La Areen Al-Usud (« la Fosse aux Lions ») est un rassemblement de jeunes Palestiniens de Naplouse qui tire sur les Israéliens civils et militaires et fait un tabac sur les réseaux sociaux. Pour empêcher le Hamas de les infiltrer, l’Autorité Palestinienne et Tsahal se sont entendus pour les décapiter.
Un article de la rédaction de Mondafrique
Début 2022, les services de sécurité israéliens ont monté une opération punitive contre une cellule palestinienne accusée de multiplier les tirs sur des soldats et des véhicules de l’armée israélienne. Le 8 février, des troupes antiterroristes ont fait irruption dans le centre de Naplouse et ont éliminé Ashraf al-Mubaslat, Adham Mabrukeh et Mohammed al-Dakheel, trois hommes appartenant à un groupe appelé les Bataillons de Naplouse. Le chef de la cellule, Ibrahim al-Nabulsi, fut tué six mois plus tard, en août 2022.
Un mois après la mort d’al-Nabulsi, un Israélien qui roulait près du village palestinien de Hawara, en Cisjordanie, a été abattu et son assassinat a été revendiqué par un groupe appelé « La Fosse aux Lions » (Lion’s Den). Ce groupe, totalement inconnu des autorités israéliennes, a ensuite revendiqué de nombreuses attaques par balles dans la région de Naplouse.
L’objectif des Lions était d’affronter les soldats de Tsahal lorsqu’ils pénètrent en ville
Qui sont les « Lion’s Den » ? Après recoupements, les responsables israéliens de la sécurité ont affirmé qu’il s’agissait d’un groupe informel de jeunes Palestiniens désœuvrés, pas particulièrement islamisés, âgés de 18 à 24 ans, qui ont grandi dans la vieille ville de Naplouse ou le camp de réfugiés de Balata. L’objectif des Lions était d’affronter les soldats de Tsahal lorsqu’ils pénètrent en ville ou lorsqu’ils assurent la sécurité des juifs orthodoxes qui viennent prier sur le tombeau de Joseph à la périphérie de la ville.
Point important : il est apparu que bon nombre des membres de la « Fosse aux Lion » sont proches du Fatah, le mouvement dominant de l’Autorité palestinienne, et certains seraient même apparentés à des membres des forces de sécurité de l’Autorité palestinienne. Certains experts ont également émis l’hypothèse que les Lions étaient partie prenante des luttes de pouvoir internes à l’Autorité Palestinienne en vue de la succession de Mahmoud Abbas, âgé aujourd’hui de plus de 80 ans. Mais d’autres Lions semblent être proches du Hamas, du Jihad islamique et du Front populaire de libération de la Palestine.
Les autorités israéliennes ont fait pression sur l’Autorité palestinienne pour qu’elle mette fin aux agissements des Lions. Mais comment réprimer des jeunes apparentés aux caciques du Fatah ? Comment réprimer sans nuire à sa propre légitimité à Naplouse ?
Le problème est devenu plus aigu encore quand il est apparu que le mouvement islamiste Hamas, avait multiplié les contacts avec les Lions. Durement frappé par les coups conjugués des forces armées israéliennes et palestiniennes en Cisjordanie, le Hamas avait semble-t-il décidé d’agir par procuration. Ils avaient donc pris contact avec un leader des Lions et avaient commencé de le payer.
Les Lions jouissaient également d’une renommée croissante à Naplous en raison des vidéos qu’ils postaient sur TikTok.
Chaque vidéo postée par les Lions sur TikTok donnait également lieu à une rémunération du Hamas. Pour ces jeunes mi-chômeurs, mi-délinquants, les financements du Hamas faisaient office de salaire et les vidéos sur Tik Tok leur taillaient une place de choix dans le cœur des jeunes Palestiniennes. C’est à ce moment de jonction entre les Lions et le Hamas que le Fatah s’est décidé à sévir. Le 19 septembre, les forces de sécurité de l’AP ont localisé et arrêté Mohamed Shtayeh à Naplouse, soupçonné d’être le leader des Lions. A la suite de cette arrestation, des affrontements qui ont duré une journée ont éclaté à Naplouse entre les forces de sécurité palestiniennes et les Lions.
Malgré les protestations, l’AP a réussi à rétablir le calme et a gardé Mohamed Shtayeh en détention. Selon le journal Haaretz, Mahmoud Abbas a clairement fait savoir, début octobre, aux forces de sécurité palestiniennes qu’il n’était pas question de tolérer des groupes armés autonomes en Cisjordanie. Habilement, l’Autorité Palestiienne a entrepris d’intégrer certains Lions dans les forces de sécurité palestiniennes… après une peine de prison légère pour sédition.
De son côté, Tsahal s’est abstenu (sauf détection d’activités terroristes exceptionnelles) d’entrer à Naplouse. Il s’agissait d’accréditer l’idée que l’Autorité palestinienne réprimait les Lions de son propre chef et ne cédait pas à des injonctions de Tsahal.
Par ailleurs, les milieux d’affaires palestiniens de Naplouse et Ramallah ont soutenu l’action de l’Autorité Palestinienne contre ces Lions « qui nuisent aux affaires » a expliqué un commerçant palestinien au Yediot Aharonot.
Si les Lions cessent de courir les pavés de Naplouse, il n’est pas exclu que d’autres prennent le relais. Le chômage est important en Cisjordanie.e