Voici la suite de notre carnet de voyage en Palestine. Les militants rencontrent Nava Hefetz, femme rabbin, et Haneen Zoabi députée arabe à la Knesset, deux femmes aux destinées uniques. Récit.
Ce matin-là, nous avions rendez-vous à Jérusalem, Nava Hafetz est arrivée coiffée de sa kippa, elle est l’une des dix femmes rabbins en Israël. Membre de l’association « Rabbis for the human rights », sa mission consiste à sensibiliser les jeunes israéliens et les militaires aux droits civiques.
Des kilomètres avant l’école
Elle s’appuie sur l’interprétation des textes sacrés pour légitimer son discours auprès de cette population. En sa compagnie, nous nous sommes dirigés vers les colonies israéliennes à Jérusalem ou nous avons pu mesurer les effets de la politique d’apartheid, et de la construction du mur sur les nombreux villages : séparation des villages et donc des familles, difficile accès à la santé, l’emploi. Par ailleurs, depuis la construction du mur en 2003, les enfants sont donc obligés de parcourir des kilomètres pour rejoindre leur école.
Malgré quelques points de désaccord avec Nava Hefetz, notamment sur la question de la campagne BDS ou du blocus de Gaza – que notre interlocutrice niait catégoriquement – nos échanges avec elles ont été enrichissants, ne serait-ce que parce qu’ ils nous ont permis de confronter nos points de vue.
« No History »
Nous étions attendus pour un entretien à la Knesset avec Haneen Zoabi, députée du parti arabe « Balad », Nous avons dû écourter notre échange. Au sein du groupe, le fait de se rendre à la Knesset a fait débat. Aucun de nous ne voulait pour autant rater cette occasion de rencontrer la seule députée arabe, cette fervente militante pour les droits des palestiniens, qu’ils soient en Cisjordanie occupée, à Gaza ou en Israël. Après tout, qui étions-nous pour refuser cette rencontre, au motif qu’elle avait lieu à l’Assemblée israélienne, là où la députée a décidé de nous recevoir entre deux votes.
Autour d’un café, Haneen Zoabi est rentrée dans le vif du sujet et nous a parlé de son combat contre la colonisation et pour la justice. Elle a mis en lumière le fait qu’Israël en se définissant comme un état juif et démocratique constitue en soi un paradoxe et justifie les discriminations à l’encontre des Palestiniens. A titre d’exemple, une loi votée en 2003, dite « family unification » empêche un résident de Jérusalem qui se marie avec une palestinienne, de vivre avec son conjoint à Jérusalem.
Lors de son exposé, Hanen Zoabi a particulièrement insisté sur le cœur de la stratégie coloniale d’Israël, à savoir, la confiscation des terres. Ainsi, les Palestiniens, qui sont neuf fois plus nombreux que les colons israéliens, n’occupent que 3% du territoire.
Autre expression de ce système colonial dévastateur : la politique du grand remplacement qui a trouvé sa forme la plus abjecte quand, en mai 2015, la cour de justice israélienne a autorisé la destruction du village bédouin d »Oum Al Hiran » dans le Neguev pour y construire la colonie juive « Al Hiran »… Notre rencontre avec la députée s’est conclue sur l’idée qu’à travers la terre qu’on confisque, c’est l’identité palestinienne qu’on annihile : « les israéliens ne se limitent pas à confisquer les terres mais ils veulent supprimer l’identité palestinienne en renommant rues et villages et en refusant l’enseignement de l’histoire et de la culture palestiniennes à l’école »… « In fact I pay taxes in order to learn that I have no History ». (En fait, je paie des impôts pour apprendre que je n’ai pas d’histoire)