Le 28 Août 2016 a marqué le 72è anniversaire de la libération de la ville de Marseille. L’affaire dite du « burkini » sur les plages méditerranéennes et les graves débordements qui s’en sont suivis en Corse ont relégué à l’arrière plan de l’actualité la commémoration du débarquement de Provence du 15 août 1944.
Ce jour là déferlèrent dans le Midi les divisions de Tirailleurs, de Zouaves, de Spahis, de Goumiers, de Tabors, de Chasseurs d’Afrique, etc. Le mot d’ordre des combattants de cette armée composée en grande partie de soldats musulmans était: «vive la France! ».
Marseille libérée
Cette même armée avait déjà combattu et vaincu les occupants allemands en Tunisie. En 1943, au sein du Corps expéditionnaire français, commandée par le général Juin, elle s’illustra durant la campagne d’Italie. Les Goumiers et Tirailleurs marocains participèrent à la libération de la Corse en septembre et octobre 1943. Les montagnards berbères endurcis livrèrent de vifs combats aux cols de San Stefano et de Teghime.
Les combattants africains aguerris formeront le fer de lance de la future Première armée française sous les ordres du général de Lattre de Tassigny lors du débarquement sur les côtes de Provence. L’Armée d’Afrique libère Toulon et arrive aux portes de Marseille le 23 août 1944. Après de terribles combats, notamment lors de la prise du mont de Notre Dame de la Garde, durant lesquels s’illustreront les combattants maghrébins de la 3è DIA et particulièrement les 3è et 7è Régiments de Tirailleurs Algériens, Marseille est enfin libérée le 28 août 1944. Devant une foule en liesse, un important défilé au son de la nouba se déroule le lendemain sur le Vieux-Port. La libération de la capitale du sud coïncide avec celle de Paris.
La grande « armée d’Afrique »
L’épopée des soldats indigènes va se poursuivre tout le long du Rhône, en Franche-Comté et en Alsace, jusqu’à la libération totale de la patrie. Ces hommes du sud traverseront le Rhin et livreront leurs derniers combats jusqu’au Danube.
Les hauts faits d’armes de l’Armée d’Afrique et ses innombrables victoires permirent à son commandant, le général de Lattre de Tassigny, de siéger en compagnie des chefs alliés pour obtenir la capitulation de l’armée allemande. Dans son ordre du jour numéro 9, il écrira à ses soldats africains: «De toute mon âme, je vous dis ma gratitude.»
De son côté, le général de Montsabert écrira: «C’est grâce à l’Armée d’Afrique que la France a retrouvé non seulement le chemin de la victoire et la foi en son armée, mais aussi et surtout l’honneur et la Liberté. »*
Devoir de mémoire
Il importe qu’au-delà des anciens combattants, la Nation, toute entière liée par les sacrifices consentis pour sa liberté, enseigne et évoque régulièrement le souvenir de l’Armée d’Afrique.
Durant 130 années d’existence, de 1832 à 1962, que ce soit sous la Monarchie, le Second Empire ou la République et même quand la France paraissait humiliée, l’Armée d’Afrique lui est demeurée fidèle. Elle a vaillamment soutenu plusieurs guerres notamment quand la France fut envahie en 1870, 1914 et 1940. En tout, l’ensemble des guerres auxquelles elle a participé a coûté un million de vies humaines.*
Quant à Marseille, 72 ans après, elle ne possède toujours pas de lieu dédié à l’Armée d’Afrique marquant sa libération. Il reste à espérer qu’il ne sera pas nécessaire d’attendre 90 ans pour le faire, comme ce fut le cas pour l’inauguration d’un mémorial musulman à Verdun en 2006 en souvenir de la terrible bataille de 1916 et de la participation des soldats de l’Armée d’Afrique lors de cette hécatombe dont on a célébré cette année le 100è anniversaire.
Pour toutes ces raisons, et devant l’inquiétant développement des troubles internationaux et des tensions sociales qui envahissent notre société, il est crucial de faire appel à la mémoire et au souvenir de l’Histoire de France.
Lounès Chérif, fils d’un ancien combattant de l’Armée d’Afrique libérateur de Marseille.
* L’Armée d’Afrique 1830-1962, sous la direction du Général R. Huré. Editeur Charles Lavauzelle. Paris 1972