En août 1944, les Français sous occupation allemande ont vu déferler dans le Midi les divisions de Tirailleurs, de Zouaves, de Spahis, de Goumiers, de Tabors, de Chasseurs d’Afrique… entonnant le chant des Africains. Le débarquement de Provence venait d’avoir lieu, mon père en faisait parti.
Auparavant, l’Armée d’Afrique avait combattu et vaincu l’armée allemande en Tunisie et elle participa au premier débarquement contre les forces de l’Axe en Italie. Fin 1943, au sein du Corps expéditionnaire français, commandé par le général Juin, elle s’illustra lors de cette campagne d’Italie durant plusieurs batailles comme celles de Monté Cassino, du Belvédère et entrera victorieuse dans Rome.
La Corse libérée
Dans le même temps, les Goumiers participèrent en première ligne à la libération de la Corse. Les combattants musulmans aguerris de cette héroïque armée formeront tout naturellement le fer de lance de la future Première armée française sous les ordres du général de Lattre de Tassigny. Le débarquement de Provence à partir du 15 août 1944 et la campagne de France et d’Allemagne (1944-1945) furent de très beaux morceaux de bravoure de l’Armée d’Afrique. Elle libère rapidement Toulon, Marseille, Grenoble, Lyon, la Franche-Comté. Elle entre en Alsace après avoir fait la jonction avec les troupes alliées débarquées le 6 juin 1944 en Normandie. Enfin, elle traverse le Rhin et poursuit sa lutte pour la Victoire jusqu’au Danube en Autriche.
Les hauts faits d’armes de l’Armée d’Afrique et ses innombrables victoires permirent à son commandant, le général de Lattre de Tassigny, de siéger en compagnie des chefs des Alliés pour obtenir la capitulation de l’armée allemande. Dans son ordre du jour numéro 9 du 9 mai 1945, il écrit à ses soldats : «De toute mon âme, je vous dis ma gratitude. Vous avez droit à la fierté de vous-même comme celles de vos exploits.»
Le Général de Montsabert, libérateur de Marseille avec “ses africains” de la 3è DIA écrira sur ce sujet : «C’est grâce à l’Armée d’Afrique que la France a retrouvé non seulement le chemin de la victoire et la foi en son armée, mais aussi et surtout l’honneur et la Liberté.»*
Les « oubliés » de l’Histoire
En 2006, la création d’une aumônerie militaire musulmane dans les armées françaises, la sortie du film Indigènes et l’inauguration à Verdun d’un monument en hommage aux soldats musulmans 90 ans après la terrible bataille de 1916 ont eu pour conséquence, entre autres, de rafraîchir notre mémoire collective et de nous rappeler le souvenir de ces “oubliés” de l’Histoire et de la glorieuse Armée d’Afrique.
Tout au long de ses 130 années d’existence de 1832 à 1962, que ce soit sous la Monarchie, le Second Empire ou la République et même quand la France paraissait réduite, occupée, humiliée, l’Armée d’Afrique lui est demeurée fidèle. Elle a vaillamment soutenu plusieurs guerres notamment quand la France fut envahie en 1870, en 1914 et en 1940. L’ensemble des guerres auxquelles elle a participé a coûté un million de vies humaines à l’Armée d’Afrique.* Durant toute cette période à travers victoires et désastres, querelles intestines et changements institutionnels en métropole, l’Armée d’Afrique quant à elle est toujours restée l’ossature militaire de la France. Il est important qu’au-delà des anciens combattants, la Nation tout entière, liée par le cœur et par les sacrifices consentis pour sa liberté par cette Armée d’Afrique, enseigne et évoque régulièrement le souvenir de celle-ci. Devant les profanations des tombes de ces soldats coloniaux, l’inquiétant développement du racisme, la discrimination et les exclusions de toutes sortes qui envahissent notre société et devant les troubles internationaux, il est crucial de faire appel à la mémoire et au souvenir de l’Histoire de France.
* L’Armée d’Afrique 1830-1962, sous la direction du Général R. Huré. Editeur Charles Lavauzelle. Paris1972