Le Cameroun sera-t-il en capacité d’organiser la prochaine Coupe d’Afrique des Nations (CAN), normalement prévue en juin-juillet 2019? Rien n’est moins sûr. Et le Maroc jouerait bien les remplaçants.
Le président Paul Biya tient par dessus tout à l’organisation de la CAN 2019, au Cameroun. Il a pris et il a réitéré des engagements publics qui ne laissent aucun doute. Tout sera fait pour être au rendez-vous de juin-juillet 2019. Sa probable candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2018 ne pourrait s’accommoder d’un retrait de la CAN.
Paul Biya se rappelle probablement du succès de la dernière organisation camerounaise de la CAN qui date de…46 ans, même si les Lions indomptables n’avaient pu accéder à la finale. Âgé alors de 39 ans, le brillant ministre Secrétaire général de la présidence d’Ahmadou Ahidjo, avait été la cheville ouvrière de cette organisation dans un pays qui n’était pas encore totalement sorti de la terrible répression des maquis de l’UPC, dans l’ouest et le centre-sud. Aujourd’hui ce sont les deux régions anglophones et l’Extrême nord avec Boko Haram qui inquiètent au niveau sécuritaire. Si en 1972, les infrastructures étaient au rendez-vous d’une compétition continentale beaucoup moins médiatisée, il n’en est pas de même en 2018.
Des questions et des inquiétudes
Comme toujours au Cameroun, le fléau de la corruption menace la grande fête tant attendue par Paul Biya et les supporters des Lions indomptables.
La livraison des stades et notamment celui d’Olembé, déjà dénommé stade Paul-Biya, aura-t-elle lieu dans les délais impartis ?
Les retards dans la construction des infrastructures hôtelières et de transport sont-ils rattrapables ?
Les structures administratives et financières pourront-elles venir à bout de la lutte d’influence que mènent les lobbystes rompus aux techniques de corruption et de prévarication ?
Les querelles au sein de la Fédération camerounaise de football ( Fecafoot) vont-elles enfin cesser afin de permettre un retour indispensable au sein de la Fédération internationale de football (FIFA) et mettre ainsi un terme à la gestion provisoire du Comité de Normalisation (Conor) chargé de gérer les affaires courantes, depuis août 2017 ?
Les démissions successives des responsables des chantiers vont-elles pouvoir être surmontées sans aggravation des retards ? Les transports des matériaux de construction depuis l’Italie ne vont-ils pas renchérir considérablement les travaux ?
Les matches à Douala, Limbe et Garoua seront-ils bien sécurisés ?
La Confédération africaine de football acceptera-t-elle encore longtemps les explications et les assurances des autorités camerounaise sur le respect du cahier des charges ?
Une relocalisation possible
Un retrait du Cameroun ne serait pas le premier dans l’organisation d’un tournoi dépendant de la Confédération africaine de football (CAF). En novembre 2014, deux mois avant la CAN 2015, la CAF avait refusé un report proposé par le Maroc, au motif des risques encourus avec l’épidémie Ebola. Le Maroc fut dessaisi au bénéfice de la Guinée équatoriale. En octobre 2017, trois mois avant la compétition, la CAF a retiré au Kenya l’organisation du Championat d’Afrique des nations (CHAN) pour retards et impréparation. Le Maroc a été chargé de se substituer au Kenya. En sera-t-il de même en 2018 pour le Cameroun ?
La CAF ne tient pas à précipiter un éventuel retrait du Cameroun. Ses experts font les constats d’usage et le langage diplomatique est de mise. Rien ne laisse transparaître les inquiétudes du comité d’organisation de la CAF. Même le nouveau président de la CAF, le Malgache Ahmad Ahmad, vainqueur surprise du Camerounais Issa Hayatou, en poste durant 30 ans, se dit publiquement confiant dans l’organisation camerounaise. Est-Il vraiment sincère ?
Le Maroc, possible remplaçant
Ahmad Ahmad est très proche des autorités marocaines et, inversement, il se méfie beaucoup de la corruption endémique et de la désorganisation du football au Cameroun. En privé, il ne manque pas de critiquer la gestion de son prédécesseur. En revanche, Ahmad Ahmad est un ardent avocat de la candidature du Maroc pour l’organisation de la Coupe du monde de football de 2026.
L’organisation de la CAN 2019 au Maroc pourrait être un bon galop d’essai au cas où le Maroc se verrait confier la Coupe du monde de football, hypothèse il est vrai peu réaliste, en raison des retombées financières sans commune mesure par rapport à une organisation nord américaine.
Même sans Coupe du monde, une CAN 2019 au Maroc aurait du sens. Le siège de la CAF a été transféré de l’Égypte vers Marrakech aussi les lobbies pro marocains sont à pied d’oeuvre. Le Maroc entretient de bonnes relations avec le Cameroun et ne veut pas les compromettre en montrant trop sa grande disponibilité. Toutefois, il faut reconnaître que les autorités chérifiennes verraient d’un bon oeil la relocalisation de la CAN 2019 au Maroc. L’organisation de matches sur le terrain de Laâyoune serait, à coup sûr, un événement dépassant largement le football. Le président de la wilaya de Laâyoune et notable Reguibat, Hamdi ould Rachid, serait particulièrement honoré d’une telle opportunité. Membre de la Fédération royale marocaine de football, chargé des relations avec les États africains, Hamdi ould Rachid est, avec son président Fouzi Lekjaa, très attentif à l’évolution du chantier camerounais.