« L’Algérie française » déchire à nouveau la France, grâce à Robert Ménard qui donne le nom d’un officier suspecté de torture à une rue de Béziers. Une chronique de Bruno Tamo
La douleur de la défaite française durant la Guerre d’Algérie reste apparemment toujours brûlante pour une partie des Français. Lors d’une cérémonie organisée, samedi 14 mars, Robert Ménard, maire extrême-droite de la commune de Béziers (à 70 km de Montpellier, sud de la France), a rebaptisé la « rue de 19 mars 1962 », date des accords d’Evian, en « rue Commandant Hélie-de-Saint-Marc », en l’honneur d’un officier français partisan de l’Algérie française et associé à la torture en Algérie pendant la guerre de libération.
« Notre paradis à nous »
Robert Ménard, né à Oran et ayant quitté l’Algérie avec sa famille en 1962, n’a pas hésité à tenir des propos pour le moins polémiques. « L’Algérie, c’est notre paradis à nous », a déclaré le maire dans des propos rapportés par Le Monde. En ajoutant, sous les acclamations et slogans « Algérie française » : « Non, je ne veux plus que nous soyons dans la repentance, je veux dire notre vérité à ceux qui armaient le bras des assassins des harkis, aux bourreaux qui nourrissent encore une haine de la France. (…) Pour nos frères musulmans, il ne faut pas occulter la réalité de notre histoire, Hélie de Saint Marc était de ceux qui pouvaient mourir pour des idées, pour eux. »
En juillet 2014, Robert Ménard, ancien président de Reporters sans frontières (RSF), faisait déjà polémique au sujet de « l’Algérie française » en rendant hommage à des fusillés de l’Organisation de l’armée secrète (OAS).
L’Algérie française, le sempiternel retour
La cérémonie et les déclarations du maire n’ont pas manqué de susciter de vives réactions sur la scène politique française. « La nostalgie de l’Algérie française n’apporte rien de bon », a déclaré le premier ministre, Manuel Valls. Le porte-parole du gouvernement français, Stéphane Le Foll, a lui aussi dénoncé l’initiative du maire : « Avec Denoix de Saint Marc, (Robert) Ménard et (le) FN montrent leur visage : réécrire l’Histoire, mépriser la mémoire et s’en prendre à la République », a-t-il écrit sur twitter en ajoutant : « Face à ceux qui cherchent à raviver les plaies du passé pour nous diviser, plus que jamais, le devoir de rassemblement s’impose. »
Une fois de plus, la France se retrouve déchirée par le sempiternel retour au premier plan des partisans/nostalgiques de l’Algérie colonisée. Du côté algérien, on semble suivre ce débat de manière placide. « On connaît très bien la manière dont se structure ce type d’évènement », a déclaré un officiel algérien à TSA. « Il y a beaucoup de Français qui n’ont pas encore fait le deuil de l’Algérie française. À chaque évènement de ce genre il y a un discours développé dans ce sens, nostalgique, bizarrement révisionniste par rapport à la révolution, donc cela ne nous choque pas », conclut-il.
Jeudi dernier Arnaud Montebourg, en visite à Alger, déclarait qu’il était « temps de tourner la page du colonialisme, dans les têtes. » Une déclaration qui serait, semble-t-il, nettement plus pertinente si elle était adressée à l’autre côté de la méditerranée, en France, plutôt qu’à l’Algérie.