Le juge français Serge Tournaire était apparemment prêt à toutes les compromissions avec le régime dictatorial de Djibouti pour pouvoir interroger un témoin clé dans le dossier du possible financement libyen de Nicolas Sarlozy où est mis en cause Alexandre Djouhri.
Serge Tournaire, le juge d’instruction qui passe pour « dur mais juste », cultive la discrétion. Hormis deux clichés volés par des paparazzis lors de ses rares sortie le dimanche, on ne trouve aucune image de lui sur la toile. Il reste que le magistrat le plus craint de France a convoqué dans son cabinet une belle brochette de patrons et de politiques: Vincent Bolloré, Nicolas Sarkozy, François Fillon, Serge Dassault, Charles Pasqua, Bernard Tapie.
Or Alexandre Djhouri, l’intermédiaire flamboyant proche deDominique de Villepin et de Claude Guéant et soupçonné d’avoir participé au financement libyen de Nicolas Sarkozy, pourrait être lui aussi être interrogé prochainement par Serge Tournaire. Du moins s’il est extradé du Royaume Uni, où il est réfugié, ce mardi 26 février, date à laquelle la justice anglaise devrait rendre sa décision.
Petits arrangements entre amis
La surprise, la voici: pour nourrir un dossier qui ne semble pas très solide, au vu des informations distillées par la presse française, le juge Tournaire a cru bon de mettre en examen le principal opposant à Paris du régime dictatorial de Djibouti. Il lui fallait, en échange, obtenir des autorités de ce pays l’autorisation d’interroger celui qu’il pense être un des témoins clés du financement libyen de Nicolas Sarkozy.
Ce sont nos confrères de « la Lettre du Continent », un media français fort bien sur l’Afrique, qui ont découvert les conditions peu reluisantes dans lesquelles le magistrat vient d’effectuer un discret déplacement à Djibouti. Histoire d’interroger le banquier Wahid Nacer, ancien responsable de la banque de gestion privée Indosuez/Crédit Agricole à Genève qui s’est réfugié dans ce pays depuis 2017 après avoir joué un rôle décisif dans la vente au prix fort aux autorités libyennes d’une villa à Mougins dans le sud de la France. Et ce serait Alexandre Djhouri qui, via une cascade de sociétés, aurait bénéficié de cet achat généreux pour le compte de Nicolas Sarkozy.
Jusqu’à présent, les demandes d’entraide du juge Tournaire s’étaient heurtées à un refus constant des autorités de Djibouti. Refroidies par l’assassinat du juge Borrel en 1005, elles avaient interrompu toute coopération avec a France jusqu’à l’an dernier. Or voici le magistrat français dans les petits papiers de ce régime sans foi ni loi et pour une raison simple. Réfigié en France, le principal opposant du dictateur djiboutien, IsmaïlOmar Guelleh, Mohamed Kadamy, a été mis en examen par un certain Serge Tournaire le 13 février dernier. La convocation faisait suite à la demande, précise « La Lettre du Continent », de la juge djiboutienne Lamisse Mohamed Saïd. Laquelle, en échange, l’a assisté à l’interrogatoire de Wahib Nacer par le Serge Tournaire..
Ce troc sans honneur a été fait avec la bénédiction de la diplomatie française, alors que le président français, Emmanuel Macron, doit se rendre à Djibouti courant mars. Autant dire que les souhaits de Serge Tournaire qui demande une mutation en septembre prochain seront accueillies avec bienveillance par la Chancellerie.