Le « parrain » tunisien qu’est Kamel Eltaief parvient à se rendre indispensable aussi bien auprès du président tunisien, Beji Caïd essebsi, que du chef de gouvernement Youssef Chahed, dont il s’est rapproché.
Voici Kamel Eltaief qui, après avoir été l’ami intime de l’ex président Ben Ali, parvient aujourd’hui à s’entendre à la fois avec le président Beji Caïd Essebsi, dit BCE, et avec le chef de gouvernement Youssef Chahed, dont il cherche à se concilier les faveurs ces dernières semaines. Bravo l’artiste! L’homme d’influence est devenu le faiseur de paix incontournable entre les deux tètes de l’exécutif que tout sépare par ailleurs.
Une remarquable capacité à rebondir
Les seules constantes dans le brillant parcours de ce natif du Sahel, la région qui fournit l’essentiel de ses élites au système tunisien, auront été un formidable opportunisme, une détestation constante des islamistes et des liens anciens et confiants avec de nombreux hauts gradés de la police.
Malgré son statut de vice roi durant la dictature de Ben Ali, du moins jusqu’au mariage en 1992 de l’ancien président tunisien avec Leila Trabelsi, qui scelle sa disgrâce, Kamel Eltaïef est parvenu à se refaire une place au soleil avec le printemps tunisien. Dès la nomination de Beji Caïd Essebsi comme chef de gouvernement en mars 2011, cet homme d’affaires roué et sans états d’âme devient un des hommes de l’ombre les plus influents du sérail tunisien. L’ami Eltaïef est vilgaire, sans sdessein ni subtilité, mais efficace. L’auteur de ces lignes verra à l’époque les exemplaires de son livre co signé avec Jean Pierre Tuquoi, « Notre ami Ben Ali », caviardé en Tunisie, sur intervention d’Eltaîef, des passages sur le rôle de ce dernier dans l’avènement du dictateur.
Durant les sept années qu’a duré la transition démocratique tunisienne, Beji et Eltaief ont noué une solide alliance. Aujourd’hui l’ami Kamel, qui reçoit beaucoup dans ses locaux de la banlieue de Tunis, fait et défait les carrières. Il ne néglige aucune journaliste influent et s’assure, via des amis fidèles, la bienveillance de nombreux médias, dont la chaine Nessma. Il place ses lieutenants au palais de Carthage, comme le conseiller spécial de Beji l’ancien homme de gauche Noureddine Ben Ticha, qui lui doit à peuprès tout. Il favorise ses hommes au sein du ministère de l’Intérieur, sa vraie maison de rattachement, en soutenant par exemple notamment l’ancien patron de la Garde Nationale devenu brièvement ministre, l’ambitieux Lotfi Brahem.
Des menaces judiciaires
Seulement voila, l’activisme pro Beji a valu à notre homme, ces derniers mois, l’hostilité du chef de gouvernement, Youssef Chahed. Or ce dernier, qui tente de se forger une réputation de chevalier blanc, n’aime rien tant que d’accrocher ses adversaires sur le plan judiciaire. Quand Kamel Eltaïef apprend qu’il est menacé de la vindicte de Chahed, il va réagir, et vite.
Quand le chef du gouvernement crée, cet hiver, son propre parti, le congrès fondateur a lieu à Monastir, la ville natale de Bourguiba qui est aussi le fief d’Eltaïef. Youssef Chahed bénéficie sur place de l’aide de tous les réseaux de l’homme de l’ombre.
Deuxième acte, Kamel Eltaief bat discrètement le rappel de ses troupes au sein du parti au pouvoir, Nida Tounes,. Il s’agit, dans son esprit, de rallier une vingtaine de députés qui viennent grossir les rangs du mouvement naissant du chef de gouvernement. La dot est appréciée et Chahed séduit.
Du coup, le retour sur investissement ne se fait pas attendre. Le nouveau directeur de la Sécurité publique du ministère de l’Intérieur, nommé ces jours ci, n’est autre que Khalifa Haroun, un proche d’Eltaief. En revanche le nouveau patron de la Garde Nationale, Mohamed Ali Ben Khaled, sera un protégé de Chahed. Du donnant donnant.
Autant de petits arrangements qui tiennent lieu de projet pour la Tunisie. Jusqu’à quand?
Un combat de chiens …