L’explosion d’un entrepôt clandestin d’essence, qui avait été confisqué par l’armée, est à la source de cette nouvelle catastrophe après des heurts entre des résidents qui s’étaient attroupés pour se procurer de l’essence
Un article de Michel Touma
Le Liban-Nord a été dans la nuit de samedi à dimanche (15 août) le théâtre d’un drame qui vient s’ajouter aux nombreuses conséquences inhumaines de la profonde crise économique, financière, sociale et politique qui secoue le pays depuis plus d’un an et demi : un entrepôt où étaient emmagasinés près de 60 000 litres d’essence (selon différentes sources) a explosé dans un village du Akkar (el-Talil), non loin de la frontière syrienne. Le premier bilan fait état de 20 morts et près de 80 blessés, dont plusieurs soldats de l’armée libanaise, atteints presque tous de brûlures graves.
Contrebande vers la Syrie
L’entrepôt avait été perquisitionné par l’armée libanaise qui a multiplié au cours des dernières vingt-quatre heures, un peu partout dans le pays, les perquisitions dans les stations d’essence et les entrepôts où sont stockées à des fins de contrebande d’importantes quantités de carburants alors que le pays est confronté à une grave pénurie d’essence et de fuel qui a des répercussions particulièrement désastreuses sur la vie quotidienne des Libanais et le fonctionnement de secteurs vitaux, notamment le secteur hospitalier.
Selon plusieurs sources concordantes, dont une chaîne de télévision locale, des habitants du village et les réseaux sociaux, la quantité d’essence stockée dans l’entrepôt était destinée à la contrebande vers la Syrie, pour le compte d’un haut responsable du parti aouniste dans la région (parti présidé par le gendre du président de la République Michel Aoun).
L’explosion s’est produite après que l’armée ait perquisitionné l’entrepôt et saisi la quantité d’essence pour la distribuer aux habitants de la région, laquelle est l’une des plus pauvres du pays. Le drame a eu lieu alors que plusieurs dizaines de personnes étaient rassemblées devant l’entrepôt pour s’approvisionner en essence saisie par l’armée. Selon des témoins oculaires, dont les informations n’ont pas été confirmées, des tirs ont été entendus autour de l’entrepôt alors que l’essence était distribuée aux habitants.
Une atmosphère de fronde a régné au Akkar à la suite de l’explosion et dans ce cadre un camion-citerne appartenant au propriétaire de l’entrepôt a été incendié par des habitants en colère.
Des files interminables
« Le massacre du Akkar n’est pas différent du massacre du port », a déclaré sur Twitter l’ancien Premier ministre libanais Saad Hariri, en référence à l’explosion du 4 août 2020 qui a tué 200 habitants et détruit des pans entiers de la capitale.
Confronté à l’une des pires crises économiques au monde depuis 1850, le Liban connaît depuis des mois des pénuries de carburant qui affectent l’approvisionnement en biens de première nécessité. Samedi, le gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé avait refusé de revenir sur une récente décision de lever les subventions sur les carburants, qui fait craindre une flambée des prix, alors que des files interminables se sont formées dans les stations services.
Le Liban s’enfonce dans le chaos