Algérie - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/algerie/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Mon, 22 Dec 2025 08:00:55 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.3 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg Algérie - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/algerie/ 32 32 Que serait l’Algérie sans la Kabylie ? https://mondafrique.com/libre-opinion/serait-lalgerie-kabylie/ Fri, 19 Dec 2025 18:08:00 +0000 http://www.mondafrique.com/?p=5499 Pour ceux qui voudrait comprendre la Question berbère, en Algérie, un excellent ouvrage vient de paraître à Alger (ed.Barzakh) de Yassine Temlali, journaliste et chercheur, qui éclaire d’une manière nouvelle, une question ancienne qui déchire. REJOIGNEZ LA CHAINE WHATTSAPP DE MONDAFRIQUE https://whatsapp.com/channel/0029VaGzyWS1noyxUdC89Z1c Si l’on veut aujourd’hui penser, repenser la Kabylie, loin des idéologies meurtrières, alors il […]

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Pour ceux qui voudrait comprendre la Question berbère, en Algérie, un excellent ouvrage vient de paraître à Alger (ed.Barzakh) de Yassine Temlali, journaliste et chercheur, qui éclaire d’une manière nouvelle, une question ancienne qui déchire.

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Si l’on veut aujourd’hui penser, repenser la Kabylie, loin des idéologies meurtrières, alors il faut absolument lire « La genèse de la Kabylie. » de Yassine Temlali qui, de journaliste, fait ici œuvre d’historien. Un historien impliqué qui nous invite, avec brio, à faire une pause très stimulante intellectuellement sur l’histoire récente de l’Algérie en se proposant de « restituer le cadre historique dans lequel entre 1830 et 1962 est née une conscience culturelle et politique Kabyle », comme on déconstruit la fabrique des « récits identitaires algériens modernes ».

Dans cette déconstruction, aucun de ces récits n’est épargné, qu’il soit islamiste, arabiste ou berbériste, car si en apparence ils s’opposent,  ils partagent tous, écrit l’auteur, « un véritable anachronisme qui fait appréhender l’histoire comme un éternel retour du passé, dans le présent », tous obsédés par la reproduction à l’infini de l’image de « pieux ancêtres à la poigne toujours aussi coriace. »

La « question berbère » et la fabrique de l’Algérie

En se libérant de cette poigne coriace, Yassine Temlali nous embarque dans un voyage passionnant sur les pas de nos langues, sur les chemins de la construction d’identités où l’on croise nos ancêtres forgeant notre histoire contemporaine dans un perpétuel mouvement.

Prendre ces chemins d’histoire, c’est rencontrer des berbères qui, entre invasions arabes et colonisation française, ne semblent pas obsédés par leurs langues – en tous cas moins que les algériens d’aujourd’hui-, c’est croiser des dynasties berbères recrutant allègrement des arabes hilaliens pour aller tailler les têtes d’autres berbères, des tribus zénètes au moins autant nomades que des tribus arabes, des arabes qui se berbérisent et des berbères qui s’arabisent, des luttes de territoires où des hommes et des femmes (même si l’on regrettera leur grande absence de cet ouvrage), brassent leurs langues et pas seulement sous la contrainte, embrassent la même religion, l’islam. Et le voyage continue et il se fait géographie, nous faisant grimper jusque dans les montagnes de la Haute-Kabylie, redescendre dans les plaines qui les enserrent en Basse Kabylie, puis pousser jusque dans les Aurès, la Vallée du M’zab aux portes du Sahara, là où vivent des populations berbérophones issues de nos ancêtres les berbères mais se distinguant les Unes des Autres tributaires de territoires, de leur richesses et de leurs âpretés comme on s’adapte pour ne pas disparaître dans un univers hostile entre invasions arabes, Empire Ottoman et France coloniale.

Comment devient-on alors « Kabyles », « Chaouias », ou « Mozabites » nous interroge Y. Temlali en arpenteur novateur qui éclaire une vraie question : comment  la Kabylie est-elle devenue la région porteuse de ce que l’on pourrait appeler « La question berbère » avant de la réduire à « La question kabyle. »

En prenant ces détours, Y.Temlali nous entraîne dans la fabrique d’un pays : l’Algérie.

Un pays qui naîtra d’un ennemi commun le colonialisme français en dépit de ses fantasmes ethniques qui n’épargneront même pas les Encyclopédistes qui tel d’Alembert et Diderot écrivaient à propos des Kabyles « qu’ils se font l’honneur d’être chrétiens d’origine, haïssent les arabes et les autres peuples africains. » Le mythe de l’ isolat kabyle dans toute sa splendeur.

Et si la Guerre d’indépendance s’est chargée de balayer ce mythe fondateur de la politique coloniale de division ethnique entre « le bon berbère assimilable » et « l’ arabe fanatique », les algériens se sont à leur tour fabriqué leurs propres mythes tout aussi fantaisistes et destructeurs.

En mettant en lumière, dans une perspective historique, la naissance de ces récits identitaires 100% algériens, si rarement questionnés comme si la fonction des mythes coloniaux rabâchés jusqu’à plus soif servait à faire écran,  Y. Temlali fait un travail de précurseur qui bouscule…. ce qui explique peut-être le silence éditorial sur ce livre qui aurait du faire événement parce que rare dans un pays où les idéologies envahissantes interdisent de se penser. « S’il y a une dimension à ce livre, écrit avec justesse, Malika Rahal dans sa postface, c’est celle de vouloir réinjecter du fond dans des débats politiques présents qui en sont dramatiquement dénués, et redonner aux discussions du savoir, entendu à la fois comme matière et comme distance critique. »

« Berbèristes » ou « berbéro – nationalistes » ? 

L’une des idées fortes de ce travail est d’avoir saisi combien la naissance d’une nation, l’Algérie et la naissance d’une « province marquée du sceau de la spécificité », la Kabylie, participent du même processus majeur de notre histoire récente. Et que c’est paradoxalement la naissance de la question algérienne qui va donner naissance à la question berbère, c’est en forgeant l’Algérie état-nation que s’inventera la  Kabylie, deux territoires historiques et géographiques se construisant en même temps qu’elles chassaient du territoire national la France coloniale par les armes, après avoir épuisé toutes les formes de résistance légale. Que serait la Kabylie sans l’Algérie et que serait l’Algérie sans la Kabylie ? interroge Y.Temlali.

En 1947, deux questions vont déchirer le mouvement national : la question du passage à la lutte armée rendant inéluctable l’indépendance du pays et ce faisant, la question de la définition de l’identité algérienne. Si l’Algérie n’est plus un département français, alors qu’est ce qu’être algérien ?

En Grande Kabylie, des militants du PPA/MTLD, les kabyles étant de plus en plus nombreux au sein des cellules de ce parti, proposent un autre récit de l’identité que celui des tenants de l’Algérie arabo-musulmane, pour eux il manque la dimension berbère. Et, pour leur malheur, nombre d’entre eux se prononcent aussi et peut-être surtout contre les positions molles, légalistes de la direction du parti de Messali Hadj.

Pour cette direction, ils deviendront doublement coupables et plutôt que d’assumer les débats, ils

seront jugés et condamnés sous le vocable infamant pour ceux que l’auteur appelle les berbéro-nationalistes de « berbéristes » faisant le jeu du colonialisme. Quelle triste ironie de l’histoire, nous dit l’auteur.  Accusé d’être « berbéristes », ce qu’ils n’étaient pas, et de faire « le jeu du colonialisme », en dépit de leur nationalisme irréprochable par leurs adversaires, ils rentreront dans l’histoire par la voix de ceux qui se posent aujourd’hui en héritiers de ce combat comme les fondateurs du berbérisme, transformant ainsi l’accusation des vainqueurs, infamante pour les vaincus, en vérité historique.

Certains paieront de leur vie ces accusations, liquidés par les frères. Mais contrairement à ce qu’affirme la vulgate berbériste radicale, les frères et bourreaux n’étaient pas que des arabes, ils se recrutaient également parmi les Kabyles. Comme quoi les mythes sont parfois injustes à force de vouloir dessiner des identités à la serpe, s’inventant des martyrs, ils en oublient que les frontières du sang servent le plus souvent à circonscrire des territoires de pouvoir.

Comment ne pas être frappé à la lecture de cet ouvrage de constater à quel point les mots libertés, pluralisme,  sont totalement absents dans la terminologie politique qui préside à la construction du discours nationaliste, tant les acteurs, qu’ils soient arabes ou kabyles, sont terrifiés à la simple évocation de la différence, cet impensable, tant ils sont mobilisés autour de l’Unité nationale, la construction d’un état jacobin au « centralisme autoritaire » seul à même, selon eux, d’abattre et de remplacer l’Etat colonial. Même Abane Ramdane, l’architecte du Congrès de la Soummam n’échappe pas à cette règle fondatrice : « C’est le Congrès de la Soummam, tenu en Kabylie en août 1956, avec trois congressistes kabyles sur six, qui a ordonné une seconde traque meurtrière contre « les berbéristes. » Un an plus tard en 1957, il sera à son tour assassiné par ses frères, arabes et kabyles dont Krim Belkacem, le premier des kabyles à avoir pris le maquis, accusé à son tour d’être une menace au projet indépendantiste.

Du MCB au MAK. 

L’ouvrage de Y. Temlali est celui d’une génération, la génération post-indépendance, héritière de cette histoire et qui en 1980 fondait à son tour le Mouvement Culturel Berbère, le MCB.

C’est depuis cette histoire récente qu’écrit Y. Temlali, revisitant les classiques, il propose une lecture libérée du discours nationaliste jacobin et autoritaire en acteur à son tour engagé .

Dans son introduction il témoigne de cette histoire personnelle et comment, engagé alors qu’il était étudiant militant dans l’extrême-gauche clandestine, il va découvrir la question amazighe qu’il épousera à son tour, alors portée par le Mouvement Culturel berbère, « cet acteur majeur de l’opposition » de l’époque autour des revendications démocratiques face au parti unique et aux islamistes. Lui même issu d’une famille aux racines berbères mais arabisée, il sera de ces rares personnes qui apprendront le kabyle… au cœur d’une citadelle arabophone, Constantine, alors qu’il était étudiant en langue et littérature française. De quoi donner à réfléchir sur les chemins de l’histoire ! Aujourd’hui la Kabylie endeuillée, enfermée dans sa martyrologie douloureuse à force de compter ses morts, son récit identitaire, « Nous ne sommes pas des arabes » a enfanté d’un vilain avatar, du MCB au MAK. Du  Mouvement Culturel Berbère plein de promesses démocratiques aux Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie plein de bruits et de fureur. «  Dans un contexte régional explosif, marqué par des risques d’éclatement des états-nations issus des indépendances, écrit Y. Temlali, la question berbère que le gouvernement algérien refuse de résoudre de façon démocratique apparaît comme une véritable bombe à retardement. Une bombe d’autant plus menaçante que, dans ce contexte trouble, la revendication d’autonomie de la Kabylie gagne en popularité. »

Aussi ne faut-il pas s’étonner si cet ouvrage se veut, ce qu’il est incontestablement, également un livre d’intervention politique. Mais que le lecteur ne se trompe pas, cet ouvrage n’est pas un réquisitoire, c’est au contraire un plaidoyer. Le plaidoyer d’un universitaire qui nous offre un véritable travail de recherche, riche en références datées, sourcées, pour un débat apaisé et apaisant.  Un livre fraternel qui ouvre des pistes pleines de promesses pour construire un récit national à la hauteur de la richesse de l’ histoire de ce pays, l’Algérie qui semble toujours douter de sa légitimité à exister en tant que nation dans la totalité de son territoires, de ses territoires géographique et identitaires de la Kabylie jusqu’au confins du désert.

Un récit national interdit par les idéologies clivantes et par un état jacobin autoritaire né de la guerre dont il se nourrit et se sert. Ce récit qui est là tel un manque cruel sur les plaies, les blessures pendant que les algériens multi-traumatisés entre deux guerres – de l’indépendance à la guerre civile- des guerres ravageuses, malmenant corps et identités, vivent dans la crainte de l’explosion de l’état-nation dans la proximité attentive des expériences afghane, soudanaise, libyenne, irakienne et syrienne.

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Smaïn Laacher ou l’art de dire le silence https://mondafrique.com/loisirs-culture/smain-laacher-ou-lart-de-dire-le-silence/ https://mondafrique.com/loisirs-culture/smain-laacher-ou-lart-de-dire-le-silence/#respond Thu, 11 Dec 2025 08:00:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=144022 Dans L’Algérie, ma mère et moi, Smaïn Laacher sonde la fracture intime et collective de l’exil franco-algérien, tissant une méditation bouleversante sur la langue, la transmission et le silence. Un récit qui éclaire, sans jamais forcer, l’énigme du lien filial. Une chronique de Karim Saadi Smaïn Laacher Il y a des livres qui ne s’imposent […]

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Dans L’Algérie, ma mère et moi, Smaïn Laacher sonde la fracture intime et collective de l’exil franco-algérien, tissant une méditation bouleversante sur la langue, la transmission et le silence. Un récit qui éclaire, sans jamais forcer, l’énigme du lien filial.

Une chronique de Karim Saadi


Smaïn Laacher

Il y a des livres qui ne s’imposent pas par leur éclat, mais par leur ombre. L’Algérie, ma mère et moi, de Smaïn Laacher, publié chez Grasset, appartient à cette famille d’ouvrages discrets et majeurs, qui dessinent la cartographie secrète de l’exil et de la filiation. Sur à peine cent soixante pages, le sociologue et essayiste remonte le fil de sa mémoire, creusant la terre meuble de l’intime et celle, bien plus rugueuse, de l’histoire collective. À travers le portrait de sa mère – venue d’Algérie en 1952, muette ou presque dans la langue du pays d’accueil –, Laacher convoque tout un pan de notre histoire contemporaine, celui de ces familles traversées, sans bruit mais sans répit, par la migration postcoloniale.

Dès les premières pages, le ton est donné : ni larmes faciles ni grandiloquence. Ici, la douleur prend les couleurs du silence. Il y a, dans la relation entre ce fils élevé dans la langue française, nourri à l’école républicaine, et cette mère restée prisonnière de son imaginaire natal, quelque chose d’infranchissable. Un mur invisible, dressé entre deux mondes qui se regardent sans jamais parvenir à se reconnaître. Laacher le dit : « Ce silence qui nous unit est aussi ce qui nous sépare. » Dans ce court intervalle entre deux rives, tout se joue : l’amour, la frustration, l’espoir d’un dialogue toujours repoussé.

Ce livre n’est pas seulement l’histoire d’un fils et de sa mère ; il est aussi le récit d’une génération condamnée à vivre dans l’entre-deux, tiraillée entre la fidélité à la terre d’origine et la nécessité d’inventer, en France, un nouveau pacte avec le monde. La mère, pour Laacher, n’est pas seulement la dépositaire d’une mémoire meurtrie ; elle incarne aussi la difficulté de transmettre, dans une langue qui n’est plus tout à fait la sienne, l’héritage d’une histoire bouleversée par la colonisation et l’arrachement.

Le récit d’une fracture ordinaire

Ce qui frappe, à la lecture de L’Algérie, ma mère et moi, c’est la manière dont Laacher mêle la rigueur du sociologue à la pudeur du fils. Jamais il ne cède à la tentation de la généralisation. Le livre est ancré dans le réel, charnel, presque tactile : il y a la cuisine de la mère, les gestes retenus, la langue qui bute ou s’efface, les silences plus lourds que toutes les phrases. Mais, en filigrane, c’est tout un peuple de mères et de fils qui défile, cette France métissée dont les fractures ne cessent de se creuser.

« Nous n’habitions plus le même monde », écrit Laacher, et la phrase résonne bien au-delà de sa propre famille. C’est toute la question de l’intégration, du déracinement, de la transmission qui est posée.  

L’un des mérites du livre est de ne pas réduire la mère à une simple victime du déracinement. Si elle apparaît parfois figée dans l’Algérie de son enfance, prisonnière de ses souvenirs et de sa langue maternelle, elle est aussi le témoin d’une dignité silencieuse, d’une capacité à résister par l’oubli ou par l’imaginaire. Laacher ne juge pas, il observe : sa mère reste, jusqu’au bout, fidèle à une culture du silence, là où tant d’autres auraient pu sombrer dans le ressentiment ou l’amertume. On songe à cette phrase de Kateb Yacine, citée par l’auteur : « Tous les Algériens gardent une sorte de sentiment de culpabilité vis-à-vis de leur mère, parce qu’ils se sont comportés – et souvent encore aujourd’hui – avec les femmes comme s’ils les niaient. » Mais ici, la culpabilité n’est jamais stérile : elle ouvre la voie à une interrogation sur l’amour filial, sur ce que l’on doit à ceux qui nous ont précédés et dont le silence, parfois, sauve plus qu’il ne condamne.

Réconciliation impossible ?

Dans une France qui peine à intégrer son histoire coloniale, le livre de Smaïn Laacher arrive à point nommé. Il n’offre ni solution miracle ni discours de réconciliation, mais il pose, avec une lucidité désenchantée, les vraies questions : que reste-t-il de l’Algérie en France ? Comment habite-t-on un pays qui fut d’abord un exil ? Comment transmet-on, à ses enfants, l’histoire d’une terre quittée dans la douleur et le déni ? La critique publiée dans Le Matin d’Algérie le souligne : la force de l’ouvrage réside dans sa capacité à mêler récit intime et analyse sociologique, à faire de la mémoire familiale un observatoire privilégié des fractures françaises contemporaines.

L’écriture de Laacher, d’une sobriété exemplaire, refuse l’effet de manche : pas de pathos, pas d’excès. À l’image de sa mère, l’auteur avance dans la mémoire comme on avance dans une maison pleine d’ombres, guidé par l’intuition qu’il y a, sous la poussière du temps, quelque chose à sauver : un geste, un mot, une odeur, une nuance de lumière.

Dans le silence de cette mère, il y a une leçon de ténacité. Et dans la démarche du fils, un effort pour restaurer, sinon la parole, du moins la possibilité d’un dialogue. Les dernières pages, marquées par la mort de la mère, sont d’une grande justesse : Laacher ne tombe jamais dans le larmoiement, mais laisse affleurer, derrière l’analyse, la blessure encore vive d’un amour empêché.

 

Titre : L’Algérie, ma mère et moi
Auteur : Smaïn Laacher,
Éditions Grasset,
Paru le 8 octobre 2025,
160 pages,
Prix public : 18 €

 

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Deux peuples, une terre: la tragédie algéro-française revisitée https://mondafrique.com/loisirs-culture/deux-peuples-une-terre-la-tragedie-algero-francaise-revisitee/ Sat, 22 Nov 2025 22:51:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=143135 Yves Santamaria livre, dans L’Algérie et la France. Une terre pour deux peuples (1830‑1962), une fresque nuancée sur la cohabitation impossible de deux peuples dans une même terre, et éclaire sous un jour inédit les déchirements franco‑algériens.   Le dernier ouvrage d’Yves Santamaria, L’Algérie et la France. Une terre pour deux peuples (1830‑1962), publié chez […]

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Yves Santamaria livre, dans L’Algérie et la France. Une terre pour deux peuples (1830‑1962), une fresque nuancée sur la cohabitation impossible de deux peuples dans une même terre, et éclaire sous un jour inédit les déchirements franco‑algériens.

 

Le dernier ouvrage d’Yves Santamaria, L’Algérie et la France. Une terre pour deux peuples (1830‑1962), publié chez Odile Jacob, appartient à la catégorie rare des synthèses historiques qui, loin de se contenter de revisiter des certitudes, entrouvrent des perspectives nouvelles sur une question que l’on croyait saturée : la colonisation de l’Algérie par la France, puis la fracture de l’indépendance.

Santamaria ne prétend pas écrire une histoire définitive de la période. Sa démarche est plus subtile : il interroge l’impossibilité, sur plus d’un siècle, d’une véritable cohabitation entre deux peuples – colons venus d’Europe et Algériens autochtones – sur la même terre. La question n’est pas tant celle, classique, de l’affrontement entre colonisateurs et colonisés, que celle, plus complexe et humaine, des rêves d’un « vivre-ensemble » toujours ajourné, jusqu’à l’effondrement du système colonial en 1962.

Ce parti pris irrigue tout le livre. Loin de réduire l’histoire de l’Algérie française à un face-à-face manichéen, Santamaria éclaire les fractures internes, les débats, les illusions et les désespoirs qui ont traversé aussi bien la communauté européenne d’Algérie – les fameux « pieds-noirs » – que la société algérienne sous domination coloniale. Il met en lumière la pluralité des trajectoires, des stratégies et des utopies, y compris les rêves, peu connus, d’autonomie ou de partition portés par certains colons.

Des utopies contrariées à la déchirure

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La première force du livre réside dans sa capacité à restituer la diversité des aspirations. La conquête militaire de 1830 inaugure une période de violence, mais aussi, chez certains, l’espoir d’un « nouveau monde », où la France pourrait incarner une civilisation supérieure et apporter le progrès. C’est l’âge d’or des utopies coloniales, où la République se rêve éducatrice et bienfaitrice.

Mais très vite, la réalité contredit la promesse. La société coloniale s’organise sur la ségrégation, l’inégalité des droits, la dépossession des terres, la spoliation économique. Santamaria insiste sur la spécificité algérienne : contrairement à d’autres colonies françaises, ici, la colonisation est aussi un projet de peuplement, une tentative de transplantation d’une société européenne sur une terre déjà peuplée. De là naît la tragédie de « deux peuples sur une même terre ».

Au fil des chapitres, on voit se déployer les logiques d’enfermement, d’exclusion, mais aussi les tentatives – réelles mais marginales – de dialogue, d’alliances improbables, de réformes. L’auteur accorde une attention particulière aux débats internes au sein de la communauté des colons, dont une partie n’a jamais totalement accepté l’autorité de Paris et a, parfois, rêvé d’un destin autonome, voire d’une république européenne d’Algérie.

La période qui va de la fin de la Seconde Guerre mondiale à l’indépendance est traitée avec un sens du détail et de la nuance. L’ouvrage montre bien que, loin d’être le fruit d’une évolution linéaire, la rupture de 1962 est le résultat d’un enchevêtrement d’événements : montée du nationalisme algérien, répression, radicalisation des positions de part et d’autre, impuissance croissante de la métropole à maintenir son autorité.

Santamaria ne minimise ni la violence du système colonial, ni celle de la guerre d’indépendance. Il donne à voir la manière dont chaque camp s’est enfermé dans ses propres logiques, ses peurs, ses récits. Il rappelle que, jusqu’au bout, des voix se sont élevées, du côté européen, pour défendre des alternatives à l’indépendance pure et simple : fédéralisation, partage, autonomie, solutions qui n’ont jamais trouvé d’écho, ni à Alger, ni à Paris.

Histoire pour aujourd’hui, blessures de demain

Ce regard, qui n’est ni justificatif ni accusateur, donne à l’histoire de l’Algérie française une dimension profondément humaine et tragique : l’impossible cohabitation n’était pas une fatalité, mais l’issue de choix, de refus, d’occasions manquées. L’un des apports majeurs de l’ouvrage tient dans sa capacité à conjuguer l’analyse politique avec une attention fine aux acteurs de terrain. Santamaria s’appuie sur une documentation riche, mobilisant aussi bien les archives officielles que les témoignages, les débats parlementaires que les récits personnels.

Le style, sans être flamboyant, est d’une grande clarté. Il privilégie la précision, la sobriété, mais sait aussi, à l’occasion, introduire une pointe d’émotion ou de mélancolie – en particulier lorsqu’il évoque le destin des familles européennes d’Algérie, happées par un mouvement de l’histoire qui les dépasse, ou celui des Algériens condamnés à l’exil intérieur sur leur propre terre.

Le livre n’élude pas les controverses. Il accorde une large place aux tensions internes au sein de la société coloniale, au risque parfois – selon certains critiques – de reléguer au second plan l’histoire proprement algérienne. Mais c’est aussi là son originalité : donner à voir les contradictions d’un ordre colonial qui n’a cessé d’osciller entre domination totale et crainte de l’effondrement.

Au-delà de la fresque historique, le livre invite à une méditation sur les passions politiques et les rêves contrariés. En restituant la complexité des trajectoires et des imaginaires, il aide à comprendre la persistance, dans les sociétés contemporaines, des blessures mémorielles, des malentendus et des fantasmes qui empoisonnent encore les relations entre la France et l’Algérie.

L’Algérie et la France. Une terre pour deux peuples (1830‑1962) est donc un ouvrage précieux, à la fois synthèse et ouverture. Il ne clôt pas le débat : il le relance, sur des bases plus nuancées, moins idéologiques. Pour qui veut comprendre pourquoi la question algérienne reste, en France, aussi vive – et aussi douloureuse – ce livre offre, sinon des réponses définitives, du moins un chemin vers l’intelligence de la complexité.

Informations pratiques

Titre : L’Algérie et la France. Une terre pour deux peuples (1830‑1962)
Auteur : Yves Santamaria
Éditeur : Odile Jacob
Date de parution : 2025
Nombre de pages : 384 pages
ISBN : 978-2-415-01082-9
Prix indicatif : 25,90 €
Où le trouver ? Librairies, sites de vente en ligne, éditions Odile Jacob



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L’Algérie accorde la grâce à Boualem Sansal après une médiation allemande https://mondafrique.com/a-la-une/lalgerie-accorde-la-grace-a-boualem-sansal-apres-une-mediation-allemande/ Wed, 12 Nov 2025 18:39:37 +0000 https://mondafrique.com/?p=142547 Après un an d’incarcération, l’Algérie a accepté, pour raisons humanitaires, de gracier l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. Cette décision intervient après une demande officielle de l’Allemagne, ouvrant la voie à son transfert pour soins médicaux.  Boualem Sansal, écrivain franco-algérien L’annonce était attendue, elle est désormais officielle : mercredi 12 novembre 2025, la présidence algérienne a confirmé, […]

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Après un an d’incarcération, l’Algérie a accepté, pour raisons humanitaires, de gracier l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. Cette décision intervient après une demande officielle de l’Allemagne, ouvrant la voie à son transfert pour soins médicaux.


 Boualem Sansal, écrivain franco-algérien

L’annonce était attendue, elle est désormais officielle : mercredi 12 novembre 2025, la présidence algérienne a confirmé, par communiqué, qu’elle accordait une grâce à l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, détenu depuis un an à Alger. À la demande du président allemand Frank-Walter Steinmeier, le chef de l’État algérien, Abdelmadjid Tebboune, a décidé de répondre favorablement à cette sollicitation, invoquant des « motifs humanitaires ». Ce geste d’ouverture met un terme à plusieurs mois de tensions diplomatiques entre l’Algérie, la France et l’Allemagne autour du sort d’une des figures majeures de la littérature maghrébine contemporaine.

Boualem Sansal, 76 ans, avait été arrêté en novembre 2024 à son arrivée à Alger en provenance de Paris. L’auteur de Le Village de l’Allemand et 2084 : La fin du monde était accusé d’« atteinte à l’unité nationale », de « mise en danger de l’intégrité du territoire » et d’« intelligence avec une puissance étrangère ». Son procès, tenu en mars 2025, s’était soldé par une condamnation à cinq ans de prison ferme, verdict confirmé en appel en juillet. De nombreuses voix, en France, en Allemagne et parmi la communauté intellectuelle internationale, avaient dénoncé une atteinte flagrante à la liberté d’expression et un procès politique visant à réduire au silence un écrivain critique du pouvoir algérien.

L’affaire Sansal a rapidement pris une dimension diplomatique, exacerbée par les relations souvent complexes entre Alger et Paris, et plus récemment avec Berlin. La mobilisation en faveur de la libération de l’écrivain, gravement malade, s’est intensifiée à mesure que son état de santé se dégradait, poussant ses soutiens à alerter l’opinion publique sur l’urgence d’un geste humanitaire.

L’Allemagne à la manœuvre, la France soulagée

C’est finalement l’Allemagne, via l’intervention directe du président Steinmeier, qui a débloqué la situation. Lundi 10 novembre, ce dernier avait exhorté son homologue algérien à faire preuve de clémence envers Boualem Sansal, mettant en avant son âge avancé et sa santé fragile. Dans sa lettre, le président allemand proposait explicitement le transfert de l’écrivain en Allemagne afin qu’il puisse y recevoir des soins médicaux appropriés.

Le communiqué algérien, publié mercredi, entérine cette issue : « Le président Abdelmadjid Tebboune a répondu favorablement à la demande de son homologue allemand concernant l’octroi d’une grâce en faveur de Boualem Sansal. Il a réagi à cette demande, qui a retenu son attention en raison de sa nature et de ses motifs humanitaires. »

En France, la réaction n’a pas tardé. Premier responsable politique à commenter la nouvelle, le Premier ministre Sébastien Lecornu a exprimé son « soulagement », saluant un « dénouement rendu possible par une méthode faite de respect et de calme ».

Une décision à portée politique et symbolique

La libération prochaine de Boualem Sansal dépasse largement le cas individuel. Elle constitue un signal politique adressé aux partenaires européens de l’Algérie, qui subissait une pression croissante sur le terrain des droits humains. Pour Alger, il s’agit de montrer son ouverture à un dialogue avec l’Europe, tout en affichant une gestion souveraine de ses affaires intérieures.

Ce geste humanitaire intervient également dans un contexte délicat : la situation des libertés publiques en Algérie reste source d’inquiétude, et la société civile continue de réclamer davantage de garanties pour la liberté d’expression. Le cas Sansal, symbole de la répression des voix critiques, met en lumière les marges de manœuvre mais aussi les limites du régime algérien face à la mobilisation internationale.

Un transfert à organiser

Si la décision de grâce est officielle, le calendrier du transfert de Boualem Sansal en Allemagne n’a pas été précisé. Les modalités concrètes de sa libération et de son accueil à l’étranger devraient faire l’objet d’une coordination étroite entre les autorités algériennes, allemandes et françaises.

En attendant, la famille, les soutiens et la communauté littéraire internationale espèrent désormais que l’écrivain pourra se rétablir et retrouver la liberté de parole qui a toujours été la sienne. Au-delà de son cas, l’histoire de Boualem Sansal rappelle à quel point la défense des droits humains et de la liberté d’expression demeure un combat d’actualité, en Algérie comme ailleurs.

 

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L’ambassade de France devra payer un loyer à l’Algérie https://mondafrique.com/decryptage/lambassade-de-france-devra-payer-un-loyer-a-lalgerie/ Thu, 14 Aug 2025 03:10:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=137586 L’Algérie a décidé de mettre fin ce jeudi à la location à titre gracieux  de biens immobiliers appartenant à l’Etat algérien au profit de l’ambassade de France en Algérie, d’après « le jeune indépendant ». C’est ce qu’a indiqué un communiqué du ministère des affaires étrangères. A cette occasion, deux notes verbales ont été remises au Chargé […]

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L’Algérie a décidé de mettre fin ce jeudi à la location à titre gracieux  de biens immobiliers appartenant à l’Etat algérien au profit de l’ambassade de France en Algérie, d’après « le jeune indépendant ». C’est ce qu’a indiqué un communiqué du ministère des affaires étrangères.

A cette occasion, deux notes verbales ont été remises au Chargé d’Affaires de l’ambassade de la République française en Algérie qui a été convoqué au siège du ministère des Affaires Etrangères par le Directeur des Immunités et Privilèges,  précise la même source.

« La première note verbale a eu pour objet de notifier formellement la dénonciation par la partie algérienne de l’Accord algéro-français de 2013 relatif à l’exemption réciproque des visas pour les titulaires de passeports diplomatiques et de service. Cette dénonciation va plus loin que la simple suspension notifiée par la partie française et met définitivement un terme à l’existence même de cet accord », ajoute le communiqué.

« En conséquence, et sans préjudice des délais prévus dans l’accord, le Gouvernement algérien a décidé de soumettre, avec effet immédiat, les titulaires de passeports diplomatiques et de service français à l’obligation de visas. Il se réserve, par ailleurs, le droit de soumettre l’octroi de ces visas aux mêmes conditions que celles que le Gouvernement français arrêtera pour les ressortissants algériens. Il s’agit là d’une stricte application du principe de réciprocité qui exprime, avant tout, le rejet par l’Algérie des velléités françaises de provocation, d’intimidation et de marchandage ».*

La seconde note verbale vise, quant à elle, « à informer la partie française de la décision des autorités algériennes de mettre fin à la mise à disposition, à titre gracieux, de biens immobiliers appartenant à l’Etat algérien au profit de l’ambassade de France en Algérie. Cette note annonce, également, le réexamen des baux, considérablement avantageux, contractés par l’ambassade avec les OPGI d’Algérie et invite la partie française à dépêcher une délégation à Alger pour entamer les discussions à ce sujet », souligne le communiqué.

« Il y a lieu de rappeler que la représentation diplomatique algérienne en France ne bénéficie d’aucun avantage de cette même nature. En conséquence, l’action algérienne ainsi décidée vise là également à introduire l’équilibre et la réciprocité dans la relation algéro-française globale », conclut la même source.

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Batailles coloniales (3), Horace Vernet, peintre de la conquête de l’Algérie https://mondafrique.com/societe/lalgerie-selon-le-peintre-horace-vernet/ Mon, 14 Jul 2025 03:26:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=103911 Horace Vernet (1789 - 1863) est le peintre favori de Louis-Philippe lors de la Monarchie de juillet (1830-1848). Avec la conquête de l’Algérie, il lui commande entre autres le tableau magistral "La prise de la smala d’Abdel Kader" et les Salles africaines du Château de Versailles. Artiste  officiel, grand voyageur, il traverse le siècle, romantique à ses débuts puis peintre d’histoire avec un talent de narrateur. Certains  le considéraient comme « l’Alexandre Dumas de la peinture ».

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Horace Vernet (1789 – 1863) est le peintre favori de Louis-Philippe lors de la Monarchie de juillet (1830-1848). Avec la conquête de l’Algérie, il lui commande entre autres le tableau magistral « La prise de la smala d’Abdel Kader » et les Salles africaines du Château de Versailles. Artiste  officiel, grand voyageur, il traverse le siècle, romantique à ses débuts puis peintre d’histoire avec un talent de narrateur. Certains  le considéraient comme « l’Alexandre Dumas de la peinture ».

Caroline Chaine

Une chasse au lion, à cheval et à dos de chameau. Dans le désert. Massacre d'animaux sauvages
La chasse au Lion, Horace Vernet, 1836

Né au Louvre dans une famille de peintres de cour, son grand-père, Joseph Vernet est  peintre de marine sous Louis XV connu pour ses ports de France, et Carl, son père chez qui il fait son apprentissage est peintre militaire sous l’Empire. Apprécié par Napoléon et sa famille, Horace devient romantique lors de la Restauration, très lié à Théodore Géricault et commence sa carrière comme directeur de l’Académie de France à Rome en 1829. Un poste très prestigieux où il peint Le Pape Pie VIII porté à la basilique Saint-Pierre, (1829, Château de Versailles) à l’origine destiné à Charles X. Lorsque Louis Philippe accède au pouvoir, il lui commande Louis Philippe quitte le Palais royal pour se rendre l’Hôtel de Ville, le 31 juillet 1830 (1832, musée national du château de Versailles et de Trianon). Il est dès lors son peintre officiel.

La conquête de l’Algérie au château de Versailles

En 1830, Vernet  effectue son premier voyage en Algérie.  A partir de 1832, à la demande de Louis-Philippe, il  y retourne régulièrement et réalise en six ans les neuf grandes toiles des trois salles d’Afrique du château de Versailles. Neuf toiles qui documentent l’avancement des troupes françaises et leurs succès militaires sous les ordres des fils du Roi jusqu’à la conquête finale en 1848. Entre autres,  la prise de la smala d’Abdel Kader par les troupes françaises conduite par le jeune Duc d’Aumale le 16 mai 1843 (1843-45) qui glorifie l’armée française dans une toile de 21 mètres de long  et près de 5 mètres de haut.

En 1837, après leur présentation au Salon, les toiles sont installées définitivement dans les  trois salles d’Afrique du Château de Versailles, celle de Constantine (photo), de la Smala et du Maroc qui sont exceptionnellement ouvertes.  En effet les 3 salles africaines qui étaient jusqu’à présent  occupées par les expositions temporaires,  pourraient être désormais accessibles en permanence

Prise de la Smala d’Abd-el-Kader par le duc d’Aumale à Taguin, le 16 mai 1843, Horace Vernet, 1843-1845 (Détail)

Des écrans géants 

Dans ces formats immenses, Vernet  représente davantage la vie militaire et ses bivouacs que la bataille. Le pittoresque prend le pas sur le drame. La Prise de Tanger, restée inachevée du fait de la Révolution de 1848,  est présentée pour la première fois au public. Elle est révélatrice de sa manière de travailler. Il commence par un point ou un côté puis continue jusqu’à couvrir la toile. « C’est sans doute cette totale présence de l’artiste dans son sujet qui lui permet d’y insuffler une telle vie, avec un instinct du décor et de la dynamique des figures qui anticipe véritablement le cinématographe. Les grandes toiles de la conquête de l’Algérie sont des écrans géants faits pour des travelings étourdissants » pour  Laurent Salomé, Directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Sa manière deviendra plus dramatique pour les commandes de la guerre de Crimée en 1853 qui opposait la Russie à une coalition anglo-franco-ottomane.

Prise de la Smala d’Abd-el-Kader par le duc d’Aumale à Taguin, le 16 mai 1843, Horace Vernet, 1843-1845

Orientalisme et imaginaire colonial

Au-delà de ces grandes batailles, il alterne dans une veine orientaliste les sujets civils et religieux. Grand chasseur, avec La Chasse au lion au Sahara, 1836,  (photo, Londres, Wallace collection), il associe dans un genre plus anecdotique l’exotisme et la violence du combat. Les hommes capturent les lionceaux avant de tuer la lionne. Avec Agar chassé par Abraham, 1837 (photo,Nantes, Musée des Arts), il reprend les vêtements des bédouins pour représenter des personnages bibliques et en fait dans un livre (Des rapports qui existent entre le costume des anciens hébreux et celui des arabes modernes, 1837) une théorie qui fit scandale à l’Académie des Beaux Arts. Dans  Première messe en Kabylie, 1854, Lausanne, musée cantonal des Beaux Arts,il  réunit l’armée française et les autochtones. Une messe qui aurait réveillée sa foi.

Ayant acheté des terres en Algérie, il y revient jusqu’en 1862 avec un long séjour de 2 ans en 1855.  Il voyagera aussi en Angleterre, en Italie pour plusieurs séjours, en Russie en 1836 et 1843, à Berlin en 1838, à Malte, en Egypte en 1839 et en Crimée en 1854.

Agar chassé par Abraham, Horace Vernet, 1837

 

Roman royal et pillage de l’Algérie

Louis Philippe ouvre en 1837, dans une perspective de réconciliation nationale et voulant inscrire son règne dans l’histoire, la Galerie des Batailles, un musée de l’Histoire à « toutes les gloires de France » de Tolbiac en 496 à Wagram en 1809. Vernet y reçoit 3 commandes en plus de celle le représentant avec ses cinq fils sortant par la grille d’honneur de Versailles après avoir assisté à  une revue militaire le 10 juin 1837. 
Lors des opérations militaires en Algérie, certains  officiers polytechniciens font des recherches sur les ruines romaines. Une Commission scientifique créée en 1839, s’inspirant de l’expédition d’Egypte de Bonaparte, réunit des antiquités qui sont placées au Louvre à côté des antiquités égyptiennes dans le Musée algérien inauguré par le Roi Louis-Philippe en 1845. Le Duc d’Orléans, fils aîné de Louis Philippe, envisage de transporter l’arc de triomphe romain de Djemila érigé en 216 en l’honneur de Caracalla pour l’installer à Paris entre l’Arc du Carrousel et la place de la Concorde. Le projet fut abandonné à sa mort en 1842. Dès 1858,  sont créés dans chaque ville, des musées municipaux et le musée  algérien au Louvre sera fermé en 1895  après des débats houleux autour du dépouillement de l’Algérie, de la qualité des pièces et des difficultés de les entretenir dans des musées locaux.

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Batailles coloniales (1), Abd El-Kader anéantissait les Français en 1845 https://mondafrique.com/a-la-une/grandes-batailles-2-lemir-abd-el-kader-vainqueur-des-francais-en-1845/ https://mondafrique.com/a-la-une/grandes-batailles-2-lemir-abd-el-kader-vainqueur-des-francais-en-1845/#comments Mon, 30 Jun 2025 01:25:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=52708 Après trois jours et trois nuits de combat du 23 au 26 septembre 1845, l’Émir Abd El-Kader inflige une défaite militaire cuisante aux Français à Sidi Brahim  Une enquête d’Eric Laffitte        « Les chasseurs d’Orléans se font tuer mais ne se rendent jamais«  Bien que les troupes françaises colonisent l’Algérie depuis quinze ans, la […]

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Après trois jours et trois nuits de combat du 23 au 26 septembre 1845, l’Émir Abd El-Kader inflige une défaite militaire cuisante aux Français à Sidi Brahim 

Une enquête d’Eric Laffitte

       « Les chasseurs d’Orléans se font tuer mais ne se rendent jamais« 

Bien que les troupes françaises colonisent l’Algérie depuis quinze ans, la conquête militaire en 1845 est loin d’être acquise. L’âme de la résistance s’appelle alors Abd el-Kader, considéré comme le père de l’indépendance de l’Algérie. Chef politique et religieux, militaire de premier ordre, il a levé une armée de de 10000 fantassins, 2000 cavaliers. Les troupes françaises s’échinent à l’éliminer. En septembre de cette même année, le lieutenant-colonel de Montagnac à la tête d’une colonne de 421 soldats croit cette heure arrivée. 

Au terme de trois jours et trois nuits de combats acharnés autour de Sidi-Brahim, un hameau perdu à la frontière marocaine, seulement 16 de ses hommes parviendront, hagards, à regagner leur base. On tient là, avec « Camerone » pour la Légion étrangère, une des plus belles défaites de l’armée française. 

Quant au vainqueur, Abd el-Kader, cet implacable ennemi des Français, il héritera quelques années plus tard de la légion d’honneur…

  

Un chef fougueux et aventureux… 

« On voudrait mourir comme cela pour perpétuer l’honneur dans notre armée », commentera à chaud un officier au récit de ces journées tragiques. Quinze jours plus tôt, mi-septembre 1845, le lieutenant-colonel de Montagnac qui tient garnison à Djemaa Ghazaouet (aujourd’hui Ghazaouet) reçoit l’information d’un caïd local selon laquelle Abd el-Kadera franchi la frontière marocaine (derrière laquelle il s’abrite régulièrement) et séjourne dans sa tribu. Une occasion inespérée de mettre la main sur le chef rebelle… 

Les renseignements fournis par l’informateur sont en réalité biaisés notamment sur l’importance des effectifs qui accompagnent Abd el-Kader. Par ailleurs, Montagnac a reçu la consigne stricte de sa hiérarchie de ne pas lancer d’opération avec ses effectifs insuffisants. Montagnac, décrit comme « un chef fougueux, violent, aventureux, mais fort courageux », n’en tient pas compte et mord à l’hameçon que le caïd lui a lancé. 

Le 21 septembre, à 22 heures, à la tête de cinq compagnies du 8ebataillon de chasseurs d’Orléans (ancêtres des chasseurs alpins), d’un escadron du 2e de hussards (60 cavaliers), et de quatre escouades de carabiniers, soit une troupe de 421 hommes, il se lance à la recherche du camp d’Abd el-Kader afin de « surprendre » ce dernier. 

Dans la nuit, après une marche d’une quinzaine de kilomètres, les Français repèrent les feux du camp ennemi, une force alors estimée entre 1000 et 2000 hommes. 

10 000 guerriers  algériens

Le 23 septembre, à l’aube, laissant une petite partie de ses troupes garder le bivouac et son ravitaillement, Montagnac marche à la rencontre de l’ennemi. Une nouvelle progression pénible d’une demi-douzaine de kilomètres. Les chasseurs à pied peinent à suivre les cavaliers.

La rencontre entre les deux forces adverses a lieu dans la matinée. 

Mais en lieu et place des mille à deux mille hommes attendus, c’est sur l’armée au grand complet d’ Abd el-Kader que tombe Montignac. Près de 10 000 guerriers dont 5 000 cavaliers. 

A la tête de ses hussards, Montagnac sabre au clair, charge la cavalerie ennemie. Les Français sont très vite submergés et anéantis.

Les Français luttent désormais pour leur survie

 Trois heures de corps à corps 

Montignac est mortellement blessé. Il n’est déjà plus question de capturer Abd el-Kader. Les Français luttent désormais pour leur survie. Les hussards massacrés, c’est au tour des chasseurs à pied de recevoir la charge de la cavalerie arabe. Le combat au corps à corps va durer trois heures. 

Du bivouac, la 2e compagnie tente de se porter au secours de la colonne encerclée. Elle ne fait pas deux kilomètres avant d’être assaillie à son tour de tous côtés par une nuée de guerriers descendus des crêtes. Son chef est tué, l’officier en second, le capitaine Dutertre blessé, est fait prisonnier.I l n’est pas encore midi ce 23 septembre quand, sur les 421 hommes engagés, il n’en reste plus que 82 ! 

Péniblement, les survivants parviennent à se réfugier au marabout de Sidi-Brahim, situé à 1 km du bivouac. Soit une petite enceinte où sont plantés deux figuiers entourés d’un mur de pierre. Durant trois jours les rescapés, sans vivres, sans eau, vont soutenir le siège et les assauts de l’armée d’ Abd el-Kader. Pour tenir, la troupe boit sa propre urine, celle des quelques chevaux encore présents. Pour faire « passer », on la coupe avec quelques gouttes d’absinthe. On coupe aussi les cartouches en deux, puis en quatre, pour avoir plus de coups de fusil à tirer.

Un chasseur  d’Orléans en Algérie, ancêtre des Chausseurs Alpins.

« Merde à Abd el-Kader ! » 

Pour en terminer et épargner la vie ses hommes, Abd el-Kader tente de négocier. Selon les usages de l’époque. Ainsi fait-il avancer l’officier Dutertre à qui il promet de trancher la tête s’il ne lance pas un appel à la reddition.Dutertre exhorte au contraire ses camarades à résister « jusqu’ à la mort ». C’est son dernier cri, sa tête roule aussitôt dans la rocaille. 

Le clairon Rolland frise de connaître le même sort. Egalement prisonnier, on lui intime de sonner la retraite pour décourager les derniers combattants. Au péril de sa vie, il sonne alors la charge. Finalement épargné, il parviendra à s’évader quelques mois plus tard. 

Evoquons encore le capitaine de Géraux qui organise la résistance dans le réduit et qui invite à se rendre, répond en écho à Cambrone à Waterloo : « Merde à Abd el-Kader, les chasseurs d’Orléans se font tuer mais ne se rendent jamais« .Le siège du marabout se poursuit ainsi les 24 et 25 septembre. 

Côté assaillants, on sait que faute de vivres et surtout d’eau, la résistance ne peut pas s’éterniser. On attend donc que celle-ci s’épuise. Les assiégés caressent eux l’espoir, durant ces deux journées du 24 et du 25 septembre, qu’on va se porter à leur secours. Ce qui ne se produit pas. A l’aube du 26 septembre, à bout de force et dans l’impasse, les 82 survivants s’élancent à 6 heures du matin, baïonnette au canon, et dans une charge furieuse, parviennent à briser l’encerclement. 

Leur espoir ? Rallier leur garnison de Djemaa Ghazaouet située à 15 km.S’engage alors une marche dantesque pour la petite troupe à demi-morte de soif et composée de nombreux éclopés. Les 82 soldats vont parcourir les 15 km en formation « au carré » afin de résister au attaques de l’ennemi qui surgit de tous côtés. 

Passé l’effet de surprise, en effet, les forces d’Abd el-Kader qui s’étaient éparpillées en attendant la chute du marabout rappliquent en hâte pour participer à l’ultime curée.

Kilomètre après kilomètre, vaille que vaille, en dépit des nouveaux morts, des nouveaux blessés, « le carré » tient. Il parvient jusqu’à l’extrémité du plateau de Tient. A deux kilomètres seulement à vol d’oiseau de la garnison. 

Cavalier Hussard en Algérie

11 survivants 

Ne reste plus qu’un profond ravin à franchir. Au bas duquel coule un ruisseau, l’oued El Mersa. Mais alors, la tentation est irrésistible. Le carré se disloque et les hommes s’y précipitent pour boire. Avec comme conséquence immédiate, celle d’un nouvel et ultime assaut. 

S’en suit un corps à corps désespéré. Il n’y a plus de munitions. On s’étripe à l’arme blanche : sabre contre poignard ou baïonnette. 15 chasseurs et un hussard parmi les 80 échappés le matin de Sidi-Brahim parviendront à rallier le camp. 5 de ces 16 rescapés décèdent de leurs blessures dans les heures, les jours qui suivent. Onze survivants donc sur un effectif initial de quelque quatre cent hommes partis moins d’une semaine plus tôt capturer Abd el-Kader.  

Parmi eux, pas un officier, pas un sous-officier n’ a survécu. Hélas pour Abd el-Kader, il ne transforme pas l’essai. Au terme de quinze ans de guérilla, il est finalement contraint de se rendre en 1847. 

 Reconnaissance internationale

D’abord emprisonné en France, il est finalement gracié par Louis Napoléon Bonaparte suite à une campagne menée dans l’opinion publique française et notamment par Victor Hugo. Puis le nouvel empereur des Français, Napoléon III, le dote d’une pension de 100 000 francs.Abd el-Kader part vivre en Syrie où il mène l’existence d’un intellectuel se consacrant à la théologie, à la philosophie. 

En juillet 1860, de violentes émeutes anti-chrétiennes éclatent en Syrie. Les Druzes y massacrent plus de 3000 chrétiens à Damas. Abd el-Kader, dont l’autorité morale est grande à Damas, s’interpose et place les chrétiens de la ville sous sa protection personnelle. Son intervention, parfaitement efficace, sauve ainsi la vie de milliers de chrétiens. Un geste qui connaît un retentissement international. 

 D’Amérique, Abraham Lincoln lui envoie une paire de revolvers incrustés d’or. De Buckingham, les Britanniques, un fusil précieux. Le Vatican le décore de l’ordre de Pie XI, etc.  

En France, à l’implacable ennemi d’hier, « aux mains tachées du sang des héros de Sidi-Brahim », l’on décerne la plus haute distinction. Il est fait Grand-croix de la légion d’honneur ! Abd el-Kader meurt à Damas en 1883, ses cendres reposent aujourd’hui au cimetière d’El Alia à Alger où – à quelques exceptions près – il est considéré comme le héros national. Les ossements des soldats français tombés à Sidi-Brahim ont été rassemblés au « tombeau des braves » au château de Vincennes à Paris. 

 « Francs chasseurs, hardis compagnons,

voici venu le jour de gloire »
 
L’hymne des chasseurs alpins en vigueur aujourd’hui date de la bataille de Sidi Brahim.
 
 
https://mondafrique.com/grandes-batailles-volet-1-massacre-a-la-mitrailleuse-au-soudan-en-1898/
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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Après la brouille, le business reprend entre Paris et Alger https://mondafrique.com/confidentiels/apres-la-brouille-paris-alger-le-business-reprend/ Mon, 02 Jun 2025 12:13:05 +0000 https://mondafrique.com/?p=135004 Le patron de CMA CGM, Rodolphe Saadé, le patron de la CGA CGM et grand ami d’Emmanuel Macron, est discrètement arrivé dans la capitale algérienne dans la matinée du 2 juin pour y parapher plusieurs accords avec le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, annonce le site français « Africa Intelligence » Tout le monde a entendu parler de […]

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Le patron de CMA CGM, Rodolphe Saadé, le patron de la CGA CGM et grand ami d’Emmanuel Macron, est discrètement arrivé dans la capitale algérienne dans la matinée du 2 juin pour y parapher plusieurs accords avec le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, annonce le site français « Africa Intelligence »

Tout le monde a entendu parler de la Compagnie maritime d’affrètement – Compagnie générale maritime (CMA CGM) : c’est un armateur de porte-conteneurs français, dont l’offre globale de transport intègre le transport maritime, la manutention portuaire et la logistique terrestre. Il occupe la troisième place du transport maritime en conteneurs dans le monde et c’est le premier français. À ce double titre, il a été choisi comme opérateur du Port de Beyrouth, ravagé par l’explosion de silos mal sécurisés, et il espère désorùais faire l’affaire avec les amis de la France à Alger.

Le soutien de Macron

Ce groupe fait la fierté du président de la République Française venu au secours moral des Libanais. Or ce fleuron de l’armement maritime appartient à hauteur des trois-quarts à la famille marseillaise des Saadé. Le père de Rodolphe Saadé, l’actuel PDG, est né à Beyrouth et a grandi en Syrie. Le pavillon est pourtant français et il y a toutes les chances pour qu’il le reste.

Mais qui sait ? Les membres de la famille Saadé n’ont pas cessé, pendant cinquante ans, de s’écharper, en se faisant même mutuellement espionner lors de leurs séjours à Paris comme l’auteur de ces lignes en fut le témoin voici quelques années !

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Algérie–Mali : une recomposition explosive du Sahel https://mondafrique.com/a-la-une/algerie-mali-une-recomposition-explosive-du-sahel/ Wed, 23 Apr 2025 20:01:29 +0000 https://mondafrique.com/?p=132287 Dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025, l’armée algérienne a abattu un drone de reconnaissance armé de type Akıncı, appartenant aux forces maliennes, près de la localité frontalière de Tinzaouaten. Alger affirme que l’appareil avait pénétré de 2 km dans son espace aérien, tandis que Bamako soutient que le drone opérait toujours […]

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Dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025, l’armée algérienne a abattu un drone de reconnaissance armé de type Akıncı, appartenant aux forces maliennes, près de la localité frontalière de Tinzaouaten. Alger affirme que l’appareil avait pénétré de 2 km dans son espace aérien, tandis que Bamako soutient que le drone opérait toujours en territoire malien. 

Pour mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre, Akram KHARIEF, journaliste spécialisé en sécurité et défense et fondateur du site Mendéfense, ainsi que Raouf FARRAH, chercheur en géopolitique, livrent ici leur analyse.

L’affaire aurait pu se régler dans un cadre diplomatique discret. Elle a, au contraire, provoqué un séisme régional. Enjeu de souveraineté, guerre de récits, surenchères médiatiques, fermeture d’espaces aériens, rappels d’ambassadeurs, saisie du Conseil de sécurité de l’ONU. La solidarité immédiate des membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) avec Bamako.

Mais ce drone ne tombe pas dans un ciel dégagé. Il s’écrase dans un paysage diplomatique déjà miné par la méfiance, les réalignements géopolitiques, les frustrations historiques et les jeux d’influence. Loin d’être un simple incident aérien, cette crise révèle une recomposition violente du Sahel, où l’Algérie voit son rôle de puissance médiatrice contesté.

De la médiation à l’hostilité

Historiquement, l’Algérie a joué un rôle central dans les tentatives de résolution du conflit malien. Sa médiation a conduit à la signature des Accords pour la Paix et la Réconciliation au Mali en 2015, texte fondateur censé stabiliser le rapport entre le pouvoir central de Bamako et les groupes indépendantistes du nord du pays. Mais depuis l’arrivée au pouvoir de la junte militaire malienne en 2020, et plus encore après le deuxième coup d’État de 2021, cette relation s’est inexorablement détériorée.

Selon Raouf Farrah cette crise n’est pas un accident isolé, mais le point culminant d’une détérioration lente et structurelle. Trois facteurs majeurs l’expliquent : la dénonciation unilatérale par Bamako des Accords de paix de 2015, le bouleversement des alliances régionales après le départ de l’opération Barkhane, et la montée d’un discours souverainiste agressif de la junte malienne, qui instrumentalise la confrontation pour renforcer sa légitimité.

Akram Kharief ajoute que cette rupture s’est traduite sur le terrain par une stratégie de confusion délibérée. En assimilant les groupes indépendantistes à des entités terroristes, Bamako a justifié une offensive militaire brutale dans le Nord. Résultat : exodes massifs vers la Mauritanie et l’Algérie conduisant à une pression humanitaire et sécuritaire sur les zones frontalières.

« L’arrivée des drones turcs fin 2022 a marqué un tournant, offrant à l’armée une capacité de frappe accrue. Il faut bien comprendre une chose : les autorités maliennes utilisent les drones essentiellement pour des frappes d’opportunité. Elles font décoller des appareils qui patrouillent et tirent des missiles sur ce qu’elles considèrent comme des groupes d’individus ou des véhicules suspects. La vérification intervient après coup, et très souvent, il s’agit de familles, de commerçants ou d’orpailleurs. Par ailleurs, la propagande médiatique malienne donne l’impression que la lutte contre le terrorisme est exclusivement localisé dans le nord du pays alors qu’en réalité, la majorité des groupes jihadistes se trouvent dans la région du Macina, dans le centre du pays et vers le sud. », précise le journaliste.

La guerre des récits

Dans ce climat déjà délétère, le drone Akıncı devient le prétexte d’une escalade verbale inédite.

Par un communiqué de son Ministère de la Défense, Alger déclare avoir abattu un drone qui a fait une incursion de 2 km sur son espace aérien. Il s’agit d’un appareil sophistiqué d’une valeur de 30 millions de dollars vendu par la Turquie.

De son côté, le Mali, par un contre-communiqué, dément cette version et affirme que le drone n’a jamais quitté son ciel, précisant même qu’il se trouvait à 10 km de la frontière algérienne.

Le ton monte entre Alger et Bamako : surenchère médiatique, accusations mutuelles. Bamako accuse Alger d’être sponsor du terrorisme ; Alger dénonce une junte militaire incompétente en quête de légitimité.

Pour Akram Kharief, il est peu pertinent de juger de la position finale du drone : « Un drone abattu en vol ne s’écrase pas forcément à l’endroit exact de l’impact. Il garde une inertie, une trajectoire. Le fait qu’il ait été retrouvé côté malien ne prouve rien. Simple question d’aérodynamisme ». D’autant plus que l’enregistreur de vol aurait été récupéré par des éléments du Front de Libération de l’Azawad (FLA), non par les forces maliennes. Les données disponibles à Bamako sont donc très partielles.

Raouf Farrah souligne le manque de crédibilité technique d’une enquête malienne dans une région qu’elle ne contrôle plus réellement : « Même à l’époque de l’opération Barkhane, ce sont les Français qui faisaient les vérifications. Aujourd’hui, sans emprise réelle sur le nord, il est peu plausible qu’ils aient une version fiable. »

Derrière les faits, une véritable guerre de récits s’installe. Certains analystes vont même jusqu’à avancer que l’Algérie protégerait tacitement Iyad Ag Ghali, fondateur d’Ansar Dine et leader actuel du JNIM, que le drone aurait eu pour mission de traquer.

Ces accusations, selon Kharief, relèvent de la posture politique plus que de faits établis. L’Algérie maintient des canaux de dialogue avec certains groupes armés, y compris le FLA, dans une logique de sortie de crise. Mais cette nuance est inacceptable pour un pouvoir malien qui assimile désormais toute opposition armée au terrorisme.

Selon Raouf Farrah, la question du terrorisme dans les relations entre l’Algérie et le Mali a toujours été ambivalente. D’un côté, elle a servi de cadre à la coopération sécuritaire et à la mutualisation des efforts dans la lutte contre les groupes extrémistes violents. De l’autre, elle a alimenté des tensions profondes et persistantes.

Le premier facteur de discorde, et c’est une réalité historique difficilement contestable, réside dans le fait que de nombreux islamistes radicaux ayant combattu en Algérie durant la décennie noire (années 1990) ont trouvé refuge dans le nord du Mali à la fin de cette période. Plusieurs des groupes armés aujourd’hui actifs au Mali ont été fondés ou renforcés par d’anciens combattants algériens, contribuant à brouiller les perceptions et à alimenter une méfiance durable entre Alger et Bamako.

Le second facteur tient à la proximité humaine et anthropologique entre le sud algérien et le nord malien. Ces deux régions partagent des liens culturels et historiques profonds. Plusieurs figures rebelles, à l’image d’Iyad Ag Ghali, ont évolué dans les deux sphères. Ancien membre du MNLA à visée indépendantiste, il s’est ensuite radicalisé pour fonder le groupe jihadiste Ansar Dine. Cette trajectoire illustre la porosité des affiliations dans la région et complique davantage les représentations réciproques.

Personne dans le rôle du médiateur

Pendant plus d’une décennie, l’Algérie a été perçue comme une puissance stabilisatrice au Sahel. Mais la dénonciation des Accords d’Alger, les attaques rhétoriques de la junte et l’émergence du bloc AES (Mali, Burkina, Niger) semblent avoir marginalisé ce rôle. La Russie, en soutenant les régimes putschistes via Wagner, a profité du vide laissé par la France tout en entrant en collision avec les intérêts algériens.

Wagner, selon Kharief, « n’est plus un simple instrument d’influence, mais un acteur économique et militaire autonome, qui contribue à la brutalisation du conflit malien. »

Une recomposition serait néanmoins en cours. L’Africa Corps, entité dépendante du ministère russe de la Défense, pourrait remplacer Wagner à terme. Cela ouvrirait une brèche diplomatique, et peut-être une opportunité pour Alger de réactiver un rôle d’arbitre. Mais cela suppose une clarification stratégique en amont.

La réaction de l’AES à l’incident du drone fut sans ambiguïté : soutien total au Mali. Le Niger, avant cette crise, était en phase de rapprochement avec Alger. La Sonatrach y mène des prospections prometteuses. Il était question de raccorder le pétrole nigérien aux infrastructures algériennes pour mutualiser les exportations. Sans oublier le projet de gazoduc transsaharien en provenance du Nigéria, qui devait passer par le Niger et aboutir en Algérie.

Tous ces projets semblent aujourd’hui mis entre parenthèses au profit d’un front commun contre Alger.

Cette unité idéologique du bloc AES masque toutefois des fragilités profondes. Comme le rappelle Kharief, « le nord du Mali est économiquement dépendant de l’Algérie. Carburant, électricité, vivres… tout vient du sud algérien. » Et aucun autre acteur, ni la Russie, ni la Turquie, ni les Émirats, ne peut combler ce vide logistique.

Farrah nuance : « L’économie est une béquille, mais c’est la politique qui décidera. L’Algérie doit penser en termes de coalitions. Miser sur la Mauritanie et le Niger, renforcer sa collaboration avec la CEDEAO, proposer une alternative aux États enclavés. »

 

Une doctrine à refonder : de l’idéologie à la stratégie

Au-delà de l’incident, la crise met en lumière une faiblesse structurelle de la diplomatie algérienne : son absence de vision renouvelée. Longtemps fidèle à une diplomatie de principe, héritée des années 60-70, Alger peine à s’adapter aux nouvelles règles d’un Sahel fragmenté, fluide, multipolaire.

« Cela fait vingt ans que l’Algérie improvise sa politique étrangère, déplore Kharief. Il n’y a pas de stratégie claire sur son rôle régional. Faut-il se tourner vers la Méditerranée, recréer un Maghreb, ou s’assumer comme puissance sahélo-africaine ? Cette question n’a jamais été tranchée. »

Farrah appelle à dépasser les réflexes sécuritaires et à sortir d’une posture défensive : « La politique extérieure est le prolongement de la politique intérieure. Sans réforme démocratique, il n’y aura pas de stratégie cohérente. Il faut favoriser la participation citoyenne dans une optique d’intelligence collective. »

Dans cette perspective, Akram Kharief propose une vision audacieuse : faire de Tamanrasset un pôle d’influence régional. « L’Algérie est un pays sahélien. Tamanrasset pourrait devenir la capitale du Sahel. Mais cela suppose un investissement massif dans le développement du sud, une équité territoriale réelle, et une politique d’influence par les infrastructures. »

Les menaces sécuritaires, conclut-il, sont des symptômes plus que des causes. « Elles s’atténueront natur

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La ville d’Alger ne se livre pas au premier venu ! https://mondafrique.com/loisirs-culture/notre-serie-villes-2-5-alger-le-port-de-langoisse/ https://mondafrique.com/loisirs-culture/notre-serie-villes-2-5-alger-le-port-de-langoisse/#comments Thu, 06 Mar 2025 23:07:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=21534 Alger demeure la princesse éternelle du Grand Maghreb. Une princesse berbéro-barbaresque qui refuse les liftings, contrairement aux putes orientales qui se donnent au premier touriste low cost venu Ah Alger, comment elle était belle et comme elle est devenue… On connaît la rengaine, elle se transmet de génération en génération, de guerre en guerre: Alger […]

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Alger demeure la princesse éternelle du Grand Maghreb. Une princesse berbéro-barbaresque qui refuse les liftings, contrairement aux putes orientales qui se donnent au premier touriste low cost venu

Ah Alger, comment elle était belle et comme elle est devenue… On connaît la rengaine, elle se transmet de génération en génération, de guerre en guerre: Alger n’est plus ce qu’elle était, Ya Hasrah comme disent ses habitants qui cultivent l’art presque inné de la nostalgie, car c’est bien connu les Algérois ne sont pas les derniers à déplorer l’état de délabrement de leur ville et à pleurer son âge d’or sans cesse réinventé…

Aux étrangers égarés ou aux hommes d’affaires appâtés par l’odeur des hydrocarbures, Alger souhaite la bienvenue à sa manière. La plus modeste chambre du dernier des ses hôtels miteux coute au moins le prix d’une suite trois Etoiles à Agadir. C’est comme ça! Les Garçons de café font la gueule, partout le service, c’est un peu à la tête du client et beaucoup selon l’humeur du moment. Pour les taxis, l’administration, les hôpitaux c’est kif kif bourricot. «Normal» rétorquent les autochtones quand un étranger s’avise à faire des remarques déplacées. Oui, tout le monde trouve sa place dans ce grand souk de fous, et tout est normal.

Ne dit-on pas qu’Alger est une ville qui se mérite?

                 Alger, le ravin de la femme sauvage »

Je m’appelle donc Mezghana en berbère; Al-Jazaïr, les îlots en arabe; Alger en français et c’est vrai que je me laisse aller comme dans la chanson de Charles Aznavour le crooner bien aimé des algérois qui continuent à penser, à rêver et à parler en français.

Corsaires et déchets

De l’époque des Frères corsaires Barberousse à celle des Frères Dark-Vador Bouteflika, au fond je suis resté la même: un beau repère des flibustiers et des brigands de tous poils, une ville qui se prend facilement mais qui n’abdique jamais. Je suis la demi-clocharde mi-rêve mi-cauchemar, épicentre des séismes en tous genres, terre tremblante de tous les impossibles, les nuits les plus glauques du monde se confondant avec les plus beaux levers du jour de l’univers.D’après ce qu’on dit ici et là, j’ai une bonne réputation. Je suis  la ville punk par excellence, un rêve pour les Mad Max du 21ème siècle. Personne ne me conteste le record absolu du désordre urbain par exemple.

Selon le célèbre magazine «The Economist», je suis classée parmi les cinq villes les moins vivables de la planète… Moi je demande à voir, quelles sont ces villes qui prétendent être plus infernales que moi? Lagos (Nigeria), Karachi (Pakistan) ou Dhaka (Bangladesh)? Je parie que dans quelques années je vais les surpasser…  Je peux faire mieux, avec mes tonnes de déchets qui jonchent les trottoirs, les marchés informels qu’aucune police n’arrive à  contrôler,  et l’enfer des transports publics dans des routes cabossées où les feux ne servent qu’à faire joli quand ils fonctionnent … Pour l’incivisme, je crois que ça va, personne ne peut prétendre arriver à ma cheville.

Un port sans accès à la mer

Aussi décatie que la Havane, je la joue austère comme dans une banlieue de Djeddah. Je suis la bâtarde de l’Occident arrogant et de l’Orient décadent. Je fais la misère aux réalisateurs de cinéma attirés par mes décors improbables et je ne leur facilite jamais la vie.L’enfant de Notre Dame d’Afrique, Merzak Allouache qui ne cesse de me filmer, de «Omar Gatlato» (1977) à son dernier opus «Les Terrasses», dit que je ne suis pas une ville mais «une fournaise». Si ce n’est pas un compliment, je ne sais pas ce que c’est. Je suis la seule ville côtière où l’accès à la mer est quasi impossible,

«Dans ma ville la mer n’est qu’un poster, on la voit de partout, mais elle nous tourne le dos» comme le résume si bien la plasticienne de Bologhine, Amina Ménia. 

J’attire à leurs risques et périls les poètes maudits, les dandy pervers et les aventuriers de mauvaise foi. À cet effet on a beaucoup écrit sur moi, le livre d’Alger comporte que des signatures prestigieuses: Camus, Gide, Montherland, Fromentin, Daudet, Maupassant… Je ne compte pas les peintres, de Dinet à Delacroix, qui venaient chercher les éclats étincelants de mes lumières particulières, à ceux-là aussi je leur au réservé les plus mauvais tours du Mektoub, le destin d’Alger.

Dans le dernier livre qui m’est consacré, «Alger, le cri» aux éditions Barzach, l’auteur Samir Toumi, un des descendants du prince fondateur de la ville Salim El-Toumi- celui qui au 16ème siècle fit appel aux frères corsaires Barberousse pour libérer Alger des Espagnols- me traite comme j’aime et je me retrouve dans son soliloque désespéré  « Le coeur se serre encore, je la sens en moi, elle est là, je la respire, j’allume une cigarette. Les voitures roulent à toute vitesse, les immeubles et les paraboles défilent, la ville ne se dévoile pas, elle fait sa timide, cachée dans la brume polluée. Je sens son odeur, je la sens respirer, je la déteste, elle me déteste, je l’aime, je la déteste encore plus, je me déteste, le coeur se serre. Sur la Route Moutonnière, des solitudes en silhouettes errent sur la promenade des sabelettes, un véhicule comme accablé, est échoué sur la bande d’arrêt d’urgence. La brume se dissipe peu à peu et dévoile la colline, face à moi. Salope de ville, je t’aime! Chienne de ville, Khamdja!»

Une ville sale…vraiment?

Khamdja, qui veut dire tout à la fois sale et … « salope ». Khamdja, mon titre de noblesse. Oser me comparer à Brigitte Bardot, quel mauvais goût, encore quelqu’un qui est resté scotché à mon passé français, je suis mieux que ça voyons! Quitte à être réduite à une star de cinéma, je préfère Bette Davis dans «L’Argent de la vieille», car je suis misérable mais riche, une des villes les plus riches de la rive sud. Ou alors à Gloria Swanson dans «Sunset Boulevard», car dans ma belle déchéance on ne peut ne pas voir ma beauté intérieure -ou refoulée, comme vous voulez.

Un de mes lieux porte un nom qui me va à ravir: le Ravin de la Femme Sauvage. Qui veut venir défier chez elle la Femme Sauvage? Oh, ne ricanez pas, il y a encore quelques bonnes raisons de venir tel un Ulysse des temps modernes visiter Alger la noire, la ville la plus inhospitalière du monde, mais aussi la plus étrange, la plus envoûtante des cités de la Méditerranée.

Voici dix raisons d’être déraisonnable, de céder au le plus beau chant des sirènes et de s’échouer dans la ville qui ne ressemble à aucune autre…

1- Flâner au Jardin D’Essai. Créé dès le début de la colonisation française,  ce grand parc botanique est un des plus beau du monde. Il s’étend sur une superficie de 32 hectares, et tous les amoureux d’Alger peuvent y trouver un peu de quiétude si rare dans cette ville.

2- Se perdre à l’Aéro-Habitat. Un des plus beau immeuble français d’Alger, construit  dans l’esprit corbusien par Louis Miquel et José Ferrer-Laloë entre 1952 et 1955,  composé de quatre immeubles liant le quartier Télemly du centre-ville .La position en éperon des deux plus grands bâtiments permet une double exposition des logements en duplex, ce qui leur offre une vue sur l’étendue du paysage algérois et sur la baie d’Alger. Une rue intérieure dévolue au commerce est savamment aménagée en fonction de la déclivité du terrain.

La salle du tombeau de Sidi Abderrahmane Et-Thaâlibi

3- Chercher la spiritualité au Mausolée de Sidi-Abderahmane. En pleine ville «arabe», entre la Casbah et Bab El Oued, le petit mausolée du Saint patron d’Alger, Sidi Abderhamane, un havre de paix dans le vacarme de la ville.

4- Comprendre le chant du Meknine à Bab-el-Oued. Ni chat, ni chien, les Algérois n’aiment que les oiseaux chanteurs, et le plus vénéré d’entre eux est le chardonneret. Au coeur du Marché de Bab-el-Oued, le marché des «Meknines» est une place stratégique où se racontent mille et une légendes sur ce petit oiseau chanteur.

5- Voir changer les couleurs du ciel à partir du balcon Saint Raphaël. Un petit parc avec vue sur la baie d’Alger, on peut s’y faire dépouiller les jours de pas de chance, certes, mais il y a des jours où l’on peut juste contempler les couleurs magnifiques du ciel d’Alger (d’octobre à avril, c’est la bonne saison)

6- Rejouer Pépé le Moko à la Casbah d’Alger. Vous avez aimé Jean Gabin dans le film de Julien Duvivier, voyou au grand coeur recherché par la police, planqué dans la vieille médina? Vous pouvez rejouer le film dans ce repère de tous les interlopes de la ville cosmopolite. Ne craignez pas d’être déçus, la Casbah tombe en ruine, mais ses bandits sont toujours à l’affut…

7- Découvrir les trésors cachés du Musée National des Beaux- Arts. Avec ses 8 000 œuvres, c’est le plus grand musée d’art du Maghreb et du continent africain. Inauguré en 1932 pour le centenaire de la colonisation française, il s’ouvre avant la fin de la colonisation aux peintres algériens.

8- Déguster les petites sardines à Chéraga. C’était jadis le premier village à la sortie d’Alger, aujourd’hui c’est un quartier de la grande ville qui ne cesse de s’étendre. Dans la place de l’ancien village, «Le Roi de la sardine» mérite amplement son titre. Pas d’alcool, mais que du bon poisson frais et des sardines cuisinées de différentes manières, à la pied-noir, à la kabyle, à l’algéroise… Quel régal! Ne faites pas circuler trop cette adresse, c’est tellement dur de trouver une bonne gargote à Alger…

9- Faire la petite ballade de Télémly. Un chemin ombragé, long et sinueux qui permet de quitter le centre ville pour aller sur les hauteurs de la ville. Quand les automobilistes se calment un peu, on peut flâner dans ce chemin serpentant et pittoresque et admirer entre deux beaux immeubles la magnifique baie. Anciennement appelé le chemin des Aqueducs car il suivait en partie le tracé des conduites turques restaurées et améliorées, et qui servaient à l’adduction des eaux pour la Casbah. Télemly viendrait du berbère  thala oumlil signifiant la source blanche

10- Tomber amoureux comme les amants de Notre Dame D’Afrique. La basilique  d’Alger surplombe la ville car est a été construite sur un promontoire dominant la mer de 124 m. Accessible par un taxi ou téléphérique depuis le quartier de Bologhine (ex-Saint Eugène), elle offre aux algérois une des plus belles esplanades de la ville. Les enfants viennent y jouer au foot, les vieux tuent le temps pour qu’il ne les tue pas et les amoureux qui se retrouvent ici n’ont jamais été si proches du ciel.

PAR YASMINE BARAKAT

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