L’IMA propose la deuxième biennale des photographes du monde Arabe en partenariat avec la Maison Européenne de la Photographie, la Cité Internationale des Arts, la Mairie du quatrième arrondissement et plusieurs galeries parisiennes…
Autant de lieux d’exposition qui permettent de découvrir les œuvres d’une cinquantaine d’artistes contemporains. L’ensemble offre un panorama original de la création photographique dans cette région du monde : des images qui font voler en éclats les clichés sur le Maghreb et le Moyen-Orient…
Cette deuxième Biennale est dédiée à Leila Alaoui, jeune photographe franco-marocaine, tuée lors d’un attentat terroriste à Bamako, au Mali, en janvier 2016, au moment même où ses œuvres étaient exposées à la Maison européenne de la photographie dans le cadre de la première biennale.
Multiplicité des points de vue…
Chacun des lieux d’exposition présente à la fois des travaux de créateurs issus du monde Arabe, résidents dans leur propre pays ou bien installés à l’étranger et des œuvres d’artistes étrangers, européens pour la plupart, témoignant eux aussi de la réalité des pays arabes. Le mélange des cultures étant l’un des principes de l’aventure.
Plus ciblée que la première édition, la biennale 2017 choisit tout particulièrement de mettre à l’honneur deux pays du Maghreb : la Tunisie et l’Algérie.
Face à l’agitation qui règne dans bien des régions du monde Arabe, les diverses expositions 2017 prennent le parti de la distanciation. L’Objectif ? « Sortir des clichés les plus éculés sur le monde arabe, en révéler des réalités cachées, améliorer la compréhension entre les peuples », explique Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe.
La sélection des commissaires de l’exposition a visiblement été guidée par le souci de mettre en lumière des histoires et des chroniques individuelles à travers des portraits et des paysages qui nous transcrivent, entre fantasmes et réalité, la constante mutation du monde Arabe et sa poésie, omniprésente malgré les violences, les paradoxes, les métamorphoses.
Le pari n’est pas d’offrir un témoignage sur l’actualité immédiate mais d’inviter les visiteurs à « regarder le monde arabe autrement », et d’en suggérer une vision plus posée. Pari réussi…
Mélancolie onirique
De l’ensemble émane souvent une forme de mélancolie poétique : mélancolie des visages – masculins et féminins – qui dévoilent leur incertitude, mélancolie des corps, mélancolie des décors et des paysages…
Comme si les artistes, à travers l’objectif de leur appareil photographique, avaient pris soin de prendre du recul et de s’installer dans les marges : celles d’un espace/temps qui émancipe de l’histoire brûlante et immédiate.
Le monde arabe actuel est bien là, dans son tumulte et ses contradictions mais il se révèle comme « en creux » , ou par ricochet et de façon subtile, au détour d’un paysage ou d’un regard, qui transparaît ainsi souvent de façon sourde ou décalée. De ce décalage naît la puissance des images. Des images rarement didactiques, le plus souvent poétiques, voire oniriques.
Les « Hidden Portraits » de Hela Ammar
La représentation des identités féminines dans les cultures arabes méditerranéennes et la notion d’enfermement est particulièrement bien illustrée par les quelques exemplaires de la série de l’avocate – et photographe tunisienne Hela Ammar : Hidden Portraits.
Ces images sont comme des réponses aux traditions parfois imposées et rapplellent que celles-ci continuent à s’inscrire dans les propre corps des femmes. Ici encore l’artiste évoque, avec brio, l’enfermement dicté par les traditions.
Tant d’autres regards à découvrir…
Et encore cette galerie de portrait troublants de jeunes adolescentes écartelées entre tradition et modernité, au regard caméra souvent frondeur mais toujours placées sous le joug de leurs référents iconiques : pubs, stars ou trace du religieux.
Et aussi ces paysages abîmés par l’industrie pétrolière des pays du Golfe mais sublimés par un savant travail sur les tirages…
Et enfin cette série de photos sur les cinémas et autres batisses abandonnées : décors vides d’un autre temps, d’un autre rapport à l’image et au divertissement
Tous ces points de vues divergents, parfois déconcertants, tous ces regards singuliers partagent cependant un mélange de tendresse et de désillusions universelles, qui nous font sortir des expositions avec l’envie d’aller voir là-bas, sur place, de l’autre côté du miroir.
* Autour de l’exposition : Concours de photographie, 1000 et une culture en partage, public concerné toutes les classes de collège et lycée des académie de Paris Créteil Versailles.