Aujourd’hui, les militants d’ « Un oeil sur la Palestine » découvrent le camps d’Aida où plusieurs milliers de palestiniens contraints à l’exil à la fin des années 1940 ont trouvé refuge à la fin de la guerre.
Le documentaire venait de s’achever. Il nous avait, tous, laissés cois. Face à nous, assis derrière son bureau, Habshe Yossef, nous scrutait, silencieusement, attendant nos premières réactions.
8 personnes, 7m2
C’est qu’il nous a donné à voir une présentation exhaustive et poignante de ses conditions de vie. Rappel. 1948 ; les milices israéliennes chassent des milliers de palestiniens, de leurs terres ; au cours de cette période tristement célèbre que l’Histoire retiendra comme « La Nakba » (autrement dit la catastrophe). Contraints à un exode précipité, ces habitants de la Palestine historique ont à peine eu le temps d’emporter des effets personnels. Tout juste prendront-ils avec eux la clef de leur maison, dans l’espoir d’y revenir un jour. Certains d’entre eux ont trouvé refuge à Bethleem, sur une parcelle de terre ; qui deviendra deux ans plus tard, le camp d’Aida.
Aujourd’hui, ils sont 5000 réfugiés palestiniens à survivre dans des conditions extrêmement précaires, sur une surface d’à peine 4 km² : l’accès à l’eau est rendu possible, une fois par mois, les coupures intempestives d’électricité sont fréquentes, et les habitations vétustes, une affligeante réalité. A titre d’exemple, une « maison » composée de deux pièces, de 7m² peut loger une famille de 8 personnes, qui ne disposera pas d’une salle de bain privée, mais d’une douche à partager avec d’autres familles….
C’est que la puissance occupante a créé ces conditions de vie désastreuses.
C’est elle qui chasse.
C’est elle qui confine.
C’est elle qui contrôle.
Tout !
L’accès aux ressources naturelles, la liberté d’aller et de venir, la vie et la mort….
Plus encore, depuis 2003, date de la construction du mur, qui, telle une entaille dans le corps de Jésus, a défiguré la ville sainte de Bethleem.
Mémoire vive
Le silence se fait lourd dans la salle où nous trouvons. Habshe attend la première question. Bahiya s’y risque : « Et vous, quel est votre rôle au sein du centre ? ». Habshe esquisse un sourire. Il devait s’y attendre, depuis le temps qu’il reçoit des groupes d’internationaux en visite au sein du camp. Ce jeune homme de 32 ans, arborant fièrement son keffieh, nous explique que le Lajee centre (« centre de réfugiés » en arabe) a été créé en 2000, afin d’améliorer le quotidien de ses habitants. Il propose, ainsi, à tous, des activités culturelles et de loisirs (musique et danse, foot, salle de gym pour les femmes) et particulièrement aux jeunes, à travers, des camps de scout, durant l’été.
Il nous précise, néanmoins, que cette année, l’organisation de ces activités est compromise, en raison d’un manque de subventions. En effet, Habshe nous révèle, avec une fierté qui ferait pâlir tous ces policiers palestiniens qui collaborent, activement ou passivement, avec l’armée d’occupation, que ce centre pourrait bénéficier de plus d’un million de dollars de subventions si ces dirigeants acceptaient de travailler « main dans la main » avec Israël, mais qu’il en est hors de question … La dignité, au camp d’Aida, ne s’achète pas…
C’est à cet instant précis, que nous nous regardons, tous, fixement, certainement animés, au même moment, par la volonté de leur venir en aide. Nous formulons, ainsi, d’une même voix, l’idée de collecter, rapidement, des fonds pour eux, afin de permettre aux 120 enfants du camp, participant à ces activités, de continuer à (sur)vivre dignement malgré l’occupation. Touché, notre hôte, sourit à nouveau, et nous invite, alors, à faire un tour au sein du camp. L’occasion nous est, ainsi, offerte de découvrir les fresques habillant les murs, et cette clef géante, en métal, juchée sur la porte d’entrée du camp, qui symbolise à elle seule, leur certitude, à la lisière de la foi, qu’ils retourneront, un jour, sur leur terre.
Elles marquent, aussi, la volonté de maintenir la mémoire vive de l’histoire de ces réfugiés, qui, résiste, malgré la destruction des villages pour l’établissement de colonies, malgré les arrestations arbitraires, les humiliations quotidiennes, et surtout, malgré cette mort, qui frappe, impunément, au bout des fusils des militaires.
Habshe nous révèle que si Ben Gourion a dit, en partie vrai, en affirmant, au commencement de la Nakba, « les vieux mourront, les jeunes oublieront », il s’est, néanmoins, trompé sur une chose : 67 ans après, « les vieux sont morts, mais les jeunes n’oublieront jamais »…