Encore un effort! Les Marocains, inspirés par l’offensive diplomatique du Palais marocain en Afrique, ont compris que leur pays était tourné vers le Sud. Une chronique de Nouhad Fathi
“Tu sais ce qui nous sépare de la civilisation ? Un seul discours royal contre le harcèlement”, m’avait lancé, rigolard, un ami il y a quelques temps. Les agressions dans la rue disparaitraient si Mohammed VI exhortait les Marocains à se comporter en gentlemen. Car il faut le dire, nos comportements ont tendance à suivre la volonté royale. Nous n’avons pas (encore ?) eu de discours royal féministe. En revanche, depuis que le roi a enclenché sa politique de rapprochement à l’Afrique, notre rapport au continent a changé.
Diplomatie religieuse, construction d’une mosquée baptisée “Mohammed VI” en Tanzanie, formation d’imams subsahariens, accélération de l’expansion des entreprises marocaines sur le continent, retour à l’Union africaine, régularisations de la situation des migrants… Le Maroc veut bel et bien renouer avec son africanité. Quid des Marocains ? Se sentent-il plus Africains pour autant ? Sont-ils moins racistes contre leurs voisins subsahariens ?
Peut-être qu’ils sont toujours racistes. Après tout, on ne peut pas éradiquer le racisme, encore moins l’atténuer en quelques années. Mais dire que les conditions des Subsahariens présents sur le territoire marocain sont toujours aussi pénibles qu’il y a quelques années, ce serait faire preuve de mauvaise foi. On est loin des cas comme les meurtres survenus à Boukhalef, près de Tanger, en 2014. Les Subsahariens eux-mêmes affirment que le traitement des Marocains à leur égard a évolué depuis le changement de notre politique migratoire. “Nous sommes mieux acceptés”, a affirmé un témoin au site H24.
La « jungle africaine » toujours là !
Mais si “les migrants africains ne sont pas des étrangers”, comme le veut l’Agenda Africain pour la Migration, nous les considérons toujours avec une certaine distance. Nous les agressons moins, mais nous continuons à croire que nous ne vivons pas sur le même continent qu’eux — pour preuve, la persistance de l’expression “jungle africaine” chez les commentateurs des matchs de foot opposants les Marocains aux Subsahariens, comme si le Maroc était géographiquement situé au milieu de la toundra scandinave —, nous trouvons scandaleux qu’un de leurs hommes ose tomber amoureux de l’une de nos femmes et nous ne mangeons pas leur cuisine même si la mode est à la gastronomie ethnique.
Le Marocain accepte l’africanité de l’autre mais pas la sienne. Peut-être nous faudra-t-il un discours royal pour nous rappeler que l’africanité n’est pas qu’une affaire de couleur de peau ?