Ouissem Belgacem dénonce dans un livre l’homophobie dans le football

L’ex joueur de foot Ouissem Belgacem fait son coming-out dans Adieu ma honte, livre édité chez Fayard, où il y dénonce l’homophobie dans le milieu du foot-ball, alors qu’on fête, ce lundi 17 mai, la journée internationale contre l’homophobie.
 
 
C’est sous le soleil du Midi et dans une citée nichée à quelques mètres de l’Atelier de Cézanne, à Aix en Provence, où cohabitent maghrébins et gitans, qu’est né le rêve du jeune Ouisssem Belgacem : devenir le prochain Zinedine Zidane. Fils unique d’une famille monoparentale d’origine tunisienne, le jeune Ouissem attire l’attention par son jeu en affrontant sur un terrain communal les grands de la Cité. 
 
Choyé à la maison, studieux à l’école et respecté dans le quartier comme dans le centre de formation de Toulouse où il fut recruté, entre 13 et 18 ans tout était possible pour le jeune et prometteur Ouissem. Tout, y compris une sélection inespérée dans l’équipe nationale tunisienne pour une Coupe d’Afrique des Nations.
 
Sauf que Ouissem Belgacem n’ira pas plus loin et jamais n’atteindra son but ultime d’intégrer les Bleus. Après des mois de souffrances psychologiques, il a dû renoncer à sa carrière de joueur de football professionnel en raison de son homosexualité, longtemps et durement refoulée comme il le raconte avec courage dans son récit autobiographique co-écrit avec Éléonore Gurrey.
 

Une promo orientée 

 
Beau garçon et beau parleur, Ouissem Belgacem est invité partout, à la télé, à la radio, comme sur les webzines. Tout le monde le veut en exclu de l’Equipe à Konbini ! En promo, Ouissem Belgacem a su mettre son atout de grand tchatcheur des cités au service de la noble cause qu’il défend et du livre qu’il veut vendre. Ses putchlines sont travaillées, percutantes, elles vont droit au but pourrait-on dire. Forilège :  
« On dit toujours qu’un sportif meurt deux fois : à la fin de sa carrière et à la fin de sa vie. Moi, je mourrai trois fois : à la fin de ma carrière, à la fin de ma vie et à la fin de ce livre. Adieu ma honte. » (Sur le compte Insta de l’auteur). «  J’ai toujours été un agent double, un infiltré parmi les hétéros du foot » ( Magazine So Foot). « « L’homophobie est le pire des fléaux dans le football masculin, mais on ne le reconnaît pas » (L’Equipe), « En France, on a avancé dans plein de secteurs, mais dans le foot on est resté sur « Pause », comme dans les années 80-90 » (France Culture). 
 
Néanmoins, il est très curieux de voir comment les médias français rendent compte du témoignage de Ouissem Belgacem. Ont-ils vraiment lu jusqu’à la fin le livre Adieu ma honte ? Toutes les interviews de l’ex joueur tournent autours de deux questions. L’homophobie dans le foot et l’homophobie dans les quartiers dit sensibles autrement dit des cités avec des français d’origine modeste et étrangère, voire musulmane.
 
Le strorytelling des médias est simple pour ne pas dire simpliste. il s’agit de glorifier le footballeur qui a eu le courage de s’affranchir de son milieu social et culturel  pour rejoindre la grande famille des « libérés par la parole ». 

La vieille Angleterre, terre d’acceuil 

 
Pourtant le livre de Ouissem Belgacem est autrement plus intéressant et subtil qu’une simple dénonciation de l’homophobie chez les footeux. Personne dans les médias français ou presque n’évoque les passages où Ouissem Belgacem témoigne du racisme ordinaire dans la France provençale d’aujourd’hui. C’est pourtant au moins tout aussi édifiant  
 
Personne ne rappelle non plus que si le jeune aixois a osé briser le tabou et affirmer son homosexualité c’est parce qu’il a pu s’exiler à Londres. 
A cet effet, la dernière partie du livre est sans doute la plus intéressante. Après avoir quitté le foot, Ouissem Belgacem retrouve la même homophobie ambiante en allant travailler chez Véolia ou en tentant sa chance aux Etats-Unis. L’homophobie dans les stades et vestiaires new-yorkais étant tout aussi insupportable qu’en France, il tente alors sa chance dans la vieille Angleterre  
 
Finalement c’est au bord de la Tamise, que Ouissemn Belgacem va se reconstruire, travailler sans relâche, vire enfin sa vie amoureuse en toute liberté, et se lancer dans des affaires. Aujourd’hui patron d’une entreprise de conseils pour les footballeurs qui veulent préparer leurretraite, Ouisssem Belgacem peut dire merci à Londres. S’il s’est complètement réconcilié avec son identité sexuelle et sa culture musulmane, c’est grâce au modèle British ! 
 
En France «  le cumul de la minorité sexuelle et de la minorité raciale n’est pas du tout de tout repos » résume-t-il pudiquement. A Londres, le jeune français gay d’origine tunisienne se libère, Ouisssem Belgacem y vante le grand brassage social, culturel et générationnel que la City autorise : « Mes amis sont ingénieurs, prostitués, imam, chef d’entreprise et dealers ! L’homosexualité m’apparaît pour la première fois sous un jour lumineux, presque comme le miracle qui permet au Français de seconde zone que je suis de devenir un trans-classe, un être insoumis qui se déplace librement dans l’échelle sociale. Comme si d’une malédiction, j’avais fais une chance ». 
Notre sacro-saint rêve républicain censé intégrer tout le monde se désintègre dans ce livre. Personne n’évoque ce sujet dans les médias français qui reçoivent à tour de rôle et à bras ouverts Ouissem Belgacem. 
 
Personne, aucun journaliste ne lui a demandé de commenter, par exemple, ce passage fort politique de son livre : «  A Londres les communautés vivent séparés- une séparation à l’opposé de notre idéal français du vivre ensemble, c’est vrai- mais au moins la tolérance n’y est pas qu’un mot. Dans cette ville, pour la première fois de ma vie, je marche libre de toute étiquette et de toute catégorisation. Je ne suis plus la racaille de la cité, je ne suis plus suivi par un vigile quand je fais mes courses, je vais d’un endroit à un autre sans que rien me fasse penser à ma couleur de peau, à mon orientation sexuelle ou ma religion. Quel gain d’énergie… ».