L’épidémie de coronavirus a représenté une formidables opportunité pour le régime algérien de mettre fin au Hirak et à ses fortes mobilisations dans les rues. Pour combien de temps?
L’épidémie de coronavirus a réussi là où le pouvoir militaire algérien avait échoué depuis le mois de février 2019. Les formidables mobilisations populaires qui ont chassé le régime du président Bouteflika et qui ont forcé les élites politiques algériennes à organiser, à leur façon, des élections présidentielles en décembre dernier, ont du cesser d’elles mêmes pour ne pas prendre le risque de propager le fléau. La société civile, par sa maturité, a été contrainte de se tirer une balle dans le pied.
La classe dirigeante algérienne, sans projet ni légitimité, s’est engouffrée dans cette brèche. On a vu le président nouvellement élu, Abdelmadjid Tebboune, enfiler un masque 3M de marque américaine pour visiter les services hospitaliers, annoncer, au nom d’une pseudo unité nationale, des mesures coupées-collées de l’étranger et masquer son incapacité à affronter la chute du baril de pétrole ou la guerre entre généraux par une communication axée, face à des journalistes dociles, sur les dossiers sanitaires.
Ultime bénéfice de cette gouvernance en trompe l’oeil, le président Tebboune a coopéré largement avec l’armée dans lutte contre la pandémie , en scellant ainsi l’alliance qu’il nouée, dès son élection, avec l’Etat-Major? Ce sont des militaires qui sont venus sur les chaines de télévision expliquer la stratégie adoptée contre le Covid-19.
Le coronavirus, une divine surprise
Comme dans d’autres pays africains autoritaires, la pandémie fut cette divine surprise qui aura permis à un système à bout de souffle de liquider un mouvement de protestation massif qui était, il est vrai, en panne de leadership. Après une vague main tendue aux opposants après le scrutin présidentiel voici cinq mois, on a vu un l’Etat algérien emprisonner les personnalités marquantes du Hirak, réprimer les forces vives; censurer la presse indépendante.
Le tout avec le silence complice des partenaires traditionnels de l’Algérie , notamment la France, qui attendaient l’occasion de restaurer des liens forts avec cette puissance régionale incontournable. Seule une diplomatie algérienne forte peut en effet aider à résoudre les crises libyennes et sahéliennes qui en se prolongeant, renforceraient les groupes armés terroristes et menaceraient les équilibres fondamentaux du Nord de l’Afrique.
Un remède, mais à court terme
Un peu de coronavirus peut permettre au pouvoir algérien de passer un cap difficie. A une double condition: il ne faut à aucun prix que la pandémie s’emballe, ni qu’elle disparaisse trop rapidement.
Dans le premier scénario, où le virus se diffuserait comme en Europe et en Chine, le pouvoir algérien serait renvoyé dans ses buts. Le mécontentement populaire redoublerait en intensité, d’autant que les élites politiques et militaires algériennes n’ont pas changé de logiciel face à la crise sanitaire. A savoir leur capacité à s’approprier, notamment dans les hôpitaux militaires, l’essentiel du matériel en masques et appareils respiratoires venu de l’étranger, notamment de Chine.
Dans la deuxième hypothèse, où la pandémie disparaitrait dans les sables du désert, le président Tebboune serait confronté, là aussi, au mouvement populaire qui renaitrait de ses cendres, comme cela a pu se produire ces jours ci au Liban.
Une hypothèse qui serait favorable au pouvoir algérien serait une épidémie de basse intensité qui puisse neutraliser la rue algérienne sans la pousser à bout.