Voici le deuxième volet du carnet de route de l’association « Un œil sur la Palestine ». Ils nous livrent leur récit depuis Jérusalem-Est, sous haute tension. Entre cris de joie et sanglots
Le 17 mai 2015 fut un jour sous haute tension. Nous sommes en plein milieu du quartier arabe de Jérusalem. Des militants israéliens viennent célébrer la réunification de Jérusalem, en plein quartier arabe. Pour les Palestiniens, cette journée est une ultime provocation : la célébration de l’annexion de Jérusalem. Le 7 juin 1967, lors de la guerre de Six Jours, Israël a annexé Jerusalem-Est, à l’époque sous contrôle jordanien. Un fort dispositif policier est mis en place. Vers la porte de Damas, des snipers sont postés sur les toits. La zone est quadrillée.
Arrestations arbitraires
La tension était très palpable sur place. Avant le début de la procession, quelques groupes de colons fêtaient cette journée par des chants et des rondes sous la protection de soldats israéliens. En fin d’après-midi, la marche doit partir du centre de la ville et rejoindre la vieille ville par les portes de Jaffa et de Damas, où nous nous trouvons. Quelques 3000 officiers de police sont disposés dans la ville « afin de prévenir tout incident, trouble à l’ordre public ou affrontements qui pourraient avoir lieu » précise Mickael Rosenfeld, le porte parole de la police de Jerusalem. Il s’agit surtout de permettre au 20 000 à 30 000 manifestants de provoquer les arabes israéliens de Jérusalem. Plusieurs sont à cheval, d’autres sont à pied, armés. Ils chargent la foule, pour évacuer les Palestiniens venus protester contre cette manifestation.
Certains sont venus de Ramallah, nous les avons croisés dans le bus qui nous ramenait à notre hôtel. Des pierres et des bouteilles sont lancées. Plusieurs enfants sont arrêtés. Ils courent, sautent les barrières, et sont récupérés par cinq ou six soldats. Des arrestations arbitraires de plus. L’expression manu militari prend alors tout son sens. La foule hurle, éloignée par les chevaux, les coups pleuvent, alors que les adolescents ont été appréhendés. Les chevaux chargent encore la foule. Ceux qui restent impassibles reçoivent des coups de lanières de cuir. A leurs côtés, Uri, un jeune israélien, militant contre l’occupation est évacué sans ménagement. Quelques mètres plus loin, il relativise : « ils font la différence, ils savent très bien et ils ne sont pas aussi violents avec nous. » Les militants israéliens, principalement des juifs orthodoxes et des colons, sont de plus en plus nombreux à se diriger vers le pied de la porte. On vient ici avec femmes et enfants ; on danse, on chante, à voir de loin cela pourrait paraître festif. En réalité, ils scandaient : « Mort aux arabes », « Palestine juive ». « Aujourd’hui, c’est le jour où on a récupéré tout Jérusalem, et le mur des lamentations avec » explique avec fierté Moshe Katz, 20 ans. « Je vois les gens devenir fous, parce-qu’ils le possédaient et à présent ce n’est plus à eux. Ils ont essayé de nous battre, nous avons combattu, et nous avons gagné. »
David contre Goliath
A quelques centaines de mètres de là, des associations israéliennes organisent une contre-manifestation pour dénoncer la provocation que représente ce défilé pour les arabes habitant Jerusalem Est. Ces derniers ont pour l’occasion été confinés dans leur logement et empêchés de circuler pour « éviter tout débordement ». A peine quelques mètres plus loin, les choses sont bien moins tranchées. Des femmes palestiniennes se sont assises sur les marches. L’une d’elle, la quarantaine, essuie un crachat mais elle ne bougera pas. « C’est notre terre, devrait-il rester et nous partir ? S’insurge-t-elle. Qu’est ce que ça veut dire! Je voudrais pouvoir m’asseoir ici tout comme lui». Elle n’aura pas le choix, et fera finalement place à plusieurs groupes, chassée par la police israélienne. Dans une rue, juste en face, d’autres sont là. En majorité, des hommes mais aussi quelques femmes et des enfants qui défient les forces de l’ordre israéliennes. Beaucoup hurlent « Allah Akbar », comme une adresse à leur lieu saint, inaccessible. Aux policiers, à ceux qui dansent plus bas, ils scandent que Jerusalem restera Palestinienne. « Je suis tellement frustrée, explique Malek, 27 ans. Parce que nous n’avons que nos voix pour crier, et pour nous faire entendre du monde, pour leur dire que Jérusalem est occupée, et que c’est contre les lois internationales. »
Crier, tant que la police ne charge pas… Et ça ne durera pas. Dans leur compte rendu, les forces israéliennes ont répertorié le nombre d’officiers blessés : quatre. En revanche, les chiffres sur le nombre d’arrestations et de blessés parmi les manifestants n’a pas été communiqué. Un journaliste de la chaîne TF1 a par ailleurs été blessé.