Une cinquantaine de soldats maliens morts dans une embuscade

Le lundi 15 mars 2021, ils sont trente soldats maliens, selon les sources officielles, et bien d’avantage d’après d’autres témoignages, à être tombés au champ d’honneur lors de l’attaque de Tessit, une ville située dans la région dite des Trois frontières aux confins  entre le Niger, le Burkina et le Mali.

31 selon l’état-major, 33 selon des sources de l’AFP, 40 selon des gradés de l’armée malienne, et plus encore selon les indications qui courent à Bamako: il semble bien que plus de la moitié de la centaine de militaires engagés aurait péri. Il ne serait pas surprenant que le nombre de décès soit plus important que le bilan officiel, c’est une constante dans l’armée malienne de minimiser les pertes et d’augmenter celles de l’ennemi.

Mais si cette journée est à marquer d’une pierre blanche, ce n’est pas à cause du sombre décompte, les Maliens ont vécu d’autres drames aux bilans plus lourds encore, mais en raison de l’âge des soldats tombés au champ d’honneur.

Une jeunesse sacrifiée

Les quelques photos diffusées sur les réseaux sociaux parlent d’elles-mêmes, on y voit de très jeunes adultes presqu’à peine sortis de l’adolescence avec encore des visages d’enfants. Pour beaucoup, soldats ou officiers, c’était leur première mission, leur première épreuve du feu. Ils sortaient tout juste de leur formation et étaient heureux d’avoir reçu leur première solde.

Mais, comme l’armée malienne est en pleine recomposition, les anciens aguerris au combat partant à la retraite se sont ces jeunes recrues qui les remplacent, envoyées au combat sans expérience ni formation adéquates, en prime nombreux sont ceux qui découvraient le nord-est du pays. Dans la grande muette, au chagrin s’ajoute la colère et quelques langues se délient : « on n’a pas le droit d’envoyer ces enfants tout juste sortis de l’école dans les zones aussi dangereuses » et de fustiger « la hiérarchie militaire qui reste dans ses bureaux climatisés au lieu d’aller encadrer les gamins sur le terrain. »

L’armée française, un temps de retard

Ces jeunes soldats qui venaient prendre la relève du poste de sécurité de Tessit, sont tombés dans une embuscade à 25 kilomètres de cette localité qui se trouve dans le champ d’action de l’Etat Islamique dans le Grand Sahara (EIGS) et n’ont pas bénéficié d’un appui aérien. Côté ennemi, ils étaient plus d’une centaine, ils sont arrivés de toutes parts en pick-up et en moto et étaient lourdement armés.

Barkhane et la Minusma sont intervenus sur le site de l’attaque, mais seulement après la bataille pour prendre en charge les blessés. Ce n’est que le lendemain que l’opération française a ratissé la zone et ciblé un groupe armé.

Les attaquants étaient plus d’une centaine, ils sont arrivés de toutes parts en pick-up et en moto et étaient lourdement armés.

A cette heure, l’attaque n’a toujours pas été revendiquée, mais l’EIGS se trouvant dans la région des Trois Frontières, il est plus que probable que cet assaut meurtrier porte sa signature. Et ce n’est pas sans poser quelques questions… Comment l’EIGS que la France disait avoir affaibli peut-il avoir réalisé cette embuscade qui nécessitait de bons renseignements, ils connaissaient le jour et l’heure de la relève et mené cette opération complexe. D’autant que le même jour, dans la même région, côté Niger, près de Tillabéry, le même groupe a tué 58 civils qui revenaient du marché. Sommes-nous en train d’assister à un renforcement de l’Etat islamique ? Si tel était le cas, ce serait une très mauvaise nouvelle pour les populations mais également pour l’armée française.

La veille du sommet de Ndjamena qui s’est tenu le mois dernier, le général Conruyt, déclarait que la décision prise à Pau en 2019 « de concentrer les efforts sur les zones des trois frontières entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger a permis d’affaiblir considérablement les groupes terroristes, et particulièrement l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) qui n’est plus en mesure de mener des opérations de grande ampleur comme à la fin 2019. » Le lendemain, Le président français renchérissait : « Le sursaut décidé à Pau a permis un renversement du rapport de force militaire, mais aussi un ressaisissement moral des armées de la région et la relance de leur dynamique opérationnelle. » 

 

Concernant le moral de l’armée malienne, il est permis d’en douter, d’autant qu’elle est attaquée sur tous les fronts au Nord, au Centre et désormais au Sud. Quant à l’affaiblissement de l’EIGS, la France a-t-elle crié victoire trop tôt ?