Tout peut arriver au Congo-Brazzaville

Alors que Sassou Nguesso a organisé envers et contre tous son référendum le dimanche 25 octobre, l’opposition prévoit de reprendre ses manifestations dès ce week-end. Nul ne peut dire de quoi demain sera fait dans le pays

ob_5b7487_sassoufit-2Le projet de texte, qui a été rendu public seulement lundi 12 octobre, suscite des vives polémiques et divise la société congolaise. Pour les partisans du « Oui », il s’agit de moderniser la loi fondamentale et l’adapter aux aspirations  des Congolais, pendant que les partisans du « Non » n’y voient qu’un coup d’Etat constitutionnel dont l’objectif réel est de permettre au président Denis Sassou Nguesso d’être à nouveau candidat à la présidentielle de 2016 alors que les dispositions actuelles l’en empêchent.

Les débats sur la pertinence ou pas de certains articles du nouveau texte, qui devraient avoir lieu dans les médias, se sont déportés plutôt dans les rues à coup de marche-meeting dans la capitale et dans plusieurs villes du pays, parfois dans des courses-poursuites entre manifestants et forces de sécurité.

Sassou, 32 ans à la tête du Congo

La cause de cette crispation qui risque de faire basculer le pays dans la violence ? La suppression du nombre de mandats présidentiels et la limite d’âge pour être candidat à la magistrature suprême. Selon l’article 57 de la constitution de 2002, « le président de la république est élu pour sept ans au suffrage universel direct. Il est rééligible une fois ». Quant à l’alinéa 5 de l’art 58, il précise  que nul ne peut être candidat aux fonctions de président « s’il n’est âgé de 40 ans au moins et 70 ans au plus à la date du dépôt de sa candidature ». Or, le président Denis Sassou Nguesso termine son deuxième et dernier mandat de 7 ans en 2016 et aura 73 ans à cette date. Dans un livre d’entretien, « Parler vrai pour l’Afrique » publié en 2009 peu avant l’annonce de sa candidature, il avait pourtant répondu très clairement à la question de savoir s’il envisageait de modifier la constitution : « A 66, 67 ans, je commence à envisager la sortie parce que notre constitution stipule qu’à plus de 70 ans, on ne peut pas être candidat à la présidentielle », explique t-il.

Cela veut-il dire que si vous êtes réélu en juillet 2009, ce sera votre dernier mandat ?, demande le journaliste. « En tout cas, la constitution précise que le président ne peut effectuer plus de deux mandats », répond Denis Sassou Nguesso.

Celui qui totalise 32 ans à la tête du Congo a manifestement changé d’avis. Exit la limite d’âge et le nombre de mandats présidentiels. L’article 66 de l’avant-projet constitutionnel stipule tout simplement que nul ne peut être candidat à la présidence s’il « n’est âgé de 30 ans révolus à la date du dépôt de sa candidature ».

Protection contre extradition

L’avant-projet constitutionnel comporte d’autres innovations non moins importantes mais qui passent inaperçues. L’article 10 par exemple stipule que « sauf en cas de perte ou de déchéance de la nationalité, aucun citoyen congolais ne peut être ni extradé, ni livré à une puissance ou organisation étrangère, pour quelque motif que ce soit. L’Etat a le devoir de porter assistance à tout citoyen congolais poursuivi devant une juridiction étrangère ou internationale ».

Selon un avocat congolais consulté par Mondafrique.fr, cette disposition vise à protéger le président contre une éventuelle extradition vers la Cour pénale internationale pour des crimes qu’il aurait commis. L’article 96 est également prévu pour garantir une sorte d’impunité au président à la fin des ses fonctions. Pire, il criminalise l’action judiciaire qui pourrait être lancée au plan national contre un ancien président. « Aucune poursuite pour des faits qualifiés crime ou délit ou pour manquement grave à ses devoirs commis à l’occasion de l’exercice de sa fonction ne peut plus être exercée contre le Président de la République après la cessation de ses fonctions. La violation des dispositions ci-dessus constitue le crime de forfaiture ou de haute trahison conformément à la loi ». Autrement dit, le président ne peut être poursuivi ni pendant, ni après ses fonctions !