- Mondafrique https://mondafrique.com/societe/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Wed, 28 May 2025 07:45:51 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.1 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg - Mondafrique https://mondafrique.com/societe/ 32 32 L’Islamisme politique ne menace pas la République https://mondafrique.com/societe/lislamisme-politique-ne-menace-pas-la-republique/ https://mondafrique.com/societe/lislamisme-politique-ne-menace-pas-la-republique/#respond Mon, 26 May 2025 08:50:34 +0000 https://mondafrique.com/?p=134119 Un rapport gouvernemental, intitulé « Frères musulmans et islamisme politique en France », présenté lors d’un Conseil de défense, mercredi 21 mai, pointe des menaces graves de la part d’une nébuleuse liée à la confrérie secrète des Frères musulmans, fondée en Égypte en 1928. Le chercheur Franck Frégosi, spécialiste de l’islam français, dénonce chez nos […]

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Un rapport gouvernemental, intitulé « Frères musulmans et islamisme politique en France », présenté lors d’un Conseil de défense, mercredi 21 mai, pointe des menaces graves de la part d’une nébuleuse liée à la confrérie secrète des Frères musulmans, fondée en Égypte en 1928. Le chercheur Franck Frégosi, spécialiste de l’islam français, dénonce chez nos confrères de l’excellent site « The Conversation » une communication politique et une interprétation erronée de ce que représente le « frérisme » dans la France d’aujourd’hui. Entretien.

politiste, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)


The Conversation : Dans quel contexte se situe ce rapport ? Qui le produit et dans quel but ?

Franck Frégosi : On parle du rapport Retailleau – ce dernier, dont les ambitions présidentielles sont connues, l’utilise habilement pour sa communication politique, notamment en faisant « fuiter » des extraits dans le Figaro dès dimanche 8 mai – mais, en fait, il s’agit d’un rapport commandé par son prédécesseur Gérald Darmanin, il y a plus d’un an. La cible du rapport, c’est la question de l’influence des Frères musulmans et, plus largement, de l’islamisme politique en Europe. Les rapporteurs et une commission ont procédé à des auditions et des déplacements, en France et à l’étranger. Ils ont sollicité le point de vue – dont le mien – d’universitaires ou d’experts sur les questions d’islam, il y a aussi toute une partie qui concerne les services de sécurité et qui n’a pas été rendu public.

Rappelons qu’au départ, ce rapport était annoncé comme classifié, mais le ministre Retailleau a souhaité le déclassifier. La version que j’ai pu consulter m’interroge. Est-ce le rapport tel qu’il a été écrit par les rapporteurs ? Cette version a-t-elle été retouchée sous l’influence du politique ? Il n’est pas du tout illégitime que l’État s’empare de ce sujet, mais il est important que l’on comprenne un peu plus précisément les conditions de sa production.

Le rapport parle de « risques », de « dangers » et de « menaces » liés à la mouvance « frériste », mais il donne aussi des chiffres : 400 personnes constitueraient le noyau dur de cette confrérie. Le rapport évoquer 139 lieux de culte affiliés à l’association Musulmans de France, héritière de l’Union des organisations islamiques en France (UOIF), elle-même héritière de la confrérie des Frères musulmans. Le document estime que 10 % des lieux de culte ouverts dans la période 2010-2020 y seraient affiliés, ce qui correspond à un ensemble de 91 000 fidèles (sachant qu’un fidèle peut fréquenter une mosquée sans adhérer à la « mouvance », comme le précise le rapport) qui représentent 0,01 % des 7,5 millions de musulmans de France. Ces chiffres signalent-ils un danger ?

F. F. : Considérant ces chiffres, j’avoue ne pas comprendre la nature de cette menace. Il est important de rappeler que ce n’est pas parce que des individus fréquentent un lieu de culte qu’ils adhèrent nécessairement à la philosophie de celui qui l’a créé. La proximité géographique de la mosquée explique beaucoup la logique de fréquentation. Doit-on considérer que 400  personnes, qui constitueraient le centre de la confrérie, pourraient subvertir les institutions républicaines voire islamiser la société ? Ce n’est pas crédible. Notons que, les Frères musulmans sont en perte de vitesse dans les pays musulmans et que l’association Musulmans de France, supposée être l’héritière de la « mouvance frériste » est plutôt en perte de vitesse dans notre pays – si l’on considère le nombre d’associations qui sont affiliées.hFaire un don

D’un point de vue idéologique, la mouvance frériste porte-t-elle un islam « intégral » menaçant la République comme le souligne le rapport ?

F. F. : Il faut dissocier les Frères musulmans des origines de ce qu’ils sont devenus en France aujourd’hui. Lors de la création de la confrérie en 1928, Hassan Al-Banna, le fondateur, veut clairement « réislamiser » la société égyptienne de façon gradualiste. Au cœur du projet, il y avait la référence centrale à la charia, mais dans un contexte majoritairement musulman et aussi par réaction à la présence coloniale britannique aux côtés du roi Farouk. Depuis, la confrérie a essaimé dans l’ensemble du monde musulman et a donné naissance dans plusieurs sociétés à différentes formations politiques.

Au cours des années, ces formations ont dû tenir compte de l’histoire propre de chaque société et des systèmes politiques locaux. En Europe, des militants, principalement issus de la branche égyptienne de la confrérie ont essayé de repenser ce projet « intégraliste », répondant à tous les aspects de la vie quotidienne en tenant compte du contexte d’un islam minoritaire au sein de sociétés sécularisées de surcroît. Mais, progressivement, ils ont pris conscience que la centralité de la charia ou d’un État islamique n’était guère envisageable dans l’espace européen et ont adapté leur discours.

Ainsi, Saïd Ramadan a-t-il proposé de réinterpréter la notion de charia comme « justice sociale ». La tonalité politique des origines s’est diluée, a progressivement disparu de leur agenda européen. Aujourd’hui, en France, l’objectif est surtout cultuel : il s’agit de ramener les musulmans présents en Europe à une observance de plus en plus conservatrice de la religion et de ses principes. Proposer un encadrement pour les prières, développer des bribes d’enseignement ou d’éducation islamique, construire des écoles sous contrat, surtout après l’interdiction du voile dans l’école et dans les lycées publics.

Les héritiers de cette mouvance sont devenus des notables communautaires plus soucieux de conservatisme moral et social en rupture de ban avec les éléments les plus activistes de la société, notamment certains jeunes musulmans nés en Europe, plus mobilisés et résolument critiques envers les gouvernements en place.

Le rapport souligne que les Frères musulmans sont une confrérie secrète. La démarche de respectabilité ou d’institutionnalisation est soupçonnée d’être une stratégie de dissimulation. Le but final serait toujours d’instaurer un califat.

F. F. : Les rapporteurs évoquent un projet secret, mais finalement ils n’avancent aucun élément sérieux pour le démontrer. Ils ne font que leur prêter des intentions sans être en mesure de les raccorder à des faits ou à des comportements délictueux. La confrérie secrète des origines est-elle toujours opérationnelle ? En France, l’appartenance à la « mouvance » n’est plus subordonnée à une prestation de serment au guide. Il y a à la fois, d’un côté, le mythe de la confrérie et de son cercle restreint qui tirait les ficelles de l’histoire et, de l’autre, la réalité de terrain. Ce que j’ai pu observer, depuis des décennies, ce sont des acteurs communautaires qui communiquent beaucoup, y compris sur leurs propres désaccords – cela ne ressemble pas aux pratiques d’une confrérie secrète. L’idée d’un double agenda ne tient pas véritablement la route à mon sens.

Certains spécialistes cités par le rapport considèrent que « d’ici une dizaine d’années, certaines municipalités seront à la main d’islamistes, à l’image de la Belgique où au moins cinq communes de l’agglomération bruxelloise, comme Saint-Josse ou Molenbeek, composée d’une écrasante majorité d’habitants d’origine étrangère, présentent les caractéristiques de territoires confisqués où le contrôle social des islamistes sur la population apparaît presque complet ». Qu’en pensez-vous ?

F. F. : Le rapport passe d’une étude sur la mouvance « frériste » à des considérations sur l’« islamisme » en général, et à l’islamisme municipal plus particulièrement ! Plus largement, il y a un glissement entre, d’une part, la légitime prévention contre tout courant qui légitimerait le recours à la violence et, de l’autre, le fait qu’il y a, dans nos sociétés, des personnes de confession ou de culture musulmane engagées en politique qui auraient l’ambition de faire élire un maire susceptible de leur venir en aide dans des projets collectifs (équipements cultuels, soutien financier d’associations…). C’est une autre manière de suggérer l’existence de logiques clientélistes qui pourraient trouver à s’exprimer lors des prochaines municipales.

Concernant la France, des études en sciences sociales montrent que, dans certains quartiers populaires, des groupes musulmans actifs – qui n’étaient pas spécialement Frères musulmans et qui étaient plutôt, jusque-là, politiquement abstinents – ont approché des élus, lors d’échéances électorales, afin d’être leurs interlocuteurs dans le quartier, principalement en vue d’objectifs matériels de proximité, comme le fait d’acquérir ou de louer un bâtiment communal pour un usage associatif ou tout simplement pour dénoncer l’insalubrité chronique dans certains quartiers périphériques. On est loin de tout projet de subversion de la République et d’instauration d’une zone où la charia serait l’unique norme en vigueur. Ces électeurs de confession musulmane tentent tout simplement de se faire entendre des élus et de défendre leurs intérêts de citoyens engagés dans le vie des territoires. D’autres ont essayé de créer des « listes communautaires », dans lesquelles la référence à l’islam était très ambiguë, mais elles n’ont pas rencontré le succès escompté, l’abstention étant très forte dans ces quartiers.

J’ajoute que le rapport entretient également une certaine confusion entre la visibilité urbaine du fait musulman (liée au voile ou à d’autres signes d’appartenance religieux, écoles musulmanes, commerces de produits halals…) qui s’est clairement développée et d’autres phénomènes, tels que la radicalité violente, dont peuvent se faire échos certaines mouvances ou certains sites.

Concernant le sport ou l’éducation, le rapport décrit un réseau étendu lié à la mouvance frériste. Il donne des chiffres : en 2020, 127 associations sportives sont identifiées comme « ayant une relation avec une mouvance séparatiste », rassemblant plus de 65 000 adhérents, parmi lesquelles 29 structures apparaissaient fondées ou noyautées par des tenants de l’islam radical, majoritairement salafiste (18) et fréristes (5) rassemblant plus de 11 000 adhérents. Le rapport admet pourtant que ce « chiffre peut paraître modeste » au regard des 156 000 structures sportives et 16,5 millions de licenciés…

F. F. : Ces chiffres concernent une infime minorité d’associations. Or, le rapport raisonne comme si le phénomène se généralisait à l’ensemble des clubs sportifs. Par ailleurs, ces différentes structures associatives sont présentées comme liées dans un projet commun, global et cohérent. Je serais extrêmement prudent. Qu’il y ait des associations sportives dans lesquelles on met en avant le respect d’un certain nombre de normes, on va dire éthiques ou vestimentaires, c’est un fait. Mais dans la galaxie de satellites qui peut être associée au frérisme, les associations ne sont pas forcément liées entre elles par une espèce de pacte commun visant à renverser la République et à instaurer le califat. Ce « complot » n’est à aucun moment démontré de façon crédible et n’est pas attesté par les enquêtes de terrain.

Je rappelle, par ailleurs, que ces associations doivent respecter un cadre légala fortiori pour les écoles qui visent une contractualisation. On soumet donc ces organisations musulmanes à un régime du soupçon systématique, il vaudrait mieux les juger sur ce qu’elles font concrètement.

Pourquoi cibler la mouvance frériste alors que d’autres courants de l’islam politique sont ignorés dans le rapport ?

F. F. : Le rapport constate que la dynamique des Frères musulmans est affaiblie dans le monde musulman, mais il affirme qu’elle serait majeure en Europe. Or, en France, on observe plutôt un essoufflement de celle-ci qui est largement concurrencée par d’autres dynamiques, notamment le salafisme et certaines formes de littéralisme que le rapport se garde d’étudier. Ayons à l’esprit que l’État saoudien, qui a tout de même permis le développement du salafisme (après avoir accueilli, dans les années 1950, lesdits Frères musulmans) sont aujourd’hui à la pointe du combat anti-Frères, de même que les Émiratis. Il y a sans doute une dimension géopolitique en jeu dans le fait de cibler exclusivement les Frères musulmans et, accessoirement, la Turquie d’Erdogan, comme si d’autres sensibilités n’étaient pas plus problématiques aujourd’hui. Le jihadisme n’est pas non plus évoqué, alors qu’il devrait être une priorité pour les pouvoirs publics !

Il y a beaucoup de choses à reprocher aux Frères musulmans. En Égypte historiquement et en Palestine, ils ont pu avoir recours à l’action violente. Mais de là à considérer que ce qui se passe aujourd’hui en France serait la préfiguration que ce qui s’est passé dans le Moyen-Orient… Il faut savoir raison garder et hiérarchiser les problèmes.

Quelles seront les conséquences de ce rapport ?

F. F. : Il a déjà des effets politiques, avec de nombreux commentaires de tous bords et une agitation médiatique immédiate. Le chef de l’État, débordé par le ministre de l’intérieur, tente de reprendre la main en demandant au gouvernement de faire des propositions d’ici au mois de juin. Il y a clairement un plan de Bruno Retailleau qui se positionne pour la présidentielle de 2027. Certains ténors réclament des interdictions d’associations.

Je rappelle l’importance de rester dans le cadre du droit et de la loi, et de ne pas glisser vers une logique d’arbitraire ou d’exception. J’observe qu’une des conclusions du rapport pointe que les outils du droit commun ne semblent pas adaptés à la « menace frériste ». Que faut-il entendre ? Doit-on à nouveau s’attendre à une nouvelle loi qui, après la lutte contre le séparatisme, ciblerait cette fois « l’entrisme frériste » ? Ne sommes-nous pas en droit de nous demander si la lutte contre le frérisme n’est pas un prétexte de plus pour suggérer que les musulmans pieux de ce pays devraient se voir imposer un régime de discrétion dans l’espace public ?


Propos recueillis par David Bornstein.

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Caroline Nourry
Directrice générale The Conversation France

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Le tabou de l’Islamophobie masque la banalisation des actes anti musulmans https://mondafrique.com/societe/le-tabou-de-lislamophobie-masque-la-banalisation-des-actes-anti-musulmans/ https://mondafrique.com/societe/le-tabou-de-lislamophobie-masque-la-banalisation-des-actes-anti-musulmans/#respond Mon, 19 May 2025 11:28:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=133944 L’assassinat d’un fidèle en pleine prière, le 25 avril 2025, dans la mosquée Khadidja de La Grand-Combe (Gard), a suscité des réactions politiques dissonantes. Tandis que le premier ministre dénonçait une « ignominie islamophobe », d’autres membres du gouvernement – dont le ministre de l’intérieur, critiqué pour sa réaction tardive – ont refusé cette qualification. La controverse sur les mots […]

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L’assassinat d’un fidèle en pleine prière, le 25 avril 2025, dans la mosquée Khadidja de La Grand-Combe (Gard), a suscité des réactions politiques dissonantes. Tandis que le premier ministre dénonçait une « ignominie islamophobe », d’autres membres du gouvernement – dont le ministre de l’intérieur, critiqué pour sa réaction tardive – ont refusé cette qualification. La controverse sur les mots met en lumière un enjeu plus profond : pourquoi les violences visant des musulmans peinent-elles à être reconnues ?

Un article du site « The Conversation »


Le meurtre d’un fidèle en prière dans une mosquée ne relève pas seulement d’un fait divers tragique : il interroge les modalités de reconnaissance des violences visant des individus en raison de leur appartenance religieuse. En principe, de tels actes appellent une mobilisation équivalente de l’État, quelle que soit la communauté visée. Dans les faits, les réactions à l’attentat de La Grand-Combe (Gard) ont révélé un traitement différencié, marqué par une précaution terminologique et une implication politique inégale.

Le rapport parlementaire de mars 2025 s’appuyant sur la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’intérieur, rappelle que les actes antimusulmans souffrent d’une sous-déclaration massive, liée à la banalisation des faits, à la méfiance envers les institutions et à l’absence de qualification systématique du mobile discriminatoire. Ce traitement statistique contribue à minimiser l’ampleur réelle du phénomène, limitant ainsi les réactions politiques et médiatiques proportionnées.

Cette approche reflète une asymétrie de visibilité entre les violences antimusulmanes et d’autres formes de discriminations, telles que l’antisémitisme, qui bénéficient d’un suivi institutionnel plus soutenu et d’une reconnaissance publique accrue comme le relève un rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale.

La difficulté à qualifier les discriminations religieuses, notamment envers les musulmans, renforce une forme d’invisibilité structurelle que des chercheurs pointent par ailleurs dans leurs travaux. L’islam en France est perçu à travers le prisme de la sécurité et de la méfiance, ce qui contribue à renforcer cette marginalisation. Il est d’ailleurs rappelé que les responsables de l’Institut musulman de la Grande Mosquée de Paris avaient exprimé leur inquiétude face aux manifestations exclusivement consacrées à l’antisémitisme, estimant qu’elles reléguaient au second plan les actes antimusulmans, pourtant en expansion en France.

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Le rapport parlementaire, mentionné plus haut, invite l’État à mettre en place une stratégie plus active pour faciliter le signalement des contenus illicites en ligne. En ce qui concerne l’islamophobie, ce travail repose majoritairement sur les associations, un engagement qui devrait s’intensifier avec la mise en place des « signaleurs de confiance » à savoir des « organisations reconnues pour leur expertise dans la détection, l’identification et la notification de contenus illicites » désignées par l’Arcom.

Renforcer les dispositifs existants – par exemple, en s’appuyant sur le défenseur des droits ou la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) – permettrait de lutter de manière plus efficace contre les incitations à la haine.

Nommer les actes de haine : pourquoi les mots comptent

La qualification des violences dirigées contre des personnes musulmanes demeure institutionnellement fluctuante. Par souci affiché de neutralité, les autorités françaises recourent aux expressions « haine antimusulmans » ou « actes antireligieux », tandis que le terme « islamophobie », qui désigne une hostilité envers l’islam et les musulmans, selon le dictionnaire Larousse, est l’objet de polémiques, certains considérant que son usage traduit une volonté d’empêcher les critiques relatives à l’islam, portant, par là même, atteinte à la liberté d’expression.

Cette prudence lexicale, relevée par le rapport parlementaire de mars 2025, produit plusieurs effets paradoxaux : elle singularise les faits, dissimule leur ancrage structurel et affaiblit la lisibilité publique des atteintes. Ainsi, une agression verbale dans les transports, des inscriptions hostiles sur un lieu de culte ou un refus d’embauche sont appréhendés comme des épisodes indépendants, alors qu’ils participent d’un même continuum discriminatoire.

Selon Kamel Kabtane, recteur de la Grande Mosquée de Lyon, « le fait que certains politiques refusent d’employer ce mot est une façon de nier la souffrance des musulmans et une partie de la réalité de ce qu’ils vivent ».

Jusqu’à sa dissolution en 2020, le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) répondait en partie à cette invisibilisation : il recensait les agressions, accompagnait les victimes et publiait des rapports annuels détaillés. Le décret du 2 décembre 2020 a prononcé sa dissolution, lui reprochant des déclarations accusant l’État de cibler les musulmans et des proximités avec un islamisme radical, jugées susceptibles d’alimenter la discrimination, la haine ou la violence.

Le vide ainsi créé est aujourd’hui partiellement comblé par l’Association de défense contre les discriminations et les actes antimusulmans (Addam), issue du Forum de l’islam de France (Forif). Mais, faute de ressources stables, l’association peine toutefois à couvrir l’ensemble du territoire. Son projet de plateforme numérique de signalement, annoncé pour mai 2025, vise à centraliser les données et à fournir des indicateurs fiables aux décideurs publics.

L’objectif affiché : combler la sous-déclaration des faits, apporter des données aux législateurs et des solutions. Ces revendications traduisent une demande explicite de visibilité portée par une partie des citoyens de confession musulmane, qui aspirent à voir les atteintes dont ils sont l’objet traitées avec la même rigueur que celles visant d’autres communautés.

Le Conseil de l’Europe et le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme recommandent des politiques intégrées contre le racisme antimusulman : formation des agents publics, observation indépendante et reconnaissance explicite de la spécificité de ces violences.

En France, le Forif n’a pas encore chiffré les besoins humains et financiers requis pour atteindre ces standards. Une feuille de route dotée de moyens pérennes permettrait de consolider le maillage associatif, d’assurer une couverture territoriale complète et de produire des statistiques robustes, conditions d’un pilotage fondé sur l’évidence.

Il est toutefois à noter que, dans sa version publiée en 2023, le Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine ne comporte pas, à ce stade, de référence explicite aux actes antimusulmans ni aux travaux académiques qui les analysent, inscrivant de facto cette problématique dans la catégorie plus large des discriminations « liées à l’origine ».

Cette absence nourrit le constat de déficit de reconnaissance évoqué plus haut et renforce, selon le rapport parlementaire, la nécessité de créer un observatoire indépendant spécifiquement voué à la haine antimusulmane.

Ce que la recherche éclaire : pistes pour une reconnaissance effective

Depuis plusieurs décennies, les sciences sociales s’attachent à décrypter les mécanismes d’invisibilisation et de marginalisation de certains groupes minoritaires, parmi lesquels les personnes musulmanes.

Ces recherches montrent que l’absence de catégories explicites pour désigner les violences qui les ciblent empêche de mesurer l’ampleur réelle du phénomène. Cette logique repose sur un pouvoir symbolique exercé par la capacité à nommer, classifier et structurer le débat public (Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, 1979). L’absence de désignation claire des violences antimusulmanes dans les discours politiques et juridiques contribue à leur dilution dans des catégories larges telles que la « haine antimusulmans » ou les « actes antireligieux », rendant complexe une lecture cohérente de leur occurrence.

L’effacement de ces faits sociaux ne s’opère donc pas seulement au niveau statistique, mais également dans les représentations collectives.

L’histoire récente montre que le sexisme, l’homophobie et l’antisémitisme n’ont pu être pris en compte de manière efficace qu’après avoir été identifiés, définis et intégrés dans les discours politiques et juridiques. Le refus de nommer explicitement les violences antimusulmanes limite cette structuration symbolique et sociale, freinant les capacités de mobilisation et d’action publique.

Dans ce contexte, l’islamophobie peut être analysée comme un processus de racialisation spécifique. Loin de se réduire à une hostilité religieuse, les discriminations à l’encontre des personnes musulmanes s’inscrivent dans une dynamique plus large, où des marqueurs culturels et physiques sont perçus comme des éléments distinctifs. L’usage du terme « islamophobie » se justifie alors par sa capacité à désigner non seulement un rejet des pratiques religieuses, mais surtout une stigmatisation sociale fondée sur des caractéristiques perçues, qu’elles soient culturelles, ethniques ou religieuses. En ce sens, le terme « islamophobie » répond à une nécessité analytique, celle de saisir les mécanismes systémiques qui produisent l’exclusion.

Toutefois, cette reconnaissance ne doit en aucun cas dériver vers une forme de censure du débat public, ni tracer des frontières artificielles entre ce qui serait considéré comme « convenable » ou « inconvenable ».

L’objectif n’est pas de restreindre l’expression critique, mais de structurer le débat public autour de termes appropriés permettant de rendre compte des réalités sociales sans masquer les discriminations spécifiques. Il s’agit ici de redéfinir le cadre discursif par l’analyse scientifique, afin de désigner avec précision les actes de violence et de stigmatisation, tout en préservant l’espace nécessaire à une approche critique et raisonnée du fait religieux.

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Nord Mali, l’éducation sacrifiée sur l’autel de l’insécurité https://mondafrique.com/societe/nord-du-mali-leducation-sacrifiee-sur-lautel-de-linsecurite/ Thu, 15 May 2025 06:19:12 +0000 https://mondafrique.com/?p=133607 Marginalisée historiquement, négligée par l’État, puis balayée par les vagues successives d’insécurité, l’école n’a jamais pu s’y enraciner durablement au Nord du Mali. Ce déficit éducatif, loin d’être un simple indicateur social, est devenu un facteur central d’instabilité. Ce lien entre la déscolarisation, la précarité et l’instabilité régionale est au cœur des dynamiques actuelles. L’histoire […]

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Marginalisée historiquement, négligée par l’État, puis balayée par les vagues successives d’insécurité, l’école n’a jamais pu s’y enraciner durablement au Nord du Mali. Ce déficit éducatif, loin d’être un simple indicateur social, est devenu un facteur central d’instabilité. Ce lien entre la déscolarisation, la précarité et l’instabilité régionale est au cœur des dynamiques actuelles. L’histoire de l’association Tazunt et le basculement du nord dans la violence post-2021, illustrent deux facettes complémentaires de cette tragédie silencieuse.

Rania HADJER

La scolarisation en Azawad, au Nord du Mali, a toujours été en retard par rapport au reste du pays. Alors que la première école du Soudan français, l’actuel Mali, ouvre ses portes à Kayes en 1848, il faudra attendre un siècle, en 1948, pour voir la première école apparaître dans la région de Tombouctou. À l’indépendance en 1960, le nombre d’écoles dans toute la vaste région nordique ne dépasse pas la dizaine.

Dès cette époque, la scolarisation se heurte à de multiples obstacles : le mode de vie nomade historique complique la scolarisation sur le long terme, mais surtout, certaines autorités religieuses locales qui freinent l’envoi des enfants dans les rares écoles existantes, préférant leur imposer une éducation religieuse stricte.

Une marginalisation éducative

« Durant la colonisation française, les communautés locales étaient réfractaires à l’envoi de leurs enfants dans les écoles françaises, par crainte légitime d’une acculturation. Cette méfiance a perduré même après l’indépendance, en raison d’un profond scepticisme vis-à-vis de l’État malien. Il existait une inquiétude persistante : celle de voir la culture locale éclipsée par celle du sud du pays », explique Salah Mohamed Ahmed, chargé de l’éducation au Front de Libération de l’Azawad (FLA).

Mais cette résistance locale n’est pas seule en cause. L’abandon structurel par le jeune État malien, particulièrement dans la région de Kidal, contribue à entretenir un profond sentiment de marginalisation. La rébellion touarègue de 1963, sévèrement réprimée, trouve en partie ses racines dans cette négligence originelle. L’absence d’investissement dans l’éducation n’a jamais été totalement corrigée.

 « Ce n’est qu’à partir des années 1990, après la deuxième rébellion et le Pacte de Tamanrasset, que les communautés locales ont commencé à s’ouvrir à l’éducation formelle, notamment grâce à l’intégration des combattants dans l’armée et l’administration, et à la décentralisation qui a permis l’élection de maires issus de ces communautés. Elles ont compris que, pour accéder à des postes à responsabilité et envisager des carrières prometteuses, l’obtention d’un diplôme était indispensable », explique Mohamed Ahmed Salah. « L’intégration de 1996 a renforcé cet élan : des logements ont été aménagés pour les élèves venus de hameaux isolés, et l’exemple des combattants exilés en Libye, comme ceux du camp éducatif Inetilen fondé à Tripoli en 1987, a servi de modèle. »

L’État malien absent

Malgré la relative accalmie entre 1997 et 2006, qui permet la construction de quelques écoles supplémentaires par des associations locales avec l’aide d’ONG, l’implication de l’État reste minimale : peu d’enseignants envoyés, peu de moyens attribués. Le premier lycée de Kidal n’ouvre ses portes qu’en 1996. Jusqu’à aujourd’hui, les régions de Kidal, Gao et Tombouctou ne comptent chacune qu’un seul lycée et un collège par cercle.

Avant 2012, la région de Kidal comptait à peine une dizaine d’écoles réparties sur tout le territoire : un seul lycée, quelques écoles primaires et quasiment aucune structure dans les zones rurales comme Abeibara. Douze ans plus tard, malgré les efforts communautaires, la majorité des nouvelles structures éducatives sont précaires, autogérées et concentrées dans les grands centres comme Kidal, Aguelhoc ou Tessalit. Les écoles privées ou communautaires ont en partie comblé le vide laissé par l’État, mais elles restent largement insuffisantes pour répondre aux besoins d’une population jeune et croissante.

« Après 2012, avec la prise de Kidal par le MNLA, puis les accords de paix de 2015, les enseignants originaires du sud du pays ont refusé de venir enseigner dans le Nord. L’explication officielle avancée est d’ordre sécuritaire. Mais en réalité, beaucoup d’enseignants refusent d’exercer dans une région qui échappe au contrôle effectif de l’État central. Certes, l’État a construit quelques écoles et envoyé des fournitures scolaires, mais que faire de salles de classe et de matériel sans enseignants ? », déplore le chargé de l’éducation.

Quant aux universités, elles sont totalement absentes du Nord. L’accès aux études supérieures est un véritable parcours du combattant. Étudier à Bamako, à 1600 kilomètres de son village, implique non seulement des capacités académiques, mais surtout des ressources financières, familiales et logistiques dont très peu disposent. Ce contexte pousse certains jeunes à tenter leur chance à l’étranger, là où l’accueil étudiant est parfois plus accessible.

Mais depuis une décennie, ce retard historique s’est transformé en véritable désastre éducatif, sous l’effet cumulé de l’insécurité, des déplacements forcés, de la fermeture des écoles et du retrait progressif de l’État.

L’association Tazunt , entre deux mondes

Face à cette situation dramatique, l’association Tazunt, qui signifie “partage” en tamasheq, voit officiellement le jour en 2020, fruit d’un échange sur Messenger entre Emmanuelle Dufossez, enseignante française, et Bakrene Ag Sidi Mohamed, officier adjoint à la division des affaires civiles de la MINUSMA. L’histoire commence en 2018 lorsqu’un appel de détresse lancé par Bakrene “Aidez-nous à scolariser les enfants du nord du Mali” trouve un écho immédiat auprès d’Emmanuelle.

Au fil de leurs échanges, elle découvre alors l’étendue des dégâts : une seule école d’État, un seul enseignant, Issouf, pour toute la région, et un taux de déscolarisation alarmant en raison de l’insécurité permanente et le manque de moyens.

« L’État est absent depuis 2012. S’il n’est pas présent militairement ou administrativement, il refuse d’envisager un quelconque développement. Chez nous, l’éducation a deux ennemis : un État démissionnaire et le terrorisme », déplore Bakrene. « Maintenir ces communautés dans l’ignorance sert les intérêts des deux camps. »

Screenshot

Bédacieux (Hérault)/Tessalit (Kidal)

Sous l’impulsion du duo, une première initiative voit le jour : créer un lien entre les enfants de Tessalit, dans la région de Kidal, et ceux du collège de Bédarieux, dans l’Hérault. L’objectif est simple mais ambitieux : convaincre les familles d’envoyer les enfants de Tessalit à l’école et lutter contre le désintérêt scolaire à Bédarieux.

Quelques jours plus tard, « un mardi à midi », une classe d’une trentaine d’élèves de Bédarieux se connecte via Skype. De l’autre côté de l’écran, au camp de la MINUSMA, Bakrene accueille une dizaine d’enfants de Tessalit, en présence d’Issouf, l’unique instituteur officiel de la région.

Ce rendez-vous hebdomadaire devient un moment précieusement attendu de part et d’autres. « Il y’a eu des moments difficiles. Comme le jour où les enfants de Tessalit n’ont pas pu rejoindre le camp de la MINUSMA à cause d’une bombe qui a explosée. », se souviens Emmanuelle.Grâce à ces visioconférences, des échanges pédagogiques communs s’organisent : discussions, études de cas, réflexion autour de l’accès à l’eau, ou encore travail sur les droits de l’enfant. Ce lien inédit donne un nouveau souffle aux enfants de Tessalit, à travers des moments d’apprentissage mais aussi d’évasion.« Une chose m’a frappée après coup : contrairement aux idées reçues, il y’avait autant de filles que de garçons qui participaient à ces programmes. », témoigne l’enseignante.« Les filles étaient même plus enthousiastes que les garçons. Notre projet a eu un impact très positif sur l’éducation des filles. », ajoute Bakrene.

Parmi les souvenirs marquants, Emmanuelle raconte ce moment bouleversant : « La petite Mbarka a dit qu’elle aimait beaucoup lire. Une élève de ma classe lui a demandé quel livre elle lisait en ce moment. Mbarka est restée silencieuse. C’est Bakrene qui a pris la parole pour expliquer que la bibliothèque de Tessalit avait été incendiée en 2015, et que depuis, il était très compliqué de se procurer des livres. Mes élèves ont alors proposé d’organiser une collecte. On avait comme futur projet de recréer la bibliothèque de Tessalit. Malheureusement, ce projet n’a jamais pu voir le jour après les coups d’Etat. »

Les actions de Tazunt dépassent les écrans. L’association contribue également à des projets concrets : forages à grand diamètre sécurisés, construction de salles de classe, distribution de semences reproductibles, formation aux premiers secours, envoi de fournitures scolaires et distribution de manuels.

L’engagement personnel d’Emmanuelle et Bakrene permet aussi à de jeunes talents d’émerger. C’est le cas de Sidi Mohamed, originaire d’Aguelhok, qui, grâce à leur soutien, participe à un concours d’éloquence organisé à Bamako par le réseau 2R3S. Coaché à distance par Emmanuelle, il déclame un texte émouvant sur les droits de l’enfant. Après le concours, la lecture de Sidi Mohamed accompagnera un montage réalisé par une élève de Bédarieux, à partir de photos et vidéos d’enfants de Tessalit et Intescheq.

Les retombées du coup d’État

Hélas, la situation politique au Mali rattrape les espoirs nés de cette belle aventure. Après les coups d’État de 2020 et 2021, le retrait de la MINUSMA, puis l’interdiction faite aux ONG étrangères de travailler sans contrôle strict, l’association Tazunt est contrainte de cesser ses activités sur le territoire malien. Un courrier de la junte au pouvoir interdit explicitement toute collaboration, arguant que Tazunt n’était pas suffisamment “malienne” dans ses actions. Peu après, une interdiction formelle est signifiée.

« Ce qui me peine le plus, c’est que beaucoup d’enfants qui avaient recommencé à aimer l’école l’ont quittée de nouveau. Surtout les filles. Certaines avaient pourtant tout pour devenir des cadres et apporter un plus à leur région », regrette Bakrene. « Depuis la reprise des conflits dans le nord, plusieurs écoles sont maintenant utilisées comme base pour les militaires des Forces Armées Maliennes ».

Aujourd’hui, alors que Bakrene vit exilé dans une ville frontalière algérienne, et qu’Emmanuelle continue de porter la voix de ces enfants oubliés, Tazunt reste le symbole d’un espoir brisé mais aussi d’une solidarité que ni les frontières ni les conflits ne parviennent totalement à étouffer.

Une jeunesse livrée à la dérive

Depuis la rupture de l’Accord d’Alger et le retrait des forces internationales, le nord du Mali est redevenu une zone de guerre. Les opérations militaires menées par les FAMA, appuyées par le groupe Wagner, provoquent des pertes civiles massives. Les bombardements ont détruit des infrastructures vitales : habitations, écoles, centres de santé, forages.

La pauvreté, l’absence d’encadrement et le manque de perspectives créent un terreau propice à l’endoctrinement. Les groupes armés exploitent ce désespoir, offrant statut, revenu et appartenance en échange de l’engagement. Dans cette spirale, l’éducation, loin d’être un rempart, devient une victime collatérale et une cause indirecte de la radicalisation.

Les villes frontalières algériennes, où affluent les réfugiés, ne disposent d’aucune stratégie d’intégration ou de scolarisation. Faute de prise en charge, les enfants et adolescents rejoignent la contrebande, l’orpaillage illégal ou les réseaux criminels. Ce basculement démographique et social constitue désormais une bombe à retardement pour toute la région.

La situation éducative au Nord du Mali dépasse de loin la simple question d’accès à l’école. Elle révèle un enchevêtrement complexe entre marginalisation historique, instabilité politique, stratégies militaires brutales et pauvreté structurelle. Loin d’être secondaire, l’éducation est au cœur des enjeux de stabilité, de paix et de développement.

Tant que l’éducation sera négligée dans les stratégies étatiques et internationales, la jeunesse azawadienne restera otages d’un cycle de violence dont elle est pourtant la première victime.

 

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L’art moderne africain conquiert New York du 8 au 11 mai https://mondafrique.com/loisirs-culture/lart-moderne-africain-conquiert-new-york-du-8-au-11-mai/ Wed, 07 May 2025 22:21:45 +0000 https://mondafrique.com/?p=132982 Née à Marrakech puis à Londres, la foire internationale « 1-54 Art Fair »continue de promouvoir l’art moderne africain du 8 au 11 mai à New York. Un bel hommage à la créativité du continent autant qu’un pied de nez à ceux qui dans l’Amérique de Trump veulent effacer l’histoire. Avec le joli mois de mai débute […]

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Née à Marrakech puis à Londres, la foire internationale « 1-54 Art Fair »continue de promouvoir l’art moderne africain du 8 au 11 mai à New York. Un bel hommage à la créativité du continent autant qu’un pied de nez à ceux qui dans l’Amérique de Trump veulent effacer l’histoire.

Avec le joli mois de mai débute à New York la saison des salons d’art et autres événements culturels que lance chaque année avec faste le gala du Metropolitan Museum of Art, véritable défilé de mode et de glamour scruté par les paparazzis et les fashionistas de toute la planète.

Dans cette cour artistique américaine si prisée, l’art moderne africain a su trouver un siège de choix depuis maintenant 10 ans. Un trône même, occupé avec emphase par la « 1-54 Art Fair », cette foire qui ouvre ses portes du 8 au 11 mai en plein cœur de l’île de Manhattan.

Touria El Glaoui, la bonne fée

Né à Londres en 2013 de la vision de sa curatrice Touria El Glaoui, fille du peintre marocain Hassan El Glaoui, 1-54 affiche un nom qui sonne comme une utopie : représenter et unir les 54 pays du continent. Ce doux rêve est porté par une ambition aussi réelle qu’en partie assouvie. Rapidement devenue une référence, au point d’inspirer une concurrence en France avec Also Known as Africa (AKAA), l’étape londonienne s’est rapidement doublée en 2015 d’une destination arrivée, dans le temple de l’art que constitue New York City avant de tripler son édition en 2018 en ouvrant également un salon à Marrakech.

Une triangulation qui a fait la première et la plus importante des foires d’art moderne africain, dont la sélection est chaque année mise en avant  par le fort distingué New York Times, le très professionnel Artsy, le si bien informé Observer, ou le très sérieux Financial Times

Le Congo sort du coeur des ténèbres

Pour cette édition 2025, 30 galeries et 70 artistes venus de 17 pays ont été patiemment sélectionnés pour occuper les 30 000 m2 d’exposition et donner à voir ce que l’Afrique et ses diasporas offrent à l’art moderne de la planète. Les premières toiles de la galerie bahaméenne Tern ou de Kub’Art, venues de République démocratique du Congo, sont très attendues, comme un concentré du regard porté pat cet 2tat à la taille d’un continent sur l’actualité internationale.

En proie à la guerre, pillé pour ses ressources, portant encore les stigmates de la colonisation, et aux racines de toutes les révolutions industrielles et technologiques (caoutchouc, uranium, cuivre, coltan), l’ancien Zaïre produit également des artistes enragées. Les plasticiennes Prisca La Furie et Rachel Malaika entendent bien pousser un cri singulier lors des 4 jours d’exposition. Un écho au mouvement de révolte que fait doucement vibrer 1-54.

Dans une Amérique dont le président Trump entend réécrire l’histoire, en particulier celle des Noirs américains, la thématique choisie cette année a un écho particulier avec une mise en valeur des Caraïbes, passage quasi obligé des victimes de la traite des Noirs, cette tragédie qui fut à l’origine du formidable essor des Etats Unis mais aussi de ses blessures les plus enfouies.

L’Art est aussi Résistance.

 

 

 

 

 

 

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Notre portrait d’un jeune sénégalais engagé, Abass Mbathie https://mondafrique.com/societe/notre-portrait-dun-senegalais-engage-abass-mbathie/ Mon, 24 Mar 2025 06:40:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=130289 Le Sénégal peut être fier met d’Abass Mbaye, un pur produit de l’Université Alioune Diop de Bambey, qui a brillamment représenté l’Afrique au Prix International de la Liberté, organisé par l’Institut International des Droits de l’Homme et la Région Normandie. Le Prix Liberté invite les jeunes de 15 à 25 ans en France et dans […]

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Le Sénégal peut être fier met d’Abass Mbaye, un pur produit de l’Université Alioune Diop de Bambey, qui a brillamment représenté l’Afrique au Prix International de la Liberté, organisé par l’Institut International des Droits de l’Homme et la Région Normandie.

Le Prix Liberté invite les jeunes de 15 à 25 ans en France et dans le monde entier, à désigner chaque année une personne ou une organisation engagée dans un combat exemplaire en faveur de la liberté.

Parmi 600 candidatures venues du monde entier, Abass a été l’un des trois Africains sélectionnés pour siéger au jury, aux côtés de jeunes issus des quatre continents. Sa mission ? Déterminer les combats les plus impactants pour la liberté et les droits humains. Une responsabilité lourde, mais qu’il a portée avec engagement, passion et détermination.

À 25 ans, Abass Mbathie incarne une jeunesse africaine consciente et résolument tournée vers l’action. Humanitaire, entrepreneur social et militant écologiste, ce jeune Sénégalais refuse la fatalité et multiplie les initiatives pour une Afrique plus juste, solidaire et durable.

Un portrait signé par Rania Hadjer.
 
Prix Liberté 
 
 

Prix Libe

Voici le lien ci dessus pour ceux qui souhaitent concourir à la prochaine remise de prix en juin

Titulaire d’un master en gouvernance territoriale et développement durable, Abass Mbathie est avant tout un acteur de terrain. « J’ai grandi en observant des injustices autour de moi. Le fossé entre les riches et les pauvres en Afrique me révolte particulièrement. » confie-t-il.

Son engagement dans l’humanitaire débute en 2018, lorsqu’il parcourt les 14 régions du Sénégal pour identifier les besoins les plus urgents. Il découvre alors des réalités insoutenables : des enfants déscolarisés faute de moyens, des villages privés d’eau potable, des personnes en situation de handicap sans assistance.

« L’accès à l’éducation ne devrait pas être un privilège, tout comme l’accès à l’eau et à la santé. Pourtant, dans nos pays, ce sont encore des batailles à mener ».

Face à ces inégalités, il crée la Fondation Abass National grâce à laquelle, des centaines d’enfants reçoivent chaque année des fournitures scolaires et des bourses, des puits sont creusés, et des fauteuils roulants sont distribués aux plus démunis.

Mais Abass Mbathie ne se limite pas à l’humanitaire. Soucieux d’apporter des solutions durables, il crée Récolte Numérique Solidaire, une entreprise sociale qui lutte contre le gaspillage alimentaire en utilisant la technologie. « Nous avons un paradoxe insoutenable : des tonnes de nourriture gaspillées alors que des millions de personnes souffrent de malnutrition », souligne-t-il.

En tant qu’ambassadeur du Sénégal pour Afrifoodlinks, un programme dédié aux systèmes alimentaires durables, il milite pour une agriculture adaptée aux réalités africaines. « Le changement climatique accentue chaque année l’insécurité alimentaire. Mon rôle est de promouvoir et de plaider en faveur de systèmes alimentaires durables qui répondent aux spécificités du continent africain ».

Militant écologiste convaincu, il voit également dans la crise climatique une nouvelle forme d’injustice. « Ceux qui souffrent le plus du réchauffement climatique sont ceux qui y contribuent le moins », rappelle-t-il.

Un combat pour la liberté et les droits humains

Cette détermination à lutter contre les injustices dépasse les frontières du Sénégal. Membre du jury du Prix Liberté 2025, Abass Mbathie participe à une initiative mondiale qui récompense chaque année une personne ou une organisation engagée pour la paix et les droits humains.

Créé et porté par la Région Normandie, en partenariat avec l’Institut International des Droits de l’Homme et de la Paix, les Autorités Académiques et le réseau Canopé, le Prix Liberté est un dispositif pédagogique de sensibilisation à la liberté, à la paix et aux droits humains, ancré dans les valeurs portées par le Débarquement du 6 juin 1944.

Il invite les jeunes de 15 à 25 ans, en France et dans le monde, à désigner une figure emblématique du combat pour la liberté. La singularité de ce prix est qu’il implique la jeunesse à chaque étape, des propositions de candidats à la sélection du lauréat.

« À chaque violation des libertés fondamentales et des droits humains quelque part dans le monde, c’est notre humanité à tous qui est menacée. Être sélectionné pour faire partie de ce jury a une forte symbolique pour moi. C’est une opportunité précieuse de promouvoir la justice et d’inspirer d’autres jeunes à s’engager. », témoigne Abass.

L’Afrique, continent d’opportunités

Mais au-delà de ses actions, Abass Mbathie veut surtout inspirer une prise de conscience collective.

« Pour moi, chaque jeune adulte a un devoir envers sa communauté et doit se poser la question : “Que puis-je faire à mon échelle pour apporter un changement positif ?” Même un geste simple peut avoir un impact. C’est seulement dans cet effort collectif que nous pourrons réellement changer les choses.»

Pour Abass, l’Afrique ne doit pas être réduite aux défis qu’elle affronte. Son regard porte bien au-delà des crises et des difficultés : il voit en ce continent une terre d’opportunités, riche d’une jeunesse dynamique et inventive.

« L’Afrique est un continent jeune et riche. Trop souvent, on la perçoit à tort comme une terre de problèmes, alors qu’elle regorge de solutions et de potentiel. Les crises politiques, sécuritaires et sociales, aussi dévastatrices soient-elles, ont forgé une incroyable capacité de résilience, notamment chez les jeunes. Ils débordent de ressources, ils savent transformer les épreuves en opportunités. Nous avons de nombreux défis à relever, mais surtout, nous avons les moyens d’y faire face. Pour cela, il faut une volonté commune, une vision partagée. Il est impératif que les pays africains travaillent ensemble, main dans la main, pour bâtir des solutions régionales et continentales. Nous devons mutualiser nos forces. »

Mais pour qu’un véritable essor ait lieu, il est essentiel, selon lui, de miser sur la jeunesse et, plus particulièrement, sur l’autonomisation des femmes.

« Si nous voulons voir l’Afrique prospérer, il faut investir massivement dans l’autonomisation économique des jeunes, mais surtout, dans l’éducation et l’émancipation économique des femmes. Sans cela, nous n’y arriverons pas. »

Une autre condition essentielle pour l’avenir du continent repose sur un modèle de gouvernance plus proche des citoyens, axé sur la participation et la transparence.

« L’avenir de l’Afrique ne pourra s’écrire qu’avec une gouvernance transparente, inclusive et responsable. Trop souvent, les décisions sont déconnectées des réalités du terrain. Il faut replacer les citoyens au cœur des politiques publiques, répondre à leurs besoins concrets, en toute transparence. »

Malgré les difficultés, Abass Mbathie reste optimiste. Pour lui, un mouvement est en marche, porté par une nouvelle génération prête à s’engager pour transformer l’Afrique et, plus largement, le monde.

« Ce qui me donne espoir, c’est l’émergence d’une génération de jeunes leaders dans tous les domaines. On assiste à une prise de conscience grandissante des enjeux sociaux, environnementaux et économiques. De plus en plus de jeunes s’engagent pour le développement durable, pour des causes qui dépassent leur propre quotidien. C’est une dynamique forte, qui redonne espoir, non seulement pour l’Afrique, mais pour le monde entier. »

Loin des discours fatalistes, Abass Mbathie incarne cette jeunesse africaine qui croit en l’avenir et déterminée à ne plus être spectatrice de son destin, mais à le construire. Un avenir où l’injustice ne serait plus une fatalité, mais un combat à mener. Et surtout, à gagner.

 

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« Líbano: a flor do mundo »: la version brésilienne de « Je rève d’un Liban » https://mondafrique.com/loisirs-culture/la-version-bresilienne-de-je-reve-dun-liban/ Tue, 18 Mar 2025 17:52:59 +0000 https://mondafrique.com/?p=129928 En hommage à la désormais légendaire résilience libanaise, des artistes brésiliens transforment Je rêve d’un Liban de Wissam Tabet en Líbano: a flor do mundo, version brésilienne vibrante. Un projet musical solidaire qui célèbre l’identité et fait renaître l’espoir au-delà des frontières. Belinda Ibrahim, d’Ici Beyrouth Dans l’histoire des relations culturelles internationales, certaines connexions transcendent les distances géographiques. […]

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En hommage à la désormais légendaire résilience libanaise, des artistes brésiliens transforment Je rêve d’un Liban de Wissam Tabet en Líbano: a flor do mundo, version brésilienne vibrante. Un projet musical solidaire qui célèbre l’identité et fait renaître l’espoir au-delà des frontières.

Belinda Ibrahim, d’Ici Beyrouth

Dans l’histoire des relations culturelles internationales, certaines connexions transcendent les distances géographiques. Celle qui unit le Liban et le Brésil est de celles-là, profonde et façonnée par des décennies de migrations et d’échanges. Avec plus de huit millions de citoyens d’origine libanaise, le Brésil abrite l’une des plus importantes diasporas libanaises au monde. Cette présence massive a tissé des liens indéfectibles entre les deux nations, créant un pont invisible mais puissant par-dessus l’Atlantique.

C’est sur ce terrain fertile qu’est née une initiative musicale singulière. La chanson Je rêve d’un Liban, composée par Wissam Tabet après la catastrophique explosion au port de Beyrouth en 2020, a trouvé un écho inattendu au Brésil. Ce chant, initialement créé avec des élèves du Collège des Saints-Cœurs Sioufi, captait l’âme d’une jeunesse libanaise assoiffée d’indépendance et de renouveau. Aujourd’hui, il renaît sous le titre Líbano: a flor do mundo (Liban : la fleur du monde), porté par les voix et les instruments de musiciens brésiliens renommés.

Miguel Mahfoud est l’architecte de cette métamorphose musicale. Sensible au destin du pays du Cèdre, il a orchestré une collaboration artistique ambitieuse. La traduction et l’adaptation du texte ont été confiées à Marco Aur, qui a su préserver l’essence du message original tout en l’habillant de sensibilités brésiliennes. “Nous avons voulu conserver l’âme de la composition originale tout en lui offrant une dimension nouvelle et inspirante”, confie Wissam Tabet, qui a suivi avec attention ce processus créatif transfrontalier.

Une symphonie de talents au service de la solidarité

Wissam Tabet est un pianiste, arrangeur et compositeur libanais qui est l’auteur de « je rève d’un Liban ».. Il a étudié à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK) et travaille en tant que freelance dans les domaines de l’orchestration et de la composition musicale

La force de ce projet réside dans l’engagement bénévole d’artistes brésiliens d’exception. Alexandre Andrés, André Mehmari, Benjamim Temponi, Carolina Claret, Leonardo Clementine, Chico Lobo, Guto Temponi, Juliana Brandão, Marco Aur, Tatá Sympa et le Trio Amaranto ont uni leurs talents pour donner corps à cette vision. Chacun a apporté sa couleur musicale, fusionnant subtilement les traditions libanaises avec les rythmes chaleureux du Brésil.

Tatá Sympa, maître d’œuvre de la direction musicale et du mixage, a veillé à ce que l’interprétation conserve la puissance émotionnelle de l’original. “La musique possède cette faculté unique de communiquer au-delà des barrières linguistiques. Notre version traduit à la fois la souffrance et l’indomptable espoir du peuple libanais”, explique-t-il avec passion.

Le visuel n’est pas en reste dans cette fresque artistique. Le photographe libanais Kamil Al-Rayes a généreusement partagé ses images saisissantes du Liban pour accompagner la musique. Ses photographies, témoins tantôt de la beauté intemporelle du pays, tantôt de ses cicatrices récentes, enrichissent considérablement la narration et ancrent l’œuvre dans une réalité tangible.

Cette création collective transcende le simple hommage. Elle incarne un acte de foi en l’avenir du Liban, pays meurtri par des crises successives – économiques, politiques et sociales. La musique devient ici un vecteur d’espérance, rappelant que la reconstruction passe aussi par le renforcement d’une identité nationale souvent mise à mal.

La diffusion de Líbano: a flor do mundo illustre parfaitement l’esprit du projet. Disponible gratuitement sur YouTube et Vimeo, relayée via les hashtags #libanoaflordomundo et #lebanonfloweroftheworld, la chanson circule librement sur les réseaux sociaux. Cette approche ouverte permet de toucher aussi bien la diaspora libanaise que le grand public brésilien et international, créant une chaîne de solidarité numérique.

Grande roue du Luna Park et la route de la corniche de Beyrouth la nuit, Rue du General De Gaulle, Manara, Ras Beyrouth, Beyrouth, Liban

Les paroles, bien que traduites en portugais, conservent la force évocatrice du texte original. Elles résonnent comme un appel à se souvenir, à se relever et à reconstruire. Un message particulièrement poignant dans un contexte où le Liban lutte quotidiennement pour préserver son unité et son identité face aux défis internes et externes.

Pour la communauté libanaise du Brésil, ce projet symbolise un pont entre leur terre d’accueil et leurs racines, une façon de contribuer à distance à la guérison de leur pays d’origine. “Nous avons tous un rôle à jouer pour préserver notre héritage et soutenir le Liban. La musique nous permet de rappeler à nos frères et sœurs libanais qu’ils ne sont pas seuls”, souligne Marco Aur avec émotion.

Le succès de cette initiative ouvre déjà la voie à d’autres collaborations similaires. Les artistes impliqués, touchés par cette expérience enrichissante, se tiennent prêts à poursuivre l’aventure et à étendre leur message de paix et d’unité.

Líbano: a flor do mundo illustre magnifiquement la manière dont l’art peut transcender les frontières pour créer des liens de solidarité authentiques. Dans les notes de cette mélodie voyageuse se dessine l’espoir d’un Liban qui, malgré les tempêtes, continue de fleurir et d’inspirer le monde. Une chanson née dans la douleur à Beyrouth, transformée au Brésil, et qui désormais appartient à tous ceux qui croient en la force inébranlable de l’esprit libanais.

Pour découvrir cette œuvre musicale franco-brésilienne et soutenir le message d’espoir qu’elle porte, la vidéo de Líbano: a flor do mundo est disponible sur YouTube.

YouTube: https://youtu.be/-yZASna0XjY?si=SBAWrA9LWqLJPyf4

 

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La pratique du ramadan reste chez les jeunes une affirmation communautaire https://mondafrique.com/societe/la-pratique-du-ramadan-reste-une-affirmation-communautaire/ Wed, 05 Mar 2025 19:26:20 +0000 https://mondafrique.com/?p=129009 Le ramadan a débuté ce 1er mars et durera trente jours consécutifs, rappelle l’excellent site « The Conversation ». Chez les jeunes de moins de 25 ans, le ramadan est souvent vécu comme un défi personnel, mais aussi comme un moyen d’affirmer son appartenance à une collectivité. Cette pratique religieuse est devenue un moment spirituel. Les défis physiques […]

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Le ramadan a débuté ce 1er mars et durera trente jours consécutifs, rappelle l’excellent site « The Conversation ». Chez les jeunes de moins de 25 ans, le ramadan est souvent vécu comme un défi personnel, mais aussi comme un moyen d’affirmer son appartenance à une collectivité. Cette pratique religieuse est devenue un moment spirituel. Les défis physiques que représente le jeûne constituent, pour les jeunes musulmans rencontrés, une occasion d’un vivre ensemble recouvré.

Djamel Bentrar, Laboratoire CETAPS à l’Université de Rouen, Le Mans Université

Omar Zanna, Sociologue, Le Mans Université

(…) Malgré l’ampleur de la littérature portant sur l’aire culturelle arabo-musulmane, le rite et les rituels du ramadan demeurent peu étudiés. Les spécialistes de l’islam et des arabistes abondent en descriptions des aspects spirituels du jeûne, de ses vertus, de ses enseignements et de ses règles. Néanmoins, ces écrits s’attardent peu sur la relation entre les prescriptions religieuses du ramadan et sa pratique effective, et ils ne le considèrent pas en tant que phénomène social participant à la cohésion communautaire.

Dans le cadre d’une enquête (auprès d’étudiants, ouvriers, demandeurs d’emploi, cadres, chercheurs) menée dans une ville de l’ouest de la France durant les mois du ramadan de 2022, de 2023 et de 2024, nous avons voulu tester l’hypothèse suivante : le ramadan est une expérience d’ascétisme individuel, fait de privations consenties, mais aussi un rite annuel rendant possible l’identification, l’altérité et la compréhension d’autrui.

En France, les musulmans issus de l’immigration pratiquent le ramadan, parfois avec des aménagements. Les aspects religieux et sociaux sont présents, mais sont souvent adaptés au contexte de vie. Pour les personnes rencontrées dans le cadre de notre enquête, le ramadan constitue un moment crucial, car il renforce des facettes de l’identité atténuées le reste de l’année. Lors de cette période, la spiritualité, les traditions, le lien avec le pays d’origine (sous forme d’échanges en visio ou par téléphone avec la famille ou les amis, notamment après la rupture du jeûne) ou les tenues vestimentaires sont davantage pris en compte.

Une pratique différente entre les jeunes et les aînés

Sur le plan générationnel, ce mois se distingue par un rapport différencié à la tradition : les aînés insistent sur le respect strict (heures de jeûne, prières), tandis que les jeunes valorisent l’intention « niyya » et la solidarité envers les plus démunis tels que les SDF ou les sans-papiers.

Au-delà des observations menées lors de notre enquête, des études montrent que le temps du ramadan renforce les liens sociaux. En France, ce sont surtout les associations musulmanes qui assurent cette dimension : organisations de veillées de manifestations culturelles, distributions de repas aux personnes seules ou dans le besoin. Tout cela joue un rôle important dans l’affirmation de l’identité et participe souvent au maintien de l’attachement aux traditions du pays d’origine. Cette intensification des liens apporte un confort psychique et permet, pour les plus nostalgiques, d’adoucir le sentiment d’exil.

Les jeunes musulmans français, quand bien même ils ne sont pas particulièrement religieux le reste de l’année, observent massivement le jeûne. Ce moment se distingue par son adaptation au contexte laïc notamment à travers les iftars publics (ruptures du jeûne) organisés par les associations et les mosquées des quartiers. Ces initiatives sont souvent organisées en invitant des représentants d’autres religions.

Solidarité et empathie

Au cours de nos entretiens, la dimension morale est systématiquement soulignée. Comme le note Boumedien, tout se passe comme si jeûner permettait de ressentir ce que les autres ressentent, notamment en faisant preuve d’empathie à l’égard des pauvres qui souffrent de faim :

« Le ramadan, c’est un moment de compassion, un mois durant lequel je dois penser à tous ceux qui n’ont pas à manger, à tous ceux qui sont dans le besoin. C’est une épreuve qui me permet de savoir ce que signifie d’avoir faim. »

Les relations interpersonnelles et le respect revêtent aussi une grande importance pour les jeûneurs, puisque tout ce qui pourrait nuire à autrui doit être ainsi évité : faire du tort, mentir, médire sur quelqu’un, nourrir des pensées haineuses, etc.

À cet égard, Abdelkader souligne le sentiment de communauté et de solidarité que lui procure cet ascétisme collectif au nom du divin :

« J’ai un respect fou pour ceux qui tiennent le jeûne. C’est un truc qu’on vit tous ensemble. On se soutient, on se motive… Y’a pas de jugement. »

Ce rite dépasse la simple abstention alimentaire. Il permet aussi le détournement des préoccupations matérielles et des distractions quotidiennes. Cela crée un espace pour une connexion avec soi-même et une résonance avec les autres. En tant qu’expérience symbolique (au sens étymologique de « signe de reconnaissance »), ce mois agit à la manière d’une « colle sociale » favorisant la solidarité autour de valeurs communes de sacrifice et de compassion, renforçant la réflexion spirituelle.

C’est en ce sens qu’il faut comprendre les propos de Fatima :

« La période du ramadan revêt une importance capitale dans ma vie… tant sur le plan spirituel que personnel. C’est un mois consacré à la réflexion, à la discipline et à la connexion avec Dieu. Le jeûne durant ce mois sacré me permet de renforcer ma foi, de purifier mon esprit et de me rapprocher davantage de la communauté musulmane. »

Ces témoignages peuvent être interprétés à l’aune du concept de la « sacralité », élément clé dans la sociologie de la religion. Selon le philosophe Rudolf Otto, la sacralité est une expérience qui se situe au-delà de la rationalité puisqu’elle relève de l’incommensurable. C’est à partir de cette acception qu’il faut comprendre la période du ramadan, c’est-à-dire comme un temps voué à des pratiques spirituelles spécifiques.

Cette même enquêtée insiste plus loin dans l’entretien sur l’aspect communautaire et solidaire de ce mois sacré, d’où l’expression « On est tous dans le même bateau ». En un mot, les personnes interrogées disent que le jeûne lié au ramadan ne correspond pas à une simple privation temporaire, mais tout autant, et peut-être plus encore, à une expérience partagée.

Rite de passage à l’âge adulte

Cette pratique, bien plus qu’une simple abstention, engendre une expérience socialisante, axée sur le partage de la difficulté et de l’abstinence. Les personnes rencontrées ont partagé des récits illustrant comment le jeûne est une occasion unique où l’expérience collective de l’ascétisme transcende la sphère intime pour embrasser une dimension intersubjective. Le ramadan se révèle aussi comme un « rite de passage » significatif pour de nombreux individus – surtout les adolescents – marquant, par cette séquence, leur entrée dans l’âge adulte.

Ainsi, au-delà de la faim, de la soif, de la discipline et de la maîtrise de ses pulsions, le ramadan symbolise un rendez-vous annuel qui, pour beaucoup, est un mois de communion, de compassion envers les plus en difficulté et favorise la réflexion sur soi parmi les autres. Ce moment sacré contribue, certes, au respect des différences, mais peut-être davantage à la reconnaissance des ressemblances.

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Côte d’Ivoire, les écrivains réclament plus de soutien de l’Etat https://mondafrique.com/societe/cote-divoire-les-ecrivains-reclament-plus-de-soutien-de-letat/ Wed, 26 Feb 2025 04:00:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=128352 Auteur d’une trentaine de livres composée de poésie, de romans, de théâtre, de chroniques et d’essais, Josué Guébo sait de quoi il parle lorsqu’il évoque la vie sociale de l’écrivain en Côte d’Ivoire. Il est d’ailleurs le président honoraire de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire (AECI) et du Cercle d’études Séry Bailly (CESB), du […]

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Auteur d’une trentaine de livres composée de poésie, de romans, de théâtre, de chroniques et d’essais, Josué Guébo sait de quoi il parle lorsqu’il évoque la vie sociale de l’écrivain en Côte d’Ivoire. Il est d’ailleurs le président honoraire de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire (AECI) et du Cercle d’études Séry Bailly (CESB), du nom d’un universitaire ivoirien décédé en décembre 2018.

Dans cet entretien accordé à Mondafrique, Josué Guébo, par ailleurs Maître de Conférences au Département de philosophie de l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan et lauréat de nombreux prix littéraire, dont celui de Tchicaya U Tam’si pour la poésie africaine (2014), le Grand prix national de littérature Bernard Dadié (2016) et le Prix Jeanne de Cavally pour la littérature enfantine (2023), revient sur les conditions de vie et de travail de l’écrivain ivoirien. Il en appelle à plus de soutien de la part de l’Etat.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

Les assises de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire (AECI) consacrées aux conditions de vie de vos collègues écrivains ont eu lieu le samedi 22 février ici à Abidjan. Et selon votre contribution, il y a urgence. Pouvez-vous nous décrire les conditions de vie actuelles des écrivains ivoiriens ?

Disons-le tout net, la réalité de l’écrivain ivoirien n’est pas du tout reluisante. Tous ceux de la communauté des hommes de plumes qui ne tirent pas le diable par la queue, sont nécessairement ceux qui ont d’autres fonctions dans la vie que le métier de la plume. 

N’est-ce pas parce que le marché du livre est compliqué et que les Ivoiriens ne lisent pas assez ?

Qui dit que les Ivoiriens ne lisent pas ? À mon avis, ils lisent. Peut-être pas suffisamment, mais on voit bien qu’ils sont intéressés par tout ce qui s’écrit sur les réseaux sociaux. Pour moi, la faiblesse du rapport de l’Ivoirien au livre provient principalement du regard dépréciatif que les pouvoirs publics ont sur les choses culturelles en général, et sur le livre en particulier. Il y a ici une confusion grave entre le culturel et le spectaculaire. Ce qui est valorisé ici, ce n’est pas la patiente quête de connaissance qu’implique le rapport au livre, mais la promotion du cosmétique. Nous sommes dans une culture d’un matérialisme bricolé. La question de la complexité de la chaîne du livre en découle. Le problème, c’est aussi la vision que nos gouvernants ont du livre. Ils ont l’air de comprendre que la route précède le développement, mais ils n’ont pas l’air de réaliser que le livre, lui précède la route, car sans livre, pas d’ingénieur pour concevoir la route. 

Alors, parlez-nous de la complexité de la chaîne du livre et à quel point cela explique-t-il le désespoir des écrivains ivoiriens ?

Ce que l’on peut considérer comme une complexité, bien qu’elle n’en soit pas une, en réalité, c’est ce jeu de la très inégale répartition des bénéfices entre les acteurs de la chaîne du livre. Cette répartition fait des auteurs, les parents pauvres de tout le dispositif du livre.  Le livre, ici, ne nourrit pas son homme, mais son ombre. Ceux que j’appelle « l’ombre », ce sont les maillons connexes à l’écrivain dans la chaîne du livre : le libraire, l’éditeur, l’imprimeur. La plupart des éditeurs reversent entre 3% et 5% de la valeur d’un livre à l’auteur. Les plus humains vont parfois à 10%. Sur un livre qui coûte 3000 FCFA, donc l’auteur a en moyenne, 150 f CFA, là où l’éditeur, l’imprimeur et le libraire se partagent les 2850. Ce qui fait qu’aucun de ces trois n’a individuellement moins de 800 FCFA sur ce montant. Voici la réalité de l’écrivain. Cette réalité est portée par l’idée fallacieuse que l’effort intellectuel est un capital économique quasi-nul. 

Qu’a fait votre association pour que les choses changent et quel rôle, à votre avis, l’Etat doit-il jouer pour améliorer les conditions de vie des écrivains ?

L’AECI qui aura 40 ans, l’année prochaine, précisément le 31 août 2026, mobilise les auteurs, les défend dans la mesure de ses possibilités et sensibilise sur la nécessité de valoriser les livres et les auteurs. L’un des combats réussis par l’AECI, c’est d’avoir permis une plus grande introduction des auteurs locaux au sein du programme scolaire national. Sur ce point nous voulons sincèrement saluer l’excellence de la coopération avec le ministère de l’éducation nationale qui a permis que les auteurs nationaux soient de plus en plus étudiés dans les écoles.

Mais le chantier, d’une valorisation des conditions de vie des créateurs de l’écrit reste encore en friche. Depuis 40 ans, les militants du livre en Côte d’Ivoire, œuvrent – sans réclamer de médailles – (rires) pour que les écrivains soient mieux traités. Il y va de la santé intellectuelle, voire mentale de ce pays. Nous proposons donc qu’une fois l’an, l’Etat de Côte d’Ivoire lève 250 FCFA sur les salaires de 260 000 fonctionnaires que compte ce pays. Tous les fonctionnaires sont redevables au livre, car passés par l’école. Une telle mesure permettra d’appuyer à hauteur de 65 millions l’Association des Ecrivains de Côte d’Ivoire. Nous suggérons, par ailleurs, que 1% des recettes générées par le Salon du Livre d’Abidjan soit reversé aux écrivains, à travers leur association et que de même soit reversé à l’AECI 1% du bénéfice annuel des librairies. Le BURIDA pourrait être chargé de la collecte et de la répartition de cette somme. Cela permettrait de redynamiser considérablement la chaîne du livre en Côte d’Ivoire.

Maintenant, en tant qu’écrivain, que pouvez-vous faire pour vous valoriser ? Les écrivains ivoiriens sont rarement reçus aux prix internationaux. N’y a-t-il pas réellement un problème de talents ?

Nous n’avons aucun problème de talent. Je ne sais pas quel prix Senghor, Césaire ou Damas ont remporté pour être les auteurs de portée et de résonance universelle que nous connaissons tous. Il faut déjà savoir que l’écrivain n’est pas un chasseur de primes. Sortons du complexe de la marchandise. Les prix conviennent mieux aux produits d’étalage. Par ailleurs, rien ne garantit que les prix soient vraiment le seul gage d’excellence. Il y a les colloques, mais aussi la somme de travaux universitaires sur une œuvre qui peuvent valablement témoigner de sa maturité et de son excellence.  Cela dit, il est absolument inexact d’affirmer que les auteurs Ivoiriens sont rarement reçus aux prix internationaux. Le premier Grand Prix littéraire d’Afrique Noire, Aké Loba, est Ivoirien. D’autres lui ont emboîté le pas : Bernard Dadié, Jean-Marie Adiaffi, Véronique Tadjo, Venance Konan.

Oui, mais ça date tout ça…

Aujourd’hui Armand Gauz, caracole : il a remporté, à lui tout seul, le Grand Prix littéraire d’Afrique noire, le Prix Ethiophile et d’autres prix internationaux d’amplitude significative. À titre personnel, j’ai remporté le très sélectif Tchicaya U Tam’si, un prix attribué sous l’égide de l’UNESCO et que j’ai obtenu au même titre que René Depestre, né en 1926, Edouard Maunick, né en 1931 et Jean-Baptiste Tati-Loutard, né en 1938.  Lamine Sall, né en 1951 et primé par l’académie française, l’a obtenu juste après moi et l’immense poète Paul Dakeyo, né en 1948, vient à peine de l’avoir.

Alors, dans cette chaîne, il n’y a que l’Etat qui ne répond pas aux attentes ?

A part l’Etat, il y a, à mon avis, les critiques littéraires et les éditeurs : les uns par leur absence et les autres par leur extrême permissivité plombent la qualité générale du livre produit en Côte d’Ivoire.

Ne resterait plus que votre exposition. Est-ce qu’il faut suffisamment d’infrastructures du livre, par exemple les bibliothèques dans chaque commune et des émissions consacrées aux livres dans les médias ?

Absolument. Les bibliothèques manquent cruellement. Même dans les établissements académiques. La politique du livre est beaucoup trop événementielle pour l’instant. Le Salon du Livre est une chose excellente, mais c’est une comète annuelle. Ce qu’il importe de faire vivre ce sont des bibliothèques en nombre au moins égal aux dispensaires et centre de santé de proximité. C’est une question de santé intellectuelle. La place du livre dans les médias est tout à fait problématique. Il n’y a jamais eu dans ce pays, un espace médiatique réservé au livre qu’on ait pu comparer aux plages faites à la musique et à la danse. La culture en Côte d’Ivoire a valorisé Podium et Variétoscope, la musique et la danse. Aujourd’hui, nous sommes reconnus, dans ces domaines, à l’international en étant le pays d’Alpha Blondy, de Meiway et de DJ Arafat. Pour la danse, on n’en compte plus les variantes : zouglou, coupé décalé, Gnakpa, Cacher-regarder et j’en passe. Le théâtre porté aussi à l’écran un temps a porté ses fruits : les humoristes en terre d’Éburnie ne se comptent plus. Si l’Etat avait valorisé le livre comme, il a promu la musique et la danse, il est clair que la littérature ivoirienne s’en porterait mieux. Malheureusement, la Côte d’Ivoire a conditionné ces fils à préférer le Kpankaka (mot popularisé par une influenceuse ivoirienne pour exprimer des choses vulgaires, NDLR) à Climbié. Et c’est un problème. Mais il peut encore aujourd’hui être résolu. Il suffit d’amplifier la place des activités littéraires dans le champ de nos médias audiovisuels en particulier.

Ne songez-vous pas parfois, à votre niveau, à faire du lobbying auprès des décideurs institutionnels, médiatiques ou même scolaires ?

J’ai évoqué à l’instant la collaboration qui a permis une plus grande insertion des ouvrages des auteurs ivoiriens dans le programme scolaire. C’est dire que nous ne restons pas les bras croisés. Nous organisons des caravanes et incitons tous nos confrères à s’activer au sein des établissements scolaires et en dehors de ceux-ci. C’est chose faite. Nous sommes en mouvement. Mais tout ceci reste perfectible.

 

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« Pépites jaunes », des essais incisifs et érudits sur l’Afrique https://mondafrique.com/confidentiels/pepites-jaunes-des-essais-incisifs-et-erudits-sur-lafrique/ Mon, 24 Feb 2025 17:55:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=128242 En créant « Pépites jaunes », la maison d’édition Riveneuve lance une nouvelle collection de poche dirigée par l’écrivain et sociologue Elgas. Des essais incisifs et érudits, une esthétique soignée, une ambition universelle, une véritable invitation à la réflexion critique et à la controverse constructive, engagée, affûtée, sans concession. La maison d’édition Riveneuve annonce le […]

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En créant « Pépites jaunes », la maison d’édition Riveneuve lance une nouvelle collection de poche dirigée par l’écrivain et sociologue Elgas. Des essais incisifs et érudits, une esthétique soignée, une ambition universelle, une véritable invitation à la réflexion critique et à la controverse constructive, engagée, affûtée, sans concession.

La maison d’édition Riveneuve annonce le lancement de Pépites jaunes, une collection de poche dirigée par l’écrivain et sociologue Elgas. Ce projet éditorial, qui sera présenté au Salon du livre africain le 15 mars et au Festival du livre de Paris du 11 au 13 avril, ambitionne d’ouvrir de nouveaux espaces de réflexion critique. À travers des essais courts, incisifs et érudits, Pépites jaunes se veut un laboratoire intellectuel où la controverse des idées rencontre l’exigence du débat courtois.

Deux premiers titres annonciateurs

Pour inaugurer cette collection, Riveneuve publie deux essais qui reflètent parfaitement l’esprit de Pépites jaunes :

Enterrer Sankara. Essai sur les économies africaines, de Joël Té-Léssia Assoko, avec une préface de Pierre Haski (En librairie le 27 mars 2025).
Ce texte analyse les trajectoires économiques du continent africain à la lumière de l’héritage de Thomas Sankara. Il interroge la viabilité des modèles de développement et explore les contradictions des politiques économiques postcoloniales.

L’Afrique contre la démocratie. Mythes, déni et péril, d’Ousmane Ndiaye, avec une préface de Sophie Bessis (En librairie le 5 juin 2025).
Dans cet essai percutant, l’auteur déconstruit les discours dominants sur la démocratie en Afrique et met en lumière les dynamiques de résistance, d’appropriation et de détournement des modèles politiques importés.

Ces premiers ouvrages donnent le ton : engagement intellectuel, analyse rigoureuse et volonté de bousculer les idées reçues.

Une collection qui bouscule les certitudes

Derrière Pépites jaunes, une ambition claire : celle de renouveler le regard sur les grandes questions contemporaines en confrontant les savoirs établis à des perspectives nouvelles. La collection explore des thématiques variées, allant de la philosophie à l’économie, en passant par la sociologie et les sciences humaines.

Selon Elgas, cette initiative vise à « brosser une sorte d’inventaire pour aller vers plus de complexité », sans se limiter à un cadre strictement académique. Loin de tout dogmatisme, les essais publiés dans Pépites jaunes proposent des analyses tranchantes, accessibles mais rigoureuses, qui osent la friction intellectuelle.

Le projet défend une approche transversale, favorisant le dialogue entre disciplines et continents. Si l’Afrique constitue son point d’ancrage, la collection n’hésite pas à explorer d’autres territoires de pensée, revendiquant une démarche ouverte sur l’universel.

Confrontation des idées et quête d’espérance

Dans un paysage intellectuel souvent polarisé, Pépites jaunes fait le pari d’une pensée critique qui refuse les clivages stériles. La collection s’autorise la frontalité du débat, tout en prônant la courtoisie et la civilité des échanges.

« L’âpreté n’exclut pas la nuance », souligne Elgas. La démarche ne cherche ni la polémique gratuite ni l’agressivité rhétorique, mais elle assume pleinement la controverse comme moteur de réflexion. Loin d’une vision fataliste, Pépites jaunes revendique aussi une forme d’optimisme en proposant des grilles de lecture neuves, en formulant des pistes de transformation sociale et en ouvrant des horizons plutôt qu’en figeant les diagnostics.

Une invitation à repenser l’universel

Si l’Afrique est au cœur de la collection, Pépites jaunes se veut avant tout une plateforme de réflexion débarrassée de toute verticalité hégémonique. Le projet refuse les cloisonnements et s’ouvre aux problématiques globales, explorant les tensions entre particularismes et universalismes.

Ce positionnement tranche avec une tendance éditoriale qui, souvent, enferme les penseurs africains dans des cadres prédéfinis. Ici, pas de regard condescendant ni de mise à l’écart sous prétexte d’une prétendue singularité culturelle. L’objectif est de donner toute sa place à une pensée africaine capable de dialoguer avec le reste du monde sans être réduite à une périphérie intellectuelle.

Vers une nouvelle cartographie du savoir

Avec Pépites jaunes, Riveneuve ne se contente pas d’ajouter une nouvelle collection à son catalogue, elle initie un mouvement éditorial ambitieux, destiné à ouvrir des brèches dans les discours établis.

En misant sur des textes courts mais percutants, accessibles mais exigeants, la collection entend capter un lectorat avide de pensée vivante, refusant les dogmes et les évidences. Son esthétique, alliant l’épure du kraft jaune et la finesse des gravures de France Dumas, renforce cette volonté de créer des objets éditoriaux qui marquent autant par leur fond que par leur forme.

Avec les premières publications prévues dès mars 2025, Pépites jaunes s’apprête à secouer le monde des idées !

 

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Les forçats de l’Intelligence Artificielle dans les pays du Sud https://mondafrique.com/societe/les-forcats-de-lintelligence-artificielle-dans-les-pays-du-sud/ Fri, 14 Feb 2025 06:14:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=90665 Il n’y a pas que des robots derrière l’intelligence artificielle (IA) : en bout de chaîne, on trouve souvent des travailleurs des pays du sud. Récemment une enquête du Time révélait que des travailleurs kényans payés moins de trois euros de l’heure étaient chargés de s’assurer que les données utilisées pour entraîner ChatGPT ne comportaient pas de contenu à caractère […]

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Il n’y a pas que des robots derrière l’intelligence artificielle (IA) : en bout de chaîne, on trouve souvent des travailleurs des pays du sud. Récemment une enquête du Time révélait que des travailleurs kényans payés moins de trois euros de l’heure étaient chargés de s’assurer que les données utilisées pour entraîner ChatGPT ne comportaient pas de contenu à caractère discriminatoire.

Les modèles d’IA ont en effet besoin d’être entraînés, en mobilisant une masse de données extrêmement importante, pour leur apprendre à reconnaître leur environnement et à interagir avec celui-ci. Ces données doivent être collectées, triées, vérifiées et mises en forme. Ces tâches chronophages et peu valorisées sont généralement externalisées par les entreprises technologiques à une foule de travailleurs précaires, généralement situés dans les pays des suds.

Ce travail de la donnée prend plusieurs formes, en fonction des cas d’usage de l’algorithme final, mais il peut s’agir par exemple d’entourer les personnes présentes sur les images capturées par une caméra de vidéosurveillance, pour apprendre à l’algorithme à reconnaître un humain. Ou encore corriger manuellement les erreurs produites par un modèle de traitement automatique de factures.

Nous proposons, à travers une enquête menée entre Paris et Antananarivo, capitale de Madagascar, de nous pencher sur l’identité de ces travailleurs de la donnée, leurs rôles et leurs conditions de travail, et de proposer des pistes pour enrichir les discussions autour de la régulation des systèmes d’IA.

L’intelligence artificielle, une production mondialisée

Nos recherches appuient l’hypothèse que le développement de l’intelligence artificielle ne signifie pas la fin de travail due à l’automation, comme certains auteurs l’avancent, mais plutôt son déplacement dans les pays en voie de développement.

Notre étude montre aussi la réalité de « l’IA à la française » : d’un côté, les entreprises technologiques françaises s’appuient sur les services des GAFAM pour accéder à des services d’hébergement de données et de puissance de calcul ; d’un autre côté les activités liées aux données sont réalisées par des travailleurs situés dans les ex-colonies françaises, notamment Madagascar, confirmant alors des logiques déjà anciennes en matière de chaînes d’externalisation. La littérature compare d’ailleurs ce type d’industrie avec le secteur textile et minier.

Un constat initial a guidé notre travail d’enquête : les conditions de production de l’IA restent mal connues. En nous appuyant sur des recherches antérieures sur le « travail numérique » (digital labour), nous avons cherché à comprendre où et comment sont façonnés les algorithmes et les jeux de données nécessaires à leurs entraînements ?

Intégrés au sein du groupe de recherche Digital Platform Labor, notre travail consiste à analyser les relations d’externalisation entre entreprises d’intelligence artificielle françaises et leurs sous-traitants basés dans les pays d’Afrique francophone et à dévoiler les conditions de travail de ces « travailleurs de la donnée » malgaches, devenus essentiels au fonctionnement des systèmes intelligents.

Notre enquête a débuté à Paris en mars 2021. Dans un premier temps, nous avons cherché à comprendre le regard que les entreprises françaises productrices d’IA entretenaient sur ces activités liées au travail de la donnée, et quels étaient les processus mis en œuvre pour assurer la production de jeux de données de qualité suffisante pour entraîner les modèles.

Le lac Anosy Central à Antananarivo, capital de Madagascar. Sascha Grabow/Wikipedia, CC BY

Nous nous sommes ainsi entretenus avec 30 fondateurs et employés opérant dans 22 entreprises parisiennes du secteur. Un résultat a rapidement émergé de ce premier travail de terrain : le travail des données est dans sa majorité externalisé auprès de prestataires situés à Madagascar.

Les raisons de cette concentration des flux d’externalisation vers Madagascar sont multiples et complexes. On peut toutefois mettre en avant le faible coût du travail qualifié, la présence historique du secteur des services aux entreprises sur l’île, et le nombre élevé d’organisations proposant ces services.

Lors d’une seconde partie de l’enquête d’abord menée à distance, puis sur place à Antananarivo, nous nous sommes entretenus avec 147 travailleurs, managers, et dirigeants de 10 entreprises malgaches. Nous avons dans le même temps diffusé un questionnaire auprès de 296 travailleurs des données situés à Madagascar.

Les emplois du numérique : solution précaire pour jeunes urbains éduqués

Dans un premier temps, le terrain révèle que ces travailleurs des données sont intégrés à un secteur plus large de production de service aux entreprises, allant des centres d’appels à la modération de contenu web en passant par les services de rédaction pour l’optimisation de la visibilité des sites sur les moteurs de recherche.

Les données du questionnaire révèlent que ce secteur emploie majoritairement des hommes (68 %), jeunes (87 % ont moins de 34 ans), urbains et éduqués (75 % ont effectué un passage dans l’enseignement supérieur).

Quand ils évoluent au sein de l’économie formelle, ils occupent généralement un poste en CDI. La moindre protection offerte par le droit du travail malgache comparée au droit du travail français, la méconnaissance des textes par les travailleurs, et la faiblesse des corps intermédiaires (syndicats, collectifs) et de la représentation en entreprise accentuent néanmoins la précarité de leur position. Ils gagnent en majorité entre 96 et 126 euros par mois, avec des écarts de salaires significatifs, jusqu’à 8 à 10 fois plus élevés pour les postes de supervision d’équipe, également occupés par des travailleurs malgaches situés sur place.

Ces travailleurs sont situés à l’extrémité d’une longue chaîne d’externalisation, ce qui explique en partie la faiblesse des salaires de ces travailleurs qualifiés, même au regard du contexte malgache.

La production de l’IA implique en effet trois types d’acteurs : les services d’hébergement de données et de puissance de calcul proposés par les GAFAM, les entreprises françaises qui vendent des modèles d’IA et les entreprises qui proposent des services d’annotations de données depuis Madagascar, chaque intermédiaire captant une partie de la valeur produite.

Ces dernières sont de plus généralement très dépendantes de leurs clients français, qui gèrent cette force de travail externalisée de manière quasi directe, avec des postes de management intermédiaire dédiés au sein des start-up parisiennes.

L’occupation de ces postes de direction par des étrangers, soit employés par les entreprises clientes en France, soit par des expatriés sur place, représente un frein important aux possibilités d’évolution de carrière offertes à ces travailleurs, qui restent bloqués dans les échelons inférieurs de la chaîne de valeur.

Des entreprises qui profitent des liens postcoloniaux

Cette industrie profite d’un régime spécifique, les « zones franches », institué en 1989 pour le secteur textile. Dès le début des années 1990, des entreprises françaises s’installent à Madagascar, notamment pour des tâches de numérisation liées au secteur de l’édition. Ces zones, présentes dans de nombreux pays en voie de développement, facilitent l’installation d’investisseurs en prévoyant des exemptions d’impôts et de très faibles taux d’imposition.

Aujourd’hui, sur les 48 entreprises proposant des services numériques dans des zones franches, seulement 9 sont tenues par des Malgaches, contre 26 par des Français. En plus de ces entreprises formelles, le secteur s’est développé autour d’un mécanisme de « sous-traitance en cascade », avec, à la fin de la chaîne des entreprises et entrepreneurs individuels informels, moins bien traités que dans les entreprises formelles, et mobilisés en cas de manque de main-d’œuvre par les entreprises du secteur.

En plus du coût du travail, l’industrie de l’externalisation profite de travailleurs bien formés : la plupart sont allés à l’université et parlent couramment le français, appris à l’école, par Internet et à travers le réseau des Alliances françaises. Cette institution d’apprentissage du français a été initialement créé en 1883 afin de renforcer la colonisation à travers l’extension de l’utilisation de la langue du colonisateur par les populations colonisées.

Ce schéma rappelle ce que le chercheur Jan Padios désigne comme le « colonial recall ». Les anciens pays colonisés disposent de compétences linguistiques et d’une proximité culturelle avec les pays donneurs d’ordres dont bénéficient les entreprises de services.

Rendre visibles les travailleurs de l’intelligence artificielle

Derrière l’explosion récente des projets d’IA commercialisés dans les pays du nord, on retrouve un nombre croissant de travailleurs de la donnée. Alors que la récente controverse autour des « caméras intelligentes », prévues par le projet de loi relatif aux Jeux olympiques de Paris, s’est principalement focalisée sur les risques matière de surveillance généralisée, il nous semble nécessaire de mieux prendre en compte le travail humain indispensable à l’entraînement des modèles, tant il soulève de nouvelles questions relatives aux conditions de travail et au respect de la vie privée.

Rendre visible l’implication de ces travailleurs c’est questionner des chaînes de production mondialisées, bien connues dans l’industrie manufacturière, mais qui existent aussi dans le secteur du numérique. Ces travailleurs étant nécessaires au fonctionnement de nos infrastructures numériques, ils sont les rouages invisibles de nos vies numériques.

C’est aussi rendre visible les conséquences de leur travail sur les modèles. Une partie des biais algorithmiques résident en effet dans le travail des données, pourtant encore largement invisibilisé par les entreprises. Une IA réellement éthique doit donc passer par une éthique du travail de l’IA.

 

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Fabrice Rousselot Directeur de la rédaction
 
 

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