Je fais partie des 100 femmes qui ont signé la tribune publiée dans Le Monde pour dénoncer une oppression fantasmée. Voici à peu près pourquoi. Une chronique de Nouhad Fathi
L’été dernier, j’ai passé trois semaines en Europe, dont une bonne partie en France. Alors que je me rendais au supermarché du coin le premier jour de mon arrivée à Paris, un type complètement bourré s’est arrêté sur mon chemin pour soupirer : “Vous êtes magnifique…”. Un autre jour à 2h du matin — c’est moi qui étais bourrée cette fois-ci —, un type m’a lancé : “Hé mademoiselle moi aussi j’aime la culture”. Curieusement il ne m’a pas suivi.
La seule fois où j’ai été insultée, c’était dans le métro par un mendiant : il m’a traitée de connasse, mais c’est parce qu’il était pauvre et moi sans cœur.
Bon, j’avoue que suivant les conseils de mes amies marocaines, j’ai évité “les quartiers des Arabes”, mais les féministes françaises ne veulent toujours pas admettre que la misogynie est aussi une affaire de culture. On en reparlera un autre jour, ce n’est pas notre sujet.
« Toutes les femmes »? Lesquelles?
J’ai signé la désormais fameuse tribune avant sa publication dans Le Monde ; je suis fière d’avoir mon nom qui figure parmi ces 100 femmes. Je l’ai fait parce que, du fin fond de mon Casablanca oppressant, je suis à 100% d’accord avec Peggy Sastre, Abnousse Shalmani et les autres.
Quand la féministe Caroline de Haas dit “les femmes quand elles se lèvent le matin, elles n’entendent pas une seule remarque, c’est un faisceau, c’est à peu près toutes les heures, les deux heures, les trois heures”, je ne sais pas vraiment de quoi elle parle. Je n’ai pas entendu “je t’encule” une vingtaine de fois. Même au Maroc, où le féminisme a encore de sérieuses raisons d’exister, je n’entends pas ça tous les jours, encore moins toutes les heures. Je sais que je base mon raisonnement sur mon expérience personnelle, mais quand on me dit “toutes les femmes”, il faut que ça me concerne aussi. J’ai passé presque deux semaines en France et personne ne m’a proposé de m’enculer, pourtant il m’arrive de serrer mon gros derrière dans des robes moulantes.
L’épuisement du féminisme
Je ne nie pas l’existence d’agressions sexuelles. J’ai même vécu des choses que ces femmes peuvent seulement imaginer, dans un pays où l’on peut m’arrêter pour le simple fait de porter plainte pour viol, car pour peu que mon agresseur nie les faits, on peut prendre ma plainte pour un aveu de débauche.
Mais je n’ai pas envie de voir le mal partout ni d’extrapoler le comportement de deux ou trois mecs sur toute la population masculine mondiale. J’ai l’impression que les féministes occidentales ont épuisé leurs causes et qu’elles en inventent d’autres. Comme si elles jalousaient les femmes vraiment opprimées dans leur souffrance. Après elles s’étonnent qu’on compare la situation de la France à des pays vraiment merdiques (“ce n’est quand même pas l’Afghanistan !”) , ne se rendant pas compte que c’est dans leur propre rhétorique que l’on retrouve ce genre de rapprochements.
Le bon grain et l’ivraie
Une autre chose dont elles ne se rendent peut-être pas compte, c’est qu’en compliquant le processus de séduction, elles nous mettent en danger. La drague sert aussi à filtrer les tueurs et les psychopathes en ayant accès à leurs langages verbal et corporel — bon, pas toujours, mais Tinder vous expose au risque de vivre ce genre de situations.
C’est probablement ce qu’elles veulent : bâillonner les hommes décents et libérer davantage d’espace à la minorité d’abrutis qui ne sont de toute manière découragés par aucune loi. Ça leur donnera une raison perpétuelle de beugler.