Le cheikh Boureima Abdou Daouda a créé la surprise en se présentant à l’élection présidentielle du Niger samedi. C’est une première dans l’histoire politique du pays.
Galvanisé par l’exemple de l’imam Dicko au Mali ou essayant de se frayer un espace dans le futur gouvernement du Niger, on ne sait pas vraiment ce qui a poussé le cheikh à se jeter dans l’arène, suscitant de très nombreux commentaires, pas tous bienveillants.
Samedi, il avait invité « tous les Nigériens épris de liberté, de justice et de paix » à participer à la cérémonie de son investiture à Niamey. Imam de la mosquée du vendredi à l’université Abdou-Moumouni, très actif au Niger et à l’extérieur du pays sous de multiples casquettes, le cheikh a commencé à s’intéresser à la politique à la faveur de la Transition de 2010, qui l’avait nommé au Conseil Consultatif national, l’assemblée consultative de la Transition.
« Ce jour est un jour historique qui sera gravé dans les annales de la politique nigérienne car c’est la première fois qu’un Imam entre dans l’arène de la politique et se présente pour les présidentielles », a-t-il déclaré aux invités de l’Union Démocratique des Socialistes de la Renaissance (UDSR) MARTABA, son parti.
« Cette décision est née de notre volonté d’apporter une contribution dans la résolution des problèmes auxquels fait face notre cher pays le Niger depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui », a-t-il dit.
Plutôt qu’à l’alternance, soucieux sans doute de ne pas fâcher, il a appelé à « l’alternative ». « Il est grand temps que les systèmes et les gouvernants cessent d’aller à contre-courant du peuple, de ses réalités, de ses aspirations, de ses orientations et de ses croyances. »
Empruntant au langage classique de la politique nigérienne, il a promis de s’attaquer, s’il est élu, « aux grands maux qui minent notre pays et freinent son essor sur tous les plans », de la corruption à l’impunité, en passant par l’effondrement du système éducatif, la pauvreté et « la dépravation des mœurs les plus sacrées. »
Se disant disponible à «travailler et collaborer avec tous ceux qui souhaitent le faire avec nous, au niveau national et international, pour le développement de notre pays », il a souhaité rebaptiser le parti en Union des Nigériens Engagés, souhaitant sans doute s’émanciper des concepts du parti au pouvoir, notamment le mot Renaissance, devenu le slogan du régime du Président Mahamadou Issoufou.
Mardi, il a publiquement démissionné du poste de conseiller technique du Premier ministre pour les affaires religieuses qu’il occupait depuis 2010. Il a profité de ce message de remerciement à Dieu et aux autorités nigériennes pour « pardonner à tous ceux qui m’ont insulté et traité de tout à cause du Président de la République. » « Je n’ai jamais été son conseiller et durant tous ses deux mandants je ne l’ai rencontré qu’une seule fois en audience », a-t-il insisté.
Se justifiant auprès des Nigériens qui doutent de son indépendance, il a précisé : « Je n’ai aucun pays ni organisation nationale ou internationale derrière moi ni à mon côté et encore moins devant moi. »
Le curriculum vitae du cheikh mentionne des activités de formateur en déradicalisation religieuse et en lutte contre l’extrémisme violent religieux. Il est aussi membre de la Mission officielle du Hadj depuis dix ans, formateur en Coran et en langue arabe et membre du Conseil d’administration du Centre de recherches sur l’Histoire, l’Art et la Culture islamique, une institution de l’Organisation de la Coopération islamique basée à Istanbul.
Jusqu’ici, si les imams peuvent manifester discrètement des préférences pour tel ou tel leader politique, ils s’efforcent toutefois de rester apolitiques. Les Nigériens sont très politisés et la période actuelle, caractérisée par une polarisation extrême dans le contexte de la succession du Président Mahamadou Issoufou après dix ans de pouvoir, risque de ne pas être très favorable aux ambitions électorales du cheikh Boureima.