Un immeuble de deux niveaux s’est effondré, le mardi 4 juin à Abidjan, dans le quartier Palmeraie, sis à Cocody. 17 victimes ont été recensées dont une personne décédée. Le rez-de-chaussée qui abritait une pharmacie a été écrasé sous le poids des étages supérieurs. Depuis 2020, 13 immeubles se sont déjà effondrés à Abidjan et la menace n’a toujours pas été endiguée.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
Une journée affreuse mais pas inédite à Abidjan. Le mardi 4 juin, un immeuble de deux niveaux s’est en effet effondré partiellement dans le quartier de la Palmeraie, tuant une femme, la caissière de la pharmacie logée dans la partie inférieure de l’immeuble, et faisant 17 victimes parmi lesquelles des blessés graves et des hommes et des femmes en état de choc. Pendant des heures, des riverains puis les sapeurs-pompiers se sont battus contre les blocs de béton pour sortir des décombres la vingtaine de victimes dont la caissière de la pharmacie, morte sur le coup.
Or, trois jours après ces événements, aucune réaction n’a été enregistrée de la part des autorités gouvernementales et encore moins de la part du procureur de la République qui aurait dû logiquement ouvrir une enquête sur les circonstances du drame. Surtout que des travaux de construction d’un immeuble mitoyen avait débuté, avec une fondation trop près de l’immeuble qui s’est effondré.
80% d’immeubles sans permis de construire
Depuis 2020, 13 immeubles se sont effondrés. Leur propriétaire n’avait pas de permis de construire comme 80% de nouveaux propriétaires d’immeubles à Abidjan, selon le ministère de la construction et de l’urbanisme. Alors que la loi rend obligatoire la présence d’un architecte et d’un cabinet d’études, la plupart des propriétaires d’immeubles font de l’auto-construction pour éviter des honoraires trop coûteux exigés par les professionnels du métier. Les propriétaires utilisent aussi de mauvais matériaux de construction et ne s’assurent pas d’avoir des ouvriers qualifiés, a par ailleurs dénoncé un ingénieur en bâtiment. A cela, il faut ajouter la corruption des agents administratifs qui ferment les yeux sur toutes ces anomalies qui rendent le danger rédhibitoire.
La demande de logement a explosé en Côte d’Ivoire depuis plusieurs décennies parce que L’Etat s’est totalement désengagé du secteur qui est dorénavant dominé par le privé. Pour sa part, le contrôle de l’administration se limite à une amende ou à une démolition partielle ou totale de l’immeuble incriminé. Le propriétaire d’immeuble peut également s’exposer à des poursuites judiciaires en cas de drame mais dans la plupart des cas, l’Etat est défaillant parce qu’il « n’a pas les moyens pour mettre un agent sur chaque maison, se défend le ministère de la construction. Même sa promesse d’ériger un certificat de mise en conformité obligatoire aux propriétaires d’immeuble pour les raccorder au réseau d’eau potable et d’électricité n’a toujours pas vu le jour.
Ledit document n’est donc pas exigé aux propriétaires d’immeubles qui savent aussi profiter des largesses de l’administration ivoirienne. A titre d’exemple, la propriétaire des deux immeubles qui se sont effondrés en mars 2022 tuant 13 personnes et faisant des dizaines de blessés a fait l’objet d’une procédure judiciaire qui s’est arrêtée dans les bureaux de la police judiciaire. Quant au ministre de la construction qui n’a jamais craint de perdre son poste puisqu’il est marié à la nièce du président Ouattara, il estimait en 2022 que « (…) quand il y a un effondrement, ce n’est pas la faute du ministre mais de celui qui construit son immeuble. Le ministère, dit-il, a une mission de contrôle qui est principalement administrative. Assurez-vous que la personne a un permis de construire et qu’elle doit se faire assister par un architecte quelle que soit la construction dès lors qu’elle est réalisée ».