En République démocratique du Congo, la réintégration sociale des enfants soldats démobilisés constitue un véritable défi pour ce pays meurtri par plus de vingt ans de guerre sanglante.
Le 20 mars dernier, Murhabazi Namegabe, directeur du bureau pour le volontariat au service de l’enfance et de la santé (BVES), et la représentante spéciale du président congolais Jospeh Kabila sur les questions des violences sexuelles et du recrutement d’enfants soldats, a demandé au gouvernement congolais de relancer le troisième programme de désarmement, démobilisation, réintégration (DDR) initié en 2014.
Réintegrer les enfants soldats
Depuis un an, cette initiative n’a donné que de timides résulats. Selon les suggestions du BVES, ce troisième plan doit avant tout contribuer à développer la participation des ex combattants à la reconstruction du tissu socio-économique qu’ils ont contribué à détruire. Il s’agit également d’abandonner les anciennes méthodes jugées inefficaces consistant à distribuer simplement de l’argent risquant de servir au réarmement ».
Principales cibles de recrutement, les enfants démobilisés ont été, pour 50% d’entre eux, de nouveau enrôlé dans la province du Nord-Kivu à la fin des années 2000. Enrôlement dû aux rapts organisés par les bandes armées mais aussi par un « engagement volontaire ». Dans le premier cas, les enfants constituent un vivier de main d’oeuvre important parmi la population congolaise. Les enfants représentent en effet près de 45% de la population au Congo. Ces derniers se laissent facilement haper par les groupes armés alors que le pays, meurtri par la guerre depuis plus de 20 ans est miné par un chômage évalué en 2010 à 80%. D’où la nécessité d’accompagner la démobilisation d’une véritable réinsertion sociale.
Un travail de titan que Murhabazi Namegabe, figure emblématique de la lutte pour la protection des enfants qu’il mène depuis vingt ans, a pris à bras le corps en collaboration avec de nombreuses ONG et l’ONU. A l’occasion de la journée mondiale des enfants-soldats en RDC le 12 février 2015, Murhabazi Namegabe a organisé des manifestations en vue d’évaluer des progrès et des défis à relever par toutes les forces en présence (gouvernement, MONUSCO, ONG, médias, chercheurs…). A l’unanimité, tous ont déclaré qu’il y avait eu aucun recrutement d’enfants chez les FARDC (Forces armées RDC) au cours des dernières années. Le gouvernement a ainsi obtenu de l’ONU le retrait de ces forces de sa liste des groupes armés détenant des enfants.
Les jeunes filles représentent par ailleurs une réalité des enfants-soldats passée sous silence. Elles représentent pourtant 40% des enfants soldats. Utilisées comme épouses, esclaves sexuelles, blanchisseuses, cuisinières, leur démobilisation est extrêmement difficile. Souvent rejetées par leur communauté à leur retour, elles sont aussi prisonnières d’un (ou de plusieurs) maris avec qui elles ont souvent des enfants. Chez les autres groupes armés congolais et étrangers, le recrutement d’enfants continue aux Kivus et tout reste à faire malgré les actions déjà engagées.
Procès
Malgré tout, on peut espérer en venir à bout grâce à certains procès organisés par le Cour Pénale Internationale (CPI) selon le responsable de la Commission des droits de l’enfance d’Amnesty International France Pihlippe Brizemur. Le procès de Thomas Lubanga Dyilo en 2009 condamné à 14 ans de prison pour avoir enrôlé et utilisé des enfants de moins de 15 ans dans les conflits armés avait fait grand bruit en RDC. Ce fut également le cas pour Bosco Ntaganda, co-fondateur du M23 (mouvement du 23 mars, ex-groupe rebelles) dont le procès se tiendra le 2 juin prochain. Les menaces formulées par les ONG de dénoncer les chefs-armés à la CPI commencent donc à faire leurs effets. Au sein de la société congolaise, l’image change également : alors que certaines familles poussaient leurs enfants à s’engager pour ramener de l’argent à la maison et relancer le commerce, certaines prennent conscience de la gravité de la situation et de la souffrance physique et psychique infligée à ces enfants devenus grands bien trop tôt.