Alors que le monde est encore sous le choc de la tragédie des migrants naufragés, le musée de l’immigration à Paris consacre une exposition brillante aux contributions des immigrés à la Mode.
On s’en serait bien passé mais l’extrême-droite xénophobe n’a pas raté une nouvelle occasion de manifester sa bêtise, en vandalisant le Musée de l’Immigration qui offre aux visiteurs une exposition particulièrement « brillante » : Fashion mix, autour de l’apport des immigrés à cet éternel fleuron de la Culture Française qu’est le Création de Mode.
Violence de ploucs
Le Mouvement « Dissidence Française » a en effet récemment placardé des affiches et souillé de graffitis haineux les murs du Palais de la Porte Dorée. Les tracts distribués alentour préconisent la « Re-Migration » et accuse le multiculturalisme de mener la France à… la guerre civile.
Le président du Musée, Benjamin Stora, a porté plainte contre vandalisme. Cet « incident » résonne de façon tragique à l’heure où les immigrés meurent par centaines en fuyant leur pays ravagés par… la guerre civile et la misère. Mais il a aussi sa part d’ironie.
Les nervis qui s’en sont pris à une institution culturelle n’ont pas dû se risquer à pointer le nez intra-muros (la culture, ce n’est pas leur fort) sinon peut-être auraient-ils hésité à se ridiculiser de la sorte. Car il suffit de jeter un œil aux extraordinaires créations des stylistes français issus de l’immigration pour mesurer l’apport du multiculturalisme. En particulier dans la Haute Couture : c’est grâce aux créateurs étrangers que Paris demeurent aujourd’hui encore la capitale internationale de la mode, aujourd’hui comme hier.
France, terre d’asile pour les stylistes…
L’exposition se divise en effet en deux parties, une historique, qui rend hommage aux premiers « immigrés » débarqués en France dès le milieu du 19 ème siècle : et que l’on ne nous parle pas « d’immigration choisie » . La plupart de ces futurs créateurs d’exception ont débarqué sans un sou, souvent pour fuir leur pays d’origines en proie à des guerres civiles ou des dictatures, ils ont commencé par vivre en clandestin, sans qualification ni reconnaissance sociale. Des Russes blancs exilés après la révolution, des Espagnols fuyant la guerre civile, des juifs d’Europe centrale, des Arméniens… C’est le destin, entre autre, de Balenciaga ou de Paco Rabane, fuyant les milices franquistes et l’un des mérites de cette exposition réside dans le contraste saisissant entre les pièces exposées (robes de rêve aux tissus chatoyants, taffetas) et les pièces à conviction historiques : des photos, des lettres ou des cartes de réfugiés, des titres de naturalisation, des photos…) qui rappellent aux visiteurs éblouis que la vie des ces « immigrés » n’a pas toujours été un conte de fée. Ces immigrés ont apportés à la tradition du savoir faire français une technique particulière (les broderies russes par exemple) ou des esthétiques différentes qui ont renouvelé l’inspiration des plus grandes maisons de coutûre, dont ils ont souvent intégré les rangs, avant de lancer leur propre griffe. Ainsi Balenciaga chez Dior, Castillo chez Lanvin, Sybilla chez Saint Laurent pour ne citer que l’école espagnole.
Mais on ne saurait oublier Worth, un anglais embauché comme simple vendeur dès 1845 chez Gagelin, le célèbre mercier-drapier parisien, et qui très vite propose ses coupes… avant de fonder sa propre maison. Ainsi qu’Elsa Schiaparelli ou le Grac Jean Desses ; la roumaine Ara… autant d epersonnalités qui, sans être réunies dans une école stylistique, sont autant de singularités aux exotismes relatifs.
Les Nippes des Nippons !
La deuxième partie de l’exposition est consacrée au foisonnement des créateurs contemporains et à l’apparition d’une nouvelle vague, notamment grâce aux japonais. Ils n’ont pas toujours été bien accueillis en témoigne cet extrait d’article qui aurait mis à l’aise les militants de « Dissidence Française » : « Les japonais ont envahi Paris. Le bonze et la kamikaze nippés par des nippons : le « péril japonais » inquiète vivement le textile français ».
Lorsque Kenzo ; Issey Miyake ou Yohji Yamamoto présentent leurs collections à la fin des années 70, ils n’ont pas encore révolutionné la mode française et leurs regards de précurseurs inquiète. Leur travail est qualifié de « déstructuré » et le « non fini » qui deviendra un must est alors considéré comme une marque de misérabilisme,. La presse et les acheteurs s’effraient de ces « haillons » qui finiront par séduire et imposer les japonais comme les maîtres d’une culture nouvelle, d’un stylisme épuré, voire conceptuel… qui fait fureur . Une fois encore, l’intégration des ces outsiders, et leur contribution au prestige de la France est illustrée par les étroites collaborations nouées avec les marques hexagonales : ainsi Miyake chez Guy Laroche ou Marin Margiela chez Jean Paul Gautier.
Paris Laboratoire de la Mode…
L’élégance parisienne demeure vivante grâce à ces goûts étranges venus d’ailleurs : lesgrandes maisons le savent bien. Que serait devenu Chanel sans Karl Lagerfeld ? Vuitton sans Marc Jacobs ? Lanvin sans Albert Elbaz ? Et la reconnaissance est mutuelle, en témoigne la déclaration d’Azzedine Alaia, arrivé à Paris à la fin des années 50, hébergé de ci-delà en échange de petits travaux : à tous les ministres (français) qui ont voulu le décorer il répond que la plus belle décoration qu’il ait reçu, c’est sa carte de naturalisation française.
Le Musée de l’Immigration : un spot très fashion !
Le Musée de L’immigration, inauguré en décembre dernier par Hollande, après avoir été boudée par Sarkozy, s’impose comme un lieu nécessaire. Au delà des polémiques, son nouveau président Benjamin Stora, qui a succédé à Jacques Toubon, le rappelle dans son discours : « Les français ont du mal à accepter l’existence d’une immigration qui constitue, en partie, la nation française. Aujourd’hui, dans une situation difficile, celle des vents mauvais, de la xénophobie, du racisme, du refus de l’autre, il est difficile de dire que l’immigration peut être un facteur de chance, de réussite. Alors lorsque vous évoquez l’apport des artistes, vous passez au mieux pour un naïf, au pire pour un cosmopolite qui vise à détruire la République Française. Le sujet « immigration » n’est pas du tout à la mode… »
Grâce à l’Expo FASHION- MIX, l’immigration devient un sujet très à la mode !
N’en déplaise aux vandales.