Le gouvernement ivoirien mise désormais sur la prochaine coupe d’Afrique des Nations prévue en janvier 2024 pour tenir en haleine une population qui a attendu en vain la concrétisation des réformes sociales du président.
Z. Bati Abouè
Douze années après son arrivée à la tête de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara a toujours de la peine à réaliser ses promesses de réformes sociales. Les logements sociaux n’ont jamais vu le jour, alors même que le président ivoirien avait promis d’en construire 25.000 par an duant sa campagne électorale de 2010. Quant à la couverture maladie universelle, piquée dans le programme socialiste de Laurent Gbagbo, il a juste le don d’exister. Cette assurance imposée aux travailleurs ivoiriens n’assure pas la gratuité des soins, notamment les frais d’examens exigés aux malades, même pour une consultation pour le paludisme.
Le gouvernement a pourtant forcé l’adhésion des fonctionnaires en ponctionnant leurs cotisations sociales prélevées à la source par la mutuelle générale des fonctionnaires de Côte d’Ivoire (Mugefci) pour réaliser son projet d’assurance publique. Mais, de l’avis de la majorité de ses usagers, la réforme ne marche pas, en dehors des médicaments génériques remis dans certains cas aux malades détenant une carte CMU.
Un manque de transparence
Le gouvernement s’est aussi lancé dans un programme de financement de projets-jeunes grâce au concours de la Banque mondiale. Selon le ministre de la promotion de la jeunesse, de l’insertion professionnelle et du service civique, Mamadou Touré, qui pilote ce gouvernement triennal dénommé PSGouv 2022-2024, 1350 jeunes ont vu leurs idées financées l’année dernière, tandis qu’au titre de l’année 2023, ce sont 16.000 nouveaux jeunes qui sont attendus. Mais le financement de ce programme se fait dans des conditions peu claires, puisque, l’année dernière, le financement scandaleux d’un jeune entrepreneur ayant bénéficié à lui seul d’un montant record de 700 millions pour la création de plusieurs salons de coiffures, a semé le doute dans les esprits ; surtout que celui-ci a refusé de les rembourser, avait par ailleurs reconnu le ministre.
La posture pour le moins étonnante de ce débiteur révèle à la fois les conditions obscures dans lesquelles ce financement lui a probablement été accordé, mais aussi les succès très limités du programme. En Côte d’Ivoire, 77% de la population a l’âge compris entre 0-35 ans. Cette situation met en évidence des défis en matière d’éducation, de santé et d’emploi. Surtout que 60% d’entre eux sont déscolarisés et attendent un emploi.
Dominique Ouattara, l’icône
Mais alors que les succès des emplois-jeunes sont mitigés, le gouvernement multiplie les stratégies pour détourner les jeunes vers le divertissement. Les membres du gouvernement n’hésitent en effet pas à s’afficher avec les icônes des médias sociaux en Côte d’Ivoire, notamment l’épouse du président, Dominique Ouattara. Individuellement, ministres et directeurs centraux de l’administration financent également des achats de tickets d’accès à des concerts, à coup de millions
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Abidjan est d’ailleurs inondé de concerts-spectacles. Pour soulager les organisateurs, le pays a construit un parc d’exposition d’une capacité de 4800 places. Il a été inauguré le 17 juillet dernier et a coûté 75 milliards. A titre de comparaison, la réhabilitation du CHU de Yopougon ne demande que 40 milliards à l’Etat.
Mais pendant que ce CHU n’est toujours pas rouvert, le gouvernement vient également de mobiliser 500 milliards pour l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations prévue en janvier 2024, indépendamment des quatre stades sur lesquels doivent se jouer les différents matches de la compétition et des surcoûts engendrés par la réfection de la pelouse du stade d’Ebimpé.