Les débats du procès de Tariq Ramadan en Suisse laissent perplexes

Sept ans après la première plainte pour viol contre Tarq Ramadan, la troisième et dernière journée du procès en appel qui se tenait en Suisse laisse terriblement insatisfait. Les audiences n’ont pas permis qu’un récit commun s’impose entre les magistrats et les victimes sur la réalité des agressions commises. 

Après les réquisitions sévères du Parquet réclamant trois ans de prison, la défense a demandé la confirmation du verdict de première instance, l’acquittement. La réponse ne tombera que dans plusieurs semaines … par La Poste, et dans une indifférence générale.

Par Ian Hamel (à Genève)

Peut-on imaginer qu’une femme choisisse le moment de ses règles pour tenter de séduire un brillant intellectuel musulman ? C’est pourtant la version que Tariq Ramadan donne à la justice. “Brigitte“ (c’est le surnom de la plaignante) se serait montrée très entreprenante. Curieux, le prédicateur l’accueille dans sa chambre d’hôtel. Tout en repoussant “Brigitte“, Tariq Ramadan prétend accepter qu’elle reste dans sa chambre jusqu’au petit matin, sans qu’il n’y ait de rapports sexuels. « J’ai été grossier, je l’ai repoussée. C’est une femme blessée qui se venge en m’accusant de viol », martèle pour sa défense l’auteur de L’islam et le réveil arabe.   

La version de la plaignante est totalement différente. Musulmane, elle ne cache pas son admiration pour le prédicateur suisse. Il n’est question que d’un café pris, un soir, au rez-de-chaussée de son hôtel. Prétextant de devoir monter une planche à repasser et un fer, Tariq Ramadan lui aurait demandé de l’accompagner jusque dans sa chambre. Il se serait alors jeté sur elle, la frappant violemment, lui tirant les cheveux, l’insultant, la traitant d’agent des Renseignements généraux venu l’espionner, il la viole à de multiples reprises. En mai 2023, le Tribunal correctionnel de Genève avait acquitté le prédicateur au bénéfice du doute. 

« Le tribunal correctionnel ne voulait pas donner raison à la plaignante », déplore le premier procureur Adrian Holloway, alors que sa version de faits a « toujours été constante et cohérente ». la plaignante est « crédible ». En revanche, le récit de Tariq Ramadan est émaillé « d’incohérences ».

 Des dénégations encore et toujours           

À Genève, le prédicateur n’a cessé de répéter qu’il n’y avait jamais eu d’acte sexuel. C’est bien parce qu’il a éconduit, repoussé brutalement “Brigitte“, que cette femme humiliée aurait cherché à se venger en inventant cette histoire de viol, assure Tariq Ramadan. Les trois défenseurs du prédicateur ont donc plaidé l’acquittement. 

Pour Me Véronique Fontana, l’avocate de la plaignante, ce scénario de la femme éconduite ne tient pas. Certes, “Brigitte“ avait beaucoup d’admiration pour Tariq Ramadan. « Elle lisait [ses] livres à ses enfants […] voulait partager ses idées sur la place des femmes dans l’islam moderne avec lui », comme le rappelle La Tribune de Genève. Mais quand une femme rêve d’une relation sexuelle avec un homme qu’elle rencontre pour la première fois, elle n’y va pas le jour de ses règles. Et pour se montrer à son avantage, elle ne met pas forcément un col roulé.   

« Le complot » de femmes déçues   

La justice française a clairement dit que contrairement à ce que Tariq Ramadan ne cesse de prétendre depuis 2017, il n’y a jamais eu de complot contre lui. Cela n’a nullement empêché les avocats du prédicateur d’évoquer un piège fomenté par un groupe de femmes, dans lequel leur client serait tombé. Me Yaël Hayat rappelle que “Brigitte“ a effectivement pris contact avec d’autres femmes déçues par Tariq Ramadan. Elle se serait alors uni pour comploter. « Nous sommes dans une entreprise dont le but était de [le] mettre à terre », affirme-t-elle.  

En revanche, l’avocate de la plaignante constate que dans toutes ces affaires qui impliquent Tariq Ramadan, on retrouve toujours le même mode opératoire. Non seulement les femmes sont violées, mais aussi battues et insultées. Le verdict de la Chambre pénale d’appel ne tombera – par écrit – que dans quelques semaines. Il serait étonnant que les parties ne se retrouvent pas ensuite au Tribunal fédéral, la plus haute instance judiciaire de la Confédération.

En France, presque sept ans après la première plainte, le prédicateur n’a toujours pas été jugé.