L’édition du MAGHREB DES FILMS 2018 ( 22 novembre-18 décembre) s’ouvrira par un hommage à Maurice Audin. Voici la présentation du festival qui est parvenue à Mondafrique
Emmanuel Macron vient de rappeler la responsabilité de l’Etat français dans le crime dont il a été victime Maurice Audin, crime subtilement qualifié jusque-là d’évasion ou de disparition…Cette reconnaissance là d’un crime d’Etat, ne manque pas d’interpeller, à plusieurs égards.
Pourquoi celui-là et maintenant ?
Qu’en est-il, en effet, de ceux du 17 octobre 1961 ou du 14 juillet 1953, à Paris ; qu’en est-il de « l’exécution brutale » de Bouzid Saâl et des milliers de morts de Sétif, Guelma et Kherrata ou encore, bien que dans un registre différent, de la décapitation de Fernand Yveton, pour n’évoquer que celle-là parmi la cinquantaine d’autres ?
Ou d’autres : encore des milliers…
Comme le rappelle opportunément l’historienne Michèle Riot-Sarcey dans un récent article donné au quotidien Libération « … les années de silence ne peuvent être compensées par la reconnaissance tardive et sélective des morts sous la torture. ».
Deux inédits de notre programmation abordent à nouveau cette question de l’humiliation et de la torture, « Tes cheveux démêlés cachent une guerre de sept ans » de Fatima Sissani et « Nous n’étions pas des héros » de Nasr-Eddine Guenifi (qui fut jadis proche collaborateur de René Vautier) ; preuve que le déni des uns n’efface pas la mémoire des autres.
Ces amnésies de l’histoire ne sont pas l’apanage de notre beau pays, évidemment…
Et au cas où nous en aurions douté, le remarquable « 10949 Femmes » de Nassima Guessoum vient nous le rappeler…
Côté hommages, nous continuerons avec la découverte de deux figures parmi les plus attachantes des cinématographies marocaine et tunisienne.
Ali Essafi, « documentariste obstiné », partagé entre la France et le Maroc et qui, ayant vécu et travaillé en France, y ayant interrogé la question de l’altérité puis, retourné dans son pays natal, celle de ses origines… se consacre, depuis une dizaine d’années à mettre ses pas dans ceux d’Ahmed Bouanani, sorte de Jean Vigo marocain, à l’œuvre courte, abimée, inachevée.
Jilani Saadi, quasiment méconnu des cinéphiles français, a eu un embryon de reconnaissance après la rétrospective organisée par AFLAM à Marseille en 2015. De lui et de son cinéma, Le Monde écrit : « Burlesque, mélo, comédie musicale, drame social, documentaire s’y télescopent dans des proportions chaque fois différentes. Un romantisme échevelé coexiste avec une approche crue de la violence, du viol en particulier, dont il expose franchement la barbarie. Sa vision d’un monde peuplé de fous, de clochards et d’idiots, de prostituées et de filles révoltées se déploie avec une cohérence extrême… ».
Ces deux cinéastes, nés l’un et l’autre au début des années soixante, trop tard après les indépendances, ont trouvé « la place » occupée durablement par les générations du milieu des années quarante, et trop tôt pour être embarqués avec la nouvelle génération issue de la fin des années Ben Ali et de la Révolution des œillets, en Tunisie, et l’autre révolution, au Maroc, celle portée par la transformation radicale du Centre Cinématographique marocain avec l’arrivée à sa tête de Nourredine Sail , au début des années 2000.
A découvrir, l’un et l’autre, cela va sans dire.
Autre temps fort, l’hommage qu’avec l’Ecole Normale Supérieure nous rendons à la revue trimestrielle CinémAction, créée il y a 40 ans et riche de 166 numéros thématiques passionnants « au compteur » : projections et mini colloque dont vous trouverez le détail dans les pages qui suivent.
Par ailleurs, comme chaque année, 2018 apportera son lot d’inédits, courts et longs, issus de trois pays seulement, hélas, faute de production visible venant de Libye et de Mauritanie.
Le documentaire, parfois fictionnalisé, aborde, même schématisés pour la cause, les sujets forts de l’époque : la révolution (tunisienne), le handicap, l’homosexualité, l’identité familiale…, sujets qui peuvent ici paraître convenus, mais qui dans le contexte sociopolitique de l’autre côté de la Méditerranée sont d’une importance majeure.
La fiction flirte beaucoup avec le modèle du conte ou de la fable et réserve quelques moments savoureux dus à des habitués du MAGHREB DES FILMS, Hicham Lasri, Kaouther Ben Hania, Nacer Khemir notamment, ou d’une nouvelle venue, Yasmine Chouikh, avec le récit sans doute le plus « caustique » de cette édition.