Le livre décapant qui annonçait les inepties de Nadine Morano

Dans « le grand repli », paru cet automne aux éditions de « La Découverte », trois universitaires talentueux réagissent contre « la France blanche », avant même les dérapages de Nadine Morano. Du beau boulot !

Le_grand_repli_2Nadine Morano n’a pas inventé le concept de race; la littérature extrémiste d’avant guerre s’était déjà vautrée dans ces remugles. En juillet 1937, l’hebdomadaire ultra nationaliste « Candide » publie un poème de Jules Romains, « l’Homme blanc ». « je chante l’Homme blanc, l’Homme premier, la race belle ». Dans les années 60, le général de Gaulle, qu’on a connu plus inspiré, en remet une couche : « Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne ».

Pour les trois auteurs décapants du « Grand repli » -Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Ahmed Boubeker-,  l' »l’Homme blanc » reste à la mode. Les extravagances de Nadine Morano, bien postérieures à la parution de leur livre, étaient programmées tant le terreau idéologique avait été labouré, nourri. d’idées racistes Ce qu’ils  montrent dans un réquisitoire implacable nourri de citations assassines, de Zemmour à Houellebeck et Filkenkraut.

L’indulgence pour « l’homme blanc », devenu victime, est revendiquée haut et fort par ces stars médiatiques, sans que personne ne s’en émeuve, alors que ce sont eux qui ont poussé cette bécasse de Nadine à la faute.

« Les nègres? Ils parlent fort « 

Pour les auteurs du « Grand Repli », le concept de race est redevenu, ces dernières années, « dicilble, utilisable ». Au point de retrouver, ces dernières années, « le chemin des discours publics et des représentations collectives ». S’il a été gommé le 17 mai 2013, à l’initiative de François Hollande, de la législation française, la race a pourtant prospéré au coeur du débat public

La négrophobie, constatent-ils, s’est même démocratisée. Ce racisme « même pas bien élevé » est mis en scène, magnifié par l’écrivain Michel Houellebecq, dans son essai sur « H.P. Lowecraft, contre le monde, contre la vie ». En présence des « nègres », son héros « est pris d’une réaction nerveuse incontrôlable. Leur vitalité, leur apparente absence de complexes et d’inhibitions le terrifient et le dégoutent. Ils dansent dans la rue. Ils écoutent des musiques rythmées…Ils parlent fort ».

Paru en 2015, le dernier rapport annuel de la commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ne peut que constater le retour d’un « racisme brutal biologisant ». Deux tiers des sondés estiment que les enfants d’immigrés nés en France ne sont pas français (contre 37% en 2009).  Ce véritable renversement s’est produit chez les laissés pour compte de la société industrielle. Leur » bonne conscience outragée » se retourne contre « l’autre », l’étranger, le non blanc.

Dans cette perspective, la victime serait d’abord « le petit blanc », qui ne sait plus trop s’il est d’abord blanc ou d’abord français, un peu les deux à la fois sans doute, mais certain de ne pas vouloir ressembler à ces étrangers qu’il cotoie. Le voici notre  » petit blanc », qui s’exprime dans une bouillie intellectuelle et une logorrée anti immigré et qui dénoncer pêle-mêle le racisme anti français et le racisme anti blanc.

Révolution sémantique

Le Front national est évidemment à l’avant garde de cette révolution sémantique. Mais le plus grave, pour nos auteurs, est que « ce néo racisme »  vient « d’en haut », porté par un microcosme parisiens. La vraie rupture date des émeutes de banlieue de 2005. Le thème du racisme anti blanc, marotte de l’extrême droite, est repris et popularisé dans des cercles intellectuels éloignés du Front National. Dans une pétition lancée après des agressions dans une manifestation, Alain Finkielkraut, Bernard Kouchner et Jacques Julliard dénonçant « les ratonnades anti-Blancs ».

Dans la même veine, Eric Zemmour s’en prend à Christiane Taubira, ennemie jurée des « Blancs », en balisant le terrain des insultes ouvertement racistes des croisés de la « manif pour tous », s’en prenant violemment  pour certains aux origines métissées de la ministre française de la Justice.

A gauche enfin, certains intellectuels en vue comme Laurent Bouvet en arrivent, estiment nos universitaires, « à justifier le basculement de l’opinion vers cette posture coloriste… » Pour limiter l’émergence d’une culture de petits blancs,  ces oracles d’une nouvelle gauche populiste plaident pour qu’on cesse « de favoriser la diversité », de peur de « nourrir ce qu’on prétend combattre ».

Pour terrasser le « grand repli » identitaire qui menace la France, la recette de nos trois auteurs est simple. Il faut d’urgence s’en prendre à tous les communautarismes, y compris celui insidieux des nostalgiques du colonialisme.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)