Centrafrique, quarante morts et le pire à venir

Au moins 40 personnes ont été tuées mardi en Centrafrique dans des affrontements dans la ville de Bria (centre), a-t-on appris de sources humanitaire et sécuritaire.Ces affrontements entre des miliciens prochrétiens anti-balaka et des membres d’un goupe de l’ex-coalition musulmane Séléka- sont survenus au lendemain de la signature à Rome, par 13 groupes rebelles ou milices sur les 14 que compte le pays, d’un accord prévoyant un cessez-le-feu immédiat, sous le parrainage de la communauté catholique Sant’Egidio. Népotisme, clientélisme et affairisme expliquent que la Centrafrique replonge dans les conflits inter ethniques. 

 En février 2016, l’élection du « candidat du peuple et des pauvres »,  Faustin-Archange Touadera, ancien Premier ministre ( 2008-2013) du Président Bozizé, avait créé d’immenses espoirs pour le relèvement du pays. En juin 2017, les espoirs ont laissés place à une totale désillusion. Comme ses prédécesseurs, le président Touadera n’a pu résister au népotisme, au clientèlisme et à l’affairisme de son clan. Il donne l’illusion de présider, mais son territoire se réduit de jour en jour. Les quarante morts victimes des conflits inter ethniques en ce début de semaine montrent à quel point la situation est grave.
Massacres hebdomadaires
Jamais, la République centrafricaine n’a connu une telle crise à la fois humanitaire, sécuritaire et politique. Les ONG humanitaires et les Casques bleus ne sont même plus épargnés, près de 20 % de la population survit misérablement dans des camps de déplacés internes et de réfugiés externes, 70% de la population a besoin d’assistance alimentaire, les massacres quasi hebdomadaires se font en dehors des radars, les deux tiers des seize préfectures ( départements) ne sont plus vraiment contrôlées par Bangui, les services publics sont dévitalisés, beaucoup d’agents publics ne survivent que grâce à leur fonction, les institutions de contrôles financier et administratif ne fonctionnent plus depuis longtemps, la Justice est à l’arrêt sauf pour des affaires mineures tenant lieu d’alibis. L’impunité, pilier de survie du régime, provoque un appel d’air pour les mercenaires venant des pays voisins et constitue un climat propice aux trafiquants multicartes et aux hommes d’affaires véreux qui prospèrent dans cet eldorado minier et forestier.
Cette situation dégradée ne suscite que des condamnations verbales, bientôt à cours d’épithètes, mais pas de véritable pression politique de la part des bailleurs. Les plus hauts responsables de l »ONU, du FMI, de la BAD, de la Banque Mondiale se sont déplacés récemment à Bangui. Ils ont réaffirmé leur soutien fînancier à la Centrafrique, ce qui est heureux et indispensable, mais ils auraient dû aussi être beaucoup plus exigeants vis-à-vis du respect de l’Etat de droit et notamment dans les domaines de la comptabilité publique et de la Justice.
La congolisation de la Centrafrique
Les derniers événements dramatiques de la partie orientale du pays, s’ajoutant aux malheurs des habitants du nord-ouest, traduisent cruellement, à la fois, le faible impact de la Minusca sur la crise, malgré ses 12 000 Casques bleus, et l’incapacité des gouvernants centrafricains à construire un processus politique de réconciliation nationale. Cette situation n’est pas sans rappeler celle de la République Démocratique du Congo (RDC) avec l’ONU présente depuis 1999 et une Monusco qui n’obtient pas de résultats concrets. Là encore, un pouvoir confortablement installé dans la capitale se contente de veiller à annihiler et combattre toute velléité d’opposition.
Les populations des deux rives de l’Oubangui et du Mbomou, faisant office de frontière sur 1577 km,  appartiennent aux mêmes groupes ethniques, ce qui facilite les flux commerciaux et les trafics en tous genres. Cette osmose est facilitée par la disparition progressive des fonctions régaliennes en RDC et RDA. Les provinces congolaises du nord-Ubangui et du bas-Uele sont livrées à elles-mêmes depuis de nombreuses années, tandis que les services publics centrafricains ont aussi quasiment disparu, dans cette partie orientale du pays. Seules quelques villes-enclaves, contrôlées par la Minusca, comme Bambari, échappent au contrôle des bandes armées, qu’elles soient des résurgences de l’ex Seleka ou appartenant à la nébuleuse antibalaka.
La proximité des multiples rébellions congolaises constitue un danger de contamination en RCA et un facteur de risque de pérennisation de la crise centrafricaine. Cette congolisation n’était-elle pas présente dans la nomination subliminale du magistrat militaire congolais, le colonel Toussaint Muntazini-Mukimapa, dans les fonctions de Procureur général de la Cour Pénale Spéciale ?
http://mondafrique.com/role-decisif-moines-de-santegidio-centrafrique/