Zimbabwe, le rôle trouble de Mengistu, l’assassin du Négus Haïla Sélassié

Mengistu Haile Mariam, l’ancien dictateur éthiopien en exil au Zimbabwe depuis 1991, condamné à mort par contumace dans son ancien pays et citoyen zimbabwéen depuis 2002, est très proche des officiers généraux zimbabwéens impliqués dans la chute de la « maison Mugabe ».
L’un des pires dictateurs contemporains, Mengistu Haile Mariam, aura aussi été le conseiller politique et militaire, très écouté, du plus vieux chef de l’Etat de la planète. L’assassin du Négus Haïlé Sélassié, le commanditaire de centaines de milliers de victimes, l’organisateur de terribles purges politiques, le condamné à mort pour génocide, le destructeur méthodique de l’économie éthiopienne, notamment par l’expropriation des paysans, le grand inquisiteur de la « terreur rouge »  Mengistu Haile Mariam a trouvé une seconde vie au Zimbabwe, en professant ses méthodes staliniennes et en menant un train de vie que ne renieraient pas de nombreux chefs de l’Etat.
Discret, mais incontournable
Outre sa proximité avec Robert Mugabe, Mengistu est resté longtemps le principal conseiller du Joint Operations Command (JOC), ayant pour modèle le tristement célèbre DERG que dirigea jadis Mengistu en Éthiopie. Le Joint Operations Command regroupe les seuls chefs de l’Armée, de la Sécurité, de la Police, de l’Aviation et des Renseignements, sous la direction du chef d’état-major de l’armée, le général Constantine Chiwenga et la supervision d’ Emmerson Mnangagwe, ancien vétéran de la guerre de libération et l’homme fort du régime, jusqu’à l’émergence de l’ambition présidentielle de Grace Mugabe.
Le « crocodile » Mnangagwe, de la même espèce que Mengistu, avait tissé sa toile avec ses fonctions ministérielles antérieures à la Justice, à la Sécurité, à la Défense et aux Renseignements, piliers du régime dictatorial de Robert Mugabe. Alors que l’impétueuse et scandaleuse  « Gucci » Grace Mugabe n’avait pas encore dévoilé à son mari ses intentions politiques, Robert Mugabe fit de son compagnon de route, en 2014, le premier vice-président, c’est-à-dire son futur successeur. Mengistu avait applaudi sinon conseillé un tel choix.
La succession de Mugabe en question
Les observateurs politiques zimbabwéens ont remarqué que, depuis début 2016, Mengistu, bien que domicilié dans sa luxueuse ferme de Vumba, proche du Mozambique, était souvent aperçu à Harare, dans le quartier chic de Gunhill, entouré d’une garde quasi présidentielle. Il est vrai qu’il avait échappé à plusieurs tentatives d’enlèvement et d’assassinat.
 Comme l’affirme certaines sources médiatiques du Zimbabwe, Mengistu côtoyait notamment Constantine Chiwenga et surtout Emmerson Mnangagwa. Les trois hommes voyaient poindre, avec inquiétude, l’ambition irrésistible de Grace Mugabe avec le soutien de cadres civils de la Zanu-PF. Selon le media Spotlight Zimbabwe, Mengistu n’aurait cessé de mettre en garde les chefs militaires et Emmerson Mnangagwe des risques pesant sur la succession de Mugabe avec Grace Mugabe à la manoeuvre.
Pour le fin stratège qu’est toujours Mengistu, le vieux lion Mugabe, affaibli par le poids de ses 93 ans et la maladie, nécessitant des hospitalisations de plus en plus fréquentes à Singapour, ne pouvait plus résister aux assauts de Grace Mugabe pour lui succéder. Il fallait donc hâter son départ.
Un vieux projet de mise à l’écart de Mugabe
Dans son édition du 16 mars 2016, le Spotlight Zimbabwe rapportait une réunion organisée par le Joint Operations Command, avec la présence de Mengistu, pour évoquer une transition politique en douceur, sans putsch, afin de préserver le rôle de l’armée et des vétérans de la guerre de libération. Selon le média, sans donner une échéance précise, le général Constantine Chiwenga et Emmerson Mnangagwe entendaient hâter le départ de Robert Mugabe. Ce scénario ne fut pas mis en oeuvre car la santé de Mugabe se détériorait et Emmerson Mnangagwe était toujours le successeur putatif. En revanche, Grace Mugabe pouvait trouver là des arguments pour son projet politique. Avec le brutal limogeage d’Emmerson Mnangagwe, le 6 novembre 2017, et sa fuite au Mozambique, le contexte de la succession de Mugabe changeait totalement. Le Joint Operations Command ne pouvait plus laisser la voie libre à Grace Mugabe et à son clan de civils de la Zanu-PF. Depuis le 14 novembre 2017, dans l’urgence, le processus est donc en cours. Emmerson Mnangagwe va revenir à Harare pour organiser la succession, la patience des militaires pour obtenir la démission de Robert Mugabe aura donc des limites. La Namibie attend Robert et Grace Mugabe.
 Nul doute que Mengistu préfère la prise du pouvoir par son ami le « crocodile » Mnangagwe, adepte des méthodes staliniennes, et le général Chiwenga, interdit de séjour aux États Unis d’Amérique et dans l’Union européenne, à celle de Grace Mugabe qui aurait très bien pu fermer les yeux sur une exfiltration, vers l’Ethiopie, d’un exilé soudainement devenu encombrant.