Dans les régions éloignées de l’Iran, la pauvreté pousse une partie des chômeurs à prendre la place des vrais coupables, face aux tribunaux, contre un peu d’argent. Quitte à être emprisonnés pendant des années
Une chronique de Hamid Enayat
Dans les villes frontalières iraniennes, notamment dans les territoires kurdes, la pauvreté est endémique, terrible. Les « Koulbar » sont ces porteurs qui transportent de lourdes charges à pied à travers les montagnes enneigées pour gagner un peu leur vie. Ils sont entre 80000 et 150000. Ils sont souvent assassinés par les forces de sécurité.
On rencontre aussi des petits transporteurs de carburant du Baloutchistan qui traversent la frontière pour un morceau de pain. Certains d’entre eux, vieillis prématurémentn sont même prêts à assumer la responsabilité des crimes qu’ils n’ont pas commis. Ils sont ainsi condamnés à des années de prison pour recevoir des petites sommes d’argent. Ceux qui vendent ainsi leur liberté pour une bouchée de pain sont appelés « Habskesh », des « tireurs de peine ».
Ce métier est très populaire dans les zones frontalières de l’Iran, notamment au Kurdistan et ou encore dans la province de l’Azerbaidjan occidental. Autour du tribunal de Mahabad, l’ancienne capitale de l’éphémère État kurde créé en 1946 qualifié de République de Mahabar,, des jeunes chômeurs attendent, les mains dans les poches, chuchotant parfois à l’oreille des passants: « prison, prison ! ». Face aux autorités judiciaires, ils assument d’avoir acheminé marchandises confisquées et se présentent pour être emprisonnés à la place du contrebandier..
Osman est originaire de Baneh dans la province du Kurdistan. « Pendant des années, raconte-t-il, des habitants des provinces frontalières telles que l’Azerbaïdjan occidental et le Kurdistan ont été contraints d’assumer les crimes des autres afin de subvenir à leurs besoins quotidiens en allant en prison au prix convenu. « Selon lui, la plupart des « habskesh » sont des Koulbars qui ne sont plus en mesure d’exercer une profession en raison de leur âge avancé ou de blessures physiques.
Profession, faux témoin
Mohammad, du Baloutchistan, fait partie de ceux qui ont accepté la détention à la place de contrebandiers. Il a conclu avec un accord avec un contrebandier pour 300 000 tomans par jour de prison et a passé plusieurs mois à la prison de Zahedan.Selon Mohammad, certains sont depuis longtemps prêts à assumer n’importe quel peine, même longue, pour pouvoir payer le traitement médical de leurs enfants. Il y a tellement de candidats Habskeshi dans certaines régions que les contrebandiers n’ont que l’embarras du choix.
Un avocat, qui a requis l’anonymat, explique que la propagation de la pauvreté avait non seulement créé les habskeshi, mais aussi le métier de faux témoignage. Selon lui, certaines déambulent dans les tribunaux de diverses villes et chuchotent aux oreilles des passants » jurer ! Jurer! « . Les jureurs donnent de faux témoignages en échange d’argent et, ce faisant, peuvent influencer le processus les procès et faire acquitter ou condamner une personne.
Il est minuit moins une
« En Iran, tout le monde s’inquiète de la « dernière goutte », celle qui va faire déborder le vase. Et là, nous aurons une explosion massive », explique le sociologue Saïd Madani.