Les islamistes d’Ennahdha qui ont fait voter en faveur de Kaïs Saied lors des dernières élections présidentielles chercheraient une alliance parlementaire avec le parti de Nabil Karoui, malheureux adversaire du président élu.
Le mouvement islamiste Ennahdha qui a participé de près ou de loin au pouvoir en Tunisie depuis le printemps arabe de 201, est un grand perdant des derniers scrutins en Tunisie. Lors des élections présidentielles qui viennent d’avoir lieu, Kais Saied, grand vainqueur mais sans parti, a séduit et débauché une grande partie de l’électorat islamiste déçu par la stratégie réformiste d’Ennahdah. La Tunisie des oubliés a envoyé un message sans équivoque aux élites politiques tunisiennes, y compris aux partisans de Rached Ghannouchi
Des rêves envolés
Plus déstabilisant encore, le professeur de droit constitutionnel qu’est le chef de lEtat tunisien est décidé à réinventer la démocratie en imaginant un nouveau statut de l’élu, expression de comités locaux et soumis à un mandat impératif.
Ce deuxième révolution tunisienne provoqué par le ras de marée électoral en faveur de Saied a totalement laissé sans voix le leader d’Ennahdha, Rached Ghannouci. Lequel se rêvait, président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et arbitrant du jeu politique grace à une constitution très largement parlementaire.
Or si lors des législatives, son mouvement est arrivé en tète, Ghannouchi n’est pas du tout assuré, avec un quart seulement des députés derrière lui, de former une majorité parlementaire. Et surtout la cohabitation entre le gouvernement et le Palais de Carthage risque de sérieux dérapages. On le sait désormais, Kais Saied, est un adepte d’une démocratie directe qui le laisserait seul face à la volonté populaire.
Ghannouchi, un tacticien hors pair
Face à cette situation inédite, Rached Ghannouchi fait preuve, une fois de plus, d’une étonnante souplesse tactique. Pour tenter d’imposer un rapport de force qui lui soit favorable face au chef de l’état qu’il a contribué à faire élire, le leader d’Ennahdha tenterait de s’allier avec le parti Qalb Tounes de Nabil Karoui, le concurrent malheureux de Kais Saied aux élections présidentielles. Peu importe que Karoui ait fait des islamistes son adversaire déclaré! Et tant pis si à la tète de sa chaine de télévision, Nesma TV, a livré de nombreux combats contre les positions d’Ennahdha.
Chef du premeir groupe parlementaire et à ce titre désigné par le texte constitutionnel pour proposer un Premier ministre, Rached Ghannouchi tente de trouver pour le poste de Premier ministre un technocrate qui serait compatible avec Nabil Karoui. Nos confrères de « Maghreb confidentiel » citent notamment le nom de Fadhel Abdelkefi, l’ancien ministre des finances de Youssef Chahed qui jouit d’une réputation d’intégrité et de compétence et ami de toujours ans de Karoui. Ce dernier, note Maghreb confidentiel, « pourrait d’ailleurs se laisser convaincre… surtout contre l’assurance de ne pas retourner en prison ».
L’instruction pour blanchiment d’argent, qui a débouché sur son arrestation en août, n’est en effet pas close. Et une deuxième a été ouverte le 11 octobre, cette fois pour complot contre la sécurité de l’Etat qui porte sur le contrat qu’aurait signé un représentant de Karoui avec le lobbyiste canado-israélien Ari Ben-Menashe
Autant de scénarios imaginés par Ghannouchi qui pourraient être mis en échec par la volonté du nouveau président, fort d’une immense légitimité populaire, de ne pas se laisser ravir sa victoire.