut nigérien, après un premier chargement débloqué in extremis par le Président béninois Patrice Talon après la visite du patron chinois de la holding partenaire des deux pays : la West African Oil Pipeline Company (WAPCO). La WAPCO est une filiale de la China National Petroleum Corporation (CNPC), la société nationale du pétrole de Chine, qui exploite et transporte le brut nigérien, le Méleck, à travers plusieurs filiales locales. 

Incidents à répétition

Les accords signés en 2019 entre le Niger, le Bénin et la Chine prévoient les conditions d’acheminement du pétrole à travers l’oléoduc de 2000 km qui permet d’exporter le brut sur les marchés internationaux. En vertu de ces accords, les autorités nigériennes doivent pouvoir accéder au compteur du terminal de WAPCO Bénin pour contrôler les chargements. Mais la tension persiste entre les deux pays voisins. La frontière reste fermée du côté nigérien, malgré la levée des sanctions internationales qui ont placé, pendant six mois, le Niger sous blocus total à partir du Bénin. Niamey reproche à Cotonou d’accueillir des soldats français dans son septentrion. Et Cotonou exige la réouverture de sa frontière pour pouvoir reprendre ses lucratives opérations commerciales vers le Niger et les Etats du nord du Nigéria. 

Dans un communiqué publié jeudi, le procureur spécial près la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme de Cotonou, Elonm Mario Metonou, a confirmé l’arrestation de la délégation de la WAPCO-Niger, l’accusant de s’être introduite frauduleusement sur le site de la station terminale. « Cinq ressortissants nigériens se sont introduits sur le site sans décliner leur identité. Au lieu d’emprunter l’entrée principale et de s’enregistrer à la guérite, ces personnes ont préféré utiliser une entrée dérobée. Dans cette manoeuvre, elles ont bénéficié de la complicité de l’administrateur général de WAPCO-Bénin. » 

Un contexte de méfiance réciproque 

Le procureur spécial a accusé deux des membres de la délégation d’être des « agents nigériens au service du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) » s’étant « fait confectionner pour la circonstance de faux badges d’employés de WAPCO Niger » dans un contexte de menace « contre la sûreté de l’Etat du Bénin. » 

Le ministre nigérien du Pétrole a répondu le même jour dans un point de presse que la WAPCO avait été la courroie de transmission entre le Niger et les autorités béninoises, comme lors de la récente venue à Niamey du ministre béninois de l’Energie, des Mines et de l’Eau. Il a précisé que Cotonou avait tenté de convaincre le Niger de renoncer à son droit de contrôle des chargements et de le déléguer à la Chine, ce que le Niger a refusé, acceptant finalement « que cette opération soit menée par WAPCO Niger et Bénin ». Mais WAPCO Bénin ne disposant pas d’inspecteurs pétroliers, « nous leur avons dit que nous allions temporairement mettre à leur disposition deux inspecteurs de chez nous. » Ils ont été arrêtés alors que les opérations de mesurage et de contrôle des échantillons avaient commencé, a indiqué le ministre.  

 

Aminou Hadiza Ibra, la DGA de WAPCO-Niger arrêtée à Cotonou

Samedi soir, alors que la délégation dirigée par la directrice adjointe de WAPCO Niger, Mme Aminatou Hadiza Ibra, était toujours retenue, le porte-parole des autorités militaires nigériennes a dénoncé « les multiples violations (béninoises) des accords relatifs à l’exploitation du pétrole nigérien. » Il a rappelé que les accords ne prévoyaient « aucune entrave possible », même en cas de guerre entre les deux pays et il a déploré l’attitude du Président béninois Patrice Talon qui « discrédite sa signature ». 

Après une première tentative de blocage au Bénin, a poursuivi le porte-parole, « sur proposition de la partie chinoise, acceptée par les autorités nigériennes, le ministre béninois de l’Energie, de l’Eau et des Mines était à Niamey le 27 mai dernier dans le cadre de la 3e réunion du comité inter-Etats de pilotage du système de transport par pipeline, conformément à l’article 10.4 de l’accord du gouvernement hôte. »

« En marge de cette réunion, le ministre béninois a dit être porteur d’un message du Président Patrice Talon au chef de l’Etat. Sous prétexte que le Président du CNSP, le général Abdourahamane Tiani, n’a pas accordé une audience au dit ministre, ce sont les inspecteurs nigériens basés sur la plateforme de chargement des navires que la police béninoise a chassés de leur poste de supervision et de contrôle. Pire, le mercredi 5 juin, c’est une équipe de WAPCO Niger en mission officielle de supervision et de contrôle des chargements sur demande expresse et insistance de la CNPC qui est kidnappée par les autorités béninoises, au mépris des dispositions de l’article 29.6 de l’accord du gouvernement hôte. »

Les soldats français de la discorde

Le porte-parole du CNPC précise que la délégation nigérienne a emprunté « un vol régulier en accomplissant toutes les formalités aéroportuaires au départ de Niamey comme à l’arrivée à l’aéroport international de Cotonou. » Et d’ironiser sur les accusations béninoises : « Les Nigériens et les Chinois se seraient ainsi associés en terre béninoise pour porter atteinte à la sûreté d l’Etat du Bénin en sabotant leurs propres biens ! » 

La junte campe sur sa position en reprochant à Patrice Talon de refuser « de prendre en compte les impératifs de sécurité nationale du Niger », et de ne « dire mot des bases abritant des forces françaises subversives de déstabilisation installées au Bénin le long de notre frontière commune, bases à partir desquelles les vrais terroristes formés et équipés par des puissances étrangères mènent des raids meurtriers contre nos forces de défense et de sécurité et nos populations civiles. » 

Finalement, pour sortir de l’impasse, le Niger se tourne vers la Chine, « partenaire stratégique dans l’exploitation du pétrole nigérien » qu’il invite à « prendre ses responsabilités en s’engageant clairement dans le respect de toutes les clauses contractuelles. » 

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L’ambassadeur de France au Bénin dément l’existence de bases militaires https://mondafrique.com/confidentiels/afrique/lambassadeur-de-france-au-benin-dement-lexistence-de-bases-militaires/ Sat, 01 Jun 2024 15:52:31 +0000 https://mondafrique.com/?p=111963 Marc Vizy, l’ambassadeur de France au Bénin, a réaffirmé en marge de l’édition 2024 de la Route de l’Europe « qu’il n’y a pas de base militaire française » au Bénin. Interviewé le 27 mai par le média en ligne Boulevards des Infos, le diplomate a martelé: « Comme je l’ai dit à peu près un millier de […]

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Marc Vizy, l’ambassadeur de France au Bénin, a réaffirmé en marge de l’édition 2024 de la Route de l’Europe « qu’il n’y a pas de base militaire française » au Bénin.

Interviewé le 27 mai par le média en ligne Boulevards des Infos, le diplomate a martelé: « Comme je l’ai dit à peu près un millier de fois depuis que je suis là, il n’y a pas de base française dans le nord du Bénin ». Sur un ton ironique, il en a profité pour envoyer une petite pique à la Russie, accusée d’alimenter le sentiment anti-français : « c’est comme les projets russes, les bases françaises, il n’y en a pas.»

Pendant plusieurs jours, les ambassadeurs de l’Union européenne et de plusieurs Etats membres ont visité, dans le cadre de la Route de l’Europe, les projets de développement au Bénin qu’ils appuient. « L’Europe est de très loin le premier partenaire non seulement du Bénin, mais de bien des pays d’Afrique. Et c’est ça qu’il est important de retenir. C’est non seulement nos Etats, mais c’est aussi nos ONG (…) nos collectivités locales. (…) C’est aussi nos volontaires. C’est nos entreprises. C’est ce maillage humain qui existe entre l’Europe et le Bénin qui compte. On s’est beaucoup déplacé, hein. Mais on n’a pas vu beaucoup d’ONG russes, par exemple. Vous voyez, c’est un peu ce message là qu’on veut faire passer. »

Au grand dam des autorités de Cotonou, le Niger maintient sa frontière fermée en arguant de manoeuvres de déstabilisation françaises dans le nord du Bénin voisin. 

En décembre 2023, lors d’un déplacement officiel, le chef d’état-major français Theirry Burkhard avait déjà affirmé : « Non, il n’y a pas de base ou de mission militaire française permanente au Bénin. S’il y avait une base militaire, vous le verriez.»

Le Niger affirme avoir constaté une activité militaire française sur plusieurs sites non loin de sa frontière, une région où les groupes djihadistes locaux sont très actifs. S’il ne s’agit pas d’une mission permanente, il n’est pas contesté que des troupes françaises sont déployées sur place au titre de la lutte anti-terroriste.

 

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Les frontières fermées Bénin/Niger paralysent les deux pays https://mondafrique.com/international/110903/ Fri, 31 May 2024 16:41:18 +0000 https://mondafrique.com/?p=110903 Un premier chargement de pétrole brut nigérien – 1 million de barils – a quitté le port béninois après une longue attente. Sous pression du partenaire chinois, le Président Patrice Talon a finalement accordé son autorisation «ponctuelle et provisoire» après avoir menacé de tout bloquer, en violation de l’accord bilatéral signé entre les deux pays […]

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Un premier chargement de pétrole brut nigérien – 1 million de barils – a quitté le port béninois après une longue attente. Sous pression du partenaire chinois, le Président Patrice Talon a finalement accordé son autorisation «ponctuelle et provisoire» après avoir menacé de tout bloquer, en violation de l’accord bilatéral signé entre les deux pays en 2019.

C’est que le président béninois Patrice Talon exige toujours la réouverture de la frontière entre les deux pays, que Niamey garde obstinément close, en rasion de l’attitude du Bénin lors de la prise de pouvoir au Niger d’une junte militaire. Ces désaccords profondes entre les deux payx pénalise le port de Cotonou qui alimentait, jusqu’au coup d’Etat du 26 juillet dernier un commerce intense en provenance du Niger, via un corridor nigérien.

Olivier Vallée

Tracé du pétrole brut nigérien exporté par pipe line jusqu’au port de Sèmè

Le Premier ministre du Niger, Ali Lamine Zeine, a été clair sur les causes de la fermeture de la frontière : « Nous avons souverainement décidé de garder notre frontière fermée avec le Bénin » car « sur le territoire du Bénin, il y a des bases françaises et sur certaines d’entre elles, on entraîne des terroristes qui doivent venir déstabiliser notre pays ».  

À l’aide d’une carte satellitaire, il a désigné cinq zones censées abriter ces « bases » près de la frontière entre Malanville et Gaya, parmi lesquelles le parc transfrontalier du W, à cheval sur les frontières du Niger et du Burkina Faso. Ces cartes satellitaires n’ont pas été fournies par les Etats-Unis mais, sans doute, par la Chine.

Depuis plusieurs mois, les forces béninoises se renforcent avec l’aide d’instructeurs français et américains. On pouvait déjà rencontrer, à bord des hélicoptères béninois, des pilotes et des mécaniciens colombiens et péruviens. « Leur expérience, acquise notamment dans la lutte contre les narcotrafiquants, est précieuse, expliquait dans une interview le général Abou Issa, chef d’état-major de l’armée de terre du Bénin. Dans le cadre de l’opération Mirador, les forces étrangères apportent un appui logistique et elles interviennent dans la formation. Mais il n’y a que les soldats béninois qui combattent au front.» Le Rwanda, déjà présent en Centrafrique et au Mozambique, pourrait aussi lui venir en aide : le pays a offert ses services sans préciser dans quel domaine il opérerait.

Un climat de méfiance

Les soupçons nourris sur sa présence présence militaire dans le nord du Bénin sont, à Paris, jugés ridicules et preuve d’une paranoïa nigérienne. Mais Niamey n’en démord pas. Le Niger n’a pas non plus pardonné le zèle de Patrice Talon dans l’adoption des dures sanctions infligées par la Communauté économique ouest-africaine et dans le projet d’intervention militaire contre son grand voisin, en représailles au renversement du Président Mohamed Bazoum.

Ce sont donc des litiges actuels et brûlants qui expliquent le différé d’ouverture des passages du coté nigérien. Mais ils surgissent au fil d’une histoire heurtée et dans une géographie contestée. Le tracé de la ligne de partage entre les deux pays est discuté, il y a plus de vingt ans. Le traitement de ce litige fait l’objet d’un compromis signé le 15 juin 2001 à Cotonou et entré en vigueur le 11 avril 2002 afin d’établir «la délimitation définitive de l’ensemble de leur frontière». Ce sera fait en 2005 quand la Cour internationale de justice (CIJ) a dessiné la frontière entre le Bénin et le Niger dans le lit du fleuve Niger et de la Mekrou, attribuant 9 îles au Bénin et 16, dont Lété, au Niger. Le président de la Chambre, le malgache Raymond Ranjeva, a rappelé que « a Cour a recherché quelle est la frontière héritée de l’Administration française», ancienne puissance coloniale de la région. Et de fait, en 1963-1964, des affrontements étaient intervenus entre les deux États avec le « dégagement » de milliers de Dahoméens chassés de Niamey.

Pour le Niger, immense pays enclavé moins riche que le Bénin, les frontières sont décisives et s’étendent sur 5688 kilomètres dont 2000 avec le Nigéria, voisin du Bénin, avec lequel il entretient un trafic triangulaire qui a pour pivot le tandem des villes de Malanville (Bénin) et de Gaya (Niger). A Gaya, l’ensemble des corps des forces de sécurité du Niger voisinent leurs contreparties du Bénin.

Contournement de la frontière en pirogue à Gaya

Commerce légal et illégal

Il est nécessaire pour les autorités de Niamey de s’assurer qu’il n’y pas de failles dans la cohésion et la sécurité à ce poste frontière qui était, encore il y a peu, le laboratoire de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de ses financeurs européens. Mais loin de s’assurer de la sécurité des frontières et de la régularité des passages de marchandises selon les règles douanières, la mission de sécurité européenne EUCAP, l’agence de coopération allemande GIZ et l’Organisation internationale pour les migrations étaient focalisées sur la traque des migrants en noyautant la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) du Niger.  Aujourd’hui, le ministère de la Défense avec la gendarmerie et l’armée, le ministère de l’Intérieur, dont la DST, et le ministère des Finances, avec la douane, se coordonnent pour protéger l’économie de la réexportation illégale de marchandises à partir du Bénin.

Après plusieurs mois de fermeture presque totale, le système économique nigérien s’est affranchi du Bénin et les opérateurs préfèrent passer leurs commandes directement en Europe ou aux Etats-Unis. De plus, bien avant même l’embargo de la CEDEAO et la posture agressive de Patrice Talon, les autorités municipales de Malanville ont imposé une fiscalité qui a contribué au déménagement des grossistes vers le Niger d’où ils ont organisé d’autres circuits via le Burkina et le Togo.

Ainsi,  Gaya est devenue l’une des principales plaques tournantes de la friperie à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest sans que l’on connaisse les intentions de l’actuel pouvoir à Niamey à l’égard de cette filière, qui permet d’importer librement les textiles et de négocier leur  vente à des marchands nigérians capables d’assurer la distribution des fripes dans leur pays et, dans une moindre mesure, vers le Tchad, le Cameroun, le Mali et le Burkina Faso. Ce commerce est dominé par une vingtaine de grands commerçants originaires du Niger, des Igbo du Nigeria et un petit nombre de marchands tunisiens et libanais, dont certains ont quitté Cotonou, Lomé ou le Burkina Faso pour s’implanter à Gaya.

Menace djihadiste croissante

Avec la production pétrolière et la raffinerie de Zinder, le Niger ne veut pas de l’entrée sur son territoire de produits pétroliers moins chers, car la plupart du temps détournés au Nigeria et échappant à toute taxation. A Malanville, une bonne partie des opérateurs directement liés au parti socialiste nigérien et à Mohamed Bazoum se sont installés et peuvent ainsi voyager vers Paris ou les Etats-Unis et revenir au Bénin sans encombre. Au reproche contre cette menace nouvelle, les autorités de Niamey ajoutent le peu de résultats de la coalition internationale qui soutient Patrice Talon dans la guerre contre le terrorisme au nord du Bénin. L’activité des groupes terroristes membres de l’État Islamique (État Islamique au Sahel, EIS), d’Al-Qaïda (Jamaat Nusrat al-Islam wal-Muslimin – JNIM) ou encore de la scission de Boko Haram, Ansaru, se développe dans la zone. Cette présence nourrit le risque d’une menace terroriste accrue pour le Niger,  notamment dans la région de Dosso, où la pression djihadiste est aggravée par le renforcement de leur ancrage dans les États de Kebbi et Sokoto du Nigéria voisin. Tous les flux de la frontière constituent un cadre d’approvisionnement en carburant ou en vivres pour les groupes armés qui menacent l’Alliance des États du Sahel et ils disposent de surcroît d’un abri sûr dans le parc du W.

Des enquêtes communautaires non loin de Gaya attestent que 50% des interrogés assistent régulièrement à des actions des groupes armés non étatiques (GANE) dans leurs communautés. Les groupes créent des liens croissants avec les populations (collecte d’information, approvisionnement, tentatives de médiation dans les conflits pastoraux) et installent des bases arrière : environ 300 combattants du JNIM ont été signalés au nord Bénin et une cellule active de l’EIS mène des activités de part et d’autre de la frontière. Leur présence ouverte au sein des communautés, notamment à Malanville ou Goungoun, suggère une tolérance locale, voire une acceptation de mauvais augure.

On comprend, devant ce faisceau de menaces, les réticences nigériennes. Elles s’opposent à ce que tout recommence comme avant dans cet écosystème favorable aux marchés parallèles des monnaies, des marchandises, de la drogue et des armes.

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