Ouirgane, un village de 7 000 habitants situé dans le Haut-Atlas occidental du Maroc prisé par les touristes français souffre d’une pénurie d’eau sans précédent. Les pluies automnales tardent à venir, l’oued est à sec et le barrage voisin a perdu plus de la moitié de sa retenue d’eau. En ce temps de disette, la population ne peut compter que sur elle-même pour ne pas suffoquer. L’envers d’une carte postale.
Jaouad Mdidech
Jamais le thermomètre n’a affiché une température aussi élevée, un mois d’octobre, au Maroc. Non seulement à Marrakech ou à Fès, connus pour leurs canicules estivales, mais aussi sur toute la chaine du Haut Atlas. Nous sommes à Ouirgane, à A 60 kilomètres de Marrakech et à quelques encablures d’Asni, une commune rurale de la province du Haouz où se tient chaque samedi le plus grand souk de la région. 7 000 âmes, tous des Imazighens.
Mohamed Ladib, 40 ans, propriétaire de gîte et originaire de la région, n’a jamais connu de telles températures en cette saison dépassant parfois les 32 degrés. «En 2011, la pluie n’a commencé à arroser la vallée qu’au mois de novembre, certes, mais il n’a pas fait aussi chaud. Cette année, la sécheresse sévit même dans la vallée de Tahaddart, à 2000 mètres d’altitude, d’ordinaire verdoyante en cette période.»
Le barrage Yacoub El Mansour, sur l’oued N’fis, d’une retenue de 70 millions de mètres cubes, a perdu plus de la moitié de ses réserves cet automne. L’eau évaporée a laissé des terrains vagues de terre sèche. Des enfants y tapent sur le ballon, des piétons et des camionneurs l’empruntent comme raccourcis pour se rendre à leurs douars. L’oued Azaden et les séguias serpentant la montagne, qui se déversent normalement dans le lac, sont à eux aussi sec.
Quand le ciel déverse son déluge sur cette région, c’est l’inondation assurée comme ce fut le cas en août 1995 lorsque toutes les vallées du Haut Atlas, de Ouirgane à Ourika, ont été noyées sous les flots. La population, traumatisée, s’en rappelle encore. Mais quand il ne pleut pas, ou très peu, c’est la sécheresse assurée. Les habitants des douars, pour sauver le bétail et les arbres fruitiers (oliviers, noyers, amandiers…), creusent des séguias ou des puits. Les villageois se débrouillent pour acheminer l’eau de quelques sources encore non taries. Du sommet de la montagne jusqu’à leurs chaumières, à travers des tuyaux en PVC et des châteaux d’eau.
Plusieurs ONG locales s’activent pour que l’eau continue de couler dans les robinets en dépit de cette sècheresse. C’est le cas de « l’Association Afak pour le développement de Ouirgane » qui a mené, avec succès, il y a quelques années déjà, un ambitieux projet d’alimentation en eau courante d’une partie de la vallée. Heureusement, la nappe phréatique est encore généreuse et ne se trouve qu’à 9 mètres de profondeur, en dépit d’une pluie qui se fait rare et d’un oued à sec.
«En ce mois d’octobre, après vérification, on a constaté qu’il n’y a plus qu’un mètre d’eau dans les profondeurs du puits. Mais une source a maintenu un débit suffisamment important pour le pompage», se félicite M. Ladib, vice-président de l’association. Entre le creusement du puits, la construction de châteaux d’eau, et la mise en place d’une tuyauterie pour l’acheminement de l’eau, le montant du projet s’élève à 72 000 euros, dont une bonne partie a été financée par le ministère de l’Agriculture. L’autre par les habitants eux-mêmes. 6 douars, 276 maisons et un millier d’habitants profitent encore de ce projet en attendant que le ciel ouvre enfin ses vannes.