- Mondafrique https://mondafrique.com/societe/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Tue, 25 Mar 2025 03:28:03 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg - Mondafrique https://mondafrique.com/societe/ 32 32 Notre portrait d’un jeune sénégalais engagé, Abass Mbathie https://mondafrique.com/societe/notre-portrait-dun-senegalais-engage-abass-mbathie/ Mon, 24 Mar 2025 06:40:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=130289 Le Sénégal peut être fier met d’Abass Mbaye, un pur produit de l’Université Alioune Diop de Bambey, qui a brillamment représenté l’Afrique au Prix International de la Liberté, organisé par l’Institut International des Droits de l’Homme et la Région Normandie. Le Prix Liberté invite les jeunes de 15 à 25 ans en France et dans […]

Cet article Notre portrait d’un jeune sénégalais engagé, Abass Mbathie est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
Le Sénégal peut être fier met d’Abass Mbaye, un pur produit de l’Université Alioune Diop de Bambey, qui a brillamment représenté l’Afrique au Prix International de la Liberté, organisé par l’Institut International des Droits de l’Homme et la Région Normandie.

Le Prix Liberté invite les jeunes de 15 à 25 ans en France et dans le monde entier, à désigner chaque année une personne ou une organisation engagée dans un combat exemplaire en faveur de la liberté.

Parmi 600 candidatures venues du monde entier, Abass a été l’un des trois Africains sélectionnés pour siéger au jury, aux côtés de jeunes issus des quatre continents. Sa mission ? Déterminer les combats les plus impactants pour la liberté et les droits humains. Une responsabilité lourde, mais qu’il a portée avec engagement, passion et détermination.

À 25 ans, Abass Mbathie incarne une jeunesse africaine consciente et résolument tournée vers l’action. Humanitaire, entrepreneur social et militant écologiste, ce jeune Sénégalais refuse la fatalité et multiplie les initiatives pour une Afrique plus juste, solidaire et durable.

Un portrait signé par Rania Hadjer.
 
Prix Liberté 
 
 

Prix Libe

Voici le lien ci dessus pour ceux qui souhaitent concourir à la prochaine remise de prix en juin

Titulaire d’un master en gouvernance territoriale et développement durable, Abass Mbathie est avant tout un acteur de terrain. « J’ai grandi en observant des injustices autour de moi. Le fossé entre les riches et les pauvres en Afrique me révolte particulièrement. » confie-t-il.

Son engagement dans l’humanitaire débute en 2018, lorsqu’il parcourt les 14 régions du Sénégal pour identifier les besoins les plus urgents. Il découvre alors des réalités insoutenables : des enfants déscolarisés faute de moyens, des villages privés d’eau potable, des personnes en situation de handicap sans assistance.

« L’accès à l’éducation ne devrait pas être un privilège, tout comme l’accès à l’eau et à la santé. Pourtant, dans nos pays, ce sont encore des batailles à mener ».

Face à ces inégalités, il crée la Fondation Abass National grâce à laquelle, des centaines d’enfants reçoivent chaque année des fournitures scolaires et des bourses, des puits sont creusés, et des fauteuils roulants sont distribués aux plus démunis.

Mais Abass Mbathie ne se limite pas à l’humanitaire. Soucieux d’apporter des solutions durables, il crée Récolte Numérique Solidaire, une entreprise sociale qui lutte contre le gaspillage alimentaire en utilisant la technologie. « Nous avons un paradoxe insoutenable : des tonnes de nourriture gaspillées alors que des millions de personnes souffrent de malnutrition », souligne-t-il.

En tant qu’ambassadeur du Sénégal pour Afrifoodlinks, un programme dédié aux systèmes alimentaires durables, il milite pour une agriculture adaptée aux réalités africaines. « Le changement climatique accentue chaque année l’insécurité alimentaire. Mon rôle est de promouvoir et de plaider en faveur de systèmes alimentaires durables qui répondent aux spécificités du continent africain ».

Militant écologiste convaincu, il voit également dans la crise climatique une nouvelle forme d’injustice. « Ceux qui souffrent le plus du réchauffement climatique sont ceux qui y contribuent le moins », rappelle-t-il.

Un combat pour la liberté et les droits humains

Cette détermination à lutter contre les injustices dépasse les frontières du Sénégal. Membre du jury du Prix Liberté 2025, Abass Mbathie participe à une initiative mondiale qui récompense chaque année une personne ou une organisation engagée pour la paix et les droits humains.

Créé et porté par la Région Normandie, en partenariat avec l’Institut International des Droits de l’Homme et de la Paix, les Autorités Académiques et le réseau Canopé, le Prix Liberté est un dispositif pédagogique de sensibilisation à la liberté, à la paix et aux droits humains, ancré dans les valeurs portées par le Débarquement du 6 juin 1944.

Il invite les jeunes de 15 à 25 ans, en France et dans le monde, à désigner une figure emblématique du combat pour la liberté. La singularité de ce prix est qu’il implique la jeunesse à chaque étape, des propositions de candidats à la sélection du lauréat.

« À chaque violation des libertés fondamentales et des droits humains quelque part dans le monde, c’est notre humanité à tous qui est menacée. Être sélectionné pour faire partie de ce jury a une forte symbolique pour moi. C’est une opportunité précieuse de promouvoir la justice et d’inspirer d’autres jeunes à s’engager. », témoigne Abass.

L’Afrique, continent d’opportunités

Mais au-delà de ses actions, Abass Mbathie veut surtout inspirer une prise de conscience collective.

« Pour moi, chaque jeune adulte a un devoir envers sa communauté et doit se poser la question : “Que puis-je faire à mon échelle pour apporter un changement positif ?” Même un geste simple peut avoir un impact. C’est seulement dans cet effort collectif que nous pourrons réellement changer les choses.»

Pour Abass, l’Afrique ne doit pas être réduite aux défis qu’elle affronte. Son regard porte bien au-delà des crises et des difficultés : il voit en ce continent une terre d’opportunités, riche d’une jeunesse dynamique et inventive.

« L’Afrique est un continent jeune et riche. Trop souvent, on la perçoit à tort comme une terre de problèmes, alors qu’elle regorge de solutions et de potentiel. Les crises politiques, sécuritaires et sociales, aussi dévastatrices soient-elles, ont forgé une incroyable capacité de résilience, notamment chez les jeunes. Ils débordent de ressources, ils savent transformer les épreuves en opportunités. Nous avons de nombreux défis à relever, mais surtout, nous avons les moyens d’y faire face. Pour cela, il faut une volonté commune, une vision partagée. Il est impératif que les pays africains travaillent ensemble, main dans la main, pour bâtir des solutions régionales et continentales. Nous devons mutualiser nos forces. »

Mais pour qu’un véritable essor ait lieu, il est essentiel, selon lui, de miser sur la jeunesse et, plus particulièrement, sur l’autonomisation des femmes.

« Si nous voulons voir l’Afrique prospérer, il faut investir massivement dans l’autonomisation économique des jeunes, mais surtout, dans l’éducation et l’émancipation économique des femmes. Sans cela, nous n’y arriverons pas. »

Une autre condition essentielle pour l’avenir du continent repose sur un modèle de gouvernance plus proche des citoyens, axé sur la participation et la transparence.

« L’avenir de l’Afrique ne pourra s’écrire qu’avec une gouvernance transparente, inclusive et responsable. Trop souvent, les décisions sont déconnectées des réalités du terrain. Il faut replacer les citoyens au cœur des politiques publiques, répondre à leurs besoins concrets, en toute transparence. »

Malgré les difficultés, Abass Mbathie reste optimiste. Pour lui, un mouvement est en marche, porté par une nouvelle génération prête à s’engager pour transformer l’Afrique et, plus largement, le monde.

« Ce qui me donne espoir, c’est l’émergence d’une génération de jeunes leaders dans tous les domaines. On assiste à une prise de conscience grandissante des enjeux sociaux, environnementaux et économiques. De plus en plus de jeunes s’engagent pour le développement durable, pour des causes qui dépassent leur propre quotidien. C’est une dynamique forte, qui redonne espoir, non seulement pour l’Afrique, mais pour le monde entier. »

Loin des discours fatalistes, Abass Mbathie incarne cette jeunesse africaine qui croit en l’avenir et déterminée à ne plus être spectatrice de son destin, mais à le construire. Un avenir où l’injustice ne serait plus une fatalité, mais un combat à mener. Et surtout, à gagner.

 

Cet article Notre portrait d’un jeune sénégalais engagé, Abass Mbathie est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
Rejoignez la nouvelle chaine Whatsapp de Mondafrique https://mondafrique.com/confidentiels/france/rejoignez-la-nouvelle-chaine-whattsapp-de-mondafrique/ Sun, 23 Mar 2025 03:18:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=107637 REJOIGNEZ LA CHAINE WHATTSAPP DE MONDAFRIQUE Mondafrique qui rentre dans sa onzième année d’existence le doit à ses fidèles lecteurs qui résident pour moitié en Europe (majoritairement en France, beaucoup au Canada) et pour moitié dans les pays du Maghreb (surtout en Algérie) , du Sahel (le Niger et le Mali en tète)  et du Moyen […]

Cet article Rejoignez la nouvelle chaine Whatsapp de Mondafrique est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
REJOIGNEZ LA CHAINE WHATTSAPP DE MONDAFRIQUE

Mondafrique qui rentre dans sa onzième année d’existence le doit à ses fidèles lecteurs qui résident pour moitié en Europe (majoritairement en France, beaucoup au Canada) et pour moitié dans les pays du Maghreb (surtout en Algérie) , du Sahel (le Niger et le Mali en tète)  et du Moyen Orient (notamment le Liban).

Avec quelques 300000 visiteurs par mois pour le site fondé en 2014, 35000 abonnés sur Instagram et 5000 fidèles de nos pages WhatsApp (Afrique, Liban, Niger, Gabon, Algérie, Maroc…etc), « Mondafrique » a imposé une vision pluraliste et originale en matière d’information sur le monde arabe et africain. Depuis le début des guerres en Ukraine et au Moyen Orient, nous ne nous interdisons pas d’accueillir des analyses sur les grands équilibres mondiaux qui ne peuvent pas manquer de se répercuter sur le mode africain et maghrébin. 

Notre positionnement critique vis à vis des pouvoirs en place, la diversité des contributeurs du site -journalistes, diplomates, universitaires ou simples citoyens-, la volonté enfin d’apporter des informations et des analyses qui tranchent avec la reste de la presse ont été nos seules lignes de conduite.  

Notre indépendance est totale.

Nous revendiquons une totale transparence. Deux hommes d’affaires et actionnaires du site, l’un mauritanien et l’autre libanais,  nous permettent de disposer de ressources pour faire vivre le site. Qu’ils en soient remerciés.

La seule publicité dont nous disposons est celle de Google

Le fondateur de Mondafrique, Nicolas Beau, contrôle l’actionnariat à hauteur de 60%, ce qui place notre media à l’abri de toutes les pressions.

Cet article Rejoignez la nouvelle chaine Whatsapp de Mondafrique est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
« Líbano: a flor do mundo »: la version brésilienne de « Je rève d’un Liban » https://mondafrique.com/loisirs-culture/la-version-bresilienne-de-je-reve-dun-liban/ Tue, 18 Mar 2025 17:52:59 +0000 https://mondafrique.com/?p=129928 En hommage à la désormais légendaire résilience libanaise, des artistes brésiliens transforment Je rêve d’un Liban de Wissam Tabet en Líbano: a flor do mundo, version brésilienne vibrante. Un projet musical solidaire qui célèbre l’identité et fait renaître l’espoir au-delà des frontières. Belinda Ibrahim, d’Ici Beyrouth Dans l’histoire des relations culturelles internationales, certaines connexions transcendent les distances géographiques. […]

Cet article « Líbano: a flor do mundo »: la version brésilienne de « Je rève d’un Liban » est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
En hommage à la désormais légendaire résilience libanaise, des artistes brésiliens transforment Je rêve d’un Liban de Wissam Tabet en Líbano: a flor do mundo, version brésilienne vibrante. Un projet musical solidaire qui célèbre l’identité et fait renaître l’espoir au-delà des frontières.

Belinda Ibrahim, d’Ici Beyrouth

Dans l’histoire des relations culturelles internationales, certaines connexions transcendent les distances géographiques. Celle qui unit le Liban et le Brésil est de celles-là, profonde et façonnée par des décennies de migrations et d’échanges. Avec plus de huit millions de citoyens d’origine libanaise, le Brésil abrite l’une des plus importantes diasporas libanaises au monde. Cette présence massive a tissé des liens indéfectibles entre les deux nations, créant un pont invisible mais puissant par-dessus l’Atlantique.

C’est sur ce terrain fertile qu’est née une initiative musicale singulière. La chanson Je rêve d’un Liban, composée par Wissam Tabet après la catastrophique explosion au port de Beyrouth en 2020, a trouvé un écho inattendu au Brésil. Ce chant, initialement créé avec des élèves du Collège des Saints-Cœurs Sioufi, captait l’âme d’une jeunesse libanaise assoiffée d’indépendance et de renouveau. Aujourd’hui, il renaît sous le titre Líbano: a flor do mundo (Liban : la fleur du monde), porté par les voix et les instruments de musiciens brésiliens renommés.

Miguel Mahfoud est l’architecte de cette métamorphose musicale. Sensible au destin du pays du Cèdre, il a orchestré une collaboration artistique ambitieuse. La traduction et l’adaptation du texte ont été confiées à Marco Aur, qui a su préserver l’essence du message original tout en l’habillant de sensibilités brésiliennes. “Nous avons voulu conserver l’âme de la composition originale tout en lui offrant une dimension nouvelle et inspirante”, confie Wissam Tabet, qui a suivi avec attention ce processus créatif transfrontalier.

Une symphonie de talents au service de la solidarité

Wissam Tabet est un pianiste, arrangeur et compositeur libanais qui est l’auteur de « je rève d’un Liban ».. Il a étudié à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK) et travaille en tant que freelance dans les domaines de l’orchestration et de la composition musicale

La force de ce projet réside dans l’engagement bénévole d’artistes brésiliens d’exception. Alexandre Andrés, André Mehmari, Benjamim Temponi, Carolina Claret, Leonardo Clementine, Chico Lobo, Guto Temponi, Juliana Brandão, Marco Aur, Tatá Sympa et le Trio Amaranto ont uni leurs talents pour donner corps à cette vision. Chacun a apporté sa couleur musicale, fusionnant subtilement les traditions libanaises avec les rythmes chaleureux du Brésil.

Tatá Sympa, maître d’œuvre de la direction musicale et du mixage, a veillé à ce que l’interprétation conserve la puissance émotionnelle de l’original. “La musique possède cette faculté unique de communiquer au-delà des barrières linguistiques. Notre version traduit à la fois la souffrance et l’indomptable espoir du peuple libanais”, explique-t-il avec passion.

Le visuel n’est pas en reste dans cette fresque artistique. Le photographe libanais Kamil Al-Rayes a généreusement partagé ses images saisissantes du Liban pour accompagner la musique. Ses photographies, témoins tantôt de la beauté intemporelle du pays, tantôt de ses cicatrices récentes, enrichissent considérablement la narration et ancrent l’œuvre dans une réalité tangible.

Cette création collective transcende le simple hommage. Elle incarne un acte de foi en l’avenir du Liban, pays meurtri par des crises successives – économiques, politiques et sociales. La musique devient ici un vecteur d’espérance, rappelant que la reconstruction passe aussi par le renforcement d’une identité nationale souvent mise à mal.

La diffusion de Líbano: a flor do mundo illustre parfaitement l’esprit du projet. Disponible gratuitement sur YouTube et Vimeo, relayée via les hashtags #libanoaflordomundo et #lebanonfloweroftheworld, la chanson circule librement sur les réseaux sociaux. Cette approche ouverte permet de toucher aussi bien la diaspora libanaise que le grand public brésilien et international, créant une chaîne de solidarité numérique.

Grande roue du Luna Park et la route de la corniche de Beyrouth la nuit, Rue du General De Gaulle, Manara, Ras Beyrouth, Beyrouth, Liban

Les paroles, bien que traduites en portugais, conservent la force évocatrice du texte original. Elles résonnent comme un appel à se souvenir, à se relever et à reconstruire. Un message particulièrement poignant dans un contexte où le Liban lutte quotidiennement pour préserver son unité et son identité face aux défis internes et externes.

Pour la communauté libanaise du Brésil, ce projet symbolise un pont entre leur terre d’accueil et leurs racines, une façon de contribuer à distance à la guérison de leur pays d’origine. “Nous avons tous un rôle à jouer pour préserver notre héritage et soutenir le Liban. La musique nous permet de rappeler à nos frères et sœurs libanais qu’ils ne sont pas seuls”, souligne Marco Aur avec émotion.

Le succès de cette initiative ouvre déjà la voie à d’autres collaborations similaires. Les artistes impliqués, touchés par cette expérience enrichissante, se tiennent prêts à poursuivre l’aventure et à étendre leur message de paix et d’unité.

Líbano: a flor do mundo illustre magnifiquement la manière dont l’art peut transcender les frontières pour créer des liens de solidarité authentiques. Dans les notes de cette mélodie voyageuse se dessine l’espoir d’un Liban qui, malgré les tempêtes, continue de fleurir et d’inspirer le monde. Une chanson née dans la douleur à Beyrouth, transformée au Brésil, et qui désormais appartient à tous ceux qui croient en la force inébranlable de l’esprit libanais.

Pour découvrir cette œuvre musicale franco-brésilienne et soutenir le message d’espoir qu’elle porte, la vidéo de Líbano: a flor do mundo est disponible sur YouTube.

YouTube: https://youtu.be/-yZASna0XjY?si=SBAWrA9LWqLJPyf4

 

Cet article « Líbano: a flor do mundo »: la version brésilienne de « Je rève d’un Liban » est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
La pratique du ramadan reste chez les jeunes une affirmation communautaire https://mondafrique.com/societe/la-pratique-du-ramadan-reste-une-affirmation-communautaire/ Wed, 05 Mar 2025 19:26:20 +0000 https://mondafrique.com/?p=129009 Le ramadan a débuté ce 1er mars et durera trente jours consécutifs, rappelle l’excellent site « The Conversation ». Chez les jeunes de moins de 25 ans, le ramadan est souvent vécu comme un défi personnel, mais aussi comme un moyen d’affirmer son appartenance à une collectivité. Cette pratique religieuse est devenue un moment spirituel. Les défis physiques […]

Cet article La pratique du ramadan reste chez les jeunes une affirmation communautaire est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
Le ramadan a débuté ce 1er mars et durera trente jours consécutifs, rappelle l’excellent site « The Conversation ». Chez les jeunes de moins de 25 ans, le ramadan est souvent vécu comme un défi personnel, mais aussi comme un moyen d’affirmer son appartenance à une collectivité. Cette pratique religieuse est devenue un moment spirituel. Les défis physiques que représente le jeûne constituent, pour les jeunes musulmans rencontrés, une occasion d’un vivre ensemble recouvré.

Djamel Bentrar, Laboratoire CETAPS à l’Université de Rouen, Le Mans Université

Omar Zanna, Sociologue, Le Mans Université

(…) Malgré l’ampleur de la littérature portant sur l’aire culturelle arabo-musulmane, le rite et les rituels du ramadan demeurent peu étudiés. Les spécialistes de l’islam et des arabistes abondent en descriptions des aspects spirituels du jeûne, de ses vertus, de ses enseignements et de ses règles. Néanmoins, ces écrits s’attardent peu sur la relation entre les prescriptions religieuses du ramadan et sa pratique effective, et ils ne le considèrent pas en tant que phénomène social participant à la cohésion communautaire.

Dans le cadre d’une enquête (auprès d’étudiants, ouvriers, demandeurs d’emploi, cadres, chercheurs) menée dans une ville de l’ouest de la France durant les mois du ramadan de 2022, de 2023 et de 2024, nous avons voulu tester l’hypothèse suivante : le ramadan est une expérience d’ascétisme individuel, fait de privations consenties, mais aussi un rite annuel rendant possible l’identification, l’altérité et la compréhension d’autrui.

En France, les musulmans issus de l’immigration pratiquent le ramadan, parfois avec des aménagements. Les aspects religieux et sociaux sont présents, mais sont souvent adaptés au contexte de vie. Pour les personnes rencontrées dans le cadre de notre enquête, le ramadan constitue un moment crucial, car il renforce des facettes de l’identité atténuées le reste de l’année. Lors de cette période, la spiritualité, les traditions, le lien avec le pays d’origine (sous forme d’échanges en visio ou par téléphone avec la famille ou les amis, notamment après la rupture du jeûne) ou les tenues vestimentaires sont davantage pris en compte.

Une pratique différente entre les jeunes et les aînés

Sur le plan générationnel, ce mois se distingue par un rapport différencié à la tradition : les aînés insistent sur le respect strict (heures de jeûne, prières), tandis que les jeunes valorisent l’intention « niyya » et la solidarité envers les plus démunis tels que les SDF ou les sans-papiers.

Au-delà des observations menées lors de notre enquête, des études montrent que le temps du ramadan renforce les liens sociaux. En France, ce sont surtout les associations musulmanes qui assurent cette dimension : organisations de veillées de manifestations culturelles, distributions de repas aux personnes seules ou dans le besoin. Tout cela joue un rôle important dans l’affirmation de l’identité et participe souvent au maintien de l’attachement aux traditions du pays d’origine. Cette intensification des liens apporte un confort psychique et permet, pour les plus nostalgiques, d’adoucir le sentiment d’exil.

Les jeunes musulmans français, quand bien même ils ne sont pas particulièrement religieux le reste de l’année, observent massivement le jeûne. Ce moment se distingue par son adaptation au contexte laïc notamment à travers les iftars publics (ruptures du jeûne) organisés par les associations et les mosquées des quartiers. Ces initiatives sont souvent organisées en invitant des représentants d’autres religions.

Solidarité et empathie

Au cours de nos entretiens, la dimension morale est systématiquement soulignée. Comme le note Boumedien, tout se passe comme si jeûner permettait de ressentir ce que les autres ressentent, notamment en faisant preuve d’empathie à l’égard des pauvres qui souffrent de faim :

« Le ramadan, c’est un moment de compassion, un mois durant lequel je dois penser à tous ceux qui n’ont pas à manger, à tous ceux qui sont dans le besoin. C’est une épreuve qui me permet de savoir ce que signifie d’avoir faim. »

Les relations interpersonnelles et le respect revêtent aussi une grande importance pour les jeûneurs, puisque tout ce qui pourrait nuire à autrui doit être ainsi évité : faire du tort, mentir, médire sur quelqu’un, nourrir des pensées haineuses, etc.

À cet égard, Abdelkader souligne le sentiment de communauté et de solidarité que lui procure cet ascétisme collectif au nom du divin :

« J’ai un respect fou pour ceux qui tiennent le jeûne. C’est un truc qu’on vit tous ensemble. On se soutient, on se motive… Y’a pas de jugement. »

Ce rite dépasse la simple abstention alimentaire. Il permet aussi le détournement des préoccupations matérielles et des distractions quotidiennes. Cela crée un espace pour une connexion avec soi-même et une résonance avec les autres. En tant qu’expérience symbolique (au sens étymologique de « signe de reconnaissance »), ce mois agit à la manière d’une « colle sociale » favorisant la solidarité autour de valeurs communes de sacrifice et de compassion, renforçant la réflexion spirituelle.

C’est en ce sens qu’il faut comprendre les propos de Fatima :

« La période du ramadan revêt une importance capitale dans ma vie… tant sur le plan spirituel que personnel. C’est un mois consacré à la réflexion, à la discipline et à la connexion avec Dieu. Le jeûne durant ce mois sacré me permet de renforcer ma foi, de purifier mon esprit et de me rapprocher davantage de la communauté musulmane. »

Ces témoignages peuvent être interprétés à l’aune du concept de la « sacralité », élément clé dans la sociologie de la religion. Selon le philosophe Rudolf Otto, la sacralité est une expérience qui se situe au-delà de la rationalité puisqu’elle relève de l’incommensurable. C’est à partir de cette acception qu’il faut comprendre la période du ramadan, c’est-à-dire comme un temps voué à des pratiques spirituelles spécifiques.

Cette même enquêtée insiste plus loin dans l’entretien sur l’aspect communautaire et solidaire de ce mois sacré, d’où l’expression « On est tous dans le même bateau ». En un mot, les personnes interrogées disent que le jeûne lié au ramadan ne correspond pas à une simple privation temporaire, mais tout autant, et peut-être plus encore, à une expérience partagée.

Rite de passage à l’âge adulte

Cette pratique, bien plus qu’une simple abstention, engendre une expérience socialisante, axée sur le partage de la difficulté et de l’abstinence. Les personnes rencontrées ont partagé des récits illustrant comment le jeûne est une occasion unique où l’expérience collective de l’ascétisme transcende la sphère intime pour embrasser une dimension intersubjective. Le ramadan se révèle aussi comme un « rite de passage » significatif pour de nombreux individus – surtout les adolescents – marquant, par cette séquence, leur entrée dans l’âge adulte.

Ainsi, au-delà de la faim, de la soif, de la discipline et de la maîtrise de ses pulsions, le ramadan symbolise un rendez-vous annuel qui, pour beaucoup, est un mois de communion, de compassion envers les plus en difficulté et favorise la réflexion sur soi parmi les autres. Ce moment sacré contribue, certes, au respect des différences, mais peut-être davantage à la reconnaissance des ressemblances.

Cet article La pratique du ramadan reste chez les jeunes une affirmation communautaire est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
Côte d’Ivoire, les écrivains réclament plus de soutien de l’Etat https://mondafrique.com/societe/cote-divoire-les-ecrivains-reclament-plus-de-soutien-de-letat/ Wed, 26 Feb 2025 04:00:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=128352 Auteur d’une trentaine de livres composée de poésie, de romans, de théâtre, de chroniques et d’essais, Josué Guébo sait de quoi il parle lorsqu’il évoque la vie sociale de l’écrivain en Côte d’Ivoire. Il est d’ailleurs le président honoraire de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire (AECI) et du Cercle d’études Séry Bailly (CESB), du […]

Cet article Côte d’Ivoire, les écrivains réclament plus de soutien de l’Etat est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
Auteur d’une trentaine de livres composée de poésie, de romans, de théâtre, de chroniques et d’essais, Josué Guébo sait de quoi il parle lorsqu’il évoque la vie sociale de l’écrivain en Côte d’Ivoire. Il est d’ailleurs le président honoraire de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire (AECI) et du Cercle d’études Séry Bailly (CESB), du nom d’un universitaire ivoirien décédé en décembre 2018.

Dans cet entretien accordé à Mondafrique, Josué Guébo, par ailleurs Maître de Conférences au Département de philosophie de l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan et lauréat de nombreux prix littéraire, dont celui de Tchicaya U Tam’si pour la poésie africaine (2014), le Grand prix national de littérature Bernard Dadié (2016) et le Prix Jeanne de Cavally pour la littérature enfantine (2023), revient sur les conditions de vie et de travail de l’écrivain ivoirien. Il en appelle à plus de soutien de la part de l’Etat.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

Les assises de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire (AECI) consacrées aux conditions de vie de vos collègues écrivains ont eu lieu le samedi 22 février ici à Abidjan. Et selon votre contribution, il y a urgence. Pouvez-vous nous décrire les conditions de vie actuelles des écrivains ivoiriens ?

Disons-le tout net, la réalité de l’écrivain ivoirien n’est pas du tout reluisante. Tous ceux de la communauté des hommes de plumes qui ne tirent pas le diable par la queue, sont nécessairement ceux qui ont d’autres fonctions dans la vie que le métier de la plume. 

N’est-ce pas parce que le marché du livre est compliqué et que les Ivoiriens ne lisent pas assez ?

Qui dit que les Ivoiriens ne lisent pas ? À mon avis, ils lisent. Peut-être pas suffisamment, mais on voit bien qu’ils sont intéressés par tout ce qui s’écrit sur les réseaux sociaux. Pour moi, la faiblesse du rapport de l’Ivoirien au livre provient principalement du regard dépréciatif que les pouvoirs publics ont sur les choses culturelles en général, et sur le livre en particulier. Il y a ici une confusion grave entre le culturel et le spectaculaire. Ce qui est valorisé ici, ce n’est pas la patiente quête de connaissance qu’implique le rapport au livre, mais la promotion du cosmétique. Nous sommes dans une culture d’un matérialisme bricolé. La question de la complexité de la chaîne du livre en découle. Le problème, c’est aussi la vision que nos gouvernants ont du livre. Ils ont l’air de comprendre que la route précède le développement, mais ils n’ont pas l’air de réaliser que le livre, lui précède la route, car sans livre, pas d’ingénieur pour concevoir la route. 

Alors, parlez-nous de la complexité de la chaîne du livre et à quel point cela explique-t-il le désespoir des écrivains ivoiriens ?

Ce que l’on peut considérer comme une complexité, bien qu’elle n’en soit pas une, en réalité, c’est ce jeu de la très inégale répartition des bénéfices entre les acteurs de la chaîne du livre. Cette répartition fait des auteurs, les parents pauvres de tout le dispositif du livre.  Le livre, ici, ne nourrit pas son homme, mais son ombre. Ceux que j’appelle « l’ombre », ce sont les maillons connexes à l’écrivain dans la chaîne du livre : le libraire, l’éditeur, l’imprimeur. La plupart des éditeurs reversent entre 3% et 5% de la valeur d’un livre à l’auteur. Les plus humains vont parfois à 10%. Sur un livre qui coûte 3000 FCFA, donc l’auteur a en moyenne, 150 f CFA, là où l’éditeur, l’imprimeur et le libraire se partagent les 2850. Ce qui fait qu’aucun de ces trois n’a individuellement moins de 800 FCFA sur ce montant. Voici la réalité de l’écrivain. Cette réalité est portée par l’idée fallacieuse que l’effort intellectuel est un capital économique quasi-nul. 

Qu’a fait votre association pour que les choses changent et quel rôle, à votre avis, l’Etat doit-il jouer pour améliorer les conditions de vie des écrivains ?

L’AECI qui aura 40 ans, l’année prochaine, précisément le 31 août 2026, mobilise les auteurs, les défend dans la mesure de ses possibilités et sensibilise sur la nécessité de valoriser les livres et les auteurs. L’un des combats réussis par l’AECI, c’est d’avoir permis une plus grande introduction des auteurs locaux au sein du programme scolaire national. Sur ce point nous voulons sincèrement saluer l’excellence de la coopération avec le ministère de l’éducation nationale qui a permis que les auteurs nationaux soient de plus en plus étudiés dans les écoles.

Mais le chantier, d’une valorisation des conditions de vie des créateurs de l’écrit reste encore en friche. Depuis 40 ans, les militants du livre en Côte d’Ivoire, œuvrent – sans réclamer de médailles – (rires) pour que les écrivains soient mieux traités. Il y va de la santé intellectuelle, voire mentale de ce pays. Nous proposons donc qu’une fois l’an, l’Etat de Côte d’Ivoire lève 250 FCFA sur les salaires de 260 000 fonctionnaires que compte ce pays. Tous les fonctionnaires sont redevables au livre, car passés par l’école. Une telle mesure permettra d’appuyer à hauteur de 65 millions l’Association des Ecrivains de Côte d’Ivoire. Nous suggérons, par ailleurs, que 1% des recettes générées par le Salon du Livre d’Abidjan soit reversé aux écrivains, à travers leur association et que de même soit reversé à l’AECI 1% du bénéfice annuel des librairies. Le BURIDA pourrait être chargé de la collecte et de la répartition de cette somme. Cela permettrait de redynamiser considérablement la chaîne du livre en Côte d’Ivoire.

Maintenant, en tant qu’écrivain, que pouvez-vous faire pour vous valoriser ? Les écrivains ivoiriens sont rarement reçus aux prix internationaux. N’y a-t-il pas réellement un problème de talents ?

Nous n’avons aucun problème de talent. Je ne sais pas quel prix Senghor, Césaire ou Damas ont remporté pour être les auteurs de portée et de résonance universelle que nous connaissons tous. Il faut déjà savoir que l’écrivain n’est pas un chasseur de primes. Sortons du complexe de la marchandise. Les prix conviennent mieux aux produits d’étalage. Par ailleurs, rien ne garantit que les prix soient vraiment le seul gage d’excellence. Il y a les colloques, mais aussi la somme de travaux universitaires sur une œuvre qui peuvent valablement témoigner de sa maturité et de son excellence.  Cela dit, il est absolument inexact d’affirmer que les auteurs Ivoiriens sont rarement reçus aux prix internationaux. Le premier Grand Prix littéraire d’Afrique Noire, Aké Loba, est Ivoirien. D’autres lui ont emboîté le pas : Bernard Dadié, Jean-Marie Adiaffi, Véronique Tadjo, Venance Konan.

Oui, mais ça date tout ça…

Aujourd’hui Armand Gauz, caracole : il a remporté, à lui tout seul, le Grand Prix littéraire d’Afrique noire, le Prix Ethiophile et d’autres prix internationaux d’amplitude significative. À titre personnel, j’ai remporté le très sélectif Tchicaya U Tam’si, un prix attribué sous l’égide de l’UNESCO et que j’ai obtenu au même titre que René Depestre, né en 1926, Edouard Maunick, né en 1931 et Jean-Baptiste Tati-Loutard, né en 1938.  Lamine Sall, né en 1951 et primé par l’académie française, l’a obtenu juste après moi et l’immense poète Paul Dakeyo, né en 1948, vient à peine de l’avoir.

Alors, dans cette chaîne, il n’y a que l’Etat qui ne répond pas aux attentes ?

A part l’Etat, il y a, à mon avis, les critiques littéraires et les éditeurs : les uns par leur absence et les autres par leur extrême permissivité plombent la qualité générale du livre produit en Côte d’Ivoire.

Ne resterait plus que votre exposition. Est-ce qu’il faut suffisamment d’infrastructures du livre, par exemple les bibliothèques dans chaque commune et des émissions consacrées aux livres dans les médias ?

Absolument. Les bibliothèques manquent cruellement. Même dans les établissements académiques. La politique du livre est beaucoup trop événementielle pour l’instant. Le Salon du Livre est une chose excellente, mais c’est une comète annuelle. Ce qu’il importe de faire vivre ce sont des bibliothèques en nombre au moins égal aux dispensaires et centre de santé de proximité. C’est une question de santé intellectuelle. La place du livre dans les médias est tout à fait problématique. Il n’y a jamais eu dans ce pays, un espace médiatique réservé au livre qu’on ait pu comparer aux plages faites à la musique et à la danse. La culture en Côte d’Ivoire a valorisé Podium et Variétoscope, la musique et la danse. Aujourd’hui, nous sommes reconnus, dans ces domaines, à l’international en étant le pays d’Alpha Blondy, de Meiway et de DJ Arafat. Pour la danse, on n’en compte plus les variantes : zouglou, coupé décalé, Gnakpa, Cacher-regarder et j’en passe. Le théâtre porté aussi à l’écran un temps a porté ses fruits : les humoristes en terre d’Éburnie ne se comptent plus. Si l’Etat avait valorisé le livre comme, il a promu la musique et la danse, il est clair que la littérature ivoirienne s’en porterait mieux. Malheureusement, la Côte d’Ivoire a conditionné ces fils à préférer le Kpankaka (mot popularisé par une influenceuse ivoirienne pour exprimer des choses vulgaires, NDLR) à Climbié. Et c’est un problème. Mais il peut encore aujourd’hui être résolu. Il suffit d’amplifier la place des activités littéraires dans le champ de nos médias audiovisuels en particulier.

Ne songez-vous pas parfois, à votre niveau, à faire du lobbying auprès des décideurs institutionnels, médiatiques ou même scolaires ?

J’ai évoqué à l’instant la collaboration qui a permis une plus grande insertion des ouvrages des auteurs ivoiriens dans le programme scolaire. C’est dire que nous ne restons pas les bras croisés. Nous organisons des caravanes et incitons tous nos confrères à s’activer au sein des établissements scolaires et en dehors de ceux-ci. C’est chose faite. Nous sommes en mouvement. Mais tout ceci reste perfectible.

 

Cet article Côte d’Ivoire, les écrivains réclament plus de soutien de l’Etat est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
« Pépites jaunes », des essais incisifs et érudits sur l’Afrique https://mondafrique.com/confidentiels/pepites-jaunes-des-essais-incisifs-et-erudits-sur-lafrique/ Mon, 24 Feb 2025 17:55:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=128242 En créant « Pépites jaunes », la maison d’édition Riveneuve lance une nouvelle collection de poche dirigée par l’écrivain et sociologue Elgas. Des essais incisifs et érudits, une esthétique soignée, une ambition universelle, une véritable invitation à la réflexion critique et à la controverse constructive, engagée, affûtée, sans concession. La maison d’édition Riveneuve annonce le […]

Cet article « Pépites jaunes », des essais incisifs et érudits sur l’Afrique est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
En créant « Pépites jaunes », la maison d’édition Riveneuve lance une nouvelle collection de poche dirigée par l’écrivain et sociologue Elgas. Des essais incisifs et érudits, une esthétique soignée, une ambition universelle, une véritable invitation à la réflexion critique et à la controverse constructive, engagée, affûtée, sans concession.

La maison d’édition Riveneuve annonce le lancement de Pépites jaunes, une collection de poche dirigée par l’écrivain et sociologue Elgas. Ce projet éditorial, qui sera présenté au Salon du livre africain le 15 mars et au Festival du livre de Paris du 11 au 13 avril, ambitionne d’ouvrir de nouveaux espaces de réflexion critique. À travers des essais courts, incisifs et érudits, Pépites jaunes se veut un laboratoire intellectuel où la controverse des idées rencontre l’exigence du débat courtois.

Deux premiers titres annonciateurs

Pour inaugurer cette collection, Riveneuve publie deux essais qui reflètent parfaitement l’esprit de Pépites jaunes :

Enterrer Sankara. Essai sur les économies africaines, de Joël Té-Léssia Assoko, avec une préface de Pierre Haski (En librairie le 27 mars 2025).
Ce texte analyse les trajectoires économiques du continent africain à la lumière de l’héritage de Thomas Sankara. Il interroge la viabilité des modèles de développement et explore les contradictions des politiques économiques postcoloniales.

L’Afrique contre la démocratie. Mythes, déni et péril, d’Ousmane Ndiaye, avec une préface de Sophie Bessis (En librairie le 5 juin 2025).
Dans cet essai percutant, l’auteur déconstruit les discours dominants sur la démocratie en Afrique et met en lumière les dynamiques de résistance, d’appropriation et de détournement des modèles politiques importés.

Ces premiers ouvrages donnent le ton : engagement intellectuel, analyse rigoureuse et volonté de bousculer les idées reçues.

Une collection qui bouscule les certitudes

Derrière Pépites jaunes, une ambition claire : celle de renouveler le regard sur les grandes questions contemporaines en confrontant les savoirs établis à des perspectives nouvelles. La collection explore des thématiques variées, allant de la philosophie à l’économie, en passant par la sociologie et les sciences humaines.

Selon Elgas, cette initiative vise à « brosser une sorte d’inventaire pour aller vers plus de complexité », sans se limiter à un cadre strictement académique. Loin de tout dogmatisme, les essais publiés dans Pépites jaunes proposent des analyses tranchantes, accessibles mais rigoureuses, qui osent la friction intellectuelle.

Le projet défend une approche transversale, favorisant le dialogue entre disciplines et continents. Si l’Afrique constitue son point d’ancrage, la collection n’hésite pas à explorer d’autres territoires de pensée, revendiquant une démarche ouverte sur l’universel.

Confrontation des idées et quête d’espérance

Dans un paysage intellectuel souvent polarisé, Pépites jaunes fait le pari d’une pensée critique qui refuse les clivages stériles. La collection s’autorise la frontalité du débat, tout en prônant la courtoisie et la civilité des échanges.

« L’âpreté n’exclut pas la nuance », souligne Elgas. La démarche ne cherche ni la polémique gratuite ni l’agressivité rhétorique, mais elle assume pleinement la controverse comme moteur de réflexion. Loin d’une vision fataliste, Pépites jaunes revendique aussi une forme d’optimisme en proposant des grilles de lecture neuves, en formulant des pistes de transformation sociale et en ouvrant des horizons plutôt qu’en figeant les diagnostics.

Une invitation à repenser l’universel

Si l’Afrique est au cœur de la collection, Pépites jaunes se veut avant tout une plateforme de réflexion débarrassée de toute verticalité hégémonique. Le projet refuse les cloisonnements et s’ouvre aux problématiques globales, explorant les tensions entre particularismes et universalismes.

Ce positionnement tranche avec une tendance éditoriale qui, souvent, enferme les penseurs africains dans des cadres prédéfinis. Ici, pas de regard condescendant ni de mise à l’écart sous prétexte d’une prétendue singularité culturelle. L’objectif est de donner toute sa place à une pensée africaine capable de dialoguer avec le reste du monde sans être réduite à une périphérie intellectuelle.

Vers une nouvelle cartographie du savoir

Avec Pépites jaunes, Riveneuve ne se contente pas d’ajouter une nouvelle collection à son catalogue, elle initie un mouvement éditorial ambitieux, destiné à ouvrir des brèches dans les discours établis.

En misant sur des textes courts mais percutants, accessibles mais exigeants, la collection entend capter un lectorat avide de pensée vivante, refusant les dogmes et les évidences. Son esthétique, alliant l’épure du kraft jaune et la finesse des gravures de France Dumas, renforce cette volonté de créer des objets éditoriaux qui marquent autant par leur fond que par leur forme.

Avec les premières publications prévues dès mars 2025, Pépites jaunes s’apprête à secouer le monde des idées !

 

Cet article « Pépites jaunes », des essais incisifs et érudits sur l’Afrique est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
Les forçats de l’Intelligence Artificielle dans les pays du Sud https://mondafrique.com/societe/les-forcats-de-lintelligence-artificielle-dans-les-pays-du-sud/ Fri, 14 Feb 2025 06:14:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=90665 Il n’y a pas que des robots derrière l’intelligence artificielle (IA) : en bout de chaîne, on trouve souvent des travailleurs des pays du sud. Récemment une enquête du Time révélait que des travailleurs kényans payés moins de trois euros de l’heure étaient chargés de s’assurer que les données utilisées pour entraîner ChatGPT ne comportaient pas de contenu à caractère […]

Cet article Les forçats de l’Intelligence Artificielle dans les pays du Sud est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>

Il n’y a pas que des robots derrière l’intelligence artificielle (IA) : en bout de chaîne, on trouve souvent des travailleurs des pays du sud. Récemment une enquête du Time révélait que des travailleurs kényans payés moins de trois euros de l’heure étaient chargés de s’assurer que les données utilisées pour entraîner ChatGPT ne comportaient pas de contenu à caractère discriminatoire.

Les modèles d’IA ont en effet besoin d’être entraînés, en mobilisant une masse de données extrêmement importante, pour leur apprendre à reconnaître leur environnement et à interagir avec celui-ci. Ces données doivent être collectées, triées, vérifiées et mises en forme. Ces tâches chronophages et peu valorisées sont généralement externalisées par les entreprises technologiques à une foule de travailleurs précaires, généralement situés dans les pays des suds.

Ce travail de la donnée prend plusieurs formes, en fonction des cas d’usage de l’algorithme final, mais il peut s’agir par exemple d’entourer les personnes présentes sur les images capturées par une caméra de vidéosurveillance, pour apprendre à l’algorithme à reconnaître un humain. Ou encore corriger manuellement les erreurs produites par un modèle de traitement automatique de factures.

Nous proposons, à travers une enquête menée entre Paris et Antananarivo, capitale de Madagascar, de nous pencher sur l’identité de ces travailleurs de la donnée, leurs rôles et leurs conditions de travail, et de proposer des pistes pour enrichir les discussions autour de la régulation des systèmes d’IA.

L’intelligence artificielle, une production mondialisée

Nos recherches appuient l’hypothèse que le développement de l’intelligence artificielle ne signifie pas la fin de travail due à l’automation, comme certains auteurs l’avancent, mais plutôt son déplacement dans les pays en voie de développement.

Notre étude montre aussi la réalité de « l’IA à la française » : d’un côté, les entreprises technologiques françaises s’appuient sur les services des GAFAM pour accéder à des services d’hébergement de données et de puissance de calcul ; d’un autre côté les activités liées aux données sont réalisées par des travailleurs situés dans les ex-colonies françaises, notamment Madagascar, confirmant alors des logiques déjà anciennes en matière de chaînes d’externalisation. La littérature compare d’ailleurs ce type d’industrie avec le secteur textile et minier.

Un constat initial a guidé notre travail d’enquête : les conditions de production de l’IA restent mal connues. En nous appuyant sur des recherches antérieures sur le « travail numérique » (digital labour), nous avons cherché à comprendre où et comment sont façonnés les algorithmes et les jeux de données nécessaires à leurs entraînements ?

Intégrés au sein du groupe de recherche Digital Platform Labor, notre travail consiste à analyser les relations d’externalisation entre entreprises d’intelligence artificielle françaises et leurs sous-traitants basés dans les pays d’Afrique francophone et à dévoiler les conditions de travail de ces « travailleurs de la donnée » malgaches, devenus essentiels au fonctionnement des systèmes intelligents.

Notre enquête a débuté à Paris en mars 2021. Dans un premier temps, nous avons cherché à comprendre le regard que les entreprises françaises productrices d’IA entretenaient sur ces activités liées au travail de la donnée, et quels étaient les processus mis en œuvre pour assurer la production de jeux de données de qualité suffisante pour entraîner les modèles.

Le lac Anosy Central à Antananarivo, capital de Madagascar. Sascha Grabow/Wikipedia, CC BY

Nous nous sommes ainsi entretenus avec 30 fondateurs et employés opérant dans 22 entreprises parisiennes du secteur. Un résultat a rapidement émergé de ce premier travail de terrain : le travail des données est dans sa majorité externalisé auprès de prestataires situés à Madagascar.

Les raisons de cette concentration des flux d’externalisation vers Madagascar sont multiples et complexes. On peut toutefois mettre en avant le faible coût du travail qualifié, la présence historique du secteur des services aux entreprises sur l’île, et le nombre élevé d’organisations proposant ces services.

Lors d’une seconde partie de l’enquête d’abord menée à distance, puis sur place à Antananarivo, nous nous sommes entretenus avec 147 travailleurs, managers, et dirigeants de 10 entreprises malgaches. Nous avons dans le même temps diffusé un questionnaire auprès de 296 travailleurs des données situés à Madagascar.

Les emplois du numérique : solution précaire pour jeunes urbains éduqués

Dans un premier temps, le terrain révèle que ces travailleurs des données sont intégrés à un secteur plus large de production de service aux entreprises, allant des centres d’appels à la modération de contenu web en passant par les services de rédaction pour l’optimisation de la visibilité des sites sur les moteurs de recherche.

Les données du questionnaire révèlent que ce secteur emploie majoritairement des hommes (68 %), jeunes (87 % ont moins de 34 ans), urbains et éduqués (75 % ont effectué un passage dans l’enseignement supérieur).

Quand ils évoluent au sein de l’économie formelle, ils occupent généralement un poste en CDI. La moindre protection offerte par le droit du travail malgache comparée au droit du travail français, la méconnaissance des textes par les travailleurs, et la faiblesse des corps intermédiaires (syndicats, collectifs) et de la représentation en entreprise accentuent néanmoins la précarité de leur position. Ils gagnent en majorité entre 96 et 126 euros par mois, avec des écarts de salaires significatifs, jusqu’à 8 à 10 fois plus élevés pour les postes de supervision d’équipe, également occupés par des travailleurs malgaches situés sur place.

Ces travailleurs sont situés à l’extrémité d’une longue chaîne d’externalisation, ce qui explique en partie la faiblesse des salaires de ces travailleurs qualifiés, même au regard du contexte malgache.

La production de l’IA implique en effet trois types d’acteurs : les services d’hébergement de données et de puissance de calcul proposés par les GAFAM, les entreprises françaises qui vendent des modèles d’IA et les entreprises qui proposent des services d’annotations de données depuis Madagascar, chaque intermédiaire captant une partie de la valeur produite.

Ces dernières sont de plus généralement très dépendantes de leurs clients français, qui gèrent cette force de travail externalisée de manière quasi directe, avec des postes de management intermédiaire dédiés au sein des start-up parisiennes.

L’occupation de ces postes de direction par des étrangers, soit employés par les entreprises clientes en France, soit par des expatriés sur place, représente un frein important aux possibilités d’évolution de carrière offertes à ces travailleurs, qui restent bloqués dans les échelons inférieurs de la chaîne de valeur.

Des entreprises qui profitent des liens postcoloniaux

Cette industrie profite d’un régime spécifique, les « zones franches », institué en 1989 pour le secteur textile. Dès le début des années 1990, des entreprises françaises s’installent à Madagascar, notamment pour des tâches de numérisation liées au secteur de l’édition. Ces zones, présentes dans de nombreux pays en voie de développement, facilitent l’installation d’investisseurs en prévoyant des exemptions d’impôts et de très faibles taux d’imposition.

Aujourd’hui, sur les 48 entreprises proposant des services numériques dans des zones franches, seulement 9 sont tenues par des Malgaches, contre 26 par des Français. En plus de ces entreprises formelles, le secteur s’est développé autour d’un mécanisme de « sous-traitance en cascade », avec, à la fin de la chaîne des entreprises et entrepreneurs individuels informels, moins bien traités que dans les entreprises formelles, et mobilisés en cas de manque de main-d’œuvre par les entreprises du secteur.

En plus du coût du travail, l’industrie de l’externalisation profite de travailleurs bien formés : la plupart sont allés à l’université et parlent couramment le français, appris à l’école, par Internet et à travers le réseau des Alliances françaises. Cette institution d’apprentissage du français a été initialement créé en 1883 afin de renforcer la colonisation à travers l’extension de l’utilisation de la langue du colonisateur par les populations colonisées.

Ce schéma rappelle ce que le chercheur Jan Padios désigne comme le « colonial recall ». Les anciens pays colonisés disposent de compétences linguistiques et d’une proximité culturelle avec les pays donneurs d’ordres dont bénéficient les entreprises de services.

Rendre visibles les travailleurs de l’intelligence artificielle

Derrière l’explosion récente des projets d’IA commercialisés dans les pays du nord, on retrouve un nombre croissant de travailleurs de la donnée. Alors que la récente controverse autour des « caméras intelligentes », prévues par le projet de loi relatif aux Jeux olympiques de Paris, s’est principalement focalisée sur les risques matière de surveillance généralisée, il nous semble nécessaire de mieux prendre en compte le travail humain indispensable à l’entraînement des modèles, tant il soulève de nouvelles questions relatives aux conditions de travail et au respect de la vie privée.

Rendre visible l’implication de ces travailleurs c’est questionner des chaînes de production mondialisées, bien connues dans l’industrie manufacturière, mais qui existent aussi dans le secteur du numérique. Ces travailleurs étant nécessaires au fonctionnement de nos infrastructures numériques, ils sont les rouages invisibles de nos vies numériques.

C’est aussi rendre visible les conséquences de leur travail sur les modèles. Une partie des biais algorithmiques résident en effet dans le travail des données, pourtant encore largement invisibilisé par les entreprises. Une IA réellement éthique doit donc passer par une éthique du travail de l’IA.

 

Cet article vous a-t-il éclairé ?

A The Conversation, nous sommes convaincus que nous pouvons faire reculer les idées reçues et les raccourcis intellectuels en publiant des analyses basées sur la recherche. Si vous le pouvez, faites un don mensuel pour nous soutenir dans notre démarche.

Fabrice Rousselot Directeur de la rédaction
 
 

Cet article Les forçats de l’Intelligence Artificielle dans les pays du Sud est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
Un documentaire d’Arte sur l’impossible partage du Nil https://mondafrique.com/loisirs-culture/limpossible-partage-du-plus-long-fleuve-du-monde/ Tue, 04 Feb 2025 18:49:43 +0000 https://mondafrique.com/?p=126604 « La bataille du Nil » est un documentaire au suspense haletant, signé par Sara Creta, qui entraîne le téléspectateur dans une minutieuse investigation socio-historique depuis la source du Nil jusqu’à son Delta. Source de vie pour plus de 300 millions de personnes,  le Nil est depuis toujours l’objet d’intenses luttes de pouvoir. Lorsque Nasser, au XXe […]

Cet article Un documentaire d’Arte sur l’impossible partage du Nil est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
« La bataille du Nil » est un documentaire au suspense haletant, signé par Sara Creta, qui entraîne le téléspectateur dans une minutieuse investigation socio-historique depuis la source du Nil jusqu’à son Delta.

Source de vie pour plus de 300 millions de personnes,  le Nil est depuis toujours l’objet d’intenses luttes de pouvoir. Lorsque Nasser, au XXe siècle, fait construire le barrage d’Assouan, il s’assure un développement économique  à l’Égypte au détriment de l’Éthiopie et du Soudan. Mais depuis 2013, la construction par Addis-Abeba du « barrage de la Renaissance », la plus grande digue jamais dressée sur le continent africain, empoisonne à nouveau les rapports entre les trois voisins. Une chronique de Sandra Joxe

Un documentaire de Sara Creta ,52 mn, visible sur Arte Repaly, Jusqu’au 8 / 08 / 2025

La documentariste Sara Creta

La documentariste Sara Creta récidive ! Déjà remarquée pour son beau film sur les femmes soudanaises puis, en 2021 pour son bouleversant documentaire « Libye, les centres de la honte » (sur les conditions de détention inhumaines des migrants) la journaliste propose aujourd’hui une investigation passionnante… au fil du Nil.

En conjuguant habilement des interviews pris sur le vif et sur le terrain (femmes, paysans, hommes de la rue en Ethiopie) face aux discours bien huilés de hauts responsables politiques, scientifiques ou militaires, elle offre un panorama passionnant des enjeux que soulèvent la construction du « plus grand barrage de l’Afrique » entamée depuis 2013… et toujours en rade.

Un documentaire-choc 

Si le film se dévore comme un thriller bien ficelé, c’est avant tout grâce à son scénario construit avec soin… Le suspense s’accroit au fur et à mesure des découvertes : un directeur du barrage bizarrement « suicidé », des chefs rebelles qui retournent leurs vestes, des menaces militaires plus ou moins voilées, l’ingérence des émiratis de plus en plus ostensibles. Mais c’est aussi grâce à la qualité de la documentation : la réalisatrice n’a pas hésité à planter sa caméra tout au long de la vallée du Nil (depuis sa source,  le Lac Danna aux confins de l’Ethiopie, terre de pauvreté et de guerres intestines –  jusqu‘au  très fertile delta égyptien.

On y découvre l’ampleur des enjeux sociaux-économiques, écologiques, politiques et toute les enjeux symboliques qui  se nouent depuis des siècles autour de la maitrise des eaux du fleuve.

En juxtaposant ces différents points de vue : ceux des Ethiopiens, opposés à ceux des Egyptiens sans oublier les Soudanais pris en sandwich, Sara Creta offre aux spectateurs une multiplicité de points de vue qui évite tout didactisme.

Un enjeu de fierté pour l’Éthiopie

Le « barrage de la Renaissance » divise le spopulations

 

Pour l’Éthiopie, l’enjeu est économique mais aussi symbolique. Pays déshérité à peine sorti de la guerre, rongé par les luttes fratricides, parent pauvre de la vallée du Nil, le « barrage de la Renaissance » a l’ambition de bien porter son nom.

En témoigne l’engouement de la population qui voit dans ces travaux une réapropriation de leur fleuve.C’est peut-être le seul sujet qui fasse consensus au niveau national, tout le pays voit le barrage comme un symbole de résistance et le gouvernement utilise aussi cette bataille pour détourner l’attention  envers d’autres questions brûlantes.

Pour les villageois éthiopiens l’intérêt des travaux peut résider dans l’accès au confort moderne : encore 65 % de la population vit sans électricité et le barrage est censé résoudre le problème – même si pour l’instant l’électricité produite depuis 2022 est vendue par le gouvernement aux pays limitrophes…  pour obtenir des devises ! .

Mais c’est avant tout les grandes multinationales qui convoitent le marché : c’est ce que dévoile  enfinle documentaire. 

Une guerre larvée

 

Car le  film ne s’enlise pas dans les berges du Nil : il sait prendre de la hauteur. La deuxième partie révèle les arcanes d’une guerre larvée. Tous les pays de la Corne de l’Afrique ont les yeux rivés sur le devenir de ce barrage et de la maitrise de l’eau du Nil, qui suscite plus que jamais les appétits les plus féroces.  

En suivant un progression chronologique – depuis la campagne de financement pour boucler une partie du budget (6 milliards d’euros), les actions des lobbies, et les difficultés d’un chantier loin d’être achevé, en passant par les morts suspectes (celle d’un haut responsable soi-disant « suicidé » dans sa voiture à Addis-Abeba) ce documentaire palpitant poursuit son investigation bien au-delà des 3 pays directement concernés.. La guerre de l’eau se joue aussi au sein  des institutions internationales (ONU, Banque mondiale…) appelées à soutenir les inquiétudes du Caire : car l’Egypte n’est pas du tout disposée à abandonner son hégémonie sur le Nil.

Une domination bien installée, qui date de la construction du barrage d’Assouan et du lac Nasser.

Derrière les antagonismes nationaux ce sont des intérêts financiers parfois occultes qui semble régir l’évolution de ce projet pharaonique – qui piétine, démarre, s’interrompt, redémarre, alimentant au passage tout un tas de réseaux de corruption locaux ou nationaux voire internationaux :  et c’est le mérite de ce film que de dévoiler comment finalement, tout se joue dans la cour du capitalisme mondialisé, une fois de plus.

Pour reprendre l’adage héraclitéen : « on ne se baigne jamais dans le même fleuve ». La coexistence est impossible entre une femme de pêcheur éthiopienne (sur)vivant sans électricité, un petit paysan soudanais, un agriculteur égyptien au service d’une multinationale ou… un émirati en quête d’investissement juteux !

Rejoignez la nouvelle chaine Whatsapp de Mondafrique

 

 

 

Cet article Un documentaire d’Arte sur l’impossible partage du Nil est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
La destruction d’un patrimoine millénaire à Gaza https://mondafrique.com/societe/la-destruction-dun-patrimoine-millenaire-a-gaza/ Fri, 17 Jan 2025 06:13:04 +0000 https://mondafrique.com/?p=125214 Le cessez-le-feu qui va entrer en vigueur ce dimanche à Gaza apparaît fragile et, en tout état de cause, ne signifie pas la fin de la guerre. Celle-ci, outre un très lourd bilan humain, a causé de graves dommages au bâti gazaoui, y compris à de nombreux sites patrimoniaux d’une immense valeur. Des dommages que […]

Cet article La destruction d’un patrimoine millénaire à Gaza est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
Le cessez-le-feu qui va entrer en vigueur ce dimanche à Gaza apparaît fragile et, en tout état de cause, ne signifie pas la fin de la guerre. Celle-ci, outre un très lourd bilan humain, a causé de graves dommages au bâti gazaoui, y compris à de nombreux sites patrimoniaux d’une immense valeur. Des dommages que l’Unesco documente inlassablement.

Une enquête du site « The Conversation », site partenaire


Caractérisé par une très forte densité de population et de bâti, le territoire de Gaza (365 km2 seulement, soit 28 fois moins que la superficie de la Corse, mais avec plus de 2 millions d’habitants) a subi, depuis le 7 octobre 2023, de terribles bombardements israéliens, qui ont tué environ 42 000 personnes et entraîné des destructions colossales.

Ces destructions sont particulièrement graves, car le patrimoine architectural et historique de Gaza est précieux, ce territoire ayant une histoire plurimillénaire remontant à l’Antiquité et aux époques assyrienne, puis hellénistique, romaine, islamique, ottomane et mandataire (l’époque où la Palestine était un mandat de la Société des nations (SDN) confié au Royaume-Uni).

L’Unesco, une mission essentielle mais manquant de moyens contraignants

L’Unesco – Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, créée en 1945 – coordonne un réseau de plus de 2 000 sites inscrits sur sa prestigieuse liste du patrimoine mondial, créée en 1972. Cette défense du patrimoine se déploie de façon multiforme : publications, aide matérielle à la sauvegarde de monuments ou sites (comme les temples d’Abou Simbel en Égypte, sauvés des eaux en 1968, actions normatives (conventions et recommandations), opérations de promotion en direction du grand public…

Même si l’on observe une inflation faramineuse du nombre de sites classés, ce qui ne va pas sans susciter certains effets pervers comme un tourisme de masse susceptible de dégrader les sites en question, l’action patrimoniale de l’Unesco reste essentielle. Malheureusement ses appels à respecter le patrimoine en temps de guerre restent souvent lettre morte, spécialement durant les conflits armés (on l’a constaté ces dernières années en Ukraine), et ce bien que l’institution ait fait adopter dès 1954 une Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, dite Convention de La Haye. Un texte qui, comme beaucoup d’autres textes onusiens, manque cruellement de force contraignante, ce qui nuit à son efficacité pratique.


Read more: Comment la guerre menace le riche patrimoine archéologique ukrainien

 

En Palestine, l’Unesco, notamment au moyen de son bureau installé à Ramallah en 1997, agit – souvent en collaboration avec une autre agence onusienne, l’UNRWA – pour fournir une aide technique, éducative et culturelle aux habitants de Cisjordanie et de Gaza, et notamment aux réfugiés.

Comme le précise l’organisation, sur son site,

« depuis février 2024, un total de 1 580 enfants déplacés ont reçu de l’aide grâce aux initiatives de santé mentale et de soutien psychosocial de l’Unesco dans les abris de Khan Younis et Rafah dans le sud de la bande de Gaza, en partenariat avec le Centre de créativité des enseignants (TCC). 810 personnes s’occupant d’enfants ont également participé à des ateliers de soutien psychosocial, renforçant ainsi leur capacité à s’aider elles-mêmes et à aider les enfants dont elles s’occupent. »

Au-delà de cette assistance immédiate, l’Unesco s’est aussi consacrée à documenter les destructions du riche patrimoine gazaoui provoquées par les opérations militaires de ces seize derniers mois.

L’évaluation des dommages patrimoniaux à Gaza

L’Unesco effectue une évaluation préliminaire à distance des dommages causés aux biens culturels grâce aux images satellites et analyses fournies par Unosat, le centre satellitaire des Nations unies. Entre octobre 2023 et octobre 2024, l’Unesco a observé des dégâts sur 75 sites : 48 bâtiments historiques ou artistiques, 10 sites religieux, 7 sites archéologiques, 6 monuments, 3 dépôts de biens culturels et 1 musée.

Selon Hamdan Taha, actuellement coordinateur du projet d’histoire et de patrimoine de la Palestine, en lien avec l’Unesco, Israël ciblerait intentionnellement un grand nombre de sites archéologiques, et ce dès le début de la guerre :

« Le plus notable de ces sites est Tell es-Sakan, au sud de la ville de Gaza, que les archéologues datent de l’âge du Bronze ancien (entre 3200 et 2300 avant notre ère). Des rapports préliminaires indiquent que Tell el-Ajjul, site emblématique de l’histoire de Gaza durant l’âge du Bronze moyen et tardif (2300-500 av. n.è.), a également été ciblé, tandis que les sites de Tell el-Mintar et les sanctuaires de Sheikh ’Ali el-Mintar et de Sheikh Radwan [quartier au nord-ouest de la ville de Gaza] ont subi d’importants dégâts. Le site d’el-Blakhiyah, qui représente le port ancien de Gaza, l’Anthédon, construit pendant la période gréco-romaine et actif jusqu’au XIIe siècle, a également été ciblé. Des tirs d’artillerie ont gravement endommagé une église de l’époque byzantine à Jabaliya, avec une probable perte de ses très riches mosaïques. »

Le patrimoine a aussi été dévasté dans les villes de « Gaza, de Beit Hanoun, de Deir el-Balah, de Khan Younès et de Rafah, patrimoine qui comprenait des bâtiments historiques, des mosquées, des écoles, des demeures privées, des sanctuaires et des fontaines publiques », ajoute-t-il, s’arrêtant sur le cas de la mosquée Omari, d’une superficie de 4 100 m2, et dont le bâtiment « a été totalement rasé ». L’église de Saint-Porphyre, dans le quartier Zaytoun de Gaza, « a également été presque totalement détruite ».

 

La Grande Mosquée de Gaza, qui est la plus ancienne mosquée de Palestine, a été elle aussi victime des bombardements. Abaher el Sakka, professeur associé au département des sciences sociales de l’Université de Bir Zeit (Cisjordanie), explique que ce bâtiment n’est pas seulement un lieu de culte, mais aussi un symbole des différents styles architecturaux de Gaza.

De graves dommages ont été infligés au musée du Palais du Pacha (Qasr al-Basha, en arabe), un ancien château mamelouk du XIIIe siècle, qui avait servi de demeure aux pachas de Gaza durant l’époque ottomane et avait été restauré et converti en musée en 2005 avec le financement du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

L’ensemble du monastère de Saint-Hilarion, lui aussi visé par les bombardements israéliens, a été provisoirement inscrit sur la Liste internationale des biens culturels sous protection renforcée de l’Unesco en juillet 2024.

 

L’Unesco précise que « le monastère de Saint-Hilarion/Tell Umm Amer, l’un des sites les plus anciens du Moyen-Orient, fut fondé par saint Hilarion et a accueilli la première communauté monastique en terre sainte. Situé au carrefour des principales routes de commerce et d’échanges entre l’Asie et l’Afrique, il constitua un centre d’échanges religieux, culturels et économiques, illustrant la prospérité des sites monastiques désertiques de la période byzantine ».

Des intellectuels mobilisés pour recenser et sauver ce patrimoine de la destruction

En octobre 2024, un groupe d’une vingtaine d’universitaires met en ligne un « inventaire du patrimoine bombardé » de Gaza. Ce site ne cesse de s’étoffer pour offrir à la fois une cartographie des destructions, une liste de dizaines de monuments sinistrés et une fiche explicative détaillant certains d’entre eux. Des liens ouvrent par ailleurs l’accès aux bases de données pertinentes pour prendre la mesure d’une telle catastrophe. Ainsi, « l’église Saint-Porphyre, touchée par un bombardement israélien, le 19 octobre 2023, avait déjà été endommagée lors de l’offensive israélienne de l’été 2014. Ce lieu de culte grec orthodoxe, datant dans sa forme actuelle du XIIe siècle, est censé abriter la tombe de l’ancien évêque de Gaza, Porphyre, canonisé pour avoir christianisé la cité au début du Ve siècle ».

Des sites beaucoup plus récents sont d’importance majeure aussi, comme les cimetières militaires regroupant, à Gaza comme à Deir Al-Balah, les milliers de tombes de soldats du Commonwealth tombés, en 1917-1918, durant la conquête britannique de la Palestine ; ou encore « le siège de la municipalité de Gaza, installé en 1930 dans un quartier plus proche de la mer ; les cinémas Samir et Nasr, qui ont marqué la vie culturelle de Gaza au milieu du XXe siècle ». Les intellectuels et historiens mobilisés pour recenser ce patrimoine insistent sur l’importance de mener à bien un tel inventaire pour garder la mémoire de ces sites menacés de disparition.

Le centre satellitaire UNOSAT a établi qu’en un peu plus d’un an de guerre, « 31 198 structures ont été détruites dans la bande de Gaza et 16 908 sont gravement endommagées ».

Mais ce sont aussi les Palestiniens eux-mêmes qui « s’organisent pour protéger leur patrimoine grâce au fonds d’urgence de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (Aliph), basée en Suisse. Des objets d’art sont évacués – comme au musée culturel d’Al Qarara, dans la bande de Gaza, où plus de 2 000 pièces ont été déplacées » et les Gazaouis eux-mêmes ont la possibilité de se former à la sauvegarde du patrimoine.

Une urgence : donner plus de force contraignante aux traités onusiens

On l’aura compris : il est urgent d’alerter l’opinion mondiale sur les dégâts irrémédiables causés au patrimoine culturel gazaoui. En effet, lors des guerres, le patrimoine est souvent visé et détruit pour faire disparaître une civilisation et sa mémoire.

Il convient de soutenir les initiatives visant à recenser, inventorier et protéger ce patrimoine. Il est surtout indispensable pour l’avenir que l’Unesco et l’ONU disposent plus de force contraignante pour faire appliquer les décisions et traités internationaux protégeant les peuples et leur patrimoine.

Cet article La destruction d’un patrimoine millénaire à Gaza est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
Attentat Charlie, le sens caché des actes terroristes https://mondafrique.com/societe/attentat-charlie-le-sens-cache-des-actes-terroristes/ Tue, 07 Jan 2025 08:00:16 +0000 https://mondafrique.com/?p=124442 En janvier 2015, trois attentats terroristes islamistes – contre les journalistes de Charlie Hebdo, une policière de Montrouge et le supermarché Hypercacher – ensanglantaient la France. Que nous dit la sociologie sur les auteurs de ces attentats ? Loin des caricatures réduisant l’acte individuel à un contexte social, les chercheurs enquêtent sur le sens donné […]

Cet article Attentat Charlie, le sens caché des actes terroristes est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>
En janvier 2015, trois attentats terroristes islamistes – contre les journalistes de Charlie Hebdo, une policière de Montrouge et le supermarché Hypercacher – ensanglantaient la France. Que nous dit la sociologie sur les auteurs de ces attentats ? Loin des caricatures réduisant l’acte individuel à un contexte social, les chercheurs enquêtent sur le sens donné par les individus à ce qu’ils vivent.

Professeur émérite de sociologie, Université Paris Cité


Dix ans après les attentats de janvier 2015, se pose toujours avec acuité la question des causes de ce qu’il est convenu d’appeler la radicalisation, le choix de la violence porté par l’adhésion à une idéologie extrémiste remettant en cause l’ordre existant – en l’occurrence l’islamisme radical.

L’explication sociologique contre le sociologisme

Et à ce propos, quelle place faire à l’explication sociologique ? Identifiée à un « sociologisme » qui fait des comportements individuels et collectifs le produit des déterminismes sociaux, la sociologie ne serait capable que d’invoquer des causes sociales comme la pauvreté, le chômage, lesquelles s’appliquant à une population très faible et socialement hétérogène, ne peuvent avoir aucune valeur explicative. En revanche, la jeunesse de la population qui se radicalise plaide assez bien en faveur d’une révolte générationnelle, d’une crise d’identité, liée à une adolescence prolongée parfois bien au-delà de la majorité, et trouvant comme forme d’expression la haine idéologique que propose l’islamisme radical.

Il ne s’agit pas ici de revenir sur cette analyse partagée par beaucoup de spécialistes (islamologues, politologues, psychologues, psychanalystes) et même d’hommes politiques, mais de rappeler que le sociologisme est plus présent dans l’esprit des non-sociologues que dans celui sociologues. Preuve en est qu’aucun des sociologues qui sont intervenus jusqu’à présent sur la radicalisation et le terrorisme n’ont tenu le discours globalisant qui leur est attribué. Loin d’avoir une vision déterministe des comportements, ils cherchent au contraire à retrouver le sens que les individus donnent à ce qu’ils vivent et à ce qu’ils font, lequel passe par la connaissance du contexte social qui est le leur.

Des analyses de qualité chaque jour dans vos mails, gratuitement.

Étudier les voies vers le fanatisme

De ce fait, les sociologues ont beaucoup à dire, et même probablement plus que les psychologues. D’abord en s’interrogeant, comme Gérald Bronner, dans une perspective de sociologie cognitive, de façon plus générale sur ce qui peut conduire des hommes « ordinaires » à devenir des fanatiques. Les études empiriques montrent que ceux qui adhèrent à des formes de pensée extrême ont des caractéristiques sociales et psychologiques très diverses, qu’ils ne sont ni fous, ni irrationnels, ni stupides, ni immoraux et que, si les contextes sociaux peuvent être plus ou moins favorables, rien ne les prédisposait particulièrement à faire ce choix.

En revanche, il est possible d’identifier des voies d’accès au fanatisme : une adhésion qui se fait par petites étapes, l’enfermement dans un groupe de croyants fanatisés, une expérience sociale marquée par la frustration ainsi que l’humiliation et un besoin de reconnaissance et d’affirmation de soi, une révélation qui donne sens à leur vie. Cette analyse n’épuise pas la complexité du phénomène qui conserve encore des aspects mystérieux. Mais elle permet de chercher par quels moyens il est possible, si ce n’est de déradicaliser des individus, au moins d’empêcher qu’ils se radicalisent.

Enquêter sur la radicalisation

Ensuite, et c’est complémentaire, en procédant, comme Farhad Khosrokhavar, à des enquêtes sur les jeunes qui se radicalisent. Cela permet de mettre en évidence les profils ainsi que les parcours des djihadistes et de distinguer deux groupes.

D’un côté, celui de la deuxième génération d’immigrés, jeunes vivant dans des cités de banlieues ou des centres-ville paupérisés, qui se sentent discriminés et exclus, même lorsque quelques perspectives s’ouvrent à eux, et qui se radicalisent progressivement à travers la fréquentation des sites Internet, la rencontre de mentors en prison ou ailleurs, le départ pour un pays où combattre.

De l’autre des convertis venus des classes moyennes, en rupture avec leurs familles et en recherche d’identité, qui trouvent dans la mise en cause de l’ordre établi, dans la compassion avec ceux qui souffrent, dans la dénonciation des inégalités et des discriminations, la possibilité d’exister par eux-mêmes.

Comprendre l’attraction de l’islamisme radical

Reste à comprendre et, c’est un dernier élément sur lequel la sociologie a aussi quelque chose à apporter, la force de conviction de l’islamisme radical fort bien mise en évidence par Gilles Kepel. Elle ne tient pas seulement à une utilisation efficace des possibilités qu’offre Internet, mais de façon plus décisive à celle des failles des sociétés contemporaines.

Si les sociétés démocratiques ne sont pas plus inégalitaires et, parfois même moins, que les sociétés qui les ont précédées, elles sont en revanche habitées par la passion de l’égalité avec pour effet d’une part l’affaiblissement des liens sociaux qui laissent les individus livrés à eux-mêmes, de l’autre la contradiction entre les principes affichés et la réalité. D’où le développement d’un sentiment d’injustice vécue ou perçue que, dans un contexte de remise en cause de l’État-providence sur fond de mondialisation, rien ne vient vraiment contrecarrer : ni un quelconque « opium du peuple », ni un projet politique mobilisateur.

On ne s’étonnera donc pas qu’un discours qui dénonce les injustices, qui divise le monde en bons et méchants, qui offre une possibilité de rédemption ou de réalisation de soi à travers le combat contre ceux qui disent défendre le bien et font le mal, puisse revêtir une certaine légitimité même aux yeux de ceux qui n’emprunteront jamais une des voies d’accès à la radicalisation.

Tout reste à faire

Le 16 octobre 2020, l’assassinat par un terroriste islamiste de Samuel Paty, qui avait présenté à ses élèves de quatrième, lors d’un cours d’enseignement moral et civique, deux caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo, a montré de façon dramatique que les discours de haine pouvaient toujours entraîner le passage à l’acte. A-t-on depuis réussi à les affaiblir ? Ce n’est pas certain.

En avril 2021, la création par la ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa, d’« une unité de contre-discours républicain sur les réseaux sociaux », le fonds Marianne, qui subventionnait des associations défendant les valeurs de la République, a tourné court, sa gestion étant entachée de nombreuses irrégularités.

Plus significative a été, en revanche, l’action de la justice, lors du procès de l’assassinat de Samuel Paty en novembre 2024, car, en reconnaissant la culpabilité de tous les accusés, elle a confirmé le lien entre les discours tenus sur les réseaux sociaux et le meurtre. Reste que, comme le montre les réactions de leurs familles qui ont crié à l’injustice, ces discours n’ont pas pour autant perdu, hélas, pour ceux qui y adhèrent, leur crédibilité. Il faut donc l’accepter. Les valeurs que nous défendons ne pourront être reconnues que si elles s’expriment dans nos actes, que si nous arrivons à inventer et à mettre en œuvre un projet de société dans lequel se retrouve l’ensemble de notre population.

Cet article Attentat Charlie, le sens caché des actes terroristes est apparu en premier sur Mondafrique.

]]>